L’année dernière (août 1822), le soldat qui était en faction dans l’intérieur du théâtre de Baltimore, voyant Othello qui, au cinquième acte de la tragédie de ce nom, allait tuer Desdemona, s’écria : “Il ne sera jamais dit qu’en ma présence un maudit nègre aura tué une femme blanche.” Au même moment le soldat tire son coup de fusil, et casse un bras à l’acteur qui faisait Othello.
Le jeu du Noir est une invention, on pourrait presque dire un mythe, qui est née au cœur des rapports de domination entre maîtres et esclaves, entre colons et colonisés. Très tôt sur les plantations d’Amérique, l’homme noir, en dépit des conditions de vie éprouvantes qui étaient les siennes était convié à danser et à jouer des spectacles musicaux. Ces assemblées étaient hautement surveillées par les maîtres, les Noirs s’amusaient pourtant à y jouer de drôles de comédies parodiques dont les maîtres ne percevaient pas la dérision.
Dans le regard du Blanc s’est fixé l’archétype de l’esclave nonchalant et drôle voulant imiter les maîtres dans leurs tenues vestimentaires, dans leur langage, leur geste aussi et jouant une comédie désopilante, tant il était maladroit et loin de son modèle. La dérision et la satire des saynètes à l’égard des maîtres qu’interprétaient les nègres échappaient totalement aux regards des Blancs.
Naissent alors, dès la fin du XVIIIe, les Blackface minstrel, espèce de clowns noirs joués par des Blancs dont certains seront très célèbres, tel Jim Crown au début du XI…