Notes
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[1]
Forages équipés de pompes à motricité humaine.
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[2]
Adductions d’eau potable simplifiées (AEPS) ou Adduction d’eau villageoise (AEV). Ces infrastructures présentent les mêmes caractéristiques et sont appelées AEV au Bénin et AEPS au Burkina Faso. Dans la suite de l’article, nous utiliserons les termes d’AEPS ou de dispositifs pour les désigner indistinctement.
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[3]
Cet article restitue un travail de terrain dans des communes rurales du Bénin et du Burkina Faso effectué principalement dans le cadre de l’ANR APPI (« Une action publique éclatée. Production et institutionnalisation de l’action publique dans les secteurs de l’eau potable et du foncier ») et d’une étude financée par l’Agence française de développement sur l’accès à l’eau potable et la réduction de la pauvreté dans les quartiers précaires de Ouagadougou et de Niamey. Une centaine d’entretiens semi-directifs ont été conduits avec quarante-cinq fontainières (et quelques fontainiers), ainsi qu’avec des maires, des agents des communes, des opérateurs privés et associatifs.
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[4]
Les obstacles à une distribution d’eau potable généralisée (régulière et pour tous) relèvent aussi de facteurs techniques (accès difficile aux nappes phréatiques et dépenses élevées pour l’extraction et le pompage de l’eau dans certaines zones, pannes des dispositifs, ruptures de carburant ou coupures d’électricité, pertes d’eau dans les tuyauteries) ou organisationnels (fermier absentéiste, absence de fonds de roulement ou de stock de pièces de rechange, rareté des artisans pour les dépannages, difficultés de recouvrements, détournements d’argent).
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[5]
Il s’agit souvent de personnes qui bénéficient d’une assise locale (notables, entrepreneurs). Les femmes qu’ils choisissent comme fontainières font généralement partie de leur entourage familial.
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[6]
Au Burkina Faso, l’ADAE et l’ONG Eau Vive ont conçu des modèles de formation pour les gérants des bornes-fontaines et mettent l’accent sur le recrutement de fontainières alphabétisées ou scolarisées. Lorsque ce n’est pas possible, ce qui est fréquent, ces structures recommandent aux fontainières de se faire aider par leurs proches alphabétisés ou scolarisés (mari, enfants) pour l’enregistrement des ventes d’eau. Entretien avec AS (ADAE) et AR (Eau Vive) le 29 juillet 2019.
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[7]
Entretien avec AK le 26 mars 2014.
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[8]
Le salaire minimum est de 40 000 francs CFA au Bénin et de 32 000 francs CFA au Burkina Faso, c’est-à-dire deux ou trois fois plus élevé que la majorité des rémunérations des fontainières que nous avons calculées. Ces chiffres n’ont toutefois qu’une valeur indicative, sachant que les activités économiques largement informelles ne permettent pas de faire état de toutes les pratiques.
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[9]
Entretien avec ML à Kolokondé, commune de Djougou, 31 mars 2013.
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[10]
Entretien avec LT à Tokpa-Domè, commune de Djougou, 28 mars 2014.
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[11]
Rapports annuels d’exploitations des AEPS sous contrat de service d’appui conseil dans la région de Bobo-Dioulasso, ADAE, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.
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[12]
Entretien le 6 mars 2014.
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[13]
Lorsque dans les quartiers précaires de Ouagadougou, la responsabilité de la gestion de certaines bornes-fontaines n’est pas attribuée directement par l’opérateur gestionnaire de l’AEPS à un fontainier ou une fontainière, mais à une autre personne (notable, membre du réseau relationnel), qui choisit une femme de son entourage comme fontainière, le gain que celle-ci perçoit varie en fonction de ce qui est convenu avec le gestionnaire de la borne-fontaine.
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[14]
L’accès limité des femmes aux ressources foncières dans les communes rurales les conduit à exercer un nombre croissant d’activités extra-agricoles (Droy et al., 2014). Les femmes sont aussi de plus en plus sollicitées pour faire face aux dépenses de santé (soins, médicaments) et de scolarité des enfants (frais d’inscription, fournitures, uniformes). La prise en compte de nouveaux postes de dépenses pour les enfants, pour toute la maisonnée, les contributions pour améliorer l’habitat, pour la téléphonie mobile, les transports contribuent à cette évolution. De plus, les contributions des femmes augmentent lorsque le décès du mari ou que ces revenus ou ceux des grands enfants sont irréguliers, ou quand la cohésion des ménages est faible (mésententes liées à des mariages arrangés ou à la polygamie, migration des jeunes en rupture, absentéisme des maris).
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[15]
Sur le montant des ventes d’eau, la fontainière perçoit 20 %.
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[16]
Entretien réalisé le 28 mars 2014.
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[17]
L’obtention d’un branchement privé par une partie importante des anciens usagers d’une borne-fontaine entraîne parfois sa fermeture.
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[18]
Pour les branchements privés.
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[19]
De nombreux usagers (ménages, artisans, restaurateurs) utilisent des barriques de 200 litres dans ces zones périurbaines, les avantages tarifaires dont ils bénéficient favorisent un accroissement de leur consommation.
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[20]
Notons que les activités multiples ne sont pas le seul fait des fontainières. Du côté des entreprises concessionnaires, les combinaisons entre plusieurs activités s’observent aussi, car les seules ressources de la vente de l’eau ne suffisent pas à assurer leur équilibre. Pour beaucoup d’opérateurs privés et associatifs dans le secteur de l’eau, la gestion des AEPS ne constitue ainsi qu’un volet, d’ailleurs souvent minoritaire, des activités de leurs entreprises. La rentabilité de ces dernières, dont le type varie en fonction des profils (vente de matériaux, construction, consultations), atténue les difficultés rencontrées au niveau des AEPS et leur permet de continuer à contribuer à leur fonctionnement. De même, les revenus des autres activités (agricoles, salariées) exercées par leurs employés complètent ceux obtenus dans le secteur de l’eau. Ces diversifications (du chef d’entreprise à la fontainière) contribuant à la pérennité des AEPS.
1En zone rurale et semi-urbaine d’Afrique de l’Ouest, ainsi que dans les quartiers précaires à la périphérie des grandes agglomérations, l’activité de fontainière s’est développée dans le sillon de l’extension des infrastructures collectives d’accès à l’eau potable (d’abord avec des FPM ou PMH [1], puis des AEPS ou AEV [2]) et la généralisation du paiement de l’eau au volume. Cet article, issu d’observations et d’enquêtes de terrain réalisées au Bénin et au Burkina Faso entre 2010 et 2016 [3], entend porter un éclairage sur l’émergence et les évolutions de cette fonction subalterne et néanmoins essentielle dans les systèmes de distribution de l’eau. Une fonction qui est aussi peu considérée que discutée, que ce soit par les opérateurs de développement, les collectivités territoriales ou les chercheurs.
