Notes
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[1]
Je tiens à remercier, par ordre alphabétique, Ayrton Aubry, Axelle Djama, Nicolas Donner, Sonia Le Gouriellec et les personnes ayant évalué cet article de manière anonyme pour leurs commentaires précis et constructifs.
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[2]
Notons qu’à l’exception du Tchad, l’opération Barkhane a été déployée sur des territoires nationaux où la France avait maintenu une présence militaire relativement légère (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger) comparativement à la situation de pays plus étroitement impliqués dans les réseaux de la « Françafrique » (Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal). Par souci de clarté, la notion de « présence », utilisée tout au long de cet article, comprend les unités déployées dans le cadre opérations extérieures, les coopérants militaires en poste au sein des ambassades qui sont insérés dans les forces armées africaines, les pôles opérationnels de coopération (Gabon, Sénégal) et les bases opérationnelles avancées (Côte d’Ivoire, Djibouti).
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[3]
À travers la réduction des effectifs et l’incorporation de l’intervention européenne « Takuba ».
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[4]
Assemblée nationale, « Rapport d’information de la Commission de la défense nationale et des forces armées sur l’opération Barkhane », 14 avril 2021, p. 58.
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[5]
Cour des comptes (2021), « Les actions civiles et militaires de la France dans les pays du G5 Sahel et leur relation avec l’aide publique au développement », référé S2021-0105 du premier président à M. Jean Castex, p. 2.
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[6]
Cour des comptes (2016), « Les opérations extérieures de la France, 2012-2015 », communication à la commission des finances du Sénat, p. 30.
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[7]
G. Poncet (2021), « Sahel : la moitié des Français opposés à la présence française », Le Point, 11 janvier.
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[8]
Observation du « procès du peuple contre la Françafrique » organisé à la place Amadou-Boubacar de l’université Abdou-Moumouni par l’Union des étudiants nigériens de l’université de Niamey (UENUN) et l’organisation Urgences panafricanistes, le 23 février 2019.
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[9]
F. Clemenceau (2021), « Immigration, terrorisme, colonisation… Les confidences de Macron en Afrique », Le Journal du dimanche, 29 mai.
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[10]
Le ministère français des Armées a annoncé la relance des opérations conjointes avec les forces armées maliennes dès le début du mois de juillet 2021. Les autorités en place au Mali avaient réaffirmé en amont leur adhésion au calendrier de la transition, et en particulier leur intention d’organisation des élections au début de l’année 2022.
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[11]
Discours du président Nicolas Sarkozy au Cap, le 28 février 2008.
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[12]
Entre le début des années 1960 et la fin des années 1990, ce ministère symbolisait les liens étroits tissés entre la France et ses anciennes colonies. Voir Meimon (2007).
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[13]
Entretien à Paris le 15 février 2018.
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[14]
Entretien à Paris le 19 janvier 2018.
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[15]
SHD, état-major de l’Armée de terre, GR6 H 60 Afrique équatoriale française, Gabon, lettre de Pierre Messmer au Premier ministre, 29 mars 1961.
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[16]
Archives diplomatiques, La Courneuve, Direction africaine et Malgache, Djibouti, 1973-1977, Questions militaires armées armement, 49QONT/11, note du 23 décembre 1976 pour le ministre de la Défense. Les mots en italiques sont ajoutés.
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[17]
Archives diplomatiques, La Courneuve, Direction des affaires africaines et malgaches, Djibouti 49QONT/11, Questions militaires, Note n° 4 DAM/2 du 31 mai 1977 sur l’accord de coopération militaire avec Djibouti.
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[18]
Archives diplomatiques, La Courneuve, Direction des affaires africaines et malgaches, Djibouti 49QONT/11, Questions militaires, Questions au gouvernement, Assemblée nationale, 1re séance du 13 octobre 1976, le député Michel Debré pose une question à Olivier Stirn, secrétaire d’État aux DOM-TOM sur l’avenir du Territoire des Afars et des Issas.
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[19]
SHD, Note 553/3/TS adressée à M. le général de corps d’armée, chef d’état-major des forces terrestres stationnées outre-mer, 3 septembre 1962, p. 2.
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[20]
La notion de forces « pré-positionnées » recouvre deux nuances. Une première distinction existe entre les « forces de présence » basées sur des territoires étrangers, et les « forces de souveraineté » implantées au sein de départements et de territoires français d’outre-mer (Réunion, Mayotte). Une seconde distinction existe entre les « forces de présence » constituant des bases opérationnelles avancées (Côte d’Ivoire, Djibouti) et celles constituant des pôles opérationnels de coopération (Gabon, Sénégal). Voir Ministère des Armées, « Les forces françaises pré-positionnés », dossier de presse, 18 décembre 2019.
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[21]
Entretien à Paris le 2 octobre 2017.
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[22]
SHD, note 2486/EMTOM/EG/TS adressée à M. le général de corps d’armée DIO, chef d’état-major des forces terrestres stationnées outre-mer, 6 juillet 1962. Les mots en italiques sont ajoutés.
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[23]
Réputé au sein de l’appareil militaire français pour ses expériences en Afrique (Algérie, Côte d’Ivoire, Libye, Mauritanie, Togo, Tunisie, Zaïre), le général Lacaze est nommé chef d’état-major des armées par le président François Mitterrand en 1981, avant de se rapprocher de plusieurs chefs d’États africains en tant que conseiller.
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[24]
Assemblée nationale, « Rapport d’information n° 3394 de la commission de la défense nationale et des forces armées sur la réforme de la coopération militaire », présenté par Bernard Cazeneuve, 20 novembre 2001, p. 21.
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[25]
Ministère de la Défense, Centre interarmées de concepts de doctrine et d’expérimentations, doctrine interarmées DIA-3.4.7(B)_RECAMP n° 179/DEF/CICDE/NP du 22 septembre 2011.
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[26]
Entretien à Paris le 14 février 2018.
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[27]
Entretien à Paris le 2 octobre 2017.
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[28]
Entretien à Niamey le 14 février 2019.
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[29]
Entretien en visioconférence, le 26 janvier 2018.
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[30]
Le « tuilage » est une pratique qui désigne le fait, pour les coopérants militaires, d’accueillir en personne leurs successeurs et de leur transmettre les consignes afin de faciliter la prise de poste.
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[31]
Entretien à l’état-major des forces armées du Niger, Niamey, février 2019.
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[32]
Entretien à Paris le 19 janvier 2018.
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[33]
Sénat, « Rapport d’information n° 450 de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la gestion des crises en Afrique subsaharienne », présenté par MM. André Dulait, Robert Hue, Yves Pozzo di Borgo, Didier Boulaud, 3 juillet 2006, p. 10.
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[34]
Discours du président Nicolas Sarkozy à Nice, le 31 mai 2010.
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[35]
Entretien à Paris le 30 juin 2017.
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[36]
Les troupes de Marine sont issues des troupes coloniales, ayant elles-mêmes une filiation avec les Compagnies ordinaires de la mer instituées par Richelieu au xviie siècle.
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[37]
Entretien à l’état-major des armées, le 14 février 2018.
