L’histoire de la France et des Etats-Unis est intimement liée à celle d’Haïti. Une histoire faite d’occupations, d’embargos, d’échanges et de conflits, passée sous silence dans l’historiographie officielle.
Ayiti Toma, l’étonnante Haïti, Haïti chérie. Comment célébrer son bicentenaire ? Ma perspective de réflexion est celle d’une autre île, Manhattan, la ville-île de New York où, en décembre 1914, les marines américains sont revenus avec tout l’or de la Banque nationale d’Haïti. À l’époque, Haïti n’avait pas vraiment fini de payer sa “dette” écrasante envers la France, ces millions de francs-or négociés avec Charles X en 1825 pour que la France “reconnaisse” l’indépendance d’Haïti, en fait pour rembourser le “capital” perdu des planteurs. Quel tragique western symbolisé par ce butin du hold-up des marines ; l’occupation américaine (1915-1934) débute peu après, sous prétexte de rétablir l’ordre sur l’île et de protéger la propriété. Penser à ces transferts historiques du capital haïtien me fait revisiter les mythes qui entourent les noms de ceux que l’on appelle dans les écoles états-uniennes les Founding Fathers, les pères fondateurs.
Quand le jeune Thomas Jefferson rédige la Déclaration de l’indépendance des Etats-Unis en 1776, il change la formule lockienne pour que “propriété” devienne “bonheur”. La devise américaine proclame ainsi le droit “à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur” (“Life, Liberty and the Pursuit of Happiness”). Ce droit essentiel était réservé à ces hommes “blancs” réunis à Philadelphie, dont des esclavagistes comme Jefferson…