Couverture de AFCO_263

Article de revue

Zakaria Koné et les transformations des chasseurs dozos en Côte d’Ivoire

De la société civile comme stratégie politique

Pages 41 à 58

Notes

  • [1]
    Cet article est tiré d’un exposé à la table-ronde « Repenser la société civile en Afrique de l’Ouest » (“Rethinking Civil Society in West Africa”), qui s’est tenue à San Francisco le 14 novembre 2012 dans le cadre de la conférence annuelle de l’American Anthropological Association. Ma collègue Rosa de Jorio (University of North Florida) et moi l’avions organisée. Je tiens particulièrement à remercier Marie Miran-Guyon et Yacouba Konaté de m’avoir invité à contribuer à ce numéro spécial, ainsi que Nicolas Courtin, qui a fait preuve de patience à mon égard lors de la préparation de cet article, et surtout à Nicolas Médevielle qui a traduit l’article en français et à Marie Miran-Guyon qui m’a donné des suggestions indispensables pour la révision. Je tiens aussi à remercier Alfredo Rojas pour sa relecture de l’article et ses précieuses suggestions éditoriales. Je reste seul responsable du texte finalisé.
  • [2]
    Pour des raisons pratiques, je dois me limiter à donner un nombre restreint de références. Une abondante littérature existe sur les dozos et les groupes de chasseurs apparentés en Afrique de l’Ouest. Je tiens à m’excuser auprès de tous ceux dont j’admire le travail mais que je ne peux citer ici.
  • [3]
    Pour une discussion plus poussée sur le sacrifice dozo, voir Hellweg (2009 ; 2011, p. 75-102).
  • [4]
    Zakaria Koné s’est récemment fait épingler par les médias pour son rôle possible dans une intrigue. Il aurait tenté d’obtenir 500 millions de francs CFA du régime Gbagbo en échange d’une déstabilisation de la rébellion. Le général Philippe Mangou, ancien chef d’état-major des armées et actuel ambassadeur de Côte d’Ivoire au Gabon, a témoigné devant la Cour pénale internationale de La Haye comme quoi le président Gbagbo avait versé des fonds à Zakaria Koné à cet effet, mais que ce dernier les aurait utilisés en 2011 lors des combats à Abidjan contre les troupes de Gbagbo (Rumeurs d’Abidjan, 3 octobre 2017). Cependant, Navigué Konaté, ministre de l’Intérieur du président Gbagbo à l’époque, a affirmé que ce dernier n’avait jamais effectué de versements, craignant précisément que Koné n’utilise l’argent pour acheter des armes pour combattre son régime (Koaci.com, 5 octobre 2017). Zakaria Koné semble aussi avoir été informé en direct de la tentative de coup d’État au Burkina Faso menée par le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major du président Blaise Compaoré. La proximité de Koné et Diendéré daterait des années de la rébellion ivoirienne, soutenue par Compaoré, Koné aurait transmis les informations glanées au président Ouattara (La Lettre du continent, 30 septembre 2015). De telles histoires illustrent à quel point Koné a su cultiver des relations avec différents hommes forts au cours de sa carrière.
  • [5]
    Je suis tout à fait conscient de la réserve émise par Bob (2011), pour qui la « société incivile » est un concept amorphe utilisé par les critiques pour stigmatiser des agents envers lesquels ils ont peu de sympathie. Je tiens cependant à conserver ce concept à cause du dédoublement qui se produit en politique ivoirienne, où les élites allient pratiques officielles et affaires plus troubles confiées à des personnes peu recommandables. Le terme de « société incivile » reflète bien cette symétrie. Bayart, Ellis, Hibou (1999), Chabal, Daloz (1999), ainsi que Reno (1998), ont tous documenté l’existence de telles tendances criminelles dans de nombreux États africains. J’utilise en outre cette phrase pour condamner les activités répréhensibles des dozos avec lesquels j’ai travaillé. Mon appréciation sincère pour l’inventivité dozo ne m’empêche pas de reconnaître les troubles graves qu’ils ont provoqués.
  • [6]
    Richard Banégas est, à ma connaissance (communication personnelle), le premier à avoir utilisé le terme de « dozofication ».
  • [7]
    Hellweg collabore depuis vingt ans avec Drissa Koné dans ses recherches sur les dozos.

1Cet article explore l’histoire récente d’un groupe de chasseurs initiés en Côte d’Ivoire qui s’appellent eux-mêmes dozos[1]. Si la chasse évoque avant tout des images de « traditions » rurales, les dozos se sont montrés assez modernes au cours des trois dernières décennies, se transformant tour-à-tour en force de police officieuse puis en soldats rebelles, alors même que le déclin économique et le conflit militaire sapaient la stabilité politico-économique du pays. Les dozos ont transcendé leur rôle en partie parce qu’ils n’ont jamais été exclusivement des chasseurs. Si de nombreux jeunes garçons et jeunes hommes des zones rurales malinkés et sénoufos ainsi que des périphéries des zones urbaines, apprennent à chasser, plus rares sont ceux qui deviennent dozos. Car être dozo, ce n’est pas uniquement être chasseur, c’est aussi être sorcier et guérisseur. Les dozos ont recours à des incantations et à des plantes médicinales pour soigner les maladies, repousser le nyama – force invisible malveillante, qui émane de la plupart du gibier qu’ils tuent – et pour combattre d’autres sorciers, en particulier ceux capables de métamorphoses, lesquels attaquent les gens en forêt (Hellweg, 2011, p. 4, 53, 102, 105, 109). Les dozos ont aussi recours à la sorcellerie pour régler leurs comptes entre eux et offrent des sacrifices à Manimory, esprit du premier dozo qui les protègent dans la forêt et par-delà, et ce alors même que la plupart des dozos pratiquent l’islam (Hellweg, 2011, p. 103-127). Leur capacité à endosser des rôles multiples au-delà du statu quo caractérise leurs identités historique et contemporaine, et fait d’eux une force non négligeable (Hellweg, 2011) [2].