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[38]
Pour une analyse poussée de cette dimension, le lecteur pourra consulter la thèse de doctorat en musicologie d’Adeline Poussin intitulée « Le chant militaire et sa pratique actuelle dans les troupes de marine », soutenue en 2014 à l’université Nice Sophia Antipolis.
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[39]
Procès-verbal de la 37e assemblée générale de l’Association des amis du musée des troupes de Marine, tenue le 27 janvier 2018, p. 12.
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[40]
Entretien le 8 mars 2018.
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[41]
En 2018, la transformation de l’École militaire de spécialisation de l’outre-mer et de l’étranger (EMSOME) en un état-major spécialisé (de plus en plus réduit à une fonction logistique) marquait le déclassement de cette composante très singulière des armées françaises.
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[42]
Entretien le 8 mars 2018.
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[43]
Le titre de la partie est un clin d’œil aux travaux de Samuel B.H. Faure sur les dilemmes de la politique d’armement de la France. Voir S.B.H. Faure (2020), Avec ou sans l’Europe. Le dilemme de la politique française d’armement, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles.
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[44]
Discours du président Nicolas Sarkozy au Cap, le 28 février 2008.
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[45]
Cette stratégie, soutenue par la France, s’articule autour de quatre axes. Le premier affirme que la sécurité et le développement ne peuvent être traités séparément (approche multidimensionnelle). Le deuxième axe insiste sur la nécessité d’une coopération régionale entre les États sahéliens (approche régionale). Le troisième axe identifie le besoin d’un renforcement des capacités des administrations régaliennes (dimension programmatique). Le quatrième axe affirme que l’Union européenne a un rôle important à jouer sur ces enjeux au Sahel (dimension argumentative).
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[46]
Position commune du 25 mai 1998 définie par le Conseil sur la base de l’article J.2 du traité sur l’Union européenne, sur les droits de l’homme, les principes démocratiques, l’État de droit et la bonne gestion des affaires publiques en Afrique.
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[47]
Conseil de l’Union européenne, « Le partenariat stratégique Afrique-UE », 16344/07, Lisbonne, 9 décembre 2007.
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[48]
Secrétariat du Conseil de l’Union européenne, « Euro Recamp – Amani Africa (2008-2010) », juillet 2009.
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[49]
Entretien au secrétariat général de défense et de sécurité nationale, le 8 mars 2018.
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[50]
Entretien à Paris, le 8 mars 2018.
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[51]
Entretien à l’ambassade de France au Niger, Niamey, 31 janvier 2019.
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[52]
Le mandat se concentre sur la formation des forces spéciales maliennes et permet de les suivre aux combats.
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[53]
Rapport d’information n° 104 de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la présence française dans une Afrique convoitée, présenté par MM. Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, 29 octobre 2013, p. 474.
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[54]
Entretien à Paris, le 14 février 2018.
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[55]
Le chef de l’État français déclarait : « [Le] nouveau cadre préservera nos engagements auprès de nos partenaires engagés à nos côtés dans la force Takuba et dans l’opération EUTM qui devront poursuivre leur montée en puissance. EUTM sera un des éléments de la formation de toutes les armées partenaires et Takuba sera le pilier de cette force de lutte contre le terrorisme. Les armées françaises en seront évidemment la colonne vertébrale, mais elles seront complétées par les forces spéciales des armées de la région partenaires qui le souhaiteront et le pourront, et évidemment par les forces spéciales de nos partenaires européens. » Extrait de la conférence de presse du président Emmanuel Macron en amont des sommets du G7 et de l’OTAN, 10 juin 2021.
1Alors que la situation sécuritaire peine à s’améliorer de manière significative au Mali [1], au Burkina Faso et au Niger, la question de la soutenabilité de l’opération Barkhane s’est posée de plus en plus frontalement (Pérouse de Montclos, 2020). Cette recherche propose un éclairage sur les débats qui entourent la transformation du dispositif militaire engagé au Sahel en les replaçant dans des considérations plus larges sur la présence des armées françaises en Afrique francophone [2]. De très nombreux chercheurs se sont saisis de cette thématique en étudiant les discours, les pratiques et les évolutions de la politique militaire de la France dans une perspective historique (Evrard, 2016 ; Debos, Powell, 2017 ; Erforth, 2020 ; Lefebvre, 2021). Nous cherchons plus spécifiquement ici à mettre en évidence l’existence de trois questionnements prépondérants et récurrents, qui structurent les réflexions et les décisions des acteurs institutionnels français (officiers, diplomates, conseillers civils, représentants politiques) depuis les indépendances africaines.
2Nous souhaitons ainsi montrer que la politique militaire de la France, au Sahel comme ailleurs en Afrique francophone, est moins le fruit d’une stratégie bien huilée et cohérente que le résultat de compromis, d’hésitations et de décisions contingentes qui font apparaître trois principaux dilemmes. Le premier concerne les ressources mobilisées pour mettre en œuvre la politique militaire française, et se cristallise autour du volume optimal de soldats, de conseillers et de coopérants qu’il conviendrait de maintenir (ou non) sur le continent. Ce n’est que dans un deuxième temps que se pose la question de la finalité de cette présence militaire. Le deuxième dilemme concerne, en effet, les objectifs poursuivis et laisse apparaître une ambivalence profonde, car s’il est question « d’accompagner » les armées africaines vers une autonomie stratégique et opérationnelle, l’enjeu est aussi celui de la projection de l’influence française dans un contexte de concurrence accrue entre les puissances internationales. Enfin, le troisième dilemme est lié au cadre diplomatique dans lequel s’inscrit la politique française. Il naît de l’aspiration des décideurs à développer une approche multilatérale, notamment européenne, tout en conservant une relation privilégiée avec les acteurs africains. On observe le croisement de ces deux aspirations au Sahel, donnant lieu à des avis contrastés de la part des décideurs français relativement à la pertinence des instruments de l’Union européenne.
3Sur le plan méthodologique, cette recherche s’appuie sur trois types de sources primaires, accumulées dans le cadre de différents travaux de recherche menés depuis 2016. Premièrement, nous nous appuyons sur un travail de dépouillement des archives diplomatiques de la Direction des affaires africaines et malgaches (entre 1959 et 1983) du Quai d’Orsay et des archives du Service historique de la défense (situées à Vincennes). Deuxièmement, nous avons mené une campagne d’entretiens semi-directifs entre juin 2017 et avril 2018 auprès de quinze officiers supérieurs de l’armée française travaillant à l’état-major des armées (EMA), à la Direction générale des relations internationales et stratégiques (DGRIS) du ministère des Armées, à la Direction de coopération et de sécurité et de défense (DCSD) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), dépendant du Premier ministre. Troisièmement, nous avons mené une enquête ethnographique au sein de la mission de défense de l’ambassade de France à Niamey. Cette enquête s’est déroulée entre les mois de janvier et juin 2019 et nous a permis d’étudier les pratiques et les perceptions des coopérants militaires français insérés dans les forces armées nigériennes.