2Les fontainières sont confinées à un rôle subalterne, tout au bout d’une longue chaîne d’exécution, et tout en bas de la pyramide du pouvoir. L’analyse du rôle qu’elles exercent fait écho à certains travaux sur le care, qui montrent que les catégories dominées – ici des femmes, à faible capital culturel et économique – occupent une fonction frappée d’invisibilité, étant prestataires d’un service sans prestige, ne donnant pas lieu à la perception de véritables revenus malgré les astreintes qu’il implique (Molinier, 2013). Le travail des fontainières est en effet moins considéré comme une fonction productive que comme une simple extension des activités domestiques, fournir l’eau relevant des tâches habituelles exercées par les femmes au sein de la famille. Pourtant, elles occupent un rôle essentiel dans le fonctionnement des dispositifs de distribution d’eau, qui requièrent leur présence quasi permanente pour assurer la distribution et surtout le paiement des volumes écoulés – paiement indispensable à la pérennité des dispositifs (équilibre économique, entretiens). Dernier maillon de la chaîne d’exécution, elles sont tenues de remettre aux opérateurs les sommes correspondantes aux relevés des compteurs de leurs bornes- fontaines. Or, comme nous le verrons, répondre à cette exigence relève souvent de la gageure, au vu des dysfonctionnements techniques des infrastructures d’accès à l’eau potable, des résistances au paiement des usagers, des difficultés des fontainières à maîtriser la comptabilité (relevés de compteurs, gestion des fonds et tenue d’un cahier des comptes), ou encore à contrôler le travail des aides familiaux auxquels elles font parfois appel pour les remplacer.
3Bien qu’elles remplissent une fonction éminemment sociale (les fontainières sont à la disposition du village ou du quartier dès l’aurore et jusqu’au soir, permettant à chacun de pouvoir disposer du précieux liquide), les rémunérations qui leur sont attachées restent le plus souvent modestes, voire symboliques (de l’ordre d’un repas par jour), si bien que cette fonction est le plus souvent dévolue aux femmes pauvres, âgées ou isolées. Pourtant, à l’aune d’une évolution de la fonction et d’une redéfinition plus économique de ses termes, les femmes sont, au moins en certains endroits, de plus en plus nombreuses à vouloir l’exercer. Certes, l’émergence d’une dimension plus économique de la fonction ne signe pas pour autant la fin de sa dimension sociale, mais elle témoigne, dans un contexte où « production » et « reproduction » (ou travail productif et travail domestique) sont inextricablement mêlées (Larrère, 2014), d’une forme d’hybridité où l’horizon d’un bénéfice économique devient un point focal.
4Cet article vise à éclairer les raisons de cette reconsidération d’une situation de subalternité a priori peu enviable. Après avoir présenté, dans une première partie, le contexte de l’apparition et les caractéristiques de la fonction de fontainière telle qu’elle se pratique aux bornes-fontaines, nous mettrons ensuite l’accent sur les facteurs économiques et sociaux qui font évoluer la fonction vers une définition plus économique, incitant des profils de femmes plus jeunes et entreprenantes, et faisant parfois face à des charges familiales importantes, à devenir fontainière. Nous évoquerons aussi, dans cette seconde partie, les différentes initiatives et stratégies que les fontainières conçoivent pour accroître les revenus du commerce de l’eau, ainsi que les contraintes auxquelles elles se heurtent et qui restreignent leurs marges de manœuvre.
Les fontainières dans les dispositifs d’adduction d’eau : une position subalterne pour un rôle central
5Les dispositifs d’adduction d’eau entre modernisation technique et précarité économique. Les politiques nationales de l’eau au Burkina Faso et au Bénin, pays dits « sous régime d’aide », sont largement dépendantes des instances internationales (bailleurs, structures de coopération technique, ONG) qui assurent l’essentiel du financement des adductions (Valette et al., 2015). Dans les bourgs ruraux, les petites villes et les quartiers précaires à la périphérie des grandes agglomérations comme Ouagadougou, les projets d’implantation des systèmes de distribution de l’eau se caractérisent par une dynamique de modernisation technologique des dispositifs. Ainsi, les FPM d’abord, et plus récemment les adductions d’eau, ont été privilégiés aux puits.
6Les FPM sont des dispositifs simples où l’exhaure de l’eau est manuelle et le coût de l’eau modeste. Dans beaucoup de FPM, le paiement de l’eau s’effectue sur une base forfaitaire (sous forme de cotisations dont la périodicité varie), une configuration dans laquelle la présence d’une fontainière n’est pas nécessaire. En revanche, leur présence est indispensable là où le paiement est institué en fonction des volumes (bidons, bassines ou barriques calibrés). C’est d’ailleurs avec l’émergence du paiement au volume aux FPM – institué dans le but de réunir les fonds nécessaires à l’entretien et à la réparation des dispositifs – que la fonction de fontainière est apparue (Gangneron et al., 2011). Les AEPS sont quant à elles des dispositifs plus sophistiqués, comprenant des forages, des châteaux d’eau et des canalisations conduisant à des bornes-fontaines ou à des branchements domiciliaires. Elles sont davantage sujettes aux pannes que les FPM et réclament donc l’intervention régulière de professionnels. L’exhaure de l’eau nécessite aussi des moteurs, qui consomment de l’énergie thermique ou électrique. Enfin, ces dispositifs sont équipés, à chaque borne-fontaines, de compteurs de débits permettant le contrôle des volumes délivrés. Les coûts de fonctionnement des AEPS sont donc plus élevés que ceux des FPM, et le paiement systématique de l’eau au volume y rend la fonction de fontainière incontournable (Gangneron, 2017).