2Alors que les sociétés soudano-sahéliennes d’Afrique de l’Ouest se sont typiquement structurées autour de groupes de statut socioprofessionnels héréditaires et selon un modèle gérontocratique (Camara, 1992 ; Cissé, 1970 ; Conrad et Frank, 1995), jeunes hommes et adultes deviennent dozos par la seule pratique d’un sacrifice initiatique, que leur père soit dozo ou pas [3]. Ils peuvent être issus de tout groupe social et en réfèrent non pas aux dozos plus âgés qu’eux, mais aux dozos initiés avant eux (Cissé, 1964 ; Cissé, 1994 ; Hellweg, 2011, p. 52-74). Les dozos incarnent ainsi la possibilité latente du changement social, s’étant retrouvés dans l’histoire associés ou opposés à diverses formations étatiques et cultivant une réputation d’ambiguïté politique qui perdure jusqu’à nos jours. Soundjata Keïta, par exemple, figure historique du treizième siècle, était censément un dozo (donso en langue bambara ou bamanankan) : il aurait fondé l’empire du Mali en vainquant Soumahoro Kanté, tyrannique roi-sorcier (Niane, 1965 ; Cissé, Kamissoko, 2000, p. 359). Les dozos constituaient le gros des troupes armées du royaume de Ségou et de Samory Touré, combattant les avancées coloniales françaises (Hellweg, 2006, p. 467).

3Plus encore – sans faire preuve de beaucoup d’imagination –, les dozos correspondent à la définition contemporaine de la société civile, en tant qu’association distincte du champ politique explicitement contrôlé par l’État. D’après Khilnani (2001, p. 13-14), l’ancrage indépendant de la société civile, qui lui assure son autonomie vis-à-vis de l’État, peut provenir des forces du marché, de pratiques sociales extérieures au marché, ou d’un héritage culturel particulier. Dans le cas des dozos, ces trois éléments entrent en jeu : leurs entreprises récentes dans le domaine de la sécurité publique ont généré d’importantes sources de revenus pour nombre d’entre eux ; la chasse leur a prodigué un système familial de production hors du marché, et leurs pratiques rituelles leur ont fourni un ethos organisationnel unique. Depuis les années 1990, à travers l’Afrique de l’Ouest, les dozos, ainsi que des organisations de chasseurs apparentées, telle que les Kamajors de Sierra Leone, ont également endossé le rôle d’agents de sécurité ou de militaires – rétribués ou pas – en zones urbaines ou rurales, en se basant sur leurs pratiques rituelles (Ferme, 2001, p. 26-30 ; Hagberg, 1998 ; Hellweg, 2011 ; Hoffman, 2011, p. 55-87 ; Leach, 1994). Mais la présence des dozos a été particulièrement publique, politique, et controversée en Côte d’Ivoire. Les dozos se sont retrouvés en présence d’une multiplicité d’acteurs motivés par des considérations religieuses, pour intervenir dans les violences qui ont ravagé la Côte d’Ivoire au tournant du vingt-et-unième siècle (Miran-Guyon, 2015).

4Cet article explore la manière dont le rôle des dozos en Côte d’Ivoire a oscillé, au cours du dernier quart de siècle, entre celui de membres de la société civile et celui d’agents quasi étatiques. Ce faisant, je soutiens l’utilité de la notion de société civile, non pas en tant que catégorie politique en soi, mais en tant que stratégie politique. Je définis l’État, la société civile, ainsi que son ombre ou son double, la « société incivile » (Carothers, 1999), non pas comme des items en soi, mais comme les éléments d’un processus. Je propose de considérer que le pouvoir politique en Côte d’Ivoire s’inscrit dans un long continuum de positions intermédiaires entre l’État et la société (in)civile. Les hommes d’influence peuvent, pour une bonne part, déterminer et augmenter la nature de leur pouvoir selon la manière dont ils se définissent et sont perçus par les autres, selon ces termes.

5Dans ce contexte, le pouvoir se résume à la capacité d’un acteur à changer de position dans ce continuum, ou à empêcher que d’autres acteurs puissent opérer de tels déplacements : il faut comprendre cette idée dans la lignée de Franco Crespi (1992, p. 95), qui définit le pouvoir comme « la capacité de régler les contradictions inévitables entre action et normes ». Le pouvoir repose, de fait, sur la capacité d’un acteur à résoudre des contradictions, à la fois dans son esprit et dans celui des autres, dans la manière dont il agit et pense et dans la manière dont les autres anticipent ses actions et pensées, c’est-à-dire dans sa capacité à négocier avec succès son « identification avec les autres et sa distanciation à leur égard » (Crespi, 1992, p. 94). Cela requiert une capacité à anticiper, à lire et à répondre aux attentes d’autrui. Jean-Loup Amselle (1998) a ainsi montré comment les populations du Ouassoulou [Ouassolon, Wassoulou], région s’étendant aux confins de la Guinée, du Mali et du nord-ouest de la Côte d’Ivoire, ont oscillé au cours de l’histoire entre ordre social hiérarchique d’un côté et segmentaire de l’autre, identités linguistique et culturelle malinké d’un côté et peul de l’autre, et entre pratiques rituelles musulmanes d’un côté et « autochtones » de l’autre. Suivant ces termes, le pouvoir porte sur la gestion des perceptions et des relations interpersonnelles et sociales qui informent et qui émanent de ces perceptions, de manière à pouvoir déterminer les actes des autres et à motiver les siennes. Le pouvoir est simultanément personnel et structurel (Hellweg, 2011, p. 10, 14-16). Et c’est ainsi qu’il en a été récemment en Côte d’Ivoire.

6Cet article examinera dans un premier temps comment les dozos ont fait évoluer leur identité entre ces deux pôles que sont l’État et la société civile au cours des vingt-cinq dernières années. S’écartant de leur position de chasseurs, ils sont devenus une force de police officieuse, et par la suite, soldats rebelles de l’armée d’opposition des « Forces nouvelles » (FN), avant d’avoir la possibilité, pour certains, de rejoindre de manière ostensible les soldats professionnels des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Les FRCI ont été créées en mars 2011, après la victoire d’Alassane Ouattara par les urnes aux élections présidentielles de 2010, victoire rejetée par le président Gbagbo qui se déclara vainqueur (Fofana, 2011, p. 161). L’article se concentrera dans un deuxième temps sur le cas emblématique de Zakaria Koné, homme ayant navigué entre de nombreuses identités, avant et depuis le déclenchement des hostilités politico-militaires en 2002. À l’origine simple dozo, il était soldat de l’armée ivoirienne avant la rébellion, puis devint seigneur de guerre pendant la rébellion et enfin officier de haut rang depuis la fin des hostilités [4]. De 2002 à 2008, il a exercé les fonctions de « commandant de zone » (ou « com’zone ») pour les Forces armées des forces nouvelles (FAFN), occupant la même position ambiguë que des centaines de dozos qui avaient rejoint les forces rebelles. Au début de 2011, lors de la bataille d’Abidjan, il avait de nouveau rejoint les troupes pro-Ouattara.

