Après les cinéastes les plus connus au monde, l’aîné des anciens a été sollicité par le festival de Cannes pour donner la traditionnelle leçon de cinéma, événement du festival. Devant la salle Buñuel au Palais du festival, pleine et attentive, le doyen a parlé durant une heure et demie de sa démarche de cinéma en répondant aux questions de Jean-Pierre Garcia, directeur du festival d’Amiens, qui commença par présenter Sembène comme « le défricheur et le témoin »D’où est venue votre passion pour le cinéma ?
J’ai vu mes premiers films à Ziguinchor. Les jeunes voyaient les films à l’envers, de l’autre côté de l’écran : le poulailler ! J’ai toujours été fasciné par l’image. Dès 5 ou 6 ans, les grands-mères nous racontaient des histoires. J’étais fasciné par tel ou tel conteur et par leur parole, l’image se construisait dans ma tête. Littérature et cinéma m’ont toujours préoccupé à importance égale. Le village, c’était de grands moments d’initiation. Il y avait la case de l’homme, pour la circoncision. On y passait une retraite de trois mois, dans la tradition mandingue. On nous enseignait la généalogie, l’histoire, les légendes. Rien à voir avec l’école coranique où l’on doit mémoriser les versets du Coran sans en connaître la signification.
Je ne peux rien dire de ma vie qui soit prémédité : j’ai vogué comme ça. Je voulais, après mon séjour à Marseille, connaître le Continent : j’en ai fait le tour, pour apprendre. Dix jours sur le fleuve Congo par exemple, à l’époque de Lumumba…