“Je suis né dans un contexte où il était peu concevable qu’un écrivain ne soit pas militant” déclarait Mongo Beti dans nos colonnes. Il n’est pas neutre de le convoquer pour introduire ce dossier, lui qui n’a jamais désarmé dans sa dénonciation de ce fléau et en appelait à “la résistance civique non-violente”. Chaque année depuis sa mort, la lutte est âpre entre le Cameroun et son voisin le Nigeria pour la première place au palmarès des pays les plus corrompus établi par Transparency International !
Dans ce contexte singulier, on ne s’étonnera pas du ton exceptionnellement critique de ce dossier, le soixantième de notre revue !
Dans un pays où même l’eau potable, pourtant si abondante, manque à la majorité de la population, l’accès à la culture apparaît à la plupart comme un luxe inouï.
L’État a depuis longtemps démissionné dans ce domaine. Seuls 0,15 % de son budget sont attribués à un ministère de la Culture devenu le Palais de la Belle au bois dormant. En six ans, son prestigieux titulaire, l’écrivain Ferdinand Léopold Oyono, n’y a pas réveillé grand monde, ce que n’annonçait pourtant pas la subversion de ses écrits (Une vie de boy, Le vieux nègre et la médaille).
Refusant d’appartenir à une intelligentsia clientélisée et stérile, les vrais créateurs n’ont guère d’autre choix que l’exil. L’absence d’infrastructures élémentaires (notamment de vraies salles de spectacle) rend même précaire l’organisation des quelques rares festivals où se concentre la vie culturelle…