7Zakaria Koné a, contre vents et marées, traversé de manière répétée la frontière entre société civile et État, devenant un agent de l’État, employé pour partie à maintenir la « société incivile » à l’écart, afin d’assurer la démarcation entre État et société (in)civile par laquelle l’État définit sa légitimité. Si le déploiement d’acteurs non étatiques tel que les dozos a rendu possible l’ascension d’Alassane Ouattara à la présidence ivoirienne, par la suite, dans la période d’après-guerre, c’est leur mise à l’écart des rôles étatiques qui a renforcé la légalité du nouveau régime. Le cas de Koné est ainsi à la fois unique et révélateur. Après avoir rejoint l’appareil étatique dans le sillage de la victoire de Ouattara sur Gbagbo en 2011, il a joué un rôle déterminant dans l’exclusion des dozos des forces armées du nouveau régime, les empêchant d’y obtenir un rôle étatique ou quasi étatique (L’Inter, 2 novembre 2012). La carrière de Koné invite à reconsidérer l’utilité de la notion de société civile eu égard aux récents événements en Côte d’Ivoire.

Évolution du rôle des dozos depuis les années 1990

8Depuis le début des années 1990, le rôle des dozos a oscillé entre celui de membres d’un groupe semi-professionnel de chasseurs opérant en dehors de toute affiliation formelle avec l’État, et celui de quasi-agents de ce dernier. Au cours des années 1990, ils sont devenus une force de police parallèle afin de compenser les insuffisances d’une police officielle inefficace et corrompue. La criminalité alimentait à l’époque un climat d’anarchie grandissante (Hellweg, 2011, p. 27-51). La solide organisation des dozos à travers le pays reposait sur de nombreux réseaux s’imbriquant entre eux par le biais des migrations internes et internationales provenant de pays voisins, mais aussi sur son ancrage dans les obligations rituelles que dictait leur participation aux funérailles de collègues décédés ; elle en faisait un groupe bien équipé pour combattre la criminalité (Hellweg, 2011, p. 75-102). De plus, leurs pratiques rituelles leur inculquaient une éthique de la responsabilité sociale qui faisait d’eux des pourvoyeurs de viande de gibier, mais aussi des protecteurs contre les maladies, le nyama, et les sorciers. Lors de la montée spectaculaire de la criminalité au cours des années 1990, les dozos n’ont fait qu’étendre le champ de leurs responsabilités vers un nouveau domaine : celui de l’État-nation (Hellweg, 2011, p. 8-14). De par les rôles politiques qu’ils avaient joués pendant la période précoloniale, cette extension n’était pas sans précédent.

9Les dozos ont servi dans des patrouilles de sécurité à la fois dans les zones rurales et urbaines car ils vivaient et travaillaient dans ces deux espaces. C’est pourquoi ils ont eu la capacité de mettre sur pied une organisation de sécurité à l’échelle nationale, confrontés qu’ils étaient à l’incapacité de l’État à assurer la sécurité publique. Des responsables publics au niveau local et régional leur ont donné leur accord tacite, mais parfois aussi explicite, sous forme écrite, laissant les dozos patrouiller armés dans leurs communautés, brouillant les frontières entre État et société civile à l’intérieur du pays, dans des villes comme Daloa, Issia, Korhogo, Odienné et San-Pédro, mais aussi à Abidjan et même dans la capitale politique, Yamoussoukro (Hellweg, 2011, p. 128-180). Les rôles tenus par les dozos en matière de sécurité ont fini par s’apparenter à ceux des forces de police officielles, alors même que les dozos contestaient ces forces. Les dozos appartenaient à la société civile et s’en revendiquaient, alors même qu’ils endossaient un rôle de forces de sécurité quasi étatiques. Aidés par un diplomate ivoirien originaire du nord-ouest du pays, ils ont formé une ONG officielle pour obtenir des responsables nationaux la légalisation de leurs activités de maintien de l’ordre.

10Inza Fanny, inspecteur des postes diplomatiques et consulaires à l’époque (et décédé en 2004), a affirmé avoir créé l’ONG « Afrique environnementale » afin d’enrôler et de fédérer les dozos dans la lutte contre la déforestation, l’épuisement du gibier et l’insalubrité en Côte d’Ivoire. Dans ce but, Fanny a organisé deux conférences nationales, qui ont réuni les dozos pour les sensibiliser aux questions environnementales. Il espérait obtenir de l’État la reconnaissance des activités quasi-policières des dozos mais n’y est jamais parvenu (Hellweg, 2011, p. 129-152). Cet échec a partie liée à la montée de l’idéologie de l’ivoirité promue par le régime du président Henri Konan Bédié, basée sur une analyse xénophobe de l’histoire ivoirienne, implicitement pro-chrétienne et antimusulmane. Les partisans de l’ivoirité affirmaient que la nation ivoirienne s’ancrait dans les structures démographiques stables héritées de la période coloniale française. D’après les tenants de cette théorie, cet équilibre avait été atteint avant l’indépendance et aurait par la suite été remis en cause par l’afflux dans le Sud de migrants internes musulmans venus du Nord, ainsi que d’immigrés venus de pays voisins, qui s’étaient établis dans le Sud depuis l’ère coloniale et de manière accélérée depuis le boom économique des années 1960-1980. Tous ces mouvements, selon certains Ivoiriens, devaient cesser (Hellweg, 2011, p. 44-51).

