Notes
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[1]
Ce titre s’inspire de l’article éponyme d’Easterly et Levine (1997) qui lui aussi a fait date. Il prétendait démontrer que la « tragédie de la croissance » en Afrique trouvait son origine dans la diversité ethnique du continent. Il mobilisait déjà des statistiques sur la « fractionnalisation ethno-linguistique » produites hors du champ de la statistique publique.
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[2]
Lorsqu’elle évoque l’« Afrique », cette introduction (de même que le dossier qu’elle introduit) se réfère surtout à l’Afrique subsaharienne, sachant que des références au Maghreb, où le contexte de la statistique publique est profondément différent du reste de l’Afrique, sont également présentées.
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[3]
“Morten Jerven will hijack the African statistical development programme unless he is stopped in his tracks” (http://africanarguments.org/2013/09/19/poor-numbers).
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[4]
Afristat : Observatoire économique et statistique d’Afrique subsaharienne. Il a été créé en 1996 et regroupe aujourd’hui 19 États membres.
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[5]
Statafric : Institut panafricain de statistique de l’Union africaine (basé à Tunis).
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[6]
“Development represents a transformation of society, a movement from traditional relations, traditional ways of thinking, traditional ways of dealing with health and education, traditional methods of production, to more ‘modern’ ways.”
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[7]
Le nombre d’indicateurs statistiques évoqué ici correspond à la liste établie par la Commission statistique des Nations unies en mars 2016, susceptible de révisions ultérieures (IAEG, 2016).
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[8]
La traduction française appauvrit la fin de cette phrase, faute de traduction adéquate du terme empowerment. La version originale du rapport est plus ambitieuse puisqu’elle évoque l’objectif suivant : « […] to empower people with information on the progress towards the targets ».
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[9]
En 2016, la Banque mondiale attribuait un « score de capacité statistique » de 60 % en moyenne aux pays d’Afrique subsaharienne et de 62 % aux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Cet indice composite était en moyenne de 74 % pour les pays d’Asie de l’Est et du Pacifique, et de 78 % pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, ainsi que l’Amérique latine et les Caraïbes. Ces moyennes incluent les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, mais pas ceux à revenu élevé (http://datatopics.worldbank.org/statisticalcapacity/).
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[10]
Un outil open source de collecte de témoignages envoyés par courriers électroniques, SMS ou Twitter, et qui les localise sur une carte accessible en ligne.
1En 2013, l’économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique publiait un article au titre retentissant sur l’état de la statistique en Afrique : « Africa’s Statistical Tragedy » (Devarajan, 2013) [1]. L’auteur y brossait un portrait bien sombre. Au-delà du diagnostic, il s’intéressait aux raisons de cette situation, résultant selon lui d’un manque de capacités au sein des institutions statistiques africaines, d’une gouvernance floue des responsabilités en matière de statistiques, d’un manque de financement stable par les États et d’un effet déstructurant des financements des bailleurs dans ce domaine ; une analyse paradoxale quand on sait le rôle majeur joué par la Banque mondiale en matière de statistique en Afrique (Cling, Roubaud, 2008) [2].
2Ce diagnostic n’est pas nouveau. Il reprend le fer porté par l’historien de l’économie Morten Jerven dans une série de travaux sur ce thème : un premier article intitulé « Random Growth in Africa » publié en 2010, suivi de son fameux ouvrage Poor Numbers, paru en 2013, d’un numéro spécial de la Revue canadienne d’études du développement qu’il a coordonné en 2014 (« Mesurer le développement africain : hier et aujourd’hui »), puis d’un second ouvrage paru en 2015 (Africa. Why Economists Get It Wrong). La réévaluation du PIB du Ghana de 60 % en 2010, qui a permis à ce pays d’acquérir le statut de pays à revenu intermédiaire, aurait mis le feu aux poudres. À partir d’une exploration serrée des données du Botswana, du Kenya, de la Tanzanie et de la Zambie, Jerven soutient que les véritables taux de croissance du PIB en Afrique ne pouvaient être connus. Il considère que, à quelques exceptions près (Afrique du Sud et Botswana), il est impossible de classer les pays africains selon leur niveau de PIB/habitant ou d’appréhender leur croissance économique. Il en conclut qu’il faut remettre en cause le caractère exceptionnel de la phase de croissance de la dernière décennie tant vantée par les économistes.
3Parallèlement, la statistique publique africaine connaît depuis une vingtaine d’années une forme de contestation plus indirecte, mais tout aussi déstabilisante pour son fonctionnement, dans un contexte de raréfaction des ressources humaines et financières allouées par l’État depuis les années 1980 et l’instauration des programmes d’ajustement structurel (Devaradjan, 2013 ; Chen et al., 2013). La prolifération des bases de données internationales dans les domaines les plus divers (gouvernance, démocratie, qualité des institutions, planification familiale, accès à l’eau, aux soins ou encore aux services financiers, etc.), subventionnées et développées par toutes sortes d’institutions (universitaires, ONG internationales, agences d’aide, entreprises de consulting privées, instituts de sondages mondialisés, agences de notation, etc.) est venue remettre en question le monopole qu’elle exerçait de fait dans son domaine.