Le contexte des débats sur la transformation de l’opération Barkhane
4Depuis son déclenchement, en août 2014, la question du format de l’opération Barkhane – et en creux celle de l’horizon d’un désengagement – est revenue périodiquement au centre de l’agenda politique et médiatique français. Si le président Emmanuel Macron annonçait une augmentation du nombre de militaires au début de l’année 2020 (passant de 4500 à 5 100 soldats), c’est l’option de la transformation du dispositif [3] qui a été retenue dix-huit mois plus tard. Ce schéma avait progressivement convaincu les décideurs français sous l’effet de trois dynamiques. Premièrement, le coût financier et humain de l’intervention apparaissait de moins en moins soutenable, sans véritablement parvenir à désorganiser les groupes terroristes au Sahel. Si l’Assemblée nationale évoquait un « bilan incontestablement positif » en avril 2021 [4], la Cour des comptes se montrait bien plus mesurée et demandait au gouvernement d’en établir une évaluation aussi bien comptable que politique [5]. Sur le plan budgétaire, la Cour des comptes estimait déjà en 2016 que l’évaluation des surcoûts de l’ensemble des opérations extérieures était « insuffisante et insincère [6] ». À un an du début de la campagne présidentielle de 2022, les enquêtes d’opinion faisaient état d’une lassitude grandissante des citoyens français à l’égard de l’engagement des armées françaises au Sahel [7].
5Le deuxième facteur permettant d’expliquer la décision de mettre fin à l’opération Barkhane tient au fait que l’image des armées françaises s’est significativement dégradée auprès des citoyens maliens, burkinabés et nigériens. Si l’efficacité de l’opération Serval (2013) a été largement saluée, notamment à Bamako, l’opération Barkhane n’aura permis ni l’avancée du processus de paix, ni le redéploiement des administrations centrales, ni l’endiguement des groupes armés terroristes. En premier lieu, la collaboration des armées françaises avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) au sujet du contrôle de la ville de Kidal avait constitué l’un des principaux griefs de la part des citoyens maliens (Ndiaye, 2021). Les discours contestataires envers les armées françaises ont progressivement gagné en visibilité médiatique en cultivant les soupçons d’intérêts cachés de la France (Tull, 2021). Ces accusations ne se limitent pas aux États sahéliens (Banégas, 2017) et s’inscrivent souvent dans des préoccupations locales. Au Niger, par exemple, la critique de l’opération Barkhane accompagne la dénonciation des méfaits sanitaires de l’exploitation de l’uranium à Arlit. Notons que cette opposition amalgame des revendications de natures différentes et parfois sans lien avec la politique française (faibles retombées économiques de l’extraction du pétrole à Agadem, accusations de pillage de ressources aurifères du Djado) [8]. La montée d’un discours hostile à la présence militaire française a été évaluée avec suffisamment d’inquiétude à Paris pour justifier l’organisation d’un sommet « de clarification » par le président Emmanuel Macron en janvier 2020.
6Enfin, le troisième facteur de la transformation du dispositif militaire français tient aux dynamiques politiques propres à chacun des États sahéliens, lesquelles ont joué de manière défavorable pour les dirigeants soutenus par Paris. Ce que la mort du président tchadien Idriss Déby Itno en avril 2021, quelques mois seulement après le renversement du président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a illustré de manière aussi inattendue que spectaculaire. En 2013, la première élection d’IBK avait nourri de nombreux espoirs de part et d’autre de la Méditerranée. Acclamé à Bamako, IBK est devenu l’interlocuteur privilégié des acteurs internationaux dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Mais l’image de l’ancien président malien a été écornée dès les premières années de sa présidence, aussi bien par les révélations d’affairisme qu’en raison de son faible dynamisme politique – ce qui entraînera la démission de son Premier ministre Oumar Tatam Ly en 2014 (Baudais, Chauzal, 2015). Le second mandat d’IBK étant marqué par des difficultés à défendre son projet de réforme constitutionnelle, intégrant les dispositions de l’accord de paix signé en 2015, et par son revirement au sujet de l’ouverture d’un dialogue avec les groupes armés identifiés comme terroristes. Ni l’arrivée de Boubou Cissé à la primature, ni l’idée de former un gouvernement d’union nationale ne suffiront à calmer l’opposition grandissante des citoyens et la lassitude des militaires.
7Après le premier coup d’État mené par le colonel Assimi Goïta, le 20 août 2020, contre le président IBK, les députés français du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale demandent un « calendrier de désengagement » de l’opération Barkhane. Si les autres groupes parlementaires expriment des positions moins tranchées, tous ou presque pressent alors le gouvernement de redéfinir une feuille de route claire sur l’évolution de la présence militaire au Sahel. À la fin du mois de mai 2021, face aux tumultes de la transition malienne, le président Emmanuel Macron n’hésitait plus à évoquer la possibilité d’un retrait de l’opération Barkhane en cas de désaccord majeur [9]. Il annonçait, en réponse au deuxième coup d’État mené par le colonel Assimi Goïta (interrompant la transition déjà en cours), une suspension temporaire de la coopération des forces armées françaises avec les forces armées maliennes lors du Conseil de défense du 3 juin 2021 [10]. Quelques mois plus tôt, le président Emmanuel Macron et la ministre des Armées Florence Parly avaient envisagé une possible réduction des effectifs de l’opération Barkhane, avant de confirmer lors du sommet de N’Djamena que les effectifs seraient maintenus à 5 100 militaires à court terme.
Le maintien ou le désengagement des armées françaises en Afrique francophone ?
8Le passage de l’opération Serval à l’opération Barkhane a remis en cause la déflation tendancielle des effectifs de militaires français déployés, sous différentes formes, sur l’ensemble du continent africain. Bruno Charbonneau évoque à cet égard une « nouvelle période d’interventionnisme » (Charbonneau, 2017, p. 324). Le désengagement progressif des armées françaises, amorcé à la toute fin du xxe siècle, avait été accéléré par le président Nicolas Sarkozy à partir de 2008. À l’occasion d’une visite d’État en Afrique du Sud, le président français proposait de renégocier l’ensemble des accords de défense signés au moment des indépendances, fixant les modalités juridiques de la présence militaire française dans une dizaine d’anciennes colonies. La rénovation de la coopération militaire qui s’en est suivi a introduit une plus grande transparence à travers l’ouverture de ces questions à la discussion parlementaire, puis la publication des nouveaux accords. La réduction des effectifs n’était toutefois pas comprise comme un véritable désengagement mais plutôt comme le reflet d’une redéfinition de la présence des armées françaises :
« La présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a cinquante ans ! Je ne dis pas que ces accords n’étaient pas à l’époque justifiés. Mais j’affirme que ce qui a été fait en 1960 n’a plus le même sens aujourd’hui. La rédaction est obsolète et il n’est plus concevable, par exemple, que l’armée française soit entraînée dans des conflits internes. L’Afrique de 2008 n’est pas l’Afrique de 1960 ! […] Que l’on me comprenne bien : il ne s’agit nullement d’un désengagement de la France en Afrique. C’est tout le contraire. Je souhaite que la France s’engage davantage au côté de l’Union africaine [11]. »
10La redéfinition des modalités qui encadrent la présence militaire française en Afrique francophone venait répondre plus prosaïquement à une pression forte exercée par le ministère français de l’Économie dans le contexte de la crise de 2008. Les arbitrages budgétaires avaient alors conduit la DCSD du Quai d’Orsay à imaginer une stratégie compatible avec la réduction des ressources financières et humaines. La rupture annoncée par le président Nicolas Sarkozy en Afrique du Sud s’inscrivait en fait dans une série de réformes amorcées avec la disparition du ministère de la Coopération en 1998 [12]. Les nouveaux accords n’introduisent pas de nouvelles dispositions et portent essentiellement sur des questions d’ordres technique et logistique, ce qui conduit un ancien ambassadeur de France au Gabon à considérer que « ces accords servent simplement à connaître le montant des taxes sur les bières de nos militaires [13] ». Si un agent contractuel travaillant au Quai d’Orsay considère également que la renégociation des accords de défense n’a pas eu d’autre fonction que de « liquider symboliquement des fossiles juridiques [14] », le cas de Djibouti conserve une singularité à travers le maintien d’une « clause de sécurité » par laquelle la République française s’engage à assurer la protection de l’intégrité territoriale de cet État d’Afrique de l’Est (Le Gouriellec, 2020, p. 130).
