Couverture de AFCO_243

Article de revue

Les coopérations agricoles chinoises et brésiliennes en Afrique

Quelles innovations dans les principes et pratiques ?

Pages 111 à 131

Notes

  • [1]
    La déclaration officielle du 23 juillet 2012, à l’issue du sommet Chine-Afrique, pointe cette spécificité, voire même ce rôle de leader, que souhaite jouer la Chine pour la coopération internationale en général à l’égard de l’Afrique : « Nous estimons que la coopération sino-africaine, incarnant la solidarité et l’entraide entre les pays en développement et marquée par l’égalité, les avantages réciproques, l’ouverture et l’inclusivité, mérite la compréhension et le soutien de la communauté internationale. Nous appelons les partenaires de développement internationaux à mettre en valeur leur complémentarité et à travailler dans une interaction positive en Afrique pour contribuer ensemble à la paix et au développement du continent. » De son côté, le Brésil, par la voix de son ancien président de la République Lula lors de la réunion ECOWAS à Praia, en décembre 2011, fait référence à la dette historique du Brésil à l’égard de l’Afrique en affirmant que « le Brésil ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans la participation de millions d’africains qui ont contribué à bâtir notre pays. […] Le Brésil est déterminé à aider à éliminer la faim et la pauvreté en Afrique par le commerce, l’investissement et le transfert de technologie. Celui qui vient après moi a l’obligation morale, politique et éthique de faire beaucoup plus ».
  • [2]
    Selon les informations contenues dans la base de données AFD-CIRAD.
  • [3]
    Ce résultat est cohérent avec les évaluations établies en parallèle de ce travail par l’International Land coalition (ILC), dans le cadre de la Landmatrix. En effet, concernant les projets effectifs en Afrique australe, ces évaluations placent la Chine au 22e rang et le Brésil au 17e rang, loin derrière les grands accapareurs en Afrique australe que sont l’Afrique du Sud et une majorité de pays industrialisés.
  • [4]
    Selon Cabral (2011), 8 % des ressources allouées à la coopération porteraient sur l’assistance technique, 5 % d’aide humanitaire, 10 % en faveur de bourses d’études et 77 % sont des contributions aux organismes multilatéraux.
  • [5]
    Par exemple, les données du Ghana Investment Promotion Centre (GIPC), basé au ministère des Finances du Ghana, attestent de la présence de sept investisseurs chinois dans ce secteur que l’ambassade de Chine ne connaissait pas.
  • [6]
    Par exemple, Asperbras en Angola est responsable de la mise en place des systèmes d’irrigation et la gestion de fermes de maïs, haricots et soja. En Guinée-Bissau, cette entreprise développe également des unités de transformation de noix de cajou et de production d’huile végétale. Des accords ont été signés autour des bioénergies avec le Sénégal en 2006, le Congo et le Nigeria en 2007 autour de partenariats public-privé. L’Angola a lancé en 2009 un projet de trente mille hectares de canne pour la production d’éthanol, dans une joint-venture appelé Biocom (Bioenergy company of Angola) entre l’entreprise d’État angolaise Sonangol, le groupe privé angolais Damer et l’entreprise brésilienne Odebrecht. Le Mozambique a par ailleurs signé deux contrats pour des investissements brésiliens dans le secteur des bioénergies, annoncés par la confédération brésilienne des compagnies de biofuel (APLA).
  • [7]
    Cette évolution vers des soutiens via des entreprises parapubliques chinoises se confirme dans plusieurs secteurs et pays. Par exemple, la société Complant est présente au Bénin pour la production de sucre et agrocarburants, pour les marchés intérieur et européen. Ce projet est considéré comme pilote pour être répliqué en Sierra Leone (Magbass) et à Madagascar. Le projet rizicole au Mozambique est mis en œuvre par le consortium Hubei Liangfeng sur trois cents cultivés par quinze techniciens chinois, et devrait être étendu à dix mille hectares et cinq cents techniciens chinois ainsi que du personnel local. L’objectif prioritaire est de rentabiliser la production rizicole et de faire payer les formations à des coûts considérés comme prohibitifs.
  • [8]
    L’Inrab n’a en effet pas été consulté pour l’installation du centre sur des terres destinées à des essais agricoles, et n’a pas non plus été impliqué dans les activités du centre chinois. En raison de ce conflit, le centre était fermé et inaccessible lors de la conduite de l’étude.
  • [9]
    Selon le directeur général de l’ABC : « Les partenariats triangulaires comme celui-ci offrent un modèle pour impulser nos ressources et optimiser la coopération au bénéfice des pays plus pauvres du monde… Ensemble, l’ABC et la fondation Gates peuvent faire plus pour le développement africain qu’au travers d’actions isolées. »