4Principalement fondées au début sur des bases de données constituées à partir de déclarations d’experts, les nouvelles statistiques produites hors de la sphère publique nationale s’étendent maintenant à des enquêtes auprès des ménages ou des entreprises, périmètre autrefois réservé des instituts nationaux de la statistique. La multiplication des évaluations d’impact « randomisées », conduites à l’aide de protocoles d’enquêtes ad hoc, s’inscrit également dans cette dynamique (Bédécarrats et al., 2013). Le big data (en français, données massives) pourrait être le dernier avatar de ce mouvement de marginalisation et de privatisation partielle de la statistique publique.
5Cette déstabilisation de la statistique publique en Afrique depuis le Nord, qu’elle soit vécue comme une attaque en règle contre la crédibilité des instituts de statistique africains ou considérée comme une conquête progressive de parts du marché florissant de l’information statistique, a suscité un certain nombre de réactions critiques. Au-delà des doutes émis sur les compétences techniques de Jerven en matière de comptabilité nationale (Raffinot, 2014 ; Tedou, 2014), et des critiques plus académiques formulés par les chercheurs (voir par exemple Politique africaine, 2014), la riposte a pris un tour plus politique. Un certain nombre de statisticiens africains, et non des moindres, y ont vu l’empreinte d’une forme de néocolonialisme visant à dénigrer les initiatives locales d’envergure. Par exemple, Pali Lehola, directeur général de l’Institut national de statistique d’Afrique du Sud et instigateur de la Stratégie pour l’harmonisation des statistiques en Afrique (SHaSA), a déclaré que « Morten Jerven allait prendre en otage le programme africain de développement statistique, à moins qu’il ne soit arrêté », et a fait annuler son intervention prévue devant la Commission économique africaine en septembre 2013 [3].
6En effet, la dernière décennie a été marquée par des tentatives notables de réappropriation du pilotage stratégique de la statistique africaine par des Africains. La SHaSA, lancée en 2010 sous l’égide conjointe de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), de la Banque africaine de développement (BAD) et de l’Union africaine (UA), est l’initiative la plus emblématique, mais elle est loin d’être la seule (CUA et al., 2010). La création ou le renforcement de services statistiques au sein d’institutions régionales (Afristat) [4], ou plus récemment la mise sur pied d’un institut panafricain de statistiques (Statafric) [5], opérationnel à partir de début 2017, en sont aussi la preuve.
7En Afrique, où la faiblesse des États constitue un puissant obstacle au développement, nombreux sont ceux qui considèrent que la statistique pourrait constituer un instrument du renforcement des États-nations, rôle qu’elle a joué historiquement en Europe, puis dans le reste du monde (Desrosières, 1993). Au-delà du sentiment d’appartenance nationale que peuvent procurer les différentes statistiques décrivant la population d’un pays, ainsi que ses caractéristiques économiques et sociales, nous sommes ici au cœur du concept de « gouvernementalité » forgé par Foucault (2004). La statistique est ainsi mise au service de l’État pour la gestion rationnelle de sa population.
8Plus largement, la statistique n’a jamais été autant convoquée par la communauté internationale pour piloter les politiques de développement. Pour reprendre la définition de Stiglitz (1998, p. 3), le développement ne concerne pas seulement la croissance, mais également une « transformation de la société, de ses relations et de son mode de pensée traditionnel, de la façon traditionnelle d’aborder l’éducation et la santé, du mode traditionnel de production vers une conception plus moderne [6] ». Or, le rôle de l’État dans les sociétés contemporaines est d’être le principal collecteur des informations économiques et sociales pour conduire ce changement. Nous adhérons à cet égard à la thèse de Gauchet (2007) selon qui l’État est devenu « une agence cognitive du changement social, dont il s’agit d’assurer la conduite maîtrisée… Veiller à la bonne marche de l’économie au sens strict ne suffit pas ; c’est le changement social dans son ensemble dont il s’agit d’assurer la conduite maîtrisée ». Au niveau international, c’est bien un des objectifs centraux revendiqués par les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), puis des Objectifs de développement durable (ODD) qui leur ont succédé.
9Le tournant pris au début des années 2000 avec les OMD et les nouvelles stratégies internationales de lutte contre la pauvreté (Cling et al., 2003) est aujourd’hui confortée, voire accentué. La montée en puissance du paradigme des politiques basées sur les « données probantes » (evidence based policies ; Laurent et al., 2009) et de la « gestion par les résultats » (managing by results), scandée par toute une série de jalons (de la Déclaration de Paris en 2005 à celle de Busan en 2011), a conduit les agences d’aide à mettre la mesure statistique au cœur du suivi et de l’évaluation de l’aide publique au développement. Paris21, le consortium international créé en 1999 pour traduire ce nouvel élan de la communauté internationale pour la statistique du développement, a poussé à la généralisation de documents intitulés « Stratégies nationales pour le développement de la statistique » (SNDS) dans les pays en développement (PED) ; à ce jour, une centaine de pays sont concernés.