7Dans le sillon de cette modernisation technique, l’implantation des dispositifs d’adductions d’eau s’est largement accompagnée de la diffusion d’un référentiel marchand et en particulier du principe de recouvrement des coûts (Baron, Maillefert, 2011). Ce principe, impliquant le paiement de l’eau au volume, a d’abord été mis en œuvre sous des formes de gestion dites « communautaires » (c’est-à-dire bénévoles), puis par délégation à des opérateurs privés, ou parfois associatifs professionnalisés (Baron, Bonnassieux, 2011). La rentabilité des systèmes d’AEPS en zone rurale et semi-urbaine reste toutefois aléatoire. Beaucoup sont même déficitaires. Dans une majorité de communes rurales, les ventes ne permettent pas de couvrir les charges de fonctionnement du dispositif (énergie, dépenses en personnel, entretien et réparations courantes). Seules des mesures de péréquation entre AEPS excédentaires et déficitaires, initiées par certains opérateurs comme l’Association pour le développement des adductions d’eau (Adae), dans le sud-ouest du Burkina Faso, permettent à nombre d’entre elles de continuer à fonctionner (Bonnassieux et al., 2015). De façon générale, les politiques nationales et régionales d’extension des AEPS, motivées par un souci d’équité territoriale, ne prennent pas suffisamment en compte les facteurs qui fragilisent la pérennité des dispositifs sur le plan local : forte concurrence des ressources en eau gratuites et à bas coût, faible habitude du paiement de l’eau et pouvoir d’achat limité. Les revenus d’une frange importante des populations dans les villages, en effet, sont insuffisants et trop irréguliers pour recourir systématiquement à l’eau des AEPS, et les risques sanitaires associés aux consommations d’eaux non potables ne sont pas toujours connus. Même si, ici ou là, certains usagers mettent la santé en avant et systématisent le recours à l’AEPS, la majorité d’entre eux fait preuve de rationalités plus économiques que sanitaires, en s’efforçant de réduire le plus possible les dépenses en eau. Ils choisissent, plutôt que la pompe, le puits dont l’accès est généralement gratuit, et plutôt que l’AEPS, la pompe dont le coût reste faible, de telle sorte que lorsque les trois dispositifs sont présents, c’est le puits qui emporte les suffrages. De plus, en saison des pluies, il est d’usage de récupérer systématiquement l’eau de ruissellement des toits ou celle des marigots, si bien que la consommation aux AEPS s’en trouve fortement diminuée [4].
8La rentabilité des bornes-fontaines est ainsi très aléatoire et varie d’un endroit à l’autre et d’une saison à l’autre : de nombreux facteurs impactent le fonctionnement et la rentabilité des dispositifs, produisant une grande diversité de situations, le plus souvent caractérisées par une forte précarité de la fonction de fontainière.
9Caractéristiques d’une fonction genrée, subalterne et précaire. S’il arrive parfois que la fonction soit occupée par des hommes, les fontainières sont en grande majorité des femmes, dont l’activité est perçue comme une fonction sociale plutôt qu’économique – qui favorise leur intégration sociale en leur conférant un rôle, quoique modeste et sans prestige. Beaucoup de fontainières sont ainsi des femmes âgées, qui ne peuvent plus travailler aux champs. Elles sont souvent veuves, parfois handicapées. Et la fonction leur assure peu : un modeste repas par jour, rarement plus. Au Burkina Faso, dans le cadre des mesures prises pour réduire les disparités de genre, l’Office national de l’eau et de l’assainissement (Onea) demande systématiquement aux responsables communaux et de quartiers de confier en priorité l’activité à des femmes considérées comme nécessiteuses. De même, les organisations confessionnelles (Églises catholiques, pentecôtistes, associations islamiques) qui contribuent à l’implantation de FPM dans les quartiers périphériques de Ouagadougou confient de préférence la vente de l’eau à des femmes considérées comme vulnérables – lesquelles perçoivent des rémunérations de l’ordre de 3 000 à 5 000 francs CFA par mois, et peuvent puiser de l’eau gratuitement.
10Au-delà de cette volonté intégrative, les femmes sont généralement désignées (par les mairies, les opérateurs gestionnaires des AEPS ou des personnalités locales [5]) parce qu’elles sont considérées comme plus rigoureuses que les hommes dans la gestion de l’argent et parce que les modestes revenus de leurs activités sont prioritairement utilisés pour des besoins liés à l’entretien de leur famille et à l’organisation de petits commerces (Piraux, 2000). Du reste, la réputation d’honnêteté, les bons rapports de voisinage, jouent un rôle plus important que le critère d’instruction dans leur recrutement. Rares en effet sont les fermiers qui cherchent à recruter des fontainières alphabétisées ou scolarisées (quoique des associations professionnalisées, des ONG, des communes tendent à privilégier ou accompagner l’alphabétisation des fontainières pour améliorer l’enregistrement des ventes d’eau et l’entretien des bornes-fontaines [6]). Les femmes sont aussi choisies parce que la vente d’eau s’apparente aux petits commerces qu’elles tiennent parfois à proximité de leur domicile, le fait d’habiter à proximité des bornes-fontaines constituant un autre critère important de recrutement – faisant là encore écho à cette conception de la fonction en tant que simple extension des activités domestiques.
11Les conditions de travail des fontainières sont fixées par les opérateurs (privés ou associatifs) auxquels les communes délèguent la gestion des AEPS. Les astreintes horaires sont lourdes, qui s’étalent fréquemment de 6 heures à 18 heures, parfois davantage. En cas de pénuries d’eau (notamment lors des périodes de grande chaleur, en fin de saison sèche, quand les fréquentes interruptions d’approvisionnement peuvent durer plusieurs heures, voire une journée ou plus), elles sont souvent contraintes à rester aux abords des bornes-fontaines tard la nuit ou très tôt le matin. Quand de longues files d’attente se forment parce que le nombre d’usagers est élevé ou que l’approvisionnement est perturbé par des coupures d’eau, elles doivent gérer les tensions entre femmes, jeunes et aides familiaux, afin d’empêcher qu’elles ne dégénèrent en disputes. Les usagères demandent aussi souvent aux fontainières de les aider à soulever les lourdes bassines qu’elles hissent sur leur tête.