1Les politiques de coopération brésiliennes et chinoises à l’égard de l’Afrique affichent résolument leur spécificité, voulant se démarquer d’une coopération Nord-Sud qu’ils jugent datée, trop prisonnière de relations coloniales asymétriques dont elles ne peuvent s’émanciper. En un mot, ces deux coopérations s’engagent, se veulent innovantes aussi bien dans leurs objectifs, compte tenu de leurs histoires singulières avec le continent africain, que dans leurs procédures ou leurs priorités sectorielles et géographiques [1]. C’est justement le caractère innovant affiché dans le secteur agricole qui sera interrogé dans cet article en menant une analyse comparative de ces deux bailleurs de fonds. Exprimant cette même volonté politique, interviennent-ils selon les mêmes logiques, les mêmes procédures ? Poursuivent-ils les mêmes objectifs ? Ont-ils, comme bailleurs de fonds émergents, les mêmes profils, et en quoi se démarquent-ils des pratiques des bailleurs de l’OCDE ?

2Trois hypothèses sont instruites. En premier lieu, les projets effectivement mis en œuvre sont à hauteur des annonces et ces deux coopérations interviennent selon la même intensité. C’est à partir d’un suivi de la presse écrite, d’enquêtes de terrain, d’analyse de contenu des publications des agences de coopération qu’une base de données a été constituée, recensant plus de cent vingt projets agricoles mis en œuvre par des opérateurs chinois et brésiliens. En second lieu, nous proposons de donner une vue d’ensemble des différents acteurs chinois et brésiliens impliqués en Afrique, qu’ils soient publics ou privés, leurs objectifs, leur fonctionnement, leurs contraintes en insistant notamment sur les « difficiles frontières » qui s’établissent entre les secteurs public et privé. En troisième lieu, ces deux coopérations sont diversement perçues par les acteurs locaux et seraient en période d’apprentissage. Des rumeurs souvent tenaces, voire infondées, accompagnent ces deux bailleurs de fonds. Pourquoi constate-t-on d’une façon générale de la méfiance, et une certaine inquiétude, à l’égard des acteurs chinois (Gabas, Chaponnière, 2012) et à l’inverse, une certaine complicité, ou bienveillance, à l’égard des acteurs brésiliens ?

3Pour comprendre les logiques d’intervention de ces deux pays émergents en Afrique au sud du Sahara, il importe de garder à l’esprit quelques éléments structurants. Tout d’abord, les politiques de coopération des deux pays ne se comprennent que sur le temps long de leur mise en œuvre. Elles sont souvent anciennes et se sont construites en fonction des orientations de la politique intérieure de chacun de ces États. Cette dimension historique explique aussi bien les permanences ou inerties que les changements majeurs. D’autre part, la coopération est largement influencée par des considérations diplomatiques, par une volonté affichée d’affirmer leur statut de puissance dans le système multilatéral et la volonté de défendre leurs intérêts économiques (en matière de commerce et d’investissement, notamment). Dans ce contexte, le secteur agricole a sa propre spécificité. Pour la Chine, ce n’est pas un secteur de concentration de ses interventions en Afrique et sert davantage de tremplin pour d’autres actions plus conséquentes, dans les mines et la construction d’infrastructures notamment, tout en considérant qu’elle peut apporter son savoir-faire tiré de son expérience nationale. Le Brésil a un statut international différent, de grande puissance agricole exportatrice et considère l’agriculture comme un secteur de concentration de son aide, tout en contribuant au transfert de son modèle d’agriculture duale.

