Le grand absent cette année des sélections cannoises était l’Afrique noire, confirmant la crise déjà constatée au Fespaco. Mais l’Afrique du Nord était là, en masse, fière de ses révolutions. Outre une sélection alliant tous les aspects de la nouveauté cinématographique mondiale, Cannes a plus que jamais su être en phase avec ce qui agite notre planète.
Un contraste s’imposait dans le monde du cinéma entre la joie partagée des Tunisiens et Egyptiens et la dure réalité iranienne en écho aux autres pays arabes où la démocratisation bloque sur la répression exercée par les pouvoirs en place. Comme il l’avait fait en 2010 en invitant Jafar Panahi comme membre du jury officiel, sachant parfaitement qu’il ne pourrait venir et lui ménageant quand même une chaise vide, le festival a mis l’accent sur la répression que subissent les artistes et intellectuels en Iran. De Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb, le festival a diffusé hors compétition Ceci n’est pas un film. Condamné en décembre 2010 à six ans de prison et à 20 ans d’interdiction d’exercer son métier, le réalisateur est cloîtré chez lui en attendant son procès en appel. Pathétique mais ne manquant jamais d’humour et de recul, il joue le scénario de son projet de film déjà censuré sur le tapis en délimitant l’espace avec du ruban adhésif : une jeune femme voudrait faire des études d’art, mais pour l’en empêcher, ses parents l’enferment dans une petite pièce. Le cinéma plus fort que la peur : il finit par reprendre la caméra pour interviewer un étudiant qui collecte les ordures à chaque étage, mais qui lui signifiera bien qu’il devrait finalement ne pas sortir dans des rues chamboulées par la fête du feu que les Iraniens célèbrent illégalement avec force pétards et feux d’artifice, images d’une révolution à venir…