Alors que le burlesque muet jouait entièrement avec le corps, l’ère du parlant rappela l’absurdité d’une époque où les mots et les maux de notre société généraient la dislocation des corps, dans un débordement ou un essoufflement verbal symbolique d’une rupture politique et sociale. Miroir de notre société, le rire vise au fil du temps la reconstruction du corps social à travers une amélioration de la communication et de l’échange. Sur scène, le rire, partagé entre l’artiste et le public, est dynamique. Il propose une autocritique, une réflexion sur soi à travers l’autre, du corps de l’un face au corps de l’autre. L’altérité se confronte aux stéréotypes et questionne les déséquilibres de notre société. Le langage retrouvé et ramené à une dimension équilibrée entre le haut et le bas permet aussi de renouer avec le jeu corporel hérité de la farce et du comique moliéresque.
Loin, très loin du sketch raciste qui a fait la notoriété de Michel Leeb, les humoristes d’origine africaine, tels que Sami Ameziane, Stéphane Bak, Fabrice Éboué, Phil Darwin, Mamane, Claudia Tagbo, proposent avec subtilité et intelligence de déjouer les clichés discriminants de notre société. Sans pour autant retourner la violence de certaines représentations infériorisantes, les humoristes créent avec finesse des spectacles toujours plus plébiscités. Influencé(e)s par le stand-up nord-américain, où tout se joue avec le corps et avec la voix, ces artistes engagés proposent une réflexion personnelle sur les formes du pouvoir politique ou interpersonnel, et leurs conséquences…