Couverture de AFCO_252

Article de revue

Les exclusions paysannes

Quels impacts sur le marché international du travail ?

Pages 173 à 180

Notes

  • [1]
    Actes publiés dans Jean-Marc Boussard, Hubert Cochet, Jérôme Coste et al., « Les exclusions paysannes : quels impacts sur le marché international du travail ? », Conférences et séminaires, n° 12, Agence française de développement, décembre 2014.
  • [2]
    Lewis, W.A. (1954), “Economic Development with Unlimited Supplies of Labor,” Manchester School of Economic and Social Studies, vol. XXII, p. 139-191.

1Le 16 octobre 2012, Journée mondiale de l’alimentation, le Groupe de recherches et d’échanges technologiques (Gret), le Centre international en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Agence française de développement (AFD), avec le soutien de l’Académie d’agriculture et en collaboration avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE), organisaient un colloque consacré à l’analyse des risques de destruction d’emplois dans les zones rurales des pays en développement [1]. Il visait à prendre la mesure des phénomènes d’exclusion observés dans les campagnes, à en comprendre les mécanismes et à s’interroger sur les transitions à l’œuvre et les risques et solutions dont elles sont porteuses. La meilleure expertise française était réunie : Jean-Marc Boussard, Michel Griffon, Marcel Mazoyer, Marie-Cécile Thirion, Hubert Cochet, Bertrand Hervieu, Bruno Losch, Laurent Levard... Des études de cas ont enrichi les débats : Afrique subsaharienne (Jérôme Coste et Christine Uhder), Brésil (Renato Maluf), Roumanie (Marie-Luce Ghib), Chine (Thomas Vendryes), Inde (Komandur Santana Gopal). Tous les textes présentés et d’autres commandés à cette occasion ont été publiés par l’Agence française de développement en décembre 2014. Que retenir de ce très riche colloque piloté par Henri Rouillé d’Orfeuil à qui fut confié en 2004 l’organisation de l’année de l’agriculture familiale ? On peut résumer ses apports en quatre points.

L’exclusion paysanne, un processus mondial

2D’emblée, avec l’introduction de Jean-Paul Delevoye, le président du CESE, le décor est posé : « Le monde agricole illustre la coexistence des disparités : pour 28 millions d’agriculteurs avec des tracteurs, il y a 250 millions d’agriculteurs avec des bœufs, 1 milliard d’agriculteurs avec des bras. [...] La déstabilisation des structures du village, qui était un lieu de rassemblement, au profit de concentrations en ville, lieu de confrontation et d’isolement, peut créer des désespérances humaines. » Le paradigme qui sert de référence à la conception du développement depuis 1954, avec le fameux article d’Arthur W. Lewis [2] sur l’offre illimitée de la main-d’œuvre agricole que l’on enseigne encore dans les facultés, est donc sérieusement ébranlé. On se souvient des paysans en excédent qui partent en ville et trouvent spontanément un emploi salarié. À un moment, l’offre de main-d’œuvre arrive à saturation et un processus harmonieux et vertueux s’enchaîne : les salaires croissent avec la productivité, les revenus des paysans augmentent, l’excédent de main-d’œuvre étant résorbé, et des échanges villes-campagnes équilibrés s’introduisent. La voie royale du développement est ouverte. Malheureusement, comme cela est rappelé dans la majeure partie des contributions, ce n’est pas l’inclusion qui domine, mais plutôt l’exclusion, ce n’est pas la convergence, mais plutôt la divergence. L’image est parlante : les places sont déjà prises, et certains ont même retiré l’échelle ! Et la prédiction est éclairante : « Les exclusions paysannes seront une des grandes questions du monde contemporain » (Gérard Tendron de l’Académie d’agriculture). Elles concerneront principalement deux régions : l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud, avec des ruraux représentant encore 50 % de la population et encore fortement vulnérables quant à leur propre alimentation (Marie-Cécile Thirion de l’AFD).