11Le Livre blanc sur la Défense de 1994, cosigné par Édouard Balladur et François Léotard, envisageait déjà une réforme de la coopération militaire prenant acte des mutations de l’environnement international par rapport au contexte des indépendances africaines. Dans les années 1960, la coopération militaire participait d’une politique d’ensemble visant à défendre les intérêts français dans un espace géographique défini comme son « pré carré » (Chafer, Cumming, Van der Velde, 2020). Pour Julien Durand de Sanctis, « le processus de décolonisation français en Afrique [a soulevé] avant tout l’enjeu du maintien d’une identité stratégique de la France comme grande puissance, identité que son empire colonial lui permettait de revendiquer et qui a été mise à mal par la Seconde Guerre mondiale » (Durand de Sanctis, 2015, p. 103). L’établissement de relations privilégiées entre la France et les États d’Afrique francophone n’a pas été associé immédiatement et systématiquement au maintien de contingents militaires. Au Gabon, par exemple, les officiers français envisageaient plutôt un retrait des forces armées : c’est bien l’insistance du président gabonais Léon Mba qui conduisit le ministre français des Armées, Pierre Messmer, à concéder le maintien « rassurant » d’une centaine de soldats au camp des gardes de Libreville [15]. On observe une forme de compromis similaire lors de la décolonisation du Territoire français des Afars et des Issas (qui deviendra Djibouti), où certains officiers plaident pour le départ des armées françaises. L’un d’eux estime que « parler de maintenir une base française, même si le mot est soigneusement éludé, ne relève peut-être que de l’illusion et d’une nostalgie de puissance si irréalistes que les faits et la conjoncture internationale ne tarderont pas à nous l’imputer à dommages [16] ». Un mois avant la proclamation de l’indépendance du Territoire français des Afars et des Issas, un officier anticipe les éventuelles difficultés politiques d’un maintien militaire :
« Il est probable que certains nous soupçonnent d’entretenir des desseins néocolonialistes. Dans ces conditions, il conviendrait que les troupes que nous laisserons dans le Territoire soient à la fois suffisamment dissuasives pour qu’aucun voisin n’entreprenne une aventure militaire, et suffisamment allégées pour que nous puissions désarmer d’éventuelles critiques contre notre volonté de nous maintenir à Djibouti [17]. »
13Finalement, le ministre des Armées décidait de maintenir une présence militaire relativement importante à Djibouti pour deux motifs majeurs liés au contexte de l’époque. D’une part, il est question que les forces armées françaises assurent la stabilité du régime mis en place par le président djiboutien Hassan Gouled Aptidon. Alors que la situation est tendue entre les Afars et les Issas, le secrétaire d’État aux Départements et Territoires d’outre-mer, Olivier Stirn, affirme que la France a le devoir et la responsabilité de « réconcilier les ethnies » de Djibouti [18]. D’autre part, une présence militaire française est justifié par la crainte d’une annexion du territoire par la Somalie de Siad Barre ou par l’Éthiopie de Mengistu Haile Mariam. Le chef de l’État éthiopien fait d’ailleurs pression pour que la France conserve un effectif de 5 000 militaires sur place afin d’accompagner la formation de l’armée djiboutienne (Le Gouriellec, 2020, p. 109). Pour les officiers ayant pris part au processus de décolonisation, le maintien des armées françaises répond autant à un sentiment de responsabilité morale qu’à une obligation de répondre à des demandes formulées par les dirigeants africains. L’un d’eux note :
« Aucun État, à l’exception peut-être du Cameroun, n’est capable d’assurer seul sa défense extérieure. Tous comptent dans ce cas sur l’application des accords de défense passés avec la France et, à ce titre, désirent la présence de l’armée française, même symbolique (cas du Gabon) [19]. »
15Au Gabon comme à Djibouti, la décision du maintien des armées française est initialement le résultat de compromis entre les dirigeants français et africains en place. Si le volume de militaires déployés a décru depuis la fin des années 1990, les forces dites « pré-positionnées » restent un dispositif important et fréquemment mis à contribution [20]. Les militaires de la base opérationnelle avancée de Djibouti ont participé à des projections en Afrique, dans le golfe Persique et en Asie du Sud-Est (Le Gouriellec, 2018, p. 233). Alors que les préoccupations sécuritaires des officiers français sont nettement différentes de celles des années 1960, la totalité des officiers interrogés entre 2017 et 2018 au ministère des Armées et à l’ambassade de France au Niger en 2019 continue de croire fermement au rôle stabilisateur de la présence militaire française sur le continent. Marielle Debos et Nathalie Powell soutiennent au contraire, dans leur étude consacrée au Tchad, que dans le temps long « la présence française [au Tchad] a été loin d’être stabilisatrice » (Debos, Powell, 2017, p. 265).
L’autonomie des armées africaines ou l’influence des armées françaises ?