10L’agenda pour le développement durable 2015-2030 a accouché d’un « monstre » puisqu’il a vocation à couvrir l’ensemble des dimensions économique, sociale et environnementale (voire politique). L’univers en expansion des ODD a ainsi connu son Big Bang. Aux 17 objectifs adoptés en septembre 2015 par l’ONU sont associés 169 cibles et 229 indicateurs statistiques [7]. Alors que les pays africains peinaient à assurer la production des 60 indicateurs de suivi des OMD, on sait déjà qu’ils ne seront pas à même de suivre les indicateurs associés aux ODD, du fait de leurs contraintes de ressources humaines et financières (Demombynes, Sandefur, 2014).
11Toutefois, les statistiques, nationales ou internationales, ne sauraient être réduites à ce seul rôle d’instrument de pilotage des politiques publiques et de développement. L’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 énonçait déjà qu’assurer aux citoyens le respect de leurs droits dans une société démocratique implique que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
12À ce titre, la fonction de gouvernance des statistiques est double : d’une part, aider au suivi et à l’évaluation des ODD (et auparavant des OMD) par les États et par leur population dans une optique de redevabilité des gouvernements vis-à-vis de leurs citoyens, et au-delà par la communauté internationale et les agences d’aide ; mais aussi aider à la mesure des avancées démocratiques et de la gouvernance dans chaque pays, qui font l’objet d’un ODD spécifique (l’ODD16) négocié et « bricolé » de haute lutte dans le cadre des négociations ayant conduit à l’adoption de l’agenda 2030 (voir l’article de Cling et al. dans ce dossier, p. 73).
13C’est dans ce contexte qu’a été lancé l’appel à une révolution des données (data revolution) par un groupe de personnalités « de haut niveau » réunies par le secrétaire général des Nations unies (2013). Le rapport du groupe prend acte du besoin croissant de statistiques dans le monde et du fossé de plus en plus large entre pays développés et en développement en matière d’accès à l’information (la fracture numérique). Le rapport formule plusieurs recommandations pour mobiliser l’innovation technologique et les ressources financières en faveur des statistiques dans le cadre d’un partenariat entre tous les acteurs : harmonisation des principes et standards, partage de technologies et des innovations, accroissement des ressources, gouvernance articulée associant les acteurs et approche pragmatique pour les ODD. Il plaide pour que les PED soient en mesure d’assurer les deux fonctions décrites ci-dessus : d’une part, que des statistiques de qualité soient produites pour que les ODD fassent l’objet d’un suivi rigoureux ; d’autre part, « pour améliorer la qualité des statistiques et des informations mises à la disposition des citoyens… pour fournir à la population des informations quant aux progrès réalisés vers les objectifs [8] ».
14Soutenir et participer à cette « révolution » est devenu un enjeu pour l’ensemble de la communauté internationale, en particulier pour venir en appui aux pays africains, où les besoins sont les plus criants. En effet, le hiatus n’a jamais été aussi grand en Afrique entre la demande de statistique, symbolisée par le nouveau maître-mot de la « révolution des données », marqueur d’attentes énormes, et la production de données fiables par la statistique publique. Alors que sa politique de coopération statistique pour le développement a été longtemps en pointe à l’échelle internationale (Cling, Roubaud, 2006), la France lui consacre de moins en moins de moyens, tandis que ses compétences techniques se tarissent. Ce déclin place la France en porte-à-faux par rapport à la Grande-Bretagne (DfID) et aux agences internationales (Banque mondiale, Eurostat, etc.), dont les moyens et les capacités d’intervention ont décuplé pour faire face aux nouveaux défis.
15Cet environnement général nous a conduits à proposer à la revue Afrique contemporaine la confection d’un dossier thématique consacré à la statistique en Afrique. Non seulement l’agenda international s’y prêtait, mais il était également opportun du point de vue de la recherche, en particulier francophone. En effet, dans les années récentes, trois revues scientifiques proches se sont emparées du sujet sur des thématiques connexes : en 2011, Politique africaine publiait un dossier intitulé « La macroéconomie par le bas » (Samuel, Hibou, 2011), encadrant deux articles de réflexion critique de la raison statistique au service d’un projet scientiste et néolibéral sur les OMD, puis les ODD (Egil, 2005 et 2015), ainsi que la série de commentaires autour du premier livre de Jerven (Politique africaine, 2014) ; en 2013, la revue Tiers Monde consacrait un numéro à « La mesure du développement : comment sciences et développement se conjuguent » (Gabas et al., 2013) ; enfin, et parallèlement à la confection de notre dossier, la revue Annales HSS s’intéressait elle aussi aux travaux de Jerven dans une perspective plus historique, réunissant dans trois articles des analyses sur le rôle de la statistique et de la quantification, la fabrique des chiffres et l’histoire économique de l’Afrique (Cogneau, 2016 ; Labrousse, 2016 ; Samuel, 2016).