12Quoique la contribution des fontainières soit tout à fait essentielle à la fourniture d’eau potable, elles sont cependant rarement consultées lors des prises de décisions qui organisent leur travail (amplitudes horaires, remplacements en cas de besoin, rémunération). Les postes dirigeants du secteur de l’eau sont en grande majorité dévolus aux hommes – aussi les décisions restent-elles attachées au masculin (Saussey, 2014). Tandis qu’au sein des associations d’usagers de l’eau, les femmes occupent souvent la fonction genrée et subalterne d’hygiéniste, parce que les fontainières doivent veiller à la propreté des récipients calibrés (bidons, bassines) et des aires où sont implantées les bornes-fontaines (balayer, délayer les flaques d’eau). De même, la fixation du tarif de l’eau par les décideurs (l’État, les communes, les fermiers) et de ses composantes (taxes, répartition entre acteurs) relègue le plus souvent à l’arrière-plan la question de la rémunération des fontainières. Cette fraction est certes discutée entre les mairies et les opérateurs, mais là encore sans les fontainières, qui n’ont aucun pouvoir de négociation. La fraction qui leur revient varie d’un pays à l’autre, d’une commune à l’autre et d’un opérateur à l’autre. Au Burkina Faso, elle est fréquemment établie à un faible niveau, correspondant à 10 ou 12 % du prix du mètre cube d’eau, soit 50 à 60 francs CFA lorsque le mètre cube est à 500 francs CFA, la priorité étant donnée à la couverture des coûts d’exploitation (gas-oil notamment, électricité) et à la constitution de provisions pour la maintenance et le renouvellement des équipements (ADAE, 2017). Mais chez certains opérateurs, comme Sawes (Sahelian Agency for Water Environment and Sanitation), qui valorise le rôle des fontainières dans la distribution de l’eau et la collecte de l’argent en tant que facteur important de la pérennité de l’AEPS, elles peuvent percevoir jusqu’à 20 % du prix du mètre cube. Ce pourcentage est du même ordre dans le sud du Bénin, dans la commune de Kpomassè (125 francs pour la fontainière, pour un coût global de 575 francs CFA/m3), tandis qu’il est deux fois plus faible à Djougou, au nord du pays, commune où les consommations d’eau sont plus faibles et où les AEPS éprouvent plus de difficultés à couvrir leurs charges. Cette rémunération au volume (plutôt qu’au forfait) a bien sûr la préférence des fontainières qui exercent aux bornes-fontaines les plus fréquentées, et emporte aussi l’assentiment des opérateurs, qui la jugent plus incitative. Comme le fait remarquer l’agent communal en charge du secteur de l’eau à Kpomassè : « Quand les fontainières étaient payées 10 000 francs par mois, cela ne tenait pas compte des disparités entre les volumes vendus au niveau des bornes-fontaines et des efforts que faisait chacune [7]. »
13D’après nos enquêtes, les rémunérations quotidiennes de la majorité des fontainières restent à un très faible niveau, de l’ordre de 500 francs CFA par jour, parfois beaucoup moins, c’est-à-dire bien en dessous du niveau du salaire minimum du Bénin ou du Burkina Faso [8]. Dans des contextes où la transformation des solidarités familiales et intergénérationnelles entraîne une croissance de l’emploi à domicile de parentes âgées en compensation de la prise en charge des dépenses liées à leur entretien, il arrive aussi que les fontainières ne perçoivent aucune rémunération (Vignikin, 2007). Ainsi, au nord du Bénin, cette veuve vivant chez son fils et qui vend de l’eau pour le compte de celui-ci : « Je suis veuve, je ne connais pas mon âge. Je suis fontainière depuis moins d’un an. C’est mon fils qui est couturier, qui a demandé à une de ses connaissances, M (l’agent en charge du fonctionnement de l’AEV employé par le fermier qui réside à Cotonou), d’installer un robinet près de chez lui. La bornes-fontaines sert pour les usages de la maison et le voisinage. Elle est ouverte de 6 h 30 à 20 heures le soir. Il n’y a que six clients réguliers par jour, avec en plus des gens de passage et des travailleurs. À proximité, il y a d’autres fontaines. Pour les usages de la famille (dix personnes en tout), quand il fait chaud, je prends chaque jour un fût de 200 litres et 4 bidons de 25 litres, et en saison des pluies, un fût de 200 litres pour trois jours. Actuellement, c’est le mois de mars, hier j’ai vendu pour 925 francs CFA. Mais, au moment de la pluie, de mai à octobre, les gens ne viennent pratiquement pas. C’est mon fils qui paie l’argent de l’eau à M, je ne connais pas le montant de ce qu’il lui donne. Je ne suis pas payée. Mon fils m’a demandé de rendre service à la maison en m’occupant de la borne-fontaine. C’est lui qui se charge de ma nourriture, de la couverture de mes besoins. À côté de la borne-fontaine, j’ai une petite activité de concassage de gravier. L’argent que je gagne avec me sert pour les dépenses lors des mariages [9]. »
14Une fonction sous tension : entre injonctions formelles et informelles, sociales et économiques. Bien que le service de l’eau emprunte des voies de gestion de plus en plus formelles (fermiers, contrats de gestion, recours aux dépôts bancaires, gestion informatique, taxes), l’organisation concrète des activités des fontainières relève encore largement de leur inscription dans le tissu social local, et en particulier de l’entente de voisinage qui conduit à une foule de petits arrangements. Sur le plan formel, elles doivent remettre à « l’exploitant » ou à « l’agent commercial » (employés du fermier) les montants des ventes correspondant aux volumes délivrés en bassines calibrées. Chaque fontainière dispose d’un cahier sur lequel sont consignés ces volumes (indiqués par le compteur depuis le dernier passage de l’exploitant), la somme due, et la part qui lui revient. Dans la pratique, très souvent, c’est l’exploitant qui remplit lui-même le cahier de la fontainière, qui dans la majorité des cas n’a pas été scolarisée et se trouve dans l’incapacité de le faire elle-même. Certaines femmes alphabétisées notent scrupuleusement les ventes journalières, tandis que d’autres se font aider par leur mari ou leurs enfants, mais la plupart du temps, lorsque l’agent fait les comptes, elles ne sont pas capables de vérifier le montant réel de la somme qui leur revient, comme le reconnaît cette fontainière à Kpomassè : « Je ne suis pas allée à l’école et n’ai pas été formée mais les agents du château d’eau (l’employé du fermier qui gère l’AEV) m’ont indiqué le tarif des différentes bassines… L’agent passe toutes les semaines pour récupérer l’argent de la vente de l’eau. Il lit le compteur, chaque fois il y a des manques sur la somme que je dois lui verser, je dois compléter [10]. »
15Sans capital scolaire, la plupart d’entre elles peuvent se faire flouer par les exploitants lors du calcul des sommes à remettre. Pour remédier à ce risque, la commission communale de l’eau de Houndé par exemple, au Burkina Faso, incite à l’alphabétisation des fontainières. Au Bénin, nous avons constaté que la plupart des fontainières ignorent autant le tarif du mètre cube de l’eau que le pourcentage qui leur revient sur le prix de vente. Par ailleurs, et bien que les consignes leur interdisent de faire crédit aux usagers, les contextes communautaires les contraignent souvent à ce type de facilités – même si elles éprouvent beaucoup de difficultés à se faire rembourser et donc à restituer la totalité de l’argent qu’elles doivent à l’exploitant. Elles sont ainsi tiraillées entre deux injonctions contradictoires : celle, formelle et commerciale, de faire respecter les règles de paiement sans déroger à l’interdiction de faire crédit et celle, morale, de ne pouvoir interdire l’accès à l’eau à ceux qui sont dans le besoin. D’un côté, elles doivent « rendre compte » en versant la totalité de l’argent correspondant aux volumes écoulés ; de l’autre, elles doivent composer avec les pressions sociales, le souci d’autrui, et notamment celui de répondre a minima aux besoins d’aînés désargentés ou de femmes isolées.