16La déroute des forces armées maliennes face aux groupes armés, en 2012, a suscité de nombreuses interrogations quant aux résultats de la coopération mise en place par la France après les décolonisations (Boisvert, 2016 ; Charbonneau, 2017, p. 339). Contrairement à d’autres États (Djibouti, Gabon, Tchad), l’assistance technique française n’a joué un rôle significatif au Mali qu’après la chute du premier président de la République, Modibo Keïta, en raison de la proximité affichée par ce dernier vis-à-vis des dirigeants de l’URSS (Touron, 2017). De manière générale, la coopération militaire devait permettre de parachever le processus de décolonisation en construisant de manière progressive des armées nationales robustes (Evrard, 2016). Soixante années plus tard, les coopérants français concèdent assez largement que cette politique a donné des résultats décevants dans la quasi-totalité des anciennes colonies [21]. La question des facteurs de l’appropriation locale des programmes de coopération est ainsi placée au cœur des débats aussi bien à la DCSD du Quai d’Orsay qu’à la DGRIS du ministère des Armées. L’étude des archives du Service historique de la défense montre que la prise en compte des spécificités locales n’est pas un enjeu nouveau. En 1962, un coopérant militaire identifie ce « grave problème » dans une note :
« Les États indépendants d’Afrique ont actuellement une tendance marquée, en raison de la formation que nous avons donnée à leurs cadres et de leurs prétentions nationales, à vouloir se constituer des armées sur le modèle des armées européennes. Ces jeunes armées paraissent mal adaptées aux besoins réels des États et trop onéreuses pour eux comme pour la France qui les soutient. En conséquence, le ministre des Armées a décidé de faire étudier ce grave problème pour essayer d’élaborer une conception militaire de la défense originale et adaptée aux différents pays africains […]. Ces armées doivent être rustiques, capables de s’enfler rapidement par mobilisation et susceptibles de constituer l’ossature d’une résistance nationale [22]. »
18Dans les années 1980, le général Jeannou Lacaze fait partie des officiers qui suggèrent l’adoption d’une nouvelle approche davantage en phase avec les réalités des terrains africains [23]. Mais il faut attendre la vague de démocratisation et l’apparition du multipartisme en Afrique francophone au début des années 1990 pour qu’un nouveau contexte politique et diplomatique permette la diffusion de ces idées. Au même titre que l’aide au développement, la poursuite de la coopération militaire est conditionnée à la libéralisation politique et économique des États africains. L’idée de renforcer les capacités africaines de maintien de la paix, notamment à l’échelle sous-régionale, est évoquée lors du sommet franco-africain de Biarritz en novembre 1994 et s’inscrit dans la « doctrine Balladur » visant à normaliser les relations franco-africaines après la tragédie rwandaise (Charbonneau, 2017, p. 329). Les décideurs français veulent montrer que la politique menée n’est pas unilatérale et qu’elle ne se fait pas au détriment des intérêts africains. À la fin des années 1990, une nouvelle formule de coopération est mise en place afin d’améliorer l’autonomisation des armées africaines (dons d’équipements, organisation d’exercices tactiques de grande ampleur, appui à la formation des cadres) [24]. Au cours des années 2000, la France cherche à légitimer cette politique et à promouvoir son approche auprès d’autres États à travers le programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP) [25] qui associe notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique (de Vaissière, 2003, p. 14).
19Si la recherche de l’autonomie des armées africaines devait conduire, dans son principe, à la réduction progressive de la présence militaire française, les décideurs français ne sont pas en mesure d’en imaginer l’échéance. Au contraire, la question des facteurs de l’appropriation locale de l’aide militaire est posée, à nouveau frais, dans le contexte de l’appui à la force conjointe du G5 Sahel (Desgrais, 2018, p. 215). Plusieurs interlocuteurs à Paris, à Niamey et à Bamako estiment que la présence de coopérants français au sein des armées africaines reste nécessaire tant que l’autonomisation des armées africaines ne sera pas arrivée à terme. Or, l’une des problématiques les plus épineuses concerne bel et bien l’évaluation de ces processus au long cours. Selon un officier travaillant à la DCSD, les coopérants militaires insérés dans les armées africaines seraient les plus à même d’apprécier le niveau stratégique et opérationnel en se basant sur un faisceau d’indicateurs (gestion des ressources humaines, existence d’un corpus stratégique cohérent, fonctionnement des procédures budgétaires, fréquence des entraînements militaires, engagement dans des opérations de maintien de la paix) [26]. Sur le terrain, les coopérants posent des regards très contrastés sur l’efficacité de la coopération en fonction des armées dans lesquelles ils sont détachés. L’un d’eux, ayant été en poste auprès de l’état-major des forces armées gabonaises, pose le constat d’une dépendance importante vis-à-vis de la coopération française [27]. À l’inverse, son homologue en poste à Niamey se dit « relativement satisfait » du fonctionnement des forces armées nigériennes [28]. En l’absence d’indicateurs précis et consensuels, l’évaluation de l’efficacité de la coopération repose sur l’expérience (nécessairement subjective) que peut en avoir chaque coopérant.
20Les officiers interrogés insistent toutefois sur une multiplicité de facteurs pénalisant l’autonomisation des armées africaines et sur lesquels ils estiment avoir peu de prise (obsolescence du matériel, rusticité des moyens, défaut de coordination, opacité des procédures, lenteurs administratives) [29]. Du côté des administrations françaises, on ne peut que constater que le recours assez faible aux « retours d’expérience » des coopérants engendre une amnésie institutionnelle conséquente qui affecte la durabilité des projets menés – malgré la pratique du « tuilage [30] ». Dans un contexte de raréfaction des postes, mais aussi de basculement relatif des efforts de la DCSD vers la coopération policière, on observe des frictions entre les coopérants militaires sur le terrain et les administrations centrales. Chaque année, des débats opposent les missions de défense et l’administration centrale autour de la reconduction (ou de la suppression) des projets de coopération [31]. Par ailleurs, on peut relever incidemment des tensions entre les militaires « en mission » déployés sur la base aérienne projetée de Niamey dans le cadre de l’opération Barkhane et les coopérants militaires « en poste » à l’ambassade (relations avec les autorités nigériennes, partage du renseignement).
21Si ces enjeux, bien identifiés par la DCSD, sont rarement abordés de front, c’est que la finalité de la présence militaire ne se limite pas à l’autonomisation des armées africaines [32]. La coopération militaire constitue également un outil de politique étrangère permettant d’entretenir un rapport de proximité sans équivalent avec les anciens territoires colonisés. Cette aspiration apparaît de manière explicite dans le discours des acteurs institutionnels français. En 2006, les sénateurs français mobilisaient, par exemple, la notion « d’étranger proche » pour qualifier l’Afrique francophone [33]. L’emploi de l’expression est bien moins anecdotique qu’il n’y paraît puisqu’elle renvoie initialement à un concept russe (Ближнее Зарубежье) qui désigne l’ensemble des États ayant été sous domination soviétique à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Lors du sommet Afrique-France tenu à Nice en mai 2010, le président Nicolas Sarkozy parlait d’une « relation particulière qui ne se substitue à aucune de celles que [le] continent [africain] entretient avec d’autres pays et qui n’est soluble non plus dans aucune autre [34] ». Un officier de la DGRIS abonde dans le même sens, qui va jusqu’à évoquer une relation « passionnelle, irrationnelle, charnelle, existentielle [35] ». En même temps, les références à la période coloniale continuent de marquer fortement la culture d’arme des troupes de Marine, composante de l’Armée de terre dont est issue une grande majorité de coopérants militaires en poste en Afrique. On peut observer, par exemple, la présence de nombreux ornements décoratifs à l’effigie des « troupes coloniales [36] » au sein des bureaux des « africanistes » de l’armée française [37]. Le cri de guerre des troupes de Marine – « Et, au nom de Dieu, vive la Coloniale ! » – et les chants militaires participent à l’esprit de corps des officiers [38]. Le général Philippe Delbos, commandant des troupes de Marine, exprimait son souhait de rénover le musée qui leur est dédié à Fréjus à l’horizon 2022 afin de préserver ces traditions [39]. Si un ancien conseiller politique de l’opération Barkhane reconnaît l’existence d’une « nostalgie de la Coloniale [40] », il semblerait que celle-ci s’exprime à une période caractérisée par l’érosion du capital symbolique et des spécificités des troupes de Marine [41]. Plus largement, le constat de l’érosion tendancielle de l’expertise des armées françaises sur les questions africaines est partagé par plusieurs acteurs interrogés. L’un d’eux regrettant ainsi la moindre importance accordée aux séjours longs, à l’acculturation et à la maîtrise des langues africaines au Quai d’Orsay [42].