16Ce numéro s’inscrit dans la lignée de ces travaux, en adoptant une perspective complémentaire et sous le signe de la diversité. D’abord par nos profils en tant qu’éditeurs scientifiques : il nous a semblé que le croisement de nos univers professionnels pouvait être fécond. Spécialistes du développement, en particulier en Afrique, nous sommes issus de trois mondes différents : la recherche, la statistique et celui des agences d’aide, donc à la fois producteurs et consommateurs de statistiques. Ensuite, par la variété des angles d’attaque de la question statistique, déclinée au présent comme au passé.
17Dans l’appel à contribution, nous suggérions, entre autres, des contributions sur la qualité des données, son évolution au cours du temps et le rôle des innovations, notamment les nouvelles technologies ; nous sollicitions des réflexions sur des questions d’économie politique de la quantification, en interrogeant l’émergence potentielle d’une nouvelle forme de gouvernementalité en Afrique ; nous incitions aussi à creuser la sociologie du chiffre sur le continent, à l’instar des travaux à la Desrosières (1993, 2008 et 2014) ou Porter (1995) pour les pays développés. Enfin, et en lien avec le point précédent, nous convoquions le spectre le plus large de disciplines des sciences sociales.
18C’est donc avec ce prisme étendu que ce dossier vous est présenté. Nous regroupons les six articles et les six « Repères » qui le constituent autour de trois questions structurantes.
Diagnostic sur l’évolution de la qualité des données, un bref retour sur le passé
19La question de la qualité des données n’étant pas nouvelle (Naudet, 2000 ; Razafindrakoto, Roubaud, 2003), on peut d’abord se demander si la situation s’est améliorée ou détériorée au cours de la période récente. Les articles présentés dans ce numéro mettent en évidence plusieurs tendances positives, mais le bilan global est mitigé.
20L’article de Tom Moultrie établit un diagnostic en demi-teinte sur l’amélioration des statistiques démographiques en Afrique. Certes, ces dernières ont connu une amélioration réelle grâce aux grands programmes d’enquêtes par sondage de type EDS : enquêtes démographiques et de santé (DHS en anglais) ou MICS (Multipurpose Indicators Cluster Surveys ; enquêtes de base à indicateurs multiples). Cependant, et malgré ces éléments de progrès, les données d’état civil demeurent quasiment inexistantes ; et les recensements, qui constituent la base de sondage des enquêtes, sont généralement peu fréquents en comparaison avec les normes internationales en la matière (un recensement tous les dix ans) et avec les pratiques sur les autres continents. Ceci s’explique par leur coût élevé qui est peu à la portée de ces pays où les ressources budgétaires sont très contraintes, à la différence des enquêtes par sondage (EDS, etc.), beaucoup moins coûteuses.
21Le texte de Sara Randall poursuit les réflexions de Tom Moultrie, non seulement par son prisme disciplinaire (la démographie), mais évoque aussi le questionnement que soulève l’accent nouveau porté sur la lutte contre les inégalités et le concept d’inclusivité qui se traduit dans le langage onusien par le slogan associé aux ODD, No one left behind (« personne laissé au bord de la route »), et ses implications en matière de mesure. Dans un dépouillement monumental et méticuleux de dizaines de recensements de population et d’enquêtes démographiques, éclairé par trente-cinq ans d’expérience de conduite d’enquêtes de terrain en milieu rural africain, cette spécialiste internationalement reconnue s’interroge sur les facteurs de visibilité et d’invisibilité dans les sources statistiques officielles. Elle montre comment et pourquoi certains groupes de population, telles que les femmes âgées au Sahel, les hommes jeunes ou encore les pasteurs nomades, sont systématiquement sous-représentés dans les bases de données et en particulier dans les enquêtes, écornant au passage le label trop facilement décerné aux enquêtes EDS de « données de haute qualité ». Elle interroge l’homogénéisation des méthodes de collecte et des catégories statistiques qui se traduisent dans certains cas par un frein à la comparabilité des données, loin des promesses béates de « lendemains qui chantent » liés à la révolution des données.
22En mettant en lumière l’abandon progressif des catégories analytiques et des méthodes de collecte spécifiques à certaines sous-populations, un recul méthodologique engagé au nom de la standardisation, l’auteure nous renvoie directement aux travaux pionniers du groupe Amira (Amélioration des méthodes d’investigation en milieux informels et ruraux africain), objet d’un « Repère » de François Doligez. Ce dernier rappelle l’exemple emblématique de la discussion autour des contours du ménage « rebelle » africain, qui servit à remettre en cause l’individualisme méthodologique à la base des enquêtes auprès des ménages, principe considéré comme universel et appliqué sans réflexion préalable en Afrique. En effet, les décisions de production, de consommation et d’accumulation ne sont pas prises par les mêmes personnes au sein d’un ménage élargi, défini de manière différente des autres PED et surtout des pays développés où ont été conçues ces enquêtes. Les travaux du groupe Amira s’inspiraient directement de ceux de Bourdieu et des statisticiens de l’Insee qui, à la veille de l’indépendance algérienne, avaient cherché à adapter les catégories statistiques appliquées en France et dans les pays développés aux spécificités des pays en développement.