11Même si les dozos n’ont pas obtenu l’enregistrement officiel qu’ils espéraient, cela a peu compté : la métamorphose s’était déjà opérée. Ils ont établi une pléthore d’associations organisées comme si elles étaient des ONG, suivant le modèle de Fanny, avec leurs présidents, vice-présidents, secrétaires et trésoriers. Leur structure organisationnelle était ouvertement bureaucratique, adoptant une grammaire commune aux ONG et à l’État. Leurs associations récoltaient des cotisations, distribuaient des cartes d’adhérent à leurs membres et choisissaient leurs propres noms pour se distinguer les unes des autres, souvent pour marquer leur ancrage géographique. Un dozo pouvait ainsi appartenir à plusieurs organisations à la fois, chacune avec ses propres cartes d’adhérent et ses cotisations. La plupart d’entre eux appartenaient au mouvement Benkadi, dont le nom vient de l’expression manding Bɛn ka di, « la concorde est douce ». Les dozos appartenaient également à une ou plusieurs associations régionales ou locales. À l’instar de Benkadi, la plupart collectaient aussi des « cotisations » versées par les membres des communautés où elles étaient implantées. Ces pratiques confinaient parfois à du racket, voire l’étaient ouvertement, ce qui fut critiqué à juste titre par des politiciens, journalistes et membres du public (Hellweg, 2011, p. 128-152). Comme de nombreux rapports sur la situation des droits de l’homme l’ont constaté, les dozos ont aussi, à l’occasion, perpétué des actes d’extrême violence contre des civils rencontrés lors de leurs opérations de maintien de l’ordre, à l’image des forces de police et de gendarmerie (Hellweg, 2011, p. 17). Il ne s’agit pas ici d’excuser la violence des dozos, mais de reconnaître à quel point ils en sont venus à ressembler aux forces de l’ordre officielles dans leur comportement, brouillant de nouveau la frontière entre société (in)civile et État.

12Cependant, les dozos ont consolidé leur pouvoir dans cette période d’instabilité précisément en s’identifiant à la fois à la société civile et à l’État. Ils se sont fait rémunérer pour leurs services dans les quartiers populaires, ont organisé des patrouilles armées pour assurer l’ordre, ont capturé des suspects de délits et crimes, ont mené leurs propres procès pour juger ces suspects, et ont puni les infractions pénales constatées du paiement d’une amende due à des dozos pour récompenser ces derniers, pour punir les présumés délinquants et pour rembourser les victimes de leurs pertes. Dans le même temps, ils ont abusé de leur autorité en battant, extorquant, assassinant et violant des civils (Hellweg, 2011, p. 17). De plus, lors de la rébellion de 2002 à 2007 et lors de la crise de 2010-2011, des centaines d’entre eux ont rejoint l’ancien leader estudiantin Guillaume Soro et le président élu Alassane Ouattara pour essayer de renverser le président Laurent Gbagbo (Hellweg, 2011, p. 213-234). Les dozos ont incarné donc ce que Carothers (2004, p. 99-107) pourrait qualifier de « société incivile [5] : le double menaçant de la société civile. Les combats de 2010-2011 ont même généré deux États, l’un dirigé par Gbagbo, l’autre par Ouattara (Newell, 2012), chacun voyant l’autre comme « incivil ». Dans le même temps, chaque partie en conflit s’est retrouvée avec deux sociétés civiles, l’une paisible, l’autre violente, brouillant la démarcation entre pouvoir étatique et civil par le recours à la violence hors du contrôle explicite de l’État. Si les Jeunes Patriotes qui soutenaient Gbagbo participaient à des manifestations, ils avaient aussi recours à la violence pour intimider et tuer leurs opposants (Marshall-Fratani, 2006, p. 29). Quant aux dozos, ils soutenaient Ouattara. Dans des circonstances non violentes, ces deux groupes auraient constitué le type d’association pouvant trouver sa place dans la société civile. Zakaria Koné a incarné l’ambiguïté institutionnelle inhérente à cette situation.

Le paradoxe de Zakaria Koné

13En décembre 2011, le nouveau président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, a nommé Zakaria Koné, ancien commandant de la zone rebelle de Vavoua-Séguéla, au poste de commandant de la police militaire. Cette affectation n’a cependant pas duré longtemps. Dès la fin de 2012, Koné devint commandant en second du bataillon d’artillerie Sol-Air (Nord-Sud, 28 décembre, 2012). En 2017, il fut à nouveau promu commandant de l’Unité de commandement et de soutien du bataillon d’artillerie Sol-Sol de Côte d’Ivoire (Agence ivoirienne de presse, 3 février 2017). Cet ancien rebelle a ainsi gravi les échelons pour s’intégrer à la hiérarchie militaire.

14Sa trajectoire est remarquable car il est aussi dozo. Il incarne donc à la fois les identités dozo, rebelle et officielle. Parmi les rebelles, il était « le plus mystique [des] chefs de guerre […] [f]idèle à sa chéchia de dozo » (L’Expression, 11 juin, 2011), ayant la réputation d’utiliser ses pouvoirs occultes de dozo au combat. Il représente aussi la « dozofication [6] des forces d’opposition, qui en adoptant les techniques dozos, leurs habits et amulettes, ont fait des accoutrements dozos le symbole des troupes rebelles, même non-dozos (Hellweg, Palas, Koné, 2015, p. 99-103). Cependant, après l’arrivée de Ouattara au pouvoir en 2011, la présence de dozos parmi ses troupes est devenue source d’embarras. En 2011 et 2012, des témoins ont rapporté des massacres de civils dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire par des dozos, ou des non-dozos habillés comme eux. Les dozos étaient désormais suspectés de crimes de guerre (Amnesty International, 2011 ; Wells, Dufka, 2011).

15C’est pourquoi le secrétaire du Conseil national de sécurité de Ouattara, Alain-Richard Donwahi, a distingué entre ceux qui étaient appelés à intégrer l’armée nationale suite au conflit et ceux qui ne le pourraient pas. Lors d’un entretien, il a déclaré : « Certaines personnes qui viennent d’être désarmées affirment qu’elles font partie d’un groupe indépendant de combattants. Mais nous savons que nous n’avons pas eu de combattants indépendants ici. Nous avions des chaînes de commandement claires » (Inter Press Service, 22 septembre 2012, les italiques sont de l’auteur). Les combattants indépendants se virent refuser l’intégration, à la différence des anciens rebelles qui avaient été des soldats « réguliers » ivoiriens avant la rébellion. Le nouveau régime se trouvait donc dans la position délicate de devoir reconstituer une armée nationale en intégrant d’anciens rebelles tout en excluant les combattants « irréguliers ». Qui était mieux positionné pour remplir cette tâche que quelqu’un pouvant parler aux deux groupes et faire la différence entre eux, car provenant des deux à la fois ?