16En outre, certaines fontainières ne séparent pas l’argent de l’eau de celui d’autres activités, l’utilisant pour les petits achats alimentaires du quotidien par exemple, et puisant au contraire dans leur argent personnel pour la réparation d’un robinet. Dans certaines communes du Burkina Faso, il arrive aussi que les fontainières soient contraintes de remettre une partie de leurs gains aux hommes qui sont intervenus pour qu’elles puissent occuper cette fonction. Enfin, beaucoup d’usagers trichent sur les quantités d’eau délivrées pour réduire le montant qu’ils doivent payer. Lorsque les fontainières se font remplacer, par un enfant de la famille en général, les comptes se font encore plus aléatoires : les usagers font déborder les bassines, les robinets sont mal fermés et les enfants ont du mal à réclamer leur dû.
17Pourtant, que les fontainières soient plus ou moins habiles ou capables de tenir leurs comptes, que les bornes-fontaines où elles officient soient plus ou moins fréquentées, elles doivent remettre à l’exploitant la totalité des sommes correspondant au débit enregistré par le compteur. Leurs revenus font ainsi office de variable d’ajustement du système. Tout au bout de la chaîne, et tout en bas de la pyramide, elles n’ont qu’une alternative : payer les sommes dues quitte à emprunter, ou se démettre de leur fonction. Beaucoup d’entre elles, toutefois, conservent leur activité, qu’elles inscrivent dans l’ensemble des tâches peu ou pas rémunérées qu’elles effectuent par ailleurs. Ce qui laisse à penser qu’elles-mêmes interprètent parfois leur fonction non pas comme une « profession », mais plutôt dans la perspective d’un service à autrui. Beaucoup répondent ainsi, quand on leur demande pourquoi elles continuent leur activité malgré les difficultés, que c’est pour le « bien du village ». Mais ce « service » n’est pas toujours perçu – loin s’en faut – comme une source d’épanouissement personnel, les fontainières en charge de bornes-fontaines peu fréquentées, surtout les plus jeunes, ayant bien conscience d’être contraintes à une tâche ingrate, certes utile mais marginalisée. D’ailleurs, parmi celles-ci, certaines démissionnent lorsqu’elles constatent qu’elles sont fréquemment contraintes de rembourser des « manquants » liés à leur inexpérience dans la tenue de compte et font face à des facteurs sur lesquels elles ont peu de prise : robinets qui fuient, tricheries des usagers sur les volumes, non-remboursement des crédits qu’elles ne peuvent éviter d’accorder à des usagers, mauvaise localisation de la borne-fontaine, chute de la clientèle à cause de l’implantation à proximité de points d’eau où l’eau est moins chère…
Entre initiatives et contraintes, l’émergence d’une fonction économique
18L’apparition de nouveaux profils de fontainières. Le passage d’un modèle de gestion communautaire et bénévole, en vigueur au début des politiques d’implantation des AEPS, à celui d’une gestion entrepreneuriale (gestion par une entreprise ou une association professionnalisée) a entraîné une augmentation du prix de l’eau dans plusieurs localités. Dans le même mouvement, les acteurs se sont professionnalisés, les employés sont désormais salariés, les entreprises attendent des bénéfices et les communes des taxes municipales. Cette professionnalisation ne touche en revanche pas les fontainières, qui restent dans la zone d’ombre du dispositif organisationnel. Pourtant, l’activité est de plus en plus convoitée – du moins là où les consommations sont élevées, et où les places s’acquièrent alors souvent par l’entremise de quelque notable ou acteur du service de l’eau de la localité. Là où les dispositifs fonctionnent de façon satisfaisante, en effet, c’est-à-dire là où la distribution d’eau est relativement continue (avec un taux de pannes faible et des réparations rapides), où le gestionnaire est réactif et compétent et où les populations fréquentent avec assiduité les bornes-fontaines, les gains des fontainières peuvent devenir relativement attractifs. Les données rassemblées par l’ADAE [11] entre 2005 et 2018 montrent que les rémunérations des fontainières dans les quelques AEPS excédentaires peuvent être de dix à vingt fois plus élevées que là où l’activité est faible. La localisation des bornes-fontaines ayant un impact important sur les gains, ceux-ci sont beaucoup plus élevés dans les zones où la population est dense, à proximité des marchés notamment, et là où se concentrent les activités économiques grosses consommatrices d’eau (maçonnerie, restauration).