23Francis Gendreau, lui aussi démographe, présente à ce propos un « Repère » sur les ressources statistiques disponibles sur les thématiques sociales, sanitaires et démographiques. Il fournit un inventaire des portails qui, dans ces domaines, répertorient les recensements et enquêtes, donnent accès à leurs résultats et permettent aussi de récupérer les données brutes collectées. Ce tour d’horizon fournit une vision globale de la croissance et de la diversification de la production des appareils statistiques nationaux, mais aussi un outil utile aux chercheurs, étudiants et acteurs s’intéressant à ces domaines.
24Le « Repère » sur les statistiques scolaires de Sarah Fichtner porte quant à lui sur les données administratives dans le domaine de l’éducation au Bénin. Elles sont peu étudiées en général et plus particulièrement dans ce dossier qui s’intéresse surtout aux données tirées d’enquêtes statistiques. Il décrit ainsi les artifices de la fabrication de ces données à partir de l’exemple d’une fiche de recensement produite dans une école primaire publique en zone rurale au Bénin. Dès lors que les statistiques administratives sont produites à destination des autorités et de la société civile, ce « Repère » démontre que la tentation est grande pour leurs producteurs d’orienter leurs méthodes et leurs résultats en vue de satisfaire leur public.
25Cette entrée en matière par les démographes et les socio-anthropologues n’est pas anodine. Elle illustre en creux le peu d’appétence des économistes à questionner leurs catégories analytiques et la qualité de leurs données, pour se concentrer sur les techniques d’analyses ; un défaut vertement dénoncé par Jerven dans son dernier ouvrage Africa. Why Economists Get It Wrong (2015).
26L’article de Marc Raffinot vient fort à propos combler cette lacune. Ce dernier s’interroge sur la pertinence pour les pays africains de s’atteler à l’élaboration de comptes macroéconomiques patrimoniaux (tableau des opérations financières de l’État, et secondairement balance des paiements et système de comptabilité nationale), comme les en enjoint le Fonds monétaire international. Ce passage d’un système en termes de flux à un système en termes de stock, s’il est en phase avec l’idée de durabilité mis en avant par les ODD, est selon cet auteur le reflet d’une conception impulsée par les pays anglo-saxons, d’un État fournisseur de services publics dans un environnement de concurrence dont on recherche l’efficience à tout prix. Dans les pays en développement, cette patrimonialisation apparaît plus comme un dispositif de surveillance externe au service des organisations internationales que comme un outil de contrôle démocratique par les citoyens africains. Surtout, ce tournant semble hors de portée des systèmes statistiques africains, aux ressources dérisoires. Ce diagnostic renvoie en écho à l’article de Bertrand Savoye sur les ambitions démesurées exigées des systèmes statistiques nationaux en Afrique depuis les indépendances (voir ci-dessous).
27En matière de comptabilité nationale, qui fournit notamment les estimations de produit intérieur brut et de croissance économique pour chaque pays, le « Repère » de Slim Dali expose l’amélioration récente de la méthodologie d’élaboration des comptes nationaux au Nigeria, qui s’est traduite par un quasi-doublement de l’estimation du PIB de ce pays, devenu grâce à cette révision comptable la première puissance économique en Afrique subsaharienne devant l’Afrique du Sud. L’ampleur de cette révision est interprétable de deux manières non exclusives : d’un côté, elle conforte la thèse de Jerven concernant la fragilité des statistiques macro-économiques en Afrique ; de l’autre, elle témoigne d’une amélioration de ces statistiques dans ce pays (meilleure prise en compte de l’informel, de l’activité des services de téléphonie, etc.).
Les pays africains peuvent-ils suivre la mise en œuvre de l’agenda 2030 ?
28Les pays africains peuvent-ils et vont-ils réussir le défi de la « révolution des données » dans l’agenda post-2015 ? La médiocrité globale de la qualité et de la fréquence des statistiques de base dans les pays africains pose un problème général de suivi des indicateurs des ODD, même dans les domaines « traditionnels » de la statistique ou dans ceux déjà suivis dans le cadre des OMD [9]. Dans son article, Tom Moultrie relève qu’il est difficile de suivre les indicateurs démographiques des ODD, si on ne dispose que d’un seul recensement de population au cours de la période couverte. En revanche, l’article de Jean-Pierre Cling, Mireille Razafindrakoto et François Roubaud apporte une réponse plutôt positive dans le cas de l’ODD16 consacré à la gouvernance. Il met d’abord en lumière le rôle moteur qu’a joué et que joue l’Afrique dans ce domaine, y compris dans les négociations ayant abouti à l’adoption de cet ODD. Il présente ensuite l’exemple emblématique de l’initiative internationale GPS-SHaSA conduite par plusieurs organisations internationales et montre que le continent est le plus avancé en matière de stratégie de mesure de l’ODD16 et de la gouvernance en général. Comme le décrit l’article, cette situation, paradoxale compte tenu de la faiblesse globale des compétences statistiques sur le continent, s’explique par la convergence d’intérêt de différents acteurs dans leur volonté d’avancer dans cette direction qui se traduit par un effort statistique innovant.