Une brève biographie de Zakaria Koné, par Joseph Hellweg et Drissa Koné[7]

Zakaria Koné est né dans un village plus tard absorbé par celui de Séguélon, dans la région d’Odienné, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, cette zone appartient à la région du Kabadougou, dans le district du Denguélé. Koné aurait été initié comme chasseur dozo dans sa jeunesse. Plus tard, il s’enrôla dans l’armée, les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI).
Après le coup d’État de 1999 qui renversa le président Henri Konan Bédié, la situation des soldats qui comme Koné étaient originaires du Nord, se dégrada. Les putschistes invitèrent l’ancien général Robert Gueï à devenir président. Il accepta mais craignait qu’ils cherchent in fine à le remplacer par l’ancien Premier ministre, Alassane Ouattara. Aussi marginalisa-t-il les soldats originaires du nord du pays. Beaucoup ont fui, craignant pour leur vie. Koné, comme de nombreux autres, se réfugia au Burkina Faso, d’où les mutins lancèrent la rébellion contre le président Laurent Gbagbo, le 19 septembre 2002.
Au cours de la rébellion, Zakaria Koné était commandant de zone des Forces nouvelles, la coalition des armées rebelles, pour la région de Vavoua-Séguéla. En 2008 cependant, la direction de la rébellion lui retira son commandement, sans doute car Koné s’était élevé contre la décision prise en 2007 par Guillaume Soro d’accepter le poste de Premier ministre de Gbagbo. Quand Koné refusa de déposer les armes en contravention de l’accord de paix signé cette année-là à Ouagadougou, le commandement de la rébellion envoya des troupes pour le forcer à désarmer. Koné s’est alors enfui pour se réfugier de nouveau au Burkina Faso jusqu’en 2011.
À la suite des élections présidentielles de 2010, qui virent à la fois Ouattara et Gbagbo se déclarer vainqueur, Koné rejoignit la rébellion pour se battre dans le quartier de Yopougon à Abidjan. En mars 2011, il intégra les forces armées rebelles reconstituées, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire, placées sous le commandement d’Alassane Ouattara.
À la fin de la guerre, Koné fut nommé chef de la police militaire nouvellement créée pour empêcher que les anciens combattants, ou toutes les personnes armées, y compris les policiers et gendarmes, ne règlent leurs comptes ou ne fomentent des troubles dans le pays. Il fut promu commandant de bataillon en 2012 et commandant d’une unité de commandement et de soutien d’artillerie en 2017.
En octobre 2017, le procureur de la Cour pénale internationale de La Haye a exprimé le souhait d’auditionner Zakaria Koné à propos de la mort de Désiré Tagro, ministre de l’Intérieur puis secrétaire général de la présidence sous Gbagbo. Le général Philippe Mangou, chef d’état-major des armées de Gbagbo, a témoigné devant la Cour comme quoi Koné avait affirmé avoir capturé Tagro et que ce dernier se serait suicidé. Beaucoup soupçonnent que Tagro fut assassiné.

Zakaria Koné, chasseur dozo

figure im1

Zakaria Koné, chasseur dozo

Lors d’une réunion de dozos dans la région d’Odienné en 2012, Zakaria Koné arbore une tunique dozo (dozodɛrɛkɛ) couverte d’amulettes destinées à le protéger avant tout des sorts ou agressions physiques provenant de dozos jaloux ou rivaux et d’autres ennemis.

16Le plus ironique, peut-être, est que Zakaria Koné, qui fut un temps le commandant de la police militaire chargée de mettre fin aux exactions commises par des soldats lors des hostilités de 2011 (Connection ivoirienne, 11 avril 2013), était aussi un ancien rebelle et un dozo chargé d’écarter de l’armée nationale les anciens rebelles inaptes à rejoindre des forces militaires étatiques. La présence de Koné était nettement visible lors d’une réunion qui s’est tenue le 1er novembre 2012 avec des dozos, au cours de laquelle Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, les avertit qu’ils devaient déposer les armes ou qu’ils souffriraient des conséquences juridiques d’un non-retour à la vie civile (L’Inter, 2 novembre 2012). Devenu représentant de l’État, Koné incarnait parfaitement le mouvement de régularisation des rebelles alors mené dans le cadre du programme de « Désarmement, Démobilisation et Réintégration » (DDR) et ce, au moment où sa position l’amenait à tenter d’exclure certains rebelles du processus (Hellweg, Palas, et Koné, 2015). Les responsables du DDR visaient de même à exclure les dozos qui n’étaient pas déjà policiers, gendarmes, ou soldats des forces armées et de sécurité de Côte d’Ivoire (Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire 2013, p. 24 ; L’Inter, 2 novembre 2012).

17Il est loisible de penser que les dozos affichaient trop clairement la nature intrinsèquement irrégulière des nouvelles Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), incitant les officiels à vouloir s’en démarquer. D’ailleurs, la réaffectation de Zakaria Koné, qui céda son rôle de commandant de la police militaire pour devenir commandant de bataillon, fit sans doute suite aux investigations d’Amnesty International qui avait identifié plusieurs seigneurs de guerre « comme les auteurs de graves violations de droits de l’homme ». Koné et ses collègues étaient ainsi :

18

« mis à distance mais tout en conservant des fonctions importantes. Ouattara n’[avait] pas d’intérêt à confronter publiquement ou sérieusement les FN [Forces Nouvelles] s’il [voulait] assurer la stabilité de son régime et l’allégeance des troupes. L’effet premier [fut] une tolérance ou une incapacité chronique à contrôler les dispositifs de violence de l’État ».
(Charbonneau, 2013, p. 126-127)

19Étrange situation en effet que celle d’un présumé criminel de guerre, jugeant les dozos inaptes à devenir des soldats réguliers !

20Koné a joué un rôle similaire vis-à-vis d’Amadé Ouérémi, le seigneur de guerre qui, pendant les hostilités, occupait avec ses troupes la forêt classée du Mont Péko dans la région de Duekoué dans l’Ouest ivoirien. De même que Koné, Ouérémi avait la réputation d’avoir des pouvoirs surnaturels et d’être dozo. Koné aurait été envoyé en mai 2013 « par le ministre délégué à la défense Paul Koffi Koffi et celui de la sécurité Hamed Bakayoko » pour discuter avec Ouérémi « afin qu’il libère les lieux non seulement dans le respect des lois en vigueur mais aussi dans le respect des secrets de la confrérie [des dozos] » (Koaci.com, 7 mai 2013). Avant la fin du mois, Ouérémi avait été arrêté et emprisonné (Jeune Afrique, 31 mai 2013).

Zakaria Koné, dozo-rebelle

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Zakaria Koné, dozo-rebelle

Cette photo de Zakaria Koné a été prise près de Vavoua en novembre 2002, sur une route où il semble y avoir eu des combats. Zakaria Koné arbore une tenue mixte dozo-rebelle. Outre son arme conventionnelle et un pantalon kaki militaire, il porte une coiffe et une ceinture dozos, ainsi que des bagues, des bracelets et un bâton que les dozos considèrent doué de puissances occultes protectrices ou agressives utiles au combat.
Photo de Luc Gnago, Reuters, Vavoua, Côte d’Ivoire, 30 novembre 2002.