Une ampleur considérable

3Comment mesurer l’ampleur du phénomène de l’exclusion ? La question recouvre une situation d’une rare gravité. L’économie mondiale détruit plus d’emplois ruraux qu’elle n’en crée par ailleurs. Une mathématique – certes pas totalement précise pour des raisons évidentes – indique qu’en 2050, environ 3,8 milliards d’emplois devront être créés pour absorber la main-d’œuvre disponible. Cette perspective repose sur trois chiffres établis par Henri Rouillé d’Orfeuil : les exclus/demandeurs d’emplois d’aujourd’hui sont estimés à 850 millions ; les nouveaux arrivants sur le marché du travail issus de la croissance démographique d’ici 2050 et qui seront environ 2 milliards ; enfin, les demandeurs provenant de la destruction d’emplois existants aujourd’hui.

4Cela tient au fait que la poursuite en l’état de la libéralisation et l’intégration des marchés des produits agricoles et de la terre devraient faire fortement baisser le nombre d’agriculteurs. Nous faisons l’hypothèse que cette baisse se poursuivra jusqu’à atteindre les taux que nous connaissons dans les pays développés, soit de l’ordre de 3 % comme en France aujourd’hui. « Est-il possible de créer autant d’emplois au cours des quatre prochaines décennies ? Le moins que l’on puisse dire, pour ne pas injurier l’avenir, est que ce sera très difficile et sans commune mesure avec les rythmes de création d’emplois que nous avons connus jusqu’à présent, alors même que la productivité du travail, qui est en grande partie à l’origine des destructions d’emplois, devrait encore s’accroître ! »

5La conclusion est grave, si on prend la formule de Bertrand Hervieu, inspecteur général de l’agriculture, lancée dans les débats : « Il faut accepter la coexistence de dynamiques contradictoires potentiellement conflictuelles. » La question est de portée universelle car le phénomène est généralisé, y compris en Europe, source de tensions politiques graves pour les prochaines décennies.

6Examinons la situation particulière de l’emploi en Afrique subsaharienne, abordée tant pas Bruno Losch du Cirad que par Jérome Coste et Christine Uhder (IRAM et Gret). Environ les deux tiers des 330 millions de jeunes qui arriveront sur le marché du travail vivront en zone rurale, et ce n’est qu’après 2025 que la proportion s’inversera (Bruno Losch). Comme l’agriculture familiale continuera d’assurer l’essentiel de la production agricole, elle constituera encore le cadre de vie d’environ 60 % de la population. La capacité de cette agriculture à absorber une fraction des nouveaux arrivants dépendra de la viabilité économique des petites exploitations, ce qui pose divers problèmes comme celui de la productivité du travail et de la terre, ainsi que celui de l’accès au crédit et aux marchés urbains, mais par-dessus tout celui en amont de la sécurisation foncière, le seul moyen de les impliquer véritablement dans la durée, convaincues qu’elles sont alors d’œuvrer pour le bien-être et celui des générations futures.

Les principes de l’inclusion paysanne

7Pour autant, il ne faut pas céder devant les peurs malthusiennes que feraient naître les statistiques. Il faut répondre à Thomas Malthus en utilisant les arguments d’Esther Boserup, qui démontrait il y trente ans qu’il y a dans l’agriculture une énergie propre et créatrice : à chaque fois qu’il y a un excédent démographique, les agriculteurs sont en mesure d’y répondre, certes avec un certain délai. Un proverbe wolof ne dit-il pas : « Dieu met une graine dans chaque bouche qu’il crée. » Il existe, et ceci est repérable à travers toute une série d’observations, une capacité intrinsèque au monde rural à affronter les adversités et les handicaps auxquels il est confronté. L’agriculture familiale assure plus de 90 % de la production agricole. Elle constitue encore le cadre de vie d’environ 60 % de la population. La capacité de cette agriculture à absorber ces nouveaux arrivants dépend de la viabilité économique des petites exploitations, ce qui pose le double problème de la productivité du travail et de la terre et celui de l’accès aux marchés locaux et régionaux (Michel Griffon). N’oublions pas au passage la seconde leçon d’Esther Boserup, à savoir le rôle des femmes, et cette corrélation entre la promotion des femmes et les indicateurs de développement – sûrement l’indicateur le plus pertinent pour un économiste du développement.

8Un consensus a été aisément trouvé parmi les participants au colloque sur la nécessité absolue de lutter contre le processus d’exclusion dont sont victimes les populations rurales de par le monde, y compris en Europe. Ce consensus s’est retrouvé autour de quelques esquisses de solutions. Pour lutter contre la pauvreté rurale, pour reprendre une autre formule, il faut œuvrer « sous la ligne de flottaison de l’iceberg » (Bruno Losch).