19Certes, la majorité des fontainières disent invariablement qu’elles ne gagnent rien ou très peu. Pourtant, parmi elles, certaines sont en place depuis longtemps, parfois plus d’une décennie. Si elles affirment tout aussi invariablement qu’elles sont là « pour le bien du village », nos observations montrent que le niveau des consommations d’eau peut être élevé, plus élevé que ce qu’elles ne déclarent. Et si, lors de la mise en place des systèmes d’adduction d’eau au Bénin et au Burkina Faso, la majorité d’entre elles était recrutée parmi les femmes âgées, leur profil a quelque peu changé là où les consommations d’eau sont élevées : elles y sont moins âgées, ou moins démunies, ou plus souvent scolarisées… Plus jeunes, elles sont aussi pleinement valides et entreprenantes – bien plus actrices de leur fonction que ne le sont leurs aînées. C’est le cas de SS, à Korsimogo, au Burkina Faso : « Je suis fontainière depuis quatre ans. La mairie cherchait des femmes alphabétisées ou scolarisées qui habitent près des bornes-fontaines. J’avais un parent là-bas qui m’a informé. Comme j’ai fait l’école primaire jusqu’au CE2, j’ai postulé. En plus de mon activité de fontainière, je fais un petit commerce de galettes. Au cours des périodes de forte chaleur de mai à juin, je vends pour 6 000 à 5 000 francs CFA (d’eau) par jour. J’ai un cahier où je note les montants que je vends. Mes principaux clients sont ceux qui construisent des maisons, des orpailleurs, des restauratrices, des revendeurs d’eau et aussi les gens qui habitent dans le voisinage qui prennent de l’eau d’abord pour la boisson et aussi pour la toilette et la lessive. Je ne fais crédit qu’à ceux qui peuvent payer, c’est le cas des fonctionnaires qui ont une rémunération régulière. Sinon avec les autres, c’est la bagarre pour récupérer son argent. Je donne un peu d’eau gratuitement aux fidèles démunis de la mosquée pour leurs ablutions [12]. »
20La distribution d’eau aux bornes-fontaines les mieux situées peut en effet s’avérer rentable pour les fontainières, notamment en saison sèche, lorsqu’il fait très chaud et que l’eau des puits tarit. Dans la petite ville de Korsimogo, au Burkina Faso, les gains à la borne-fontaine la plus rentable peuvent atteindre 40 000 francs CFA par mois, ce qui situe ces revenus dans le même ordre de grandeur que les salaires pratiqués dans l’économie formelle. Dans certaines zones, la vente de l’eau à des fins économiques (le lavage de motos et de voitures, ou les activités de construction) peut sensiblement accroître les gains. À Polesgo, un quartier précaire à la périphérie de Ouagadougou, selon l’opérateur en charge de la gestion de l’AEP, les gains par mois des gérants des bornes-fontaines en saison sèche vont de 40 000 à plus de 70 000 francs CFA [13]. Ces conditions favorables jouent en faveur d’une pérennisation de l’occupation de la fonction, qui peut être aussi confortée par le développement d’activités complémentaires. En effet, l’intérêt pour l’activité de fontainière participe à un processus de renforcement et de diversification des activités économiques des femmes dans un contexte de croissance des besoins monétaires [14]. Ainsi, les petits commerces qu’installent parfois les fontainières à proximité de la borne-fontaine dynamisent les consommations d’eau. À Kpomassè, elles vendent les denrées les plus courantes à petit prix : arachides, farine de manioc, sucre ou même Sodabi (alcool de palme). Cet extrait d’entretien avec LT, fontainière à Tokpa-Domè, une localité de la commune de Kpomassè, témoigne de cette complémentarité : « Je suis fontainière depuis douze ans. La borne-fontaine dont je m’occupe est près du château d’eau, c’est un endroit où il y a beaucoup de passage… En saison sèche, je peux vendre pour 50 000 francs CFA par semaine [15], il y a quarante à cinquante personnes par jour qui peuvent venir plusieurs fois, parfois avec des charrettes pour porter les bidons. Je vends à côté de la borne-fontaine de la farine, des cure-dents, du Sodabi. Les bénéfices de mon petit commerce sont plus élevés que ceux de la borne-fontaine, mais l’argent de l’eau sert au petit commerce. Je me débrouille avec mes petits bénéfices pour nourrir ma famille. J’ai sept enfants, mon mari est décédé [16]. »
21Il n’est pas rare, aussi, que les fontainières proposent des plats cuisinés. Il arrive même que ce type de micro-commerce évolue vers une boutique bien pourvue. L’attrait de ces femmes pour la fonction est ainsi largement lié aux vertus de l’imbrication de ces différentes activités génératrices de revenus. Elles font circuler l’argent d’une activité à l’autre : les gains issus de la vente de l’eau servent à financer l’activité commerciale, laquelle permet de combler l’argent « manquant » des consommations d’eau. Et une activité renforce l’autre : plus les revenus des bornes-fontaines sont importants, plus le petit commerce parallèle est achalandé et plus il dégage de revenus. La mobilisation d’une main-d’œuvre juvénile (familiale ou non), peu coûteuse (fréquemment logée et nourrie mais non rétribuée), peut aussi exercer un rôle clé dans la conduite des différentes activités des fontainières, en réduisant le temps qu’elles y consacrent. Cette logique peut être poussée assez loin, comme chez cette coiffeuse-fontainière de Dékanmey, dans la commune de Kpomassè au sud du Bénin, qui, chaque jour, affecte une apprentie différente à la distribution de l’eau et conserve pour elle les bénéfices des ventes. Souvent, l’imbrication des différentes activités des fontainières n’est cependant que partiellement maîtrisée. Lorsqu’elles font leurs comptes, elles ont des difficultés à séparer les sommes qui proviennent de la vente de l’eau ou d’autres petits commerces. Et quand elles sont très prises par leurs autres activités, le comptage des quantités d’eau prises par les usagers devient moins rigoureux.
22La valorisation des dispositions (attention et soin, service à autrui) attribuées aux femmes et qui étaient au fondement de la fonction de fontainière s’hybride donc désormais avec des logiques plus clairement économiques, lesquelles restent discrètes, voire inavouées. Ainsi constate-t-on souvent un décalage important entre le gain réel de la fontainière (calculé par l’agent qui fait le relevé des consommations aux compteurs) et celui qu’elle déclare. Cet écart s’explique par plusieurs facteurs. Ces femmes pluriactives, confrontées à de lourdes charges familiales, minimisent les montants de leurs gains pour limiter les sollicitations des parents ou voisins qui fragiliseraient la marche de leurs activités (Guérin, 2008). Elles cherchent aussi à accroître une rémunération qu’elles jugent insuffisante et qui varie fortement, à cause des dysfonctionnements des dispositifs, de la chute des consommations en saison des pluies, de la concurrence des ressources en eau gratuites ou à faible coût ou de branchements privés installés à proximité des bornes-fontaines [17].
23Des marges de manœuvre limitées pour augmenter les revenus. Dans diverses localités ou quartiers, certaines fontainières mènent de façon discrète des stratégies pour accroître la rémunération de leur activité. Ces stratégies s’inscrivent dans le répertoire des pratiques auxquelles les femmes occupant des emplois subalternes ont recours pour que les tâches peu considérées ou supplémentaires qu’elles doivent exercer soient prises en considération dans leur rémunération (Devetter et al., 2013 ; Ayimpam, 2014). À Kolokondé, dans la commune de Djougou, les fontainières ont contraint le gestionnaire à augmenter les tarifs de l’eau à la bassine après avoir menacé de démissionner au motif que les tarifs initiaux étaient trop faibles pour couvrir les risques induits par le non-paiement de l’intégralité des quantités d’eau prises par les usagers. Dans les quartiers précaires de Ouagadougou, les fontainières vendent les barriques de 200 litres à 75 francs CFA plus fréquemment qu’à 60 francs CFA, comme le prescrit l’ONEA (Office national de l’eau et de l’assainissement). À Kpomassè, elles ont trouvé une parade pour tirer plus de revenus de leur activité. Elles sont supposées vendre l’eau au volume en utilisant des bassines ou des barriques calibrées de 35 litres à 20 francs CFA, ce qui revient à un prix de 575 francs CFA/m3, le bénéfice des fontainières s’élevant alors à 135 francs CFA/m3 (avec parfois de petites variantes locales). Dans les faits, presque partout, c’est une mesure de 25 litres – au lieu de 35 litres – qui est vendue 20 francs CFA, en bassine ou en bidon, faisant ainsi monter le prix de l’eau à 800 francs CFA/m3 et engendrant un bénéfice de 360 francs CFA/m3. Toutes les fontainières de Kpomassè ayant des pratiques identiques, on peut raisonnablement en conclure qu’elles ont elles-mêmes et en toute informalité institué ces prix.