21Le nouveau régime a eu recours au capital symbolique et politique de Zakaria Koné, à la fois dozo, rebelle, et soldat, pour conserver le pouvoir au cours d’une période de transition politique hautement volatile, malgré, – ou plutôt à cause de –, sa réputation de hors-la-loi. Les responsables publics ont imposé les mêmes distinctions entre État et société civile, ou incivile, que Koné exhibait, dans le but explicite de se démarquer de ceux qu’ils qualifiaient de combattants irréguliers, alors même qu’ils avaient dépendu d’eux pour accéder au pouvoir.

22La politique ivoirienne récente se définit par cette intimité et élasticité entre État et société civile. Ainsi de Guillaume Soro, qui a commencé sa carrière comme leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), puis a dirigé la rébellion de 2002 à 2007 avant de devenir Premier ministre de Gbagbo en 2007. Il est aujourd’hui président de l’Assemblée nationale (Jeune Afrique, 12 mars 2012). De même, en 2010, quand Gbagbo semblait avoir perdu les élections présidentielles contre Ouattara et refusa de se démettre, les rebelles ont de nouveau pris les armes, comme ils l’avaient fait en 2002 (Amnesty International, 2011 ; Star Mag, 22 juin 2011 ; Wells, Dufka, 2011, p. 87). Ces anciens rebelles ont alors constitué les nouvelles Forces républicaines de Côte d’Ivoire, sous la direction de celui qui était devenu le président Ouattara (Fofana, 2011) afin de chasser Gbagbo, devenu nouvellement rebelle. Le jeu des chaises musicales entre État et société (in)civile est devenu le ballet du pouvoir en Côte d’Ivoire.

Vers une théorie pratique de la société civile

23Au cours des années 1990, le vocable de « société civile », auquel Gramsci (1971) a grandement contribué, a été popularisé pour décrire le fait que des acteurs ou associations apparemment non politiques jouaient un rôle de plus en plus visible dans la sphère politique africaine. Des groupes de femmes, de responsables religieux, des ONG et des organisations militant en faveur des droits de l’homme se firent entendre dans les États africains devenus fraîchement multipartistes, à la fin de la guerre froide. En 1999, Jean et John Comaroff mirent en doute l’utilité d’un tel concept. Ils critiquèrent l’incapacité des chercheurs à « identifier la forme que […] prendraient des modes africanisés de société civile. Ou de comprendre comment ils pourraient entrer en résonance avec des idées sur la sociabilité et la responsabilité politique différant de celles existant en Occident » (Comaroff, Comaroff, 1999, p. 20, 24). Ignorant le fait que des Africains avaient considéré le terme comme suffisamment utile pour y recourir, les Comaroff jugeaient le concept trop étroit pour rendre compte de la gamme des variations qu’ils observaient en matière de politique africaine, et trop séparé de la politique pour éclairer les liens entre État et culture populaire. Ils affirmaient que la société civile n’avait jamais existé hors de la vie politique et qu’elle n’avait jamais constitué un champ singulier, en Afrique comme en Occident. Ils notaient, dans la lignée de Foucault, que le pouvoir « dissout les frontières entre public et privé, État et société » (Comaroff, Comaroff, 1999, p. 24). Ils n’avaient qu’à moitié raison, puisque de telles frontières s’effacent rarement suffisamment pour que, par exemple, l’appartenance à une ONG assure l’accès de ses membres à l’Assemblée nationale. Ils ont aussi négligé l’utilité performative de cette distinction aux yeux du personnel politique et non politique.

Zakaria Koné, militaire du rang

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Zakaria Koné, militaire du rang

Zakaria Koné porte un uniforme militaire réglementaire lors d’une cérémonie d’accueil en lien avec la visite du président Alassane Ouattara à Kani, au nord de Séguéla, en 2015. À sa gauche se tient Issiaka Ouattara, dit « Wattao », qui l’avait remplacé en tant que commandant de zone (com’zone) de la région Vavoua-Séguéla en 2008.
Photo de Luc Gnago, Reuters, Kani, Côte d’Ivoire, 25 juillet 2015.

24Cependant, si le concept de Gramsci pose problème, il offre aussi des solutions. Dans ses remarques sur « La formation des intellectuels », il opère une distinction entre « deux grands “étages” dans les superstructures, celui que l’on peut appeler l’étage de la “société civile”, c’est-à-dire de l’ensemble des organismes vulgairement dits “privés”, et celui de la “société politique” ou de l’État » (Gramsci, 1971, p. 12 ; Gramsci, 2018). La société civile est le domaine de l’hégémonie, de l’extension du pouvoir politique par le biais d’institutions non politiques, dans lequel des intellectuels, qui ne recourent pas à la force, servent de « commis » pour ceux qui contrôlent l’appareil coercitif d’État (Gramsci, 1971, p. 12). L’originalité de Gramsci provient tout autant du lien qu’il tisse entre ces deux domaines, que de la distinction qu’il marque entre eux. Son but est de « mesurer le caractère “organique” des diverses couches d’intellectuels, leur liaison plus ou moins étroite avec un groupe social fondamental en établissant une échelle des fonctions et des superstructures de bas en haut » (Gramsci, 1971, p. 12, les italiques sont de l’auteur ; Gramsci, 2018). Sa principale contribution est l’idée que le pouvoir d’État est contigu – mais non identique à – celui de la société civile, la réciproque étant également vraie (Pillay, 2004, p. 123-124). En d’autres termes, si nous acceptons l’existence d’États en Afrique, nous devons aussi accepter l’existence de sociétés civiles, quel que puisse être leur niveau d’hybridité (Comaroff, Comaroff, 1999, p. 20).