Le Sahel, avec ou sans l’Union européenne ?
22Les débats qui entourent la présence militaire française sur le continent africain ne sont pas imperméables aux dilemmes qui traversent de manière plus générale la politique étrangère française, notamment en matière d’intégration européenne [43]. Face à la crise malienne, la France n’a cessé d’osciller entre l’activation des leviers bilatéraux et l’investissement des instruments de l’Union européenne (Petit, 2013). La volonté de recourir au cadre européen s’est matérialisée, entre autres, par le déclenchement d’une mission d’entraînement militaire au Mali (EUTM), de deux missions de soutien aux forces de sécurité intérieure (EUCAP Sahel Niger et EUCAP Sahel Mali), puis d’une Cellule de conseil et de coordination régionale (RACC) basée à Nouakchott visant à accompagner la mise en place des structures du G5 Sahel. Le Quai d’Orsay a particulièrement pesé dans la mise à l’agenda des questions sahéliennes au sein des instances de délibération de l’Union européenne au cours des années 2000 (Toussaint, 2010). En 2008, le président Nicolas Sarkozy affirmait « que la sécurité et la prospérité de la France et de l’Europe sont indissociables de la sécurité et de la prospérité de l’Afrique [44] ». Au niveau diplomatique, la France a joué un rôle important dans l’élaboration de la « Stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel » publiée conjointement par la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure en 2011 [45], et largement inspirée de la stratégie interministérielle de gestion des crises et pilotée par le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, en 2009 (Bonnaillie, 2011).
23La recherche d’une articulation entre les intérêts européens et africains ne doit rien à la crise malienne. Elle est une idée ancienne, évoquée dès la fin du xixe siècle et apparaissant dans les écrits de l’un des tout premiers inspirateurs de l’intégration européenne, Richard Coudenhove-Kalergi (Paneurope, 1923). Cette aspiration est ensuite portée au cours des années 1930 dans quelques cercles intellectuels français, notamment par le diplomate Henry de Jouvenel et l’économiste Eugène Guernier. Aux premières heures de la guerre froide, certains suggèrent la mise en place d’un système « eurafricain » afin de maintenir une Europe forte sur la scène internationale (Dramé, Saul, 2004). Mais à la veille des indépendances en Afrique francophone, les États européens ont des visions divergentes quant à la manière d’articuler les intérêts européens et africains. Lors de la négociation des traités de Rome (1957), ayant abouti à l’institution de la Communauté économique européenne (CEE), le ministre français des Affaires étrangères Christian Pineau a cherché à inclure les territoires d’outre-mer au projet d’intégration (Avit, 2005). De leur côté, les Allemands préféraient, autant que possible, se tenir à l’écart de la politique coloniale française. Si les Italiens voyaient l’Afrique comme un continent d’opportunités face aux excédents de main-d’œuvre, Rome n’entendait pas pour autant contribuer financièrement au projet d’Eurafrique, préférant se consacrer au développement économique du Mezzogiorno. Entre le début des années 1960 et la fin des années 1990, l’implication de l’Union européenne en Afrique francophone s’est essentiellement concentrée sur l’aide au développement économique (Claeys-Nivet, 2005).
24L’intégration européenne en matière de sécurité et de défense connaît un véritable élan à partir du sommet franco-britannique de Saint-Malo (1998), au moment où la politique de coopération militaire de la France en Afrique se recompose. Le 25 mai 1998, le Conseil de l’Union européenne adopte une position commune sur l’Afrique, préparée par les gouvernements de Lionel Jospin en France et Tony Blair au Royaume-Uni, introduisant la logique des conditionnalités de l’aide [46]. Cet esprit est réaffirmé avec la signature de l’accord de Cotonou en 2000 (article 96) entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Les années 2000 sont caractérisées par une affirmation plus directe de l’Union européenne sur les questions politiques africaines, à travers la promotion de la « bonne gouvernance » (Lavigne Delville, 2015), et sur les enjeux de sécurité avec la création de nouveaux instruments financiers (Loisel, 2016).
25Un « partenariat stratégique Afrique-UE » est conclu en marge de la signature du traité de Lisbonne (2007) [47]. Les fonctionnaires européens y reprennent à leur compte le concept de Renforcement des capacités africaines militaires de paix (RECAMP) [48]. Dans un élan européiste, certains diplomates français évoquent la possibilité d’inviter les États membres de l’Union européenne pour mener des exercices conjoints au sein des implantations des forces pré-positionnées (Djibouti, Gabon, Côte d’Ivoire, Sénégal), mais ces propositions n’ont jamais fait consensus [49]. Au Quai d’Orsay, des désaccords opposeraient les « africanistes » traditionnels, d’une part, et les acteurs poussant vers une plus grande intégration européenne en matière de politique africaine, d’autre part. Un ancien conseiller politique de l’opération Barkhane explique :
« Dans les administrations, la question qui se pose n’est pas celle du bilatéral ou du multilatéral. C’est celle de l’Afrique ou de l’Union européenne. C’est regrettable, mais lorsqu’il y a une crise en Afrique, elle n’est pas considérée comme un problème mais comme une opportunité de faire avancer la politique de sécurité et de défense de l’Union européenne. Les africanistes sont dessaisis des dossiers au profit des européanistes. Le clivage est entre ceux qui regardent vers Bruxelles et ceux qui regardent vers l’Afrique [50]. »
27Plusieurs travaux ont montré que le continent africain a été perçu par les fonctionnaires européens comme un terrain d’expérimentation pour les missions et opérations de la PSDC (Nivet, 2012 ; Lopez Lucia, 2017 ; Rayroux, 2017). Pour la France, la mobilisation de la PSDC et des instruments financiers de l’Union européenne (facilité de soutien à la paix pour l’Afrique, instrument contribuant à la stabilité et à la paix, fonds fiduciaire d’urgence, State Building Contracts) répond à des contraintes budgétaires tout en permettant, sur le plan politique, de tempérer les accusations d’unilatéralisme. Les spécificités des divers instruments et les processus décisionnels propres à l’Union européenne sont néanmoins très peu lisibles du point de vue des coopérants militaires en poste au Sahel [51]. Par ailleurs, les contraintes juridiques des missions PSDC, dont le mandat est dit « non exécutif », poseraient de nombreuses contraintes sur le terrain liées à l’interdiction de suivre les militaires maliens au combat lors de leurs formations. Ces difficultés expliquent le déclenchement de l’opération Takuba, à l’initiative de la France, dont le mandat est moins contraignant que celui de la mission d’entraînement des forces armées maliennes (EUTM Mali) [52].