24Les marges dont disposent les fontainières pour accroître les revenus issus de leur fonction sont restreintes. Car la compétition est âpre entre les gestionnaires du service de l’eau (communes, fermiers) autour du partage des revenus. Si elles sont généralement marginalisées dans ces négociations, les fontainières constituent néanmoins, dans certains cas, un « groupe stratégique » (Bierschenk, Olivier de Sardan, 1994) avec lequel il est nécessaire de composer pour assurer la continuité du service. Ainsi, la mairie et les fermiers de Kpomassè, quoiqu’au fait des arrangements sur les volumes pour accroître les rémunérations, ne tentent pas de les interdire. Toutefois, quand ils estiment que la diminution du tarif au mètre cube peut accroître la consommation et améliorer la rentabilité de l’AEPS, comme nous l’avons constaté à Korsimogo au Burkina, les opérateurs et gestionnaires restent fermes face aux revendications des fontainières.
25Dans les deux pays, les récriminations contre la cherté de l’eau limitent aussi la portée des stratégies d’augmentation des revenus des fontainières. Dans les communes rurales, où le niveau des activités et le pouvoir d’achat sont plus modestes qu’en milieu urbain, le prix de l’eau, de 500 à 580 francs CFA le mètre cube en moyenne, fait l’objet de plaintes récurrentes. Les habitants des localités proches des villes se sentent d’ailleurs discriminés par rapport à leurs voisins urbains qui ont accès à l’eau à un tarif subventionné : 188 francs CFA/m3 à Ouagadougou pour les huit premiers mètre cube, 198 francs CFA pour les cinq premiers à Cotonou, Djougou et les autres grandes villes du pays (Valette et al., 2017) [18]. Au Bénin, dans les bourgs ruraux de la commune de Djougou, où le prix du mètre cube d’eau a augmenté de plus de 50 % suite au passage d’une gestion communautaire des AEPS à leur affermage au profit d’opérateurs privés, les plaintes des usagers sont nombreuses. Ainsi, à Kolokondé (dans cette même commune), où le prix du mètre cube est passé de 330 à 500 francs CFA, l’agent en charge de la collecte nous a déclaré que les femmes « payaient l’eau en pleurant », ajoutant que réunir les sommes nécessaires au paiement de l’eau entraîne de nombreux conflits entre maris et femmes dans les ménages. Mais à Kpomassè, où le pouvoir d’achat est plus élevé qu’au nord, la hausse du prix de l’eau provoque des débats moins vifs.
26Les femmes aux ressources modestes, qui constituent la grande majorité de la clientèle des fontainières, sont particulièrement affectées par la hausse du prix de l’eau. Lorsqu’elles s’approvisionnent par bidons, bassines, barriques, ce sont elles qui le plus souvent assurent le paiement de l’eau en puisant dans les faibles revenus de leurs activités (Dos Santos, 2012). Afin de réduire le niveau de leurs dépenses, beaucoup n’achètent de l’eau à la borne-fontaine que pour des usages limités : boisson et cuisine. Pour les autres usages, elles ont recours à des infrastructures plus éloignées, soit à des FPM où le prix de l’eau est fréquemment inférieur de 50 %, soit à des puits où l’eau est gratuite (Valette et al., 2017). Dans les quartiers précaires de Ouagadougou, les femmes les plus pauvres, qui ne peuvent acheter l’eau que par petites quantités, dans des bidons et bassines de 20 ou 30 litres, la paient plus cher que celles qui utilisent des barriques de 200 litres (Baron et al., 2016) [19].
Conclusion
27L’analyse de l’évolution des pratiques des fontainières est révélatrice des rapports de force entre les acteurs concernés par le fonctionnement des adductions d’eau potable. Cela dans un contexte où l’accroissement des coûts du service (coûts d’exploitation, revenus du fermier et des employés, taxes municipales, part des fontainières) a entraîné une hausse sensible du prix de l’eau, ce qui en restreint l’accès. Les fontainières se trouvent en première ligne pour gérer les tensions provoquées par la nécessité de fournir l’eau au plus grand nombre, tout en faisant respecter les prix. Alors que la majorité d’entre elles exerce la fonction sans qu’elle n’engendre une véritable source de revenus, une petite minorité parvient pourtant à profiter de l’émergence d’un marché local de l’eau. Là où les acteurs de la gestion des AEPS surmontent les aléas auxquels ils sont confrontés (réparation rapide des pannes, gestion des fonds qui permet l’équilibre budgétaire), où les usagers sont assidus aux bornes-fontaines les plus fréquentées, les fontainières tirent de leur activité de modestes mais véritables revenus. Elles s’affirment de plus en plus comme des actrices de leur fonction et de moins en moins comme de dociles exécutantes, grâce à une foule de discrètes initiatives pour réduire les astreintes inhérentes à la fonction, et surtout pour accroître les gains issus de l’approvisionnement de l’eau et des petits commerces [20]. Mais leur marge de manœuvre est restreinte, notamment parce qu’elles sont rarement associées aux prises de décision au niveau local, où les hommes occupent la plupart des postes dirigeants. C’est, de fait, largement en marge des règles instituées que la fonction évolue vers un travail rémunérateur à même de contribuer à des charges familiales croissantes. En effet, ce marché en émergence, encadré par les réformes de décentralisation qui obligent les communes à une plus grande autonomie financière, fait naître un secteur privé de gestion de l’eau en milieu rural et semi-urbain et accroît la compétition commune/fermier autour du partage des bénéfices de l’activité. Cette compétition n’est pas favorable aux fontainières, dont le pouvoir de négociation au grand jour est faible, aussi les arrangements que nous avons observés sont pour beaucoup de l’ordre de l’informel et du contournement des règles.
28Dans tous les cas, la sociologie des fontainières connaît une évolution notable, et si les femmes âgées restent nombreuses, nous observons une tendance au rajeunissement de la fonction, régulièrement associée à d’autres activités de proximité. Cette évolution, qui inclut désormais une dimension économique, n’efface pas pour autant son inscription dans le tissu social local. La fonction reste éminemment enchâssée dans les rapports sociaux, et les arrangements avec les usagers (crédits en particulier), toujours informels, ne cessent en aucune manière. C’est aussi grâce à ce biais que les fontainières permettent à certains usagers, dont les ressources monétaires sont faibles et irrégulières, d’avoir accès à l’eau.