25Loin de devoir abandonner la notion de société civile, les spécialistes de l’Afrique devraient la revisiter. La persistance d’institutions précoloniales en constante redéfinition, telles que les groupes de statut socioprofessionnel héréditaire ou encore les mosquées, lesquels côtoient des églises chrétiennes, des associations de migrants et des tontines qui se sont développées en contexte colonial et postcolonial, justifie l’utilisation de ce concept, qui, le cas échéant, met l’accent sur ce qui les rapproche, sans gommer leurs différences : leur commun encadrement par des intellectuels « organiques ». Les intellectuels organiques sont « moins distingués par leur profession, qui peut être n’importe quelle occupation caractéristique de leur classe, que par leur fonction : la direction des idées et aspirations de la classe à laquelle ils appartiennent organiquement » (Quentin, Hoare, 1971, p. 3 ; Gramsci, 1971, p. 8 ; Gramsci, 2018). Les dozos, au même titre que les membres des autres groupes mentionnés ci-dessus, en font donc partie. Ils ont énoncé publiquement et répondu à des préoccupations populaires sur la sécurité nationale et le climat politique ivoirien, qu’exprimaient des communautés paysannes et la classe laborieuse urbaine. Bien que Gramsci (1971, p. 6) refuse le statut d’intellectuel organique aux paysans, persuadé que seuls les activistes du Parti communiste issus de la classe ouvrière pouvaient conduire « la paysannerie à remettre en cause l’hégémonie des groupes dominants » (Feierman, 1990, p. 18), les dozos étaient originaires à la fois des zones rurales et urbaines et ont organisé un mouvement national ayant des ramifications politiques. Si les dozos ont réussi à mobiliser des communautés issues des classes populaires ivoiriennes dans des zones géographiquement diverses, ils méritent par suite cette appellation d’intellectuels organiques, et leur réseau constitue une institution de la société civile, en particulier de par son autonomie vis-à-vis de l’État. Dans le même temps, leurs liens avec le régime actuel, en tant qu’anciens rebelles et forces de police officieuses, en font plus que de simples membres de la société civile, même si le désir de l’État de les garder à distance, en les maintenant dans une position de civils, signifie que de telles barrières sont tout aussi contrôlables qu’elles sont perméables. Les contestations de telles distinctions sont une caractéristique de la politique ivoirienne contemporaine.

26Aussi proposerai-je d’analyser le couple État/société civile comme le baromètre d’une relation en constante mutation entre des acteurs en concurrence pour l’accès aux ressources étatiques. À en juger par le cas des dozos, une telle mutation est intrinsèquement possible chez tous les acteurs sociaux, depuis les paysans jusqu’aux présidents, et varie selon leurs possibilités politiques. En Côte d’Ivoire, divers acteurs ont fait osciller leur position entre ces pôles avec une telle régularité qu’on pourrait même considérer la société (in)civile et l’État comme des registres personnels autant que comme des positions institutionnelles : un ensemble d’oppositions englobant un habitus postcolonial allié à une stratégie d’officialisation (Bourdieu, 1977, p. 38-42), lesquelles affirment soit leurs différences inhérentes, soit leur quasi-absence de spécificité et leur absence de pertinence en contexte africain (Comaroff, Comaroff, 1999), obscurcissant leur réalité dans les deux cas.

27Les acteurs politiques pouvant présenter leurs actions comme ayant une visée étatique, parce qu’ils ont le capital social nécessaire et l’occasion de le faire, ont un avantage car, par le biais de l’État, ils auront un meilleur accès aux ressources globales, qu’elles soient acquises de manière légitime ou non (Bayart, Ellis, Hibou, 1999 ; Chabal, Daloz, 1999). Dans le cas contraire, ils doivent se contenter de leur statut de membre de la société civile, ou peuvent s’opposer frontalement à l’État, en tant que membres de la société incivile. Leur rôle peut cependant changer si les circonstances évoluent, ou, quand ils altèrent leur rôle, les circonstances peuvent évoluer, comme le montre le cas des dozos et de Zakaria Koné.

28Il s’agit donc de reconnaître que le personnel politique et les leaders de la société (in)civile emploient des stratégies performatives similaires dans le but de consolider ou de contester le pouvoir étatique. Si Carothers (2004) a raison d’avancer que la « société incivile » est une modalité de la société civile – et qu’ainsi les milices d’opposition, les polices parallèles et le crime organisé définissent une sphère d’activité politique échappant à l’État, tout autant qu’y échappent aussi les activités d’associations privées plus paisibles –, alors la période du multipartisme en Côte d’Ivoire, qui s’est ouverte dans les années 1990, n’a été rien d’autre qu’une lutte de pouvoir définie par l’exploitation de ressources politiques provenant des deux pôles d’un même continuum, alors même qu’ils étaient déclarés absolument distincts.

29La trajectoire de Zakaria Koné souligne le caractère arbitraire et interdépendant, et l’opportunisme politique de l’usage de ces catégories. Koné incarne à la fois la relation entre État et société civile, et entre société civile et société incivile. Point n’est besoin de considérer un État africain comme « faible » pour en mesurer les forces particulières (Reno, 1998), ou de fureter par-delà ses lois pour en révéler sa « criminalité » camouflée (Bayart, Ellis, Hibou, 1999), ou de le démasquer pour dévoiler ses vérités internes « sous-jacentes » (Ferme, 2001), ou encore d’accepter l’utilité de son « désordre » pour appréhender son agencement (Chabal, Daloz, 1999). Plutôt que de se concentrer sur de telles dichotomies – fort contre faible, légal contre criminel, surface contre intérieur, ordre contre désordre – comme si un des composants était plus vrai que l’autre ou que tous deux étaient inextricablement liés, il est plus fructueux de s’intéresser aux processus qui les englobent et les rapprochent, particulièrement en ce qui est du binôme État/société (in)civile. Ce qui importe, c’est la capacité à transformer chacun de ces termes en son double selon son besoin, à mobiliser l’arbitraire comme ce qui est acquis, l’imaginaire comme ce qui est réel, le non-officiel comme de l’officiel, et vice-versa. Tel est le pouvoir.

Conclusion : osciller entre État et société civile

30En Côte d’Ivoire, de nos jours et sans doute pour longtemps encore, la politique fait « constamment l’objet de transactions […] continuellement renégociées » entre État et société civile, qui « ne sont que les deux pôles d’un même espace hiérarchisé », pour emprunter les termes de Jean-Loup Amselle (1998, p. 105, 108, 116). Amselle a dressé le portrait de sociétés précoloniales établies aux confins de la Guinée et du Mali actuels, s’inscrivant dans un continuum entre entités politiques musulmanes structurées sur un mode étatique, et entités politiques « païennes » et segmentaires. De manière comparable, cette étude a analysé un champ politique dans lequel des acteurs en compétition construisent leur légitimité en fonction d’appartenances relevant alternativement de l’État ou de la société (in)civile. Cette capacité à passer alternativement d’une position à l’autre me semble être la forme du pouvoir la plus utile et la plus caractéristique en Côte d’Ivoire. Les dozos ont acquis cette capacité, ce qui leur a assuré une visibilité et une influence continue au niveau national.

