Couverture de AFCO_249

Article de revue

Éditorial

Pages 7 à 8

1Ce numéro d’Afrique contemporaine est construit autour d’un dossier traitant de la question de l’élevage pastoral au Sahel, en insistant sur les défis que cette activité doit relever, qu’ils soient d’origine naturelle ou humaine. Les articles pointent les différentes dimensions de l’insécurité auxquelles le pastoralisme est directement confronté. Elles résultent du contexte agroclimatique de la région, caractérisé par la disponibilité aléatoire des ressources, eau d’abreuvement et pâturages, nécessaires aux animaux.

2Cette insécurité est également le produit de la compétition entre diverses activités dans les régions du Sahel autour de l’accès aux ressources indispensables aux activités en question, principalement l’agriculture et l’élevage, avec un accent sur le foncier du fait de l’extension des terres agricoles au détriment des axes de transhumance et des aires de pâturage du bétail.

3Cette compétition est nourrie, dans certains pays de la région, par le développement d’activités minières qui non seulement empiètent sur des territoires autrefois dévolus à l’élevage, mais également contribuent à la pollution de nappes phréatiques aux dépens de l’abreuvement des animaux. Par ailleurs, les politiques et institutions publiques, qui ont pour mission de réguler les activités économiques dans ces régions, et donc de construire un cadre favorable à l’élevage, sont bien souvent timides, voire absentes.

4Confronté à des risques de tous ordres, l’élevage pastoral sait faire preuve d’une capacité d’adaptation et d’une résilience qui lui sont consubstantielles, en raison du contexte dans lequel il se déroule. Mais il ne faut pas dissimuler qu’il existe une probabilité non négligeable que la conjonction de ces contraintes conduise à un repli progressif de cette activité.

5En outre, la région est confrontée à une autre forme d’insécurité, qui peut, indirectement, concerner l’élevage. Elle est le produit de défaillances de l’État dans l’exercice de ses missions, ainsi que d’impasses de développement. Et ce, sans même parler de l’entrée en lice d’acteurs engagés dans la lutte armée et poursuivant des objectifs d’ordre politique.

6La présence en pointillés de l’État dans le Sahel ne lui permet pas non seulement de contrôler les territoires et les frontières, d’où le développement d’activités illégales, criminelles ou terroristes, mais également de délivrer à hauteur des besoins certains services de base tels que la santé et l’éducation. Sa légitimité aux yeux des populations en est donc sapée.

7Par ailleurs, cette perte de légitimité peut se nourrir de traditions d’irrédentisme, notamment dans les communautés touareg. D’où des insurrections à répétition, notamment au Mali et au Niger, qui, évidemment, interfèrent avec les déplacements des troupeaux et peuvent conduire à la concentration des animaux dans des espaces plus sûrs, mais avec un risque de pression excessive sur l’eau d’abreuvement et les pâturages.

8Plus généralement, des situations de crise, avérée ou potentielle, sont également le produit de causes profondes qui relèvent des phénomènes démographiques dans leur relation avec les paramètres économiques des régions sahéliennes. Ces causes sont de deux ordres.

9Il s’agit, d’une part, de la croissance rapide des populations, car les pays de la région n’ont pas atteint le stade de la transition démographique. En effet, les taux de natalité y restent élevés, alors que les taux de mortalité ne décroissent que lentement. Il en résulte que la croissance démographique y est partout supérieure à 3 % par an. D’où un risque de décrochage entre le nombre des hommes et les ressources naturelles nécessaires à la conduite de leurs activités. L’augmentation rapide de la population en milieu rural renforce donc la compétition pour l’accès à ces ressources, dont peut pâtir l’élevage pastoral.

10Il est même permis d’avancer que, dans le cas spécifique du Niger, il y a aujourd’hui une rupture d’équilibre entre le nombre des hommes et la capacité de son agriculture, à niveau de productivité inchangé, à leur fournir les moyens de subvenir à leurs besoins. De ce point de vue, les crises d’insécurité alimentaire à répétition que connaît aujourd’hui ce pays deviennent structurelles.

11Comme seconde cause d’insécurité potentielle, l’essor démographique dans le monde rural induit un important flux de migrants des campagnes vers les villes, qui vient s’ajouter au croît naturel de la population urbaine. Un phénomène qui va parfois au-delà de la capacité des villes à fournir à ces nouveaux citadins des opportunités d’emplois et de revenus stabilisés à la mesure de leur nombre. D’où la constitution, notamment dans les plus grandes agglomérations de la région, de réservoirs de main-d’œuvre peu ou pas employée et ne bénéficiant d’aucun capital économique, social et politique lui permettant de s’intégrer de façon satisfaisante dans son nouvel environnement. Ce phénomène d’exclusion et le sentiment de frustration qui en résulte, aggravés par le constat d’une forte différence de statut et de richesse entre ces migrants et les fractions plus favorisées des populations urbaines, constituent probablement un terreau d’instabilité, voire de revendications violentes.

12Outre ce dossier, le présent numéro d’Afrique contemporaine comprend une varia qui analyse la détérioration de la situation politique au Bénin. Les prochains numéros de la revue traiteront successivement des acteurs de la justice en Afrique, puis des crises malgaches.


Date de mise en ligne : 26/08/2014

https://doi.org/10.3917/afco.249.0007

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