29Cependant, ne nous y trompons pas. L’exemple de l’ODD16 traité dans cet article constitue l’exception qui confirme la règle, qui doit évidemment être mise en avant, mais sans se faire d’illusion sur les difficultés majeures que vont rencontrer les pays africains pour le suivi de l’agenda post-2015 en général. Selon l’estimation du réseau international SDSN (2015), le coût du suivi des ODD pour l’ensemble des PED serait d’un milliard de dollars par an, sur l’ensemble de la période (2015-2030), qui devrait être couvert au moins par moitié par l’aide internationale ; dans le cas de l’Afrique, ce coût dépasse de loin les capacités financières des États et les sommes allouées à la production statistique (Demombynes, Sandefur, 2014 ; Paris21, 2015).
30De ce point de vue, les innovations récentes, notamment dans le champ des nouvelles technologies de l’information, changent-elles la donne ? L’article de Thomas Roca et d’Emmanuel Letouzé, qui ne porte pas spécifiquement sur l’Afrique, est consacré à l’émergence des données ouvertes et massives. Il suggère que le processus en cours de « massification » et d’ouverture des données est susceptible d’améliorer la disponibilité d’informations statistiques pour le développement en général et plus particulièrement pour le suivi des ODD. Cette analyse prospective soulève aussi la question cruciale des rôles respectifs des secteurs public et privé dans la nouvelle configuration de la production statistique mondiale. Le quasi-monopole traditionnel de facto de l’État dans la production statistique est aujourd’hui largement remis en cause par les géants du numérique. Le rôle central des instituts de statistique dans le suivi de l’agenda 2030, affirmé par les Nations unies (IAEG, 2014), ne pourra être assuré dans la pratique que s’ils prouvent leur capacité à produire dans des délais rapides des indicateurs fiables couvrant les différents domaines des ODD.
31Le « Repère » d’Emmanuel Bonnet présente un exemple concret d’utilisation de données géolocalisées tirées de déclarations effectuées par les policiers sur leurs téléphones portables pour le suivi des accidents de la route à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Une expérience pilote a permis d’estimer de manière fiable (sans enquêtes statistiques) la mortalité et la morbidité due aux accidents de la route dans la capitale burkinabée. Comme le montre l’auteur, ce type de pratiques peut avoir de nombreux usages en matière de santé (suivi des épidémies), de gouvernance (violences politiques), de suivi des catastrophes naturelles, etc. S’il met en avant les bienfaits de plateformes collaboratives en open source (comme celle d’Ushahidi [10]), il souligne la nécessité de développer ces applications dans le cadre d’un partenariat avec les institutions publiques.
32Au-delà des questions techniques liées à la capacité de suivi des ODD de la part des pays africains, il nous semble indispensable de nous poser la question des enjeux conceptuels et opérationnels qui sous-tendent la définition et le suivi de ces objectifs. L’article de Tom Moultrie soulève deux questions majeures à ce sujet. Comme Thomas Roca et Emmanuel Letouzé, il pose la question de la remise en cause du rôle de l’État dans le cadre de la révolution des données, question qui ne concerne évidemment pas que l’Afrique. Il s’interroge ensuite sur les concepts statistiques employés pour le suivi des ODD, imposés selon lui par les États. Pour Tom Moultrie, « les catégorisations retenues permettent alors à l’État de déterminer ce qui peut être et qui sera rendu visible ». On rejoint ici aussi Sara Randall et sa catégorie des « invisibles ». Or, les pauvres et les exclus sont précisément ceux sur lesquels doivent porter les efforts dans le cadre des ODD (par exemple, l’ODD1 pour l’éradication de la pauvreté).
33Le « Repère » de Hubert de Milly aborde cette même question sous un autre angle. À partir de l’exemple des ODD sur les inégalités (ODD11) et sur la gouvernance (ODD16), il explique que les ODD intègrent pour la première fois la dimension de l’économie politique, ce qui pose un nouveau type de problèmes de suivi. Plus largement, il offre une présentation générale et succincte des ODD et des principaux défis qui vont devoir être relevés, aussi bien au niveau de la mesure statistique que de l’implication des agences d’aide.
Le rôle de l’aide publique au développement en matière statistique
34Enfin, quel rôle l’aide internationale peut-elle jouer dans le renforcement des appareils statistiques nationaux africains ? L’article de Bertrand Savoye revient sur le cas de la France, un des principaux acteurs de l’assistance technique bilatérale sur le continent africain depuis l’ère des indépendances. Le bilan qu’il tire de ce demi-siècle d’intense coopération et de partenariat est nuancé. Il ne fait aucun doute que l’investissement, non seulement financier, mais également institutionnel, méthodologique, scientifique et humain est de premier plan ; au point de pouvoir revendiquer l’idée d’une « approche française de la statistique », une véritable « passion française ».
35Citons ici quelques exemples phares : la création à l’initiative de la France d’Afristat et des écoles nationales de statistiques, toujours en activité, sur le front des institutions ; l’élaboration d’outils statistiques devenus des standards internationaux comme les Enquêtes 1-2-3 pour la mesure de l’économie informelle ou le module ERE-TES (« Équilibre ressources-emplois-Tableau entrées-sorties ») dans le domaine de la comptabilité nationale ; enfin, dans le domaine de la réflexion, les innombrables articles scientifiques publiés dans la revue du groupe Amira, parue pendant quinze ans (1976-1991), ou encore la revue StatÉco, en activité depuis 1972.
36En revanche, Bertrand Savoye est plus dubitatif sur la fécondité de ce legs. Sa principale critique porte sur la lourdeur de l’héritage, dont il qualifie bien l’ambivalence : « Généreux mais encombrant. » Même quand il n’est pas décalqué du modèle français de l’Insee, le projet statistique porté par la France en Afrique est selon lui trop ambitieux, animé d’une « vision panoramique » qui n’est pas à la mesure des INS africains et de leurs maigres ressources. De ce point de vue, la coopération technique française a sa part de responsabilité, non seulement dans une situation objective peu reluisante, mais aussi parce que les réalisations sont jugées à l’aune d’attentes démesurées. Le décalage entre des réalisations concrètes, certes limitées mais réelles, et un projet particulièrement exigeant se traduit selon l’auteur par une déception devant des objectifs non atteints, tout en étant potentiellement inhibiteur pour les INS.
37Avec ce numéro, notre ambition était de remettre au centre de l’attention les enjeux techniques, politiques et sociétaux de la production de données sur les sociétés et le développement en Afrique. Comme nous l’avons rappelé dans cette introduction et comme le montrent les articles de ce numéro, l’Afrique est à la fois le continent où les besoins dans ce domaine sont les plus criants et celui où les capacités de répondre à ces enjeux sont les plus limitées. Espérons que ce volume sera un jalon dans la consolidation d’une statistique permettant de mieux comprendre les enjeux du siècle à venir et d’évaluer l’action publique, et qu’il irriguera la délibération et l’action collective.
38Dans son prolongement, deux pistes, liées, nous intéressent. La première se place dans le champ de la recherche. Juste effleurées dans ce numéro, il s’agirait de défricher plus sérieusement l’histoire, la sociologie et l’économie politique du chiffre, comme l’appellent de leurs vœux des chercheurs, à ce jour dispersés, par exemple sous un angle épistémologique l’économiste Agnès Labrousse (2016) ou encore l’historien Vincent Bonnecase (2015) et le politiste Boris Samuel (2016). Selon nous, un tel projet devrait procéder d’un triple décloisonnement : disciplinaire d’abord, mais peut-être plus encore d’un réel dialogue entre producteurs et utilisateurs de chiffres, condition nécessaire pour dépasser le reproche souvent formulé par les statisticiens, notamment africains, d’une critique de leurs pratiques par une communauté académique du Nord « hors sol », en position surplombante et érigée en « donneuse de leçons » ; géographique sur leurs objets ensuite, en mêlant les regards sur la statistique au Nord et au Sud, les spécificités africaines n’étant probablement pas aussi incommensurables qu’elles n’y paraissent au premier abord ; linguistiques enfin, les littératures francophone et anglophone sur ces thématiques étant à ce jour largement découplées, bien que la situation soit ici comme ailleurs, clairement asymétrique en faveur de cette dernière (les travaux de Jerven, pourtant censés embrasser l’ensemble du continent, ignorent massivement aussi bien l’expérience des pays que des auteurs francophones).
39La seconde piste, qui s’inscrit dans le prolongement de l’article de Bertrand Savoye, pose la question plus prospective de la stratégie de la France, qui se place aujourd’hui loin derrière la Grande-Bretagne en matière d’appui à la statistique africaine. Ce numéro spécial, s’il ne fait que parcourir ses nombreux défis, ouvre des pistes pour un nouveau départ de l’action de la France dans le domaine de la statistique. Notre proposition, en tant qu’acteurs engagés (au double sens du terme) dans ce champ, consiste à dynamiser les synergies entre les principaux intervenants de la coopération française dans le domaine statistique, dans le prolongement des recommandations formulées par l’évaluation de cette coopération commanditée par les ministères des Affaires étrangères et des Finances (DGM, 2015).