Les missions et opérations de l’Union européenne au titre de la PSDC*
Les missions et opérations de l’Union européenne au titre de la PSDC*
* Le 12 juillet 2021, le Conseil européen a approuvé la mise en place d’une mission de formation des forces armées du Mozambique, à l’initiative du Portugal.28La mobilisation du cadre européen ne fait pas consensus parmi les acteurs institutionnels, et se heurte de surcroît à des problèmes de nature politique. En 2013, les députés français prenaient le contre-pied de l’élan européiste en insistant sur les carences de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) [53]. Les divergences entre les États membres quant à l’importance accordée au Sahel s’ajoutent à une forme d’indécision sur la stratégie poursuivie, laquelle oscille constamment entre une logique conservatrice (volonté de maintenir la stabilité des régimes en place) et une logique réformatrice (volonté de soutenir une transformation profonde des sociétés sahéliennes). Les problèmes sont également d’ordre opérationnels dans un contexte sahélien marqué par une « inflation institutionnelle » (Bagayoko, 2021) et une difficulté significative à assurer une coordination réelle sur le terrain. Si les acteurs interrogés estiment assez largement que la mobilisation des instruments européens est importante, elle aurait pour principal inconvénient de « diluer la visibilité de la France dans une espèce de magma [54] ».
29L’annonce du président Emmanuel Macron de transformer le dispositif militaire au Sahel, sans concertation préalable avec les États européens, signale une forme de fatigue de la diplomatie française vis-à-vis des lourdeurs de la PSDC, alors que la mission militaire de l’Union européenne a été régulièrement critiquée pour son manque d’efficacité (Tull, 2019). Déjà, en 2012, la décision de déclencher l’opération Serval avait été prise de manière unilatérale après l’échec du président François Hollande à convaincre les gouvernements européens d’engager une intervention commune (Charbonneau, 2017, p. 332). La distinction opérée par le président Emmanuel Macron entre l’opération Takuba, placée sous le commandement des armées françaises, et la mission EUTM Mali pilotée par le Service européen pour l’action extérieure, n’est pas anodine [55]. La France joue ainsi la « carte européenne » tout en cherchant à garder, autant que possible, la maîtrise des outils déployés au Sahel (Debos, Powell 2017, p. 258 ; Colomba-Petteng, 2021).
Remarques conclusives
30Les débats sur la soutenabilité puis la transformation du dispositif militaire au Sahel ne sont ni tout à fait inédits ni complètement spécifiques au contexte malien. La question de la finalité de la présence militaire française sur le continent africain est aussi centrale qu’ambivalente : s’il est question d’accompagner les armées africaines vers une autonomie stratégique et opérationnelle, l’objectif également poursuivi est celui de la projection de l’influence des armées françaises. Or, la poursuite de ces deux objectifs procède de logiques contraires. Tandis que le premier implique un retrait progressif des effectifs militaires français, le second incite plutôt au maintien d’un dispositif sans équivalent composé de coopérants militaires français insérés dans les armées africaines et le maintien de forces pré-positionnées à Djibouti, au Gabon, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Finalement, la volonté de préserver des relations bilatérales singulièrement étroites semble répondre à l’idée ancienne et enracinée, bien au-delà des sensibilités partisanes, selon laquelle la France doit être en mesure de peser politiquement sur les dossiers sécuritaires africains. C’est peut-être cette idée que l’on pourrait questionner – si l’on souhaitait toutefois situer la réflexion sur un mode normatif. Enfin, si cette contribution se limite à l’étude des acteurs institutionnels français, on ne peut ignorer les manières dont les décideurs africains – lesquels ne voient peut-être plus toujours la France comme un partenaire incontournable – contribuent à façonner les relations postcoloniales.
Bibliographie
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : opération Barkhane, Sahel, décolonisation, coopération militaire, indépendances
Mise en ligne 04/10/2021
https://doi.org/10.3917/afco.271.0169Notes
-
[1]
Je tiens à remercier, par ordre alphabétique, Ayrton Aubry, Axelle Djama, Nicolas Donner, Sonia Le Gouriellec et les personnes ayant évalué cet article de manière anonyme pour leurs commentaires précis et constructifs.
-
[2]
Notons qu’à l’exception du Tchad, l’opération Barkhane a été déployée sur des territoires nationaux où la France avait maintenu une présence militaire relativement légère (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger) comparativement à la situation de pays plus étroitement impliqués dans les réseaux de la « Françafrique » (Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal). Par souci de clarté, la notion de « présence », utilisée tout au long de cet article, comprend les unités déployées dans le cadre opérations extérieures, les coopérants militaires en poste au sein des ambassades qui sont insérés dans les forces armées africaines, les pôles opérationnels de coopération (Gabon, Sénégal) et les bases opérationnelles avancées (Côte d’Ivoire, Djibouti).
-
[3]
À travers la réduction des effectifs et l’incorporation de l’intervention européenne « Takuba ».
-
[4]
Assemblée nationale, « Rapport d’information de la Commission de la défense nationale et des forces armées sur l’opération Barkhane », 14 avril 2021, p. 58.
-
[5]
Cour des comptes (2021), « Les actions civiles et militaires de la France dans les pays du G5 Sahel et leur relation avec l’aide publique au développement », référé S2021-0105 du premier président à M. Jean Castex, p. 2.
-
[6]
Cour des comptes (2016), « Les opérations extérieures de la France, 2012-2015 », communication à la commission des finances du Sénat, p. 30.
-
[7]
G. Poncet (2021), « Sahel : la moitié des Français opposés à la présence française », Le Point, 11 janvier.
-
[8]
Observation du « procès du peuple contre la Françafrique » organisé à la place Amadou-Boubacar de l’université Abdou-Moumouni par l’Union des étudiants nigériens de l’université de Niamey (UENUN) et l’organisation Urgences panafricanistes, le 23 février 2019.
-
[9]
F. Clemenceau (2021), « Immigration, terrorisme, colonisation… Les confidences de Macron en Afrique », Le Journal du dimanche, 29 mai.
-
[10]
Le ministère français des Armées a annoncé la relance des opérations conjointes avec les forces armées maliennes dès le début du mois de juillet 2021. Les autorités en place au Mali avaient réaffirmé en amont leur adhésion au calendrier de la transition, et en particulier leur intention d’organisation des élections au début de l’année 2022.
-
[11]
Discours du président Nicolas Sarkozy au Cap, le 28 février 2008.
-
[12]
Entre le début des années 1960 et la fin des années 1990, ce ministère symbolisait les liens étroits tissés entre la France et ses anciennes colonies. Voir Meimon (2007).
-
[13]
Entretien à Paris le 15 février 2018.
-
[14]
Entretien à Paris le 19 janvier 2018.
-
[15]
SHD, état-major de l’Armée de terre, GR6 H 60 Afrique équatoriale française, Gabon, lettre de Pierre Messmer au Premier ministre, 29 mars 1961.
-
[16]
Archives diplomatiques, La Courneuve, Direction africaine et Malgache, Djibouti, 1973-1977, Questions militaires armées armement, 49QONT/11, note du 23 décembre 1976 pour le ministre de la Défense. Les mots en italiques sont ajoutés.
-
[17]
Archives diplomatiques, La Courneuve, Direction des affaires africaines et malgaches, Djibouti 49QONT/11, Questions militaires, Note n° 4 DAM/2 du 31 mai 1977 sur l’accord de coopération militaire avec Djibouti.