Bibliographie
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : fontainières, bornes-fontaines, Bénin, adductions d’eau potable, espaces ruraux et semi-urbains, Burkina Faso, initiatives
Mise en ligne 13/03/2020
https://doi.org/10.3917/afco.267.0169Notes
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[1]
Forages équipés de pompes à motricité humaine.
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[2]
Adductions d’eau potable simplifiées (AEPS) ou Adduction d’eau villageoise (AEV). Ces infrastructures présentent les mêmes caractéristiques et sont appelées AEV au Bénin et AEPS au Burkina Faso. Dans la suite de l’article, nous utiliserons les termes d’AEPS ou de dispositifs pour les désigner indistinctement.
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[3]
Cet article restitue un travail de terrain dans des communes rurales du Bénin et du Burkina Faso effectué principalement dans le cadre de l’ANR APPI (« Une action publique éclatée. Production et institutionnalisation de l’action publique dans les secteurs de l’eau potable et du foncier ») et d’une étude financée par l’Agence française de développement sur l’accès à l’eau potable et la réduction de la pauvreté dans les quartiers précaires de Ouagadougou et de Niamey. Une centaine d’entretiens semi-directifs ont été conduits avec quarante-cinq fontainières (et quelques fontainiers), ainsi qu’avec des maires, des agents des communes, des opérateurs privés et associatifs.
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[4]
Les obstacles à une distribution d’eau potable généralisée (régulière et pour tous) relèvent aussi de facteurs techniques (accès difficile aux nappes phréatiques et dépenses élevées pour l’extraction et le pompage de l’eau dans certaines zones, pannes des dispositifs, ruptures de carburant ou coupures d’électricité, pertes d’eau dans les tuyauteries) ou organisationnels (fermier absentéiste, absence de fonds de roulement ou de stock de pièces de rechange, rareté des artisans pour les dépannages, difficultés de recouvrements, détournements d’argent).
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[5]
Il s’agit souvent de personnes qui bénéficient d’une assise locale (notables, entrepreneurs). Les femmes qu’ils choisissent comme fontainières font généralement partie de leur entourage familial.
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[6]
Au Burkina Faso, l’ADAE et l’ONG Eau Vive ont conçu des modèles de formation pour les gérants des bornes-fontaines et mettent l’accent sur le recrutement de fontainières alphabétisées ou scolarisées. Lorsque ce n’est pas possible, ce qui est fréquent, ces structures recommandent aux fontainières de se faire aider par leurs proches alphabétisés ou scolarisés (mari, enfants) pour l’enregistrement des ventes d’eau. Entretien avec AS (ADAE) et AR (Eau Vive) le 29 juillet 2019.
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[7]
Entretien avec AK le 26 mars 2014.
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[8]
Le salaire minimum est de 40 000 francs CFA au Bénin et de 32 000 francs CFA au Burkina Faso, c’est-à-dire deux ou trois fois plus élevé que la majorité des rémunérations des fontainières que nous avons calculées. Ces chiffres n’ont toutefois qu’une valeur indicative, sachant que les activités économiques largement informelles ne permettent pas de faire état de toutes les pratiques.
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[9]
Entretien avec ML à Kolokondé, commune de Djougou, 31 mars 2013.
-
[10]
Entretien avec LT à Tokpa-Domè, commune de Djougou, 28 mars 2014.
-
[11]
Rapports annuels d’exploitations des AEPS sous contrat de service d’appui conseil dans la région de Bobo-Dioulasso, ADAE, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso.
-
[12]
Entretien le 6 mars 2014.
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[13]
Lorsque dans les quartiers précaires de Ouagadougou, la responsabilité de la gestion de certaines bornes-fontaines n’est pas attribuée directement par l’opérateur gestionnaire de l’AEPS à un fontainier ou une fontainière, mais à une autre personne (notable, membre du réseau relationnel), qui choisit une femme de son entourage comme fontainière, le gain que celle-ci perçoit varie en fonction de ce qui est convenu avec le gestionnaire de la borne-fontaine.
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[14]
L’accès limité des femmes aux ressources foncières dans les communes rurales les conduit à exercer un nombre croissant d’activités extra-agricoles (Droy et al., 2014). Les femmes sont aussi de plus en plus sollicitées pour faire face aux dépenses de santé (soins, médicaments) et de scolarité des enfants (frais d’inscription, fournitures, uniformes). La prise en compte de nouveaux postes de dépenses pour les enfants, pour toute la maisonnée, les contributions pour améliorer l’habitat, pour la téléphonie mobile, les transports contribuent à cette évolution. De plus, les contributions des femmes augmentent lorsque le décès du mari ou que ces revenus ou ceux des grands enfants sont irréguliers, ou quand la cohésion des ménages est faible (mésententes liées à des mariages arrangés ou à la polygamie, migration des jeunes en rupture, absentéisme des maris).
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[15]
Sur le montant des ventes d’eau, la fontainière perçoit 20 %.
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[16]
Entretien réalisé le 28 mars 2014.
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[17]
L’obtention d’un branchement privé par une partie importante des anciens usagers d’une borne-fontaine entraîne parfois sa fermeture.
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[18]
Pour les branchements privés.
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[19]
De nombreux usagers (ménages, artisans, restaurateurs) utilisent des barriques de 200 litres dans ces zones périurbaines, les avantages tarifaires dont ils bénéficient favorisent un accroissement de leur consommation.
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[20]
Notons que les activités multiples ne sont pas le seul fait des fontainières. Du côté des entreprises concessionnaires, les combinaisons entre plusieurs activités s’observent aussi, car les seules ressources de la vente de l’eau ne suffisent pas à assurer leur équilibre. Pour beaucoup d’opérateurs privés et associatifs dans le secteur de l’eau, la gestion des AEPS ne constitue ainsi qu’un volet, d’ailleurs souvent minoritaire, des activités de leurs entreprises. La rentabilité de ces dernières, dont le type varie en fonction des profils (vente de matériaux, construction, consultations), atténue les difficultés rencontrées au niveau des AEPS et leur permet de continuer à contribuer à leur fonctionnement. De même, les revenus des autres activités (agricoles, salariées) exercées par leurs employés complètent ceux obtenus dans le secteur de l’eau. Ces diversifications (du chef d’entreprise à la fontainière) contribuant à la pérennité des AEPS.