Une rue inaugurée en 2002 dans le centre de Paris par Bertrand Delanoë, deux concerts en moyenne chaque semaine en France, des centaines d’articles de presse et d’émissions de radio et de télévision depuis 1999, un public aux États-Unis, au Japon, en Russie et en Chine : le « chevalier » de Saint-George, jeté aux oubliettes après le rétablissement de l’esclavage, retrouve peu à peu sa place parmi les grands compositeurs du XVIIIe siècle. Quel est donc ce personnage qui fut un des premiers grands artistes à mettre son talent au service des idéaux de liberté et d’égalité et qui s’impose aujourd’hui comme l’une des personnalités les plus romanesques du siècle des Lumières ?
Saint-George est né le jour de Noël 1739 des amours d’un grand Blanc et, selon les mémoires de son ami Henry Angelo, de la plus belle esclave de la Guadeloupe. Son père, Guillaume-Pierre Tavernier de Boullongne, est le lointain descendant des comtes de Boulogne qui, sous les croisades, ont donné un roi de Jérusalem. Au fil des siècles, les revers de fortune ont contraint la famille à émigrer vers le Beauvaisis où elle vécut chichement. Guillaume-Pierre et son frère s’enrôlent alors comme « munitionnaires » (fournisseurs) dans la milice du maréchal de Saxe qui sauvera le royaume à la bataille de Fontenoy. Ils accumulent très vite un copieux magot. L’aîné, Philippe Guillaume, l’investit en achetant la charge de fermier général du Poitou. Le cadet, lui, prend la direction du pays de l’or noir. Ce pays où quiconque n’est pas étouffé par les scrupules peut faire rapidement fortune…