Les interventions brésiliennes et chinoises dans le secteur agricole : des différences marquées

4Les apports publics de la Chine ou du Brésil sont difficiles à mesurer car leur définition de l’Aide publique au développement (APD) n’est pas celle du CAD/OCDE. Pour un prêt APD, seul le « coût État » est considéré comme de l’aide, et les frontières entre interventions publiques et privées sont difficiles à tracer. Les projets sont souvent comptabilisés comme des engagements fermes, alors que ce ne sont souvent que des intentions. De nombreuses annonces sur des projets d’aide n’ayant en réalité pas encore été mis en œuvre illustrent cette volonté politique d’occuper le terrain. On peut citer à cet égard le rapport de l’Agence brésilienne de coopération (ABC) en 2010, dont la majorité des projets qualifiés d’« en cours » sont en réalité des projets qui ont fait l’objet de la visite d’une délégation ou d’une étude de terrain, mais n’ont pas encore été mis en œuvre. Mais il y a aussi une surinterprétation des propos des dirigeants chinois et brésiliens et de leurs déclarations politiques. Concernant les apports privés, les petits entrepreneurs dans le secteur agricole échappent assez largement au travail de recension. Dans le cas de la Chine, ils sont relativement nombreux, mais beaucoup moins dans le cas brésilien. Il importe de prendre en compte tous ces paramètres pour faire un usage raisonné de ces données et sortir du cercle vicieux de la reprise en cascade d’informations non vérifiées, donnant lieu aux rumeurs et idées reçues (Brautigam, 2012 ; Gabas, Chaponnière, 2012).

5Les premiers résultats de la base de données fournissent une information sur le nombre de projets agricoles recensés par région et par bailleur de fonds. La Chine dispose de soixante et un projets agricoles en Afrique de l’Ouest et trente-deux en Afrique australe, alors que le Brésil respectivement vingt et un et douze. Certains pays semblent être davantage que d’autres des lieux de concentration des projets, qu’ils soient publics ou privés. Dans le cas de la Chine quatre pays d’Afrique de l’Ouest : le Bénin, le Ghana, le Mali et le Sénégal concentrent à eux seuls quarante-trois projets sur soixante et un, soit les deux tiers. En Afrique australe, sur les trente-deux projets recensés, dix-sept sont implantés au Mozambique, cinq au Zimbabwe et quatre en Tanzanie. On aurait pu s’attendre a priori à ce que l’Afrique lusophone soit privilégiée par le Brésil. Il n’en est rien : seulement un tiers des projets est dans des pays africains de langue portugaise. Quant à la Chine, soixante-sept projets sont engagés dans des pays non lusophones. Si la majorité des projets sont de l’APD (79 projets sur 126 au total, dont 93 chinois), les apports privés sont essentiellement chinois (35 apports privés chinois contre 5 brésiliens).

6Les accaparements fonciers destinés uniquement à des fins agricoles et recensés à ce jour sont relativement faibles en ce qui concerne la Chine [2]. Ils sont quasi inexistants pour ce qui est du Brésil. Dans le cas de la Chine, en Afrique de l’ouest, vingt mille hectares environ feraient l’objet d’accaparements fonciers, dont plus de dix mille hectares au Bénin (entreprise Complant) et moins de six mille hectares au Mali (sans tenir compte de l’extension prévue de la sucrerie de Sukhala). En Afrique australe, on estime les opérations foncières à moins de neuf mille hectares, dont plus de la moitié au Zimbabwe. Eu égard au mouvement d’accaparements fonciers qui concernerait environ deux millions d’hectares sur l’ensemble du continent, ces deux acteurs jouent un rôle très marginal (Brautigam, 2010) [3]. Cependant, malgré cette réalité chiffrée, les représentations erronées et rumeurs sur les achats de terres restent tenaces.

7Les profils d’interventions sectorielles des deux pays sont assez différents. Le Brésil [4] semble plutôt concentrer ses actions sur la formation, la recherche, l’appui aux coopératives de producteurs ainsi que le financement d’études et de conseil. Peu de projets productifs sont aujourd’hui recensés ; le projet ProSavana au nord du Mozambique, encore en phase de lancement, s’inscrira dans cette perspective, avec notamment la production de soja destiné à l’exportation. Les projets de production d’agrocarburants en Afrique de l’Ouest en sont encore au stade des études de faisabilité via l’UEMOA (voir ci-contre), sans qu’il y ait à ce jour de réalisations concrètes.