9Dans diverses contributions, dont celles de Laurent Levard et Patrick Dumazert, trois idées majeures sont présentées pour promouvoir l’agriculture familiale.

10Premièrement, le principe de base qui semble s’imposer est d’engager la responsabilité de l’agriculteur dans la gestion des ressources : garantie de la pérennité des ressources naturelles, minoration des risques techniques et monétaires, large concertation pour une implication des organisations paysannes et rurales. La règle élémentaire est que les usagers doivent être responsabilisés quant à leur gestion, leur entretien et les charges afférentes à leur exploitation. Ce raisonnement s’applique aussi à la gestion des ressources hydrauliques, des pâturages, des bassins versants, des parcs ligneux, des espaces forestiers ou des aires protégées.

11Deuxièmement, ne pas imposer des solutions du haut vers le bas, ni de paquets technologiques, ni d’itinéraires techniques standardisés, comme on a pu le prescrire et le mettre en application pendant des décennies. Dans les années à venir, l’augmentation de l’offre agricole passera par des investissements en termes d’aménagements et d’infrastructures rurales de désenclavement, de recherche, de formation et de conseil, d’innovations techniques. Aucune trajectoire agricole n’est simple, d’où l’importance à accorder à la recherche, à l’expérimentation et aux études d’impacts. Les agriculteurs seront d’autant plus sensibles aux thèmes techniques de production et de conservation des ressources que ces thèmes peuvent entraîner une augmentation tangible des revenus et une amélioration visible de leurs conditions de vie. La nécessité d’accorder, dans tout projet de développement rural, la première place au revenu reste incontournable. On le sait, la lutte antiérosive n’aura de chances d’être appropriée que si elle apporte une augmentation des rendements et une sécurisation de la production.

12Troisièmement, poursuivre dans la voie d’une agriculture productiviste, misant sur un recours massif, pire exclusif, à des intrants chimiques ou génétiquement modifiés, conduit droit dans le mur. Diverses options alternatives sont ouvertes avec le recours à l’agroécologie, à l’intensification raisonnée, à la révolution doublement verte, sans pour autant renoncer à l’équipement ou à des recours à des intrants pour peu qu’ils soient adaptés et appropriés par les paysans. Dans les milieux mal pourvus en réserve d’eaux et à faible densité humaine, l’agro-écologie parvient à trouver des solutions en s’inspirant du fonctionnement de la nature pour régénérer les sols appauvris par l’érosion, la surexploitation et le réchauffement climatique.

De nouvelles politiques publiques

13Le quatrième sujet de débat du colloque est celui de l’adoption de nouvelles politiques publiques susceptibles d’assurer à la fois l’emploi rural et la contribution de l’agriculture au développement.

14Dans la plupart des pays, l’État a occupé le terrain des diverses fonctions avec une efficacité peu concluante, associée à un caporalisme tatillon, coûteux et ayant joué un rôle important dans la déresponsabilisation des acteurs ruraux. Aujourd’hui, les stratégies agricoles sont davantage associées au développement des structures privées, décentralisées familiales et associatives. Notons au passage que la problématique du changement des politiques est aussi celle de la PAC européenne. Des politiques ciblées, mais pas de formule unique : il faut jouer sur la différenciation et l’innovation sociale. Des thèmes sont revenus. L’emploi d’abord. Comme le plaide Marcel Mazoyer : « Il faut employer utilement tous ces gens demandant à travailler en leur faisant construire des biens capitaux utiles aux générations futures, ce qui contribuerait à lier la sous-économie des pauvres à celle des riches… » Le régional est un niveau pertinent pour définir des politiques publiques en faveur de l’agriculture et constituer des marchés significatifs, résilients, au bénéfice du monde rural. Il n’y a aucune contestation sur ce point : le niveau régional peut recevoir les apports en organisation qui sont souvent indispensables. Étant donné le caractère transfrontalier des zones de production, l’intérêt de développer un niveau régional d’analyse, de coordination, d’échange d’expériences et de pratiques apparaît clairement. Dans ce cadre, la protection, sujet de moins en moins tabou, est justifiée en raison du différentiel des prix et des rendements des pays du Nord et du Sud.

15En Afrique et ailleurs dans les pays du Sud, ce n’est pas tant la croissance des villes qui pose problème que son caractère exponentiel, rendant la maîtrise de son extension, sa salubrité, son ravitaillement, quasi-impossibles. La reconquête des villes par les agricultures locales est à l’ordre du jour. Appréhender comme on le fit pendant longtemps la réalité de l’interaction entre villes et campagnes sous le seul plan de la déconnexion est une méthode réductrice. Certes, en Afrique de l’Ouest, des villes comme Abidjan, Accra, Dakar, Freetown ou encore Lomé sont très consommatrices de produits importés, mais l’analyse des consommations met en évidence le rôle que joue l’offre agricole domestique. Dans ces villes, si l’on analyse la part du marché urbain dans les disponibilités des principales céréales, on constate que 20 % du mil et du sorgho, 40 % du maïs et deux tiers du riz sont absorbés par les villes. Pour les racines et tubercules, la part du disponible qui est absorbée par les villes est encore plus élevée, puisqu’elle descend rarement en-dessous de 40 %.

16Enfin, que faire des investissements fonciers jugés agressifs ? La controverse sur les acquisitions à grande échelle est intense, comme le rappelle Hubert Cochet professeur à AgroParisTech. Si les promoteurs insistent sur l’aspect « gagnant-gagnant » des acquisitions de terre, d’aucuns restent sceptiques quant aux bienfaits globaux et à long terme de telles initiatives.

17D’un côté sont mis en avant les apports de capitaux, de techniques et de management au profit d’agricultures en quête de modernisation, sans compter la création d’emplois et la réalisation d’infrastructures.

18De l’autre sont placées en exergue la compétition inégale avec l’agriculture vivrière familiale, les spoliations foncières (land grabbing), l’opacité des transactions qui exacerbent les tensions locales autour du foncier, l’absence de régulation par l’État qui se présente sous la forme de divers mandataires investis du pouvoir de négociation. Le site Inter-réseaux développement rural constitue une base d’informations extrêmement précieuse sur le sujet des accaparements de terres.

19Les détracteurs, parmi lesquels l’Oakland Institute, Grain et Oxfam, insistent sur les risques induits avec le bouleversement des conditions de vie et de travail des petits producteurs ruraux, soit évincés, soit transformés en quasi-salariés sur leur propre parcelle. Les acquisitions de terres peuvent conduire à un processus d’éviction des anciens exploitants ou à leur prolétarisation, les convertissant malgré eux en travailleurs agricoles sur leurs propres terres. Si les investissements interviennent sur des terres autrefois affectées à la production vivrière, cette substitution pose alors le problème de la sécurité alimentaire.

20Les contrats se concentrent dans les régions disposant des plus importantes ressources en eau. La mise en irrigation de terres concédées à des investisseurs indiens, saoudiens et chinois, dans la région de Gambella, dans le sud-ouest de l’Éthiopie aboutirait selon Oakland Institute à une multiplication par neuf, par rapport à des chiffres remontant à 2002, de la consommation d’eau par des cultures très gourmandes riz et canne à sucre notamment. Les opérations conduites au Libéria, en Sierra Leone, au Gabon, au Congo et au Cameroun par des investisseurs principalement asiatiques de plantations de palmiers à l’huile, poussée par une forte demande mondiale de cette matière première qui entre dans l’agro-alimentaire (biscuits, chocolats, huile de table), la cosmétologie et l’industrie énergétique, sont souvent dénoncées pour leur impact négatif sur les écosystèmes, au point que la Banque mondiale a décidé en 2012 de ne plus financer les projets dans l’huile de palme provoquant une trop forte déforestation, préférant soutenir les initiatives qui encouragent la production sur des terres dégradées et qui cherchent à améliorer la productivité des plantations existantes.

21Les cessions de terres présentées comme disponibles peuvent être légales au regard des lois nationales. Mais elles font en réalité l’objet de droits d’usage coutumiers et ancestraux, et sont utilisées par les paysans comme jachères en attente de culture, comme espaces de pâture, comme réserves forestières ou comme zones réservées à des rites aux ancêtres. Les usagers sont rarement consultés ou indemnisés. Dans un tel contexte, il n’est pas rare que les investissements réveillent des querelles de propriétés foncières. Les édiles locaux peuvent, dans un premier temps, accueillir favorablement ces projets d’investissement, avec la promesse de retombées en emplois et en équipements, mais lorsque la mise en œuvre ne répond pas aux attentes des populations locales, des conflits émergent, moins avec les investisseurs faute de pouvoir s’y confronter directement, qu’entre groupes d’occupants, chacun accusant l’autre d’avoir égoïstement tiré parti de la négociation.

22Les appels à la responsabilité des entreprises se multiplient depuis plusieurs années. En France, le Comité technique « foncier et développement » (CTFD) exerce une veille et est devenu une efficace force de propositions. Autour de deux questions : celle de la reconnaissance et de la protection des droits d’usage de la terre et des ressources naturelles et celle des conditions de la négociation des contrats, sa transparence, la participation à leur définition par les titulaires de droits coutumiers et l’effectivité des règles.

23Il n’existe actuellement aucun mécanisme contraignant pour protéger les populations autochtones, en dehors des déclarations de principe des Nations unies et de certains gouvernements. L’Union africaine a adopté en 2010 une déclaration intitulée « Cadre et lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique » qui constitue un pas en avant, mais restent à opérationnaliser au niveau de chaque pays. Afin de limiter les risques et de favoriser les avantages associés à ce type d’investissements, des institutions comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la FAO, la CNUCED et certains États comme l’Allemagne, la France et le Japon, ont participé à l’élaboration de directives volontaires sur la « gouvernance responsable de la tenure foncière et des autres ressources naturelles ». L’adoption par la FAO en mai 2012 des « Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers, applicables aux pêches, aux terres et aux forêts » permet de disposer d’un nouveau cadre de référence. Des « Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires » ont aussi été adoptés en octobre 2014 par les membres du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA). Il institue le contrôle de la viabilité écologique des projets par des études d’impacts a priori, la transparence des processus d’autorisation et la consultation préalable des populations, la sécurisation des droits fonciers, l’implication des autorités locales dans le suivi des opérations… Les directives sont toutefois volontaires, les États membres ne sont donc pas contraints de les respecter.

24Ces textes sont non contraignants, ils relèvent du droit souple et leur application est volontaire, mais c’est la première fois que les États, le secteur privé, les organisations de la société civile, les organismes des Nations unies, les banques de développement, les fondations et les centres de recherche s’entendent sur ce qui doit être considéré comme un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires propres à contribuer à la sécurité alimentaire.

25Les opérations d’investissement foncier devraient se poursuivre pendant la décennie 2010. La volonté de s’engager dans des politiques foncières responsables est de plus en plus affirmée de part et d’autre. Les bailleurs de fonds, en tout état de cause, sont sous la surveillance des ONG, et devraient s’abstenir de financer ou de garantir des investissements impliquant la prise de contrôle de grandes superficies de ressources foncières en contravention des principes de plus en plus reconnus sur le respect des droits fonciers ou sur la durabilité sociale et environnementale.

26En fin de compte, de ces débats désormais disponibles dans la publication de l’Agence française de développement, on retiendra qu’il est clair que le défi consistant à préciser les contours d’une agriculture pour les pauvres, soit pour presque la moitié de l’humanité, est immense. Dans sa conclusion, Michel Griffon trace la voie : « Ainsi, c’est donc une politique complexe qu’il est nécessaire de promouvoir, alliant une vision à long terme du développement des agricultures pauvres et de leur sortie de la pauvreté, une protection commerciale du marché de ces agricultures, des financements de grands investissements productifs et des micro-investissements locaux, l’émergence d’organisations de producteurs pour défendre leurs intérêts, et une réforme copernicienne de la recherche et de l’appui à l’agriculture. » Une conclusion qui pourrait conforter la position française dans les différentes enceintes où se discute l’avenir de l’agriculture mondiale.


Date de mise en ligne : 08/07/2015

https://doi.org/10.3917/afco.252.0173

Notes

  • [1]
    Actes publiés dans Jean-Marc Boussard, Hubert Cochet, Jérôme Coste et al., « Les exclusions paysannes : quels impacts sur le marché international du travail ? », Conférences et séminaires, n° 12, Agence française de développement, décembre 2014.
  • [2]
    Lewis, W.A. (1954), “Economic Development with Unlimited Supplies of Labor,” Manchester School of Economic and Social Studies, vol. XXII, p. 139-191.

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