40C’était d’ailleurs la motivation première de notre association dans la coordination de ce dossier. Cet objectif s’est traduit modestement, mais concrètement, par la publication d’articles scientifiques de qualité d’auteurs issus de l’AFD, dont ce n’est ni la mission ni la culture première. Cependant, cette piste mérite d’être développée plus avant et institutionnalisée à travers un partenariat impliquant les principaux acteurs français mobilisés par les enjeux statistiques. L’IRD est par nature investi d’une mission de recherche pour le développement et a cultivé une expertise historique sur la statistique, particulièrement sur l’Afrique. L’INSEE est le premier acteur statistique en France, mais également doté d’une solide tradition en Afrique, deux champs géographiques historiquement découplés mais que les ODD, en s’appliquant à tous les pays du monde, viennent arrimer. L’AFD, enfin, est non seulement le bras financier de la politique d’aide de la France en Afrique, mais elle est aussi en charge des questions de gouvernance, qui incluent notamment la statistique publique. Elle a hérité cette dernière mission du ministère des Affaires étrangères en 2016.
41À ce partenariat tripartite, d’autres institutions devraient être associées, telles qu’Expertise France, agence française d’expertise internationale. Cet opérateur a pour vocation de coordonner l’expertise française en matière statistique, sur les grands projets internationaux financés par l’Union européenne en particulier (voir notamment le programme panafricain de statistique – PAS – ou d’appui à la statistique des pays de la Méditerranée – Medstat). Enfin, n’oublions pas les ministères des Affaires étrangères et des Finances qui continuent à piloter la coopération statistique du point de vue multilatéral (relations avec Afristat, Afritac, etc.) et en tant que tutelles de l’AFD et d’Expertise France.
42Une collaboration effective entre ces institutions sur les enjeux statistiques ne serait-elle pas la meilleure manière de renouer avec l’expérience fertile des pères fondateurs d’Amira, tout en capitalisant sur l’avantage comparatif de la France, pour la replacer en acteur majeur sur la scène statistique africaine et internationale ? À la jonction des deux pistes évoquées ci-dessus, mêlant, au-delà des institutions, les hommes et les femmes de différentes disciplines, du Nord et Sud, en quantité mais tous de qualité, pour réfléchir à la statistique et ses usages en la pratiquant, voilà un projet ambitieux pour entretenir l’« effet Desrosières » tel que le décrit Emmanuel Didier (2014) dans son introduction à l’ouvrage posthume de ce dernier.
Bibliographie
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Notes
-
[1]
Ce titre s’inspire de l’article éponyme d’Easterly et Levine (1997) qui lui aussi a fait date. Il prétendait démontrer que la « tragédie de la croissance » en Afrique trouvait son origine dans la diversité ethnique du continent. Il mobilisait déjà des statistiques sur la « fractionnalisation ethno-linguistique » produites hors du champ de la statistique publique.
-
[2]
Lorsqu’elle évoque l’« Afrique », cette introduction (de même que le dossier qu’elle introduit) se réfère surtout à l’Afrique subsaharienne, sachant que des références au Maghreb, où le contexte de la statistique publique est profondément différent du reste de l’Afrique, sont également présentées.
-
[3]
“Morten Jerven will hijack the African statistical development programme unless he is stopped in his tracks” (http://africanarguments.org/2013/09/19/poor-numbers).
-
[4]
Afristat : Observatoire économique et statistique d’Afrique subsaharienne. Il a été créé en 1996 et regroupe aujourd’hui 19 États membres.
-
[5]
Statafric : Institut panafricain de statistique de l’Union africaine (basé à Tunis).
-
[6]
“Development represents a transformation of society, a movement from traditional relations, traditional ways of thinking, traditional ways of dealing with health and education, traditional methods of production, to more ‘modern’ ways.”
-
[7]
Le nombre d’indicateurs statistiques évoqué ici correspond à la liste établie par la Commission statistique des Nations unies en mars 2016, susceptible de révisions ultérieures (IAEG, 2016).
-
[8]
La traduction française appauvrit la fin de cette phrase, faute de traduction adéquate du terme empowerment. La version originale du rapport est plus ambitieuse puisqu’elle évoque l’objectif suivant : « […] to empower people with information on the progress towards the targets ».
-
[9]
En 2016, la Banque mondiale attribuait un « score de capacité statistique » de 60 % en moyenne aux pays d’Afrique subsaharienne et de 62 % aux pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Cet indice composite était en moyenne de 74 % pour les pays d’Asie de l’Est et du Pacifique, et de 78 % pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, ainsi que l’Amérique latine et les Caraïbes. Ces moyennes incluent les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, mais pas ceux à revenu élevé (http://datatopics.worldbank.org/statisticalcapacity/).
-
[10]
Un outil open source de collecte de témoignages envoyés par courriers électroniques, SMS ou Twitter, et qui les localise sur une carte accessible en ligne.