31Zakaria Koné est ainsi passé du statut de dozo ou simple membre de la société civile, à celui de soldat régulier employé par l’État, puis de rebelle ou membre de la société incivile, avant de revenir dans le giron de l’État comme commandant de la police militaire, commandant de bataillon et désormais commandant d’une unité de commandement et de soutien. C’est cette même logique oscillatoire qui a permis à Soro et à Ouattara de tirer parti de l’engagement des dozos de 2002 à 2011, quand ces derniers ont pu servir de sages-femmes au nouvel État, avant de les discipliner pour leur indocilité et leur subversion. C’est par le biais de l’opposition entre État et société civile que de nombreux dozos sont devenus, au moins temporairement, des agents de l’État en tant que membres des FRCI, aux côtés de leurs compagnons d’armes non-dozos, anciens rebelles pour la plupart, c’est-à-dire membres de la société incivile. Auparavant, les dozos avaient endossé un rôle de police officieuse, avec l’approbation de nombreux responsables de l’État au niveau local et régional : ils étaient devenus des quasi-agents de l’État. Il semble donc que l’État ivoirien ait besoin d’une société civile, et notamment d’une société incivile, lui permettant de se présenter comme le garant de la loi, afin d’apparaître légitime aux yeux du monde et du peuple, ce, du moins, tant que le peuple ne le perçoit pas comme illégitime, et que certains de ses membres ne commencent à agir eux-mêmes comme des agents de l’État. Pour résumer, si les acteurs politiques ivoiriens agissent au cours de leur carrière comme s’il n’y avait pas de vraie différence entre la société (in)civile et l’État comme voie(s) d’accès au pouvoir, ils peuvent aussi, si le vent tourne, et à n’importe quel moment, proclamer l’importance de cette distinction, que ce soit pour consolider le pouvoir d’État, pour se rebeller contre lui, ou, comme dans le cas de Zakaria Koné, faire les deux.

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Mots-clés éditeurs : chasseurs, Zakaria Koné, État, société civile, dozos, Côte d’Ivoire

Date de mise en ligne : 18/09/2018

https://doi.org/10.3917/afco.263.0041

Notes

  • [1]
    Cet article est tiré d’un exposé à la table-ronde « Repenser la société civile en Afrique de l’Ouest » (“Rethinking Civil Society in West Africa”), qui s’est tenue à San Francisco le 14 novembre 2012 dans le cadre de la conférence annuelle de l’American Anthropological Association. Ma collègue Rosa de Jorio (University of North Florida) et moi l’avions organisée. Je tiens particulièrement à remercier Marie Miran-Guyon et Yacouba Konaté de m’avoir invité à contribuer à ce numéro spécial, ainsi que Nicolas Courtin, qui a fait preuve de patience à mon égard lors de la préparation de cet article, et surtout à Nicolas Médevielle qui a traduit l’article en français et à Marie Miran-Guyon qui m’a donné des suggestions indispensables pour la révision. Je tiens aussi à remercier Alfredo Rojas pour sa relecture de l’article et ses précieuses suggestions éditoriales. Je reste seul responsable du texte finalisé.
  • [2]
    Pour des raisons pratiques, je dois me limiter à donner un nombre restreint de références. Une abondante littérature existe sur les dozos et les groupes de chasseurs apparentés en Afrique de l’Ouest. Je tiens à m’excuser auprès de tous ceux dont j’admire le travail mais que je ne peux citer ici.
  • [3]
    Pour une discussion plus poussée sur le sacrifice dozo, voir Hellweg (2009 ; 2011, p. 75-102).
  • [4]
    Zakaria Koné s’est récemment fait épingler par les médias pour son rôle possible dans une intrigue. Il aurait tenté d’obtenir 500 millions de francs CFA du régime Gbagbo en échange d’une déstabilisation de la rébellion. Le général Philippe Mangou, ancien chef d’état-major des armées et actuel ambassadeur de Côte d’Ivoire au Gabon, a témoigné devant la Cour pénale internationale de La Haye comme quoi le président Gbagbo avait versé des fonds à Zakaria Koné à cet effet, mais que ce dernier les aurait utilisés en 2011 lors des combats à Abidjan contre les troupes de Gbagbo (Rumeurs d’Abidjan, 3 octobre 2017). Cependant, Navigué Konaté, ministre de l’Intérieur du président Gbagbo à l’époque, a affirmé que ce dernier n’avait jamais effectué de versements, craignant précisément que Koné n’utilise l’argent pour acheter des armes pour combattre son régime (Koaci.com, 5 octobre 2017). Zakaria Koné semble aussi avoir été informé en direct de la tentative de coup d’État au Burkina Faso menée par le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major du président Blaise Compaoré. La proximité de Koné et Diendéré daterait des années de la rébellion ivoirienne, soutenue par Compaoré, Koné aurait transmis les informations glanées au président Ouattara (La Lettre du continent, 30 septembre 2015). De telles histoires illustrent à quel point Koné a su cultiver des relations avec différents hommes forts au cours de sa carrière.
  • [5]
    Je suis tout à fait conscient de la réserve émise par Bob (2011), pour qui la « société incivile » est un concept amorphe utilisé par les critiques pour stigmatiser des agents envers lesquels ils ont peu de sympathie. Je tiens cependant à conserver ce concept à cause du dédoublement qui se produit en politique ivoirienne, où les élites allient pratiques officielles et affaires plus troubles confiées à des personnes peu recommandables. Le terme de « société incivile » reflète bien cette symétrie. Bayart, Ellis, Hibou (1999), Chabal, Daloz (1999), ainsi que Reno (1998), ont tous documenté l’existence de telles tendances criminelles dans de nombreux États africains. J’utilise en outre cette phrase pour condamner les activités répréhensibles des dozos avec lesquels j’ai travaillé. Mon appréciation sincère pour l’inventivité dozo ne m’empêche pas de reconnaître les troubles graves qu’ils ont provoqués.
  • [6]
    Richard Banégas est, à ma connaissance (communication personnelle), le premier à avoir utilisé le terme de « dozofication ».
  • [7]
    Hellweg collabore depuis vingt ans avec Drissa Koné dans ses recherches sur les dozos.

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