-
[18]
Archives diplomatiques, La Courneuve, Direction des affaires africaines et malgaches, Djibouti 49QONT/11, Questions militaires, Questions au gouvernement, Assemblée nationale, 1re séance du 13 octobre 1976, le député Michel Debré pose une question à Olivier Stirn, secrétaire d’État aux DOM-TOM sur l’avenir du Territoire des Afars et des Issas.
-
[19]
SHD, Note 553/3/TS adressée à M. le général de corps d’armée, chef d’état-major des forces terrestres stationnées outre-mer, 3 septembre 1962, p. 2.
-
[20]
La notion de forces « pré-positionnées » recouvre deux nuances. Une première distinction existe entre les « forces de présence » basées sur des territoires étrangers, et les « forces de souveraineté » implantées au sein de départements et de territoires français d’outre-mer (Réunion, Mayotte). Une seconde distinction existe entre les « forces de présence » constituant des bases opérationnelles avancées (Côte d’Ivoire, Djibouti) et celles constituant des pôles opérationnels de coopération (Gabon, Sénégal). Voir Ministère des Armées, « Les forces françaises pré-positionnés », dossier de presse, 18 décembre 2019.
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[21]
Entretien à Paris le 2 octobre 2017.
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[22]
SHD, note 2486/EMTOM/EG/TS adressée à M. le général de corps d’armée DIO, chef d’état-major des forces terrestres stationnées outre-mer, 6 juillet 1962. Les mots en italiques sont ajoutés.
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[23]
Réputé au sein de l’appareil militaire français pour ses expériences en Afrique (Algérie, Côte d’Ivoire, Libye, Mauritanie, Togo, Tunisie, Zaïre), le général Lacaze est nommé chef d’état-major des armées par le président François Mitterrand en 1981, avant de se rapprocher de plusieurs chefs d’États africains en tant que conseiller.
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[24]
Assemblée nationale, « Rapport d’information n° 3394 de la commission de la défense nationale et des forces armées sur la réforme de la coopération militaire », présenté par Bernard Cazeneuve, 20 novembre 2001, p. 21.
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[25]
Ministère de la Défense, Centre interarmées de concepts de doctrine et d’expérimentations, doctrine interarmées DIA-3.4.7(B)_RECAMP n° 179/DEF/CICDE/NP du 22 septembre 2011.
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[26]
Entretien à Paris le 14 février 2018.
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[27]
Entretien à Paris le 2 octobre 2017.
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[28]
Entretien à Niamey le 14 février 2019.
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[29]
Entretien en visioconférence, le 26 janvier 2018.
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[30]
Le « tuilage » est une pratique qui désigne le fait, pour les coopérants militaires, d’accueillir en personne leurs successeurs et de leur transmettre les consignes afin de faciliter la prise de poste.
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[31]
Entretien à l’état-major des forces armées du Niger, Niamey, février 2019.
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[32]
Entretien à Paris le 19 janvier 2018.
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[33]
Sénat, « Rapport d’information n° 450 de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la gestion des crises en Afrique subsaharienne », présenté par MM. André Dulait, Robert Hue, Yves Pozzo di Borgo, Didier Boulaud, 3 juillet 2006, p. 10.
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[34]
Discours du président Nicolas Sarkozy à Nice, le 31 mai 2010.
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[35]
Entretien à Paris le 30 juin 2017.
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[36]
Les troupes de Marine sont issues des troupes coloniales, ayant elles-mêmes une filiation avec les Compagnies ordinaires de la mer instituées par Richelieu au xviie siècle.
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[37]
Entretien à l’état-major des armées, le 14 février 2018.
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[38]
Pour une analyse poussée de cette dimension, le lecteur pourra consulter la thèse de doctorat en musicologie d’Adeline Poussin intitulée « Le chant militaire et sa pratique actuelle dans les troupes de marine », soutenue en 2014 à l’université Nice Sophia Antipolis.
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[39]
Procès-verbal de la 37e assemblée générale de l’Association des amis du musée des troupes de Marine, tenue le 27 janvier 2018, p. 12.
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[40]
Entretien le 8 mars 2018.
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[41]
En 2018, la transformation de l’École militaire de spécialisation de l’outre-mer et de l’étranger (EMSOME) en un état-major spécialisé (de plus en plus réduit à une fonction logistique) marquait le déclassement de cette composante très singulière des armées françaises.
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[42]
Entretien le 8 mars 2018.
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[43]
Le titre de la partie est un clin d’œil aux travaux de Samuel B.H. Faure sur les dilemmes de la politique d’armement de la France. Voir S.B.H. Faure (2020), Avec ou sans l’Europe. Le dilemme de la politique française d’armement, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles.
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[44]
Discours du président Nicolas Sarkozy au Cap, le 28 février 2008.
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[45]
Cette stratégie, soutenue par la France, s’articule autour de quatre axes. Le premier affirme que la sécurité et le développement ne peuvent être traités séparément (approche multidimensionnelle). Le deuxième axe insiste sur la nécessité d’une coopération régionale entre les États sahéliens (approche régionale). Le troisième axe identifie le besoin d’un renforcement des capacités des administrations régaliennes (dimension programmatique). Le quatrième axe affirme que l’Union européenne a un rôle important à jouer sur ces enjeux au Sahel (dimension argumentative).
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[46]
Position commune du 25 mai 1998 définie par le Conseil sur la base de l’article J.2 du traité sur l’Union européenne, sur les droits de l’homme, les principes démocratiques, l’État de droit et la bonne gestion des affaires publiques en Afrique.
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[47]
Conseil de l’Union européenne, « Le partenariat stratégique Afrique-UE », 16344/07, Lisbonne, 9 décembre 2007.
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[48]
Secrétariat du Conseil de l’Union européenne, « Euro Recamp – Amani Africa (2008-2010) », juillet 2009.
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[49]
Entretien au secrétariat général de défense et de sécurité nationale, le 8 mars 2018.
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[50]
Entretien à Paris, le 8 mars 2018.
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[51]
Entretien à l’ambassade de France au Niger, Niamey, 31 janvier 2019.
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[52]
Le mandat se concentre sur la formation des forces spéciales maliennes et permet de les suivre aux combats.
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[53]
Rapport d’information n° 104 de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la présence française dans une Afrique convoitée, présenté par MM. Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, 29 octobre 2013, p. 474.
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[54]
Entretien à Paris, le 14 février 2018.
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[55]
Le chef de l’État français déclarait : « [Le] nouveau cadre préservera nos engagements auprès de nos partenaires engagés à nos côtés dans la force Takuba et dans l’opération EUTM qui devront poursuivre leur montée en puissance. EUTM sera un des éléments de la formation de toutes les armées partenaires et Takuba sera le pilier de cette force de lutte contre le terrorisme. Les armées françaises en seront évidemment la colonne vertébrale, mais elles seront complétées par les forces spéciales des armées de la région partenaires qui le souhaiteront et le pourront, et évidemment par les forces spéciales de nos partenaires européens. » Extrait de la conférence de presse du président Emmanuel Macron en amont des sommets du G7 et de l’OTAN, 10 juin 2021.