Etouffant gynécée où les femmes sont recluses à l’abri de tous les désirs, la pièce de Federico Garcia Lorca dit l’enferment et la frustration. Toutes les filles de Bernarda Alba ne se soumettent cependant pas à l’interdit ; elles nourrissent des rêves et des désirs irrépressibles – et le désir muselé, enfoui, conduit inexorablement à la mort.
Odile Pédro Léal réalise un travail remarquable de sensibilité, où le confinement loin des pouvoirs mâles passe par une relation aux linges et aux étoffes, draps, rubans et dentelles, à ces jupons qui protègent les filles, en même temps qu’ils les engoncent et les musèlent. Ces jupons qui construisent leur confort sont aussi leur bâillon. La maison semble à l’image des dessous des jupes de Bernarda, cette mère qui protège ses filles et les étouffe. Le décor n’est que tentures de coton, hamacs, indolence, abandon ouaté, tension où s’exacerbent chaque nuit les désirs inavouables. Toute la scénographie joue sur les robes et les corsets qui coupent le souffle des jeunes femmes pour mieux éteindre le désir. Puis peu à peu les corps se libèrent, s’émancipent et rejettent corsets et ceintures pour des voilages et des dentelles aériennes et transparentes.
Mais les corps ce sont aussi les âges et les peaux. Odile Pédro Léal a réuni une palette d’actrices de plusieurs générations, de Jenny Alpha qui joue la grand-mère à la toute jeune Laetitia Guédon dans le rôle sensuel d’Adéla, ou la ravissante Stana Lecalme dans Amélia, en passant par des comédiennes plus mûres, comme Micheline Dieye, magnifique dans le rôle de Martirio ou Lima Fabien pleine de retenue dans celui d’Angustias, ou encore Anne Massoteau qui joue les pétillantes servantes, et même Jean-Marc Lucret, le garçon, extrêmement touchant dans le rôle de Magdalena…