8La Chine a deux grands types d’actions : celles qui concernent le soutien à la recherche et la vulgarisation, avec notamment la mise en place de centres de démonstrations agricoles, et celles qui concernent les projets productifs tels que l’exploitation de fermes, la fourniture d’intrants agricoles, mais aussi des projets d’irrigation, et plus généralement de génie rural. Les projets agricoles sont dans leur majorité des projets vivriers (riziculture, maraîchage), et dans une moindre mesure des projets à vocation industrielle (sucre, manioc). La plupart de ces productions sont destinées aux marchés nationaux ou régionaux africains, très peu pour l’exportation à l’exception des agrocarburants (Sierra Leone, Bénin) qui auraient un débouché en Europe.

Les formes de l’engagement chinois dans l’agriculture d’Afrique de l’Ouest et australe

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Les formes de l’engagement chinois dans l’agriculture d’Afrique de l’Ouest et australe

Ces cartes ont été réalisées à partir de la base de données créée pour l’étude « Coopérations Sud-Sud et nouveaux acteurs de l’aide au développement agricole en Afrique de l’Ouest et Australe. Le cas de la Chine et du Brésil », rapport AFD-CIRAD, pilotée par Jean-Jacques Gabas, Frédéric Goulet, Clara Arnaud et Jimena Duran en 2012. Les principales sources mobilisées pour construire cette base de données proviennent de rapports, de périodiques journalistiques (en anglais, en français, en portugais et en chinois), de sites Internet, dont la Land Matrix, de travaux universitaires et d’entretiens.

Les acteurs chinois et brésilien à l’international : des systèmes complexes en construction

9Une affirmation des entreprises publiques chinoises à l’international. Les acteurs chinois sont nombreux à intervenir en Afrique sans qu’il y ait de chef d’orchestre, c’est-à-dire de réelle fonction de coordination. Le Focac (Forum on China Africa Cooperation) est un forum réunissant tous les quatre ans les autorités chinoises et les chefs d’États africains. Ce sont des lieux et moments de grandes déclarations de politique générale. Dans le secteur agricole, lors du Sommet en Égypte en 2009, quatre axes ont été proposés : la création de vingt centres de démonstration agricoles, des programmes de coopération technique, le soutien au CADPP/NEPAD et des actions de coopération triangulaire.

10Le Mofcom (Ministry of Commerce) joue un rôle d’agence de développement. L’ExIm Bank octroie des prêts publics, sous la tutelle du Mofcom, avec pour objectif essentiel de soutenir les entreprises chinoises à l’étranger. L’aide est totalement liée. La China Development Bank effectue des prêts contre matières premières et ses projets agricoles sont marginaux. Le China Africa Develoment Fund (CADF) est une émanation du Focac de 2006, avec pour objectif de soutenir les entreprises chinoises dans le montage de joint-venture (par exemple, avec l’entreprise Bénin PC).

11Les entreprises publiques agro-industrielles créées au départ pour les besoins intérieurs de la Chine se sont internationalisées dans le cadre de la politique going global. La plus importante est la China State Farms Agribusiness corporation (CSFAC), à qui l’on doit notamment la ferme rizicole de Koba en Guinée, la ferme de l’Amitié sino-zambienne et des investissements en Tanzanie. La China’s ZTE Agribusiness Company Ltd s’implante fortement en RDC et au Soudan, notamment en vue de produire des agrocarburants à base d’hévéa. La China National Cereals, Oils and Foodstuffs Import and Export Corporation (COFCO), géant du négoce chinois, spécialisée dans le commerce alimentaire, de céréales et d’huiles, est le premier importateur et exportateur du pays sur ces secteurs. La société Complant investit principalement dans trois complexes sucriers à Madagascar, en Sierra Leone et au Bénin. On retrouve en Sierra Leone la China Agriculture, Livestock and Fisheries.

12D’autres firmes participent à la mise œuvre des infrastructures de transformation, telles que la China National Overseas Engineering Corporation, à qui on doit le complexe sucrier de Ségou au Mali. Enfin, certaines firmes, comme Geocapital, commencent à investir dans le domaine des agrocarburants. Mais contrairement aux idées reçues, les firmes agro-industrielles chinoises sont loin de se frayer facilement un chemin en Afrique : les échecs sont nombreux, et la plupart des réussites sont le fruit de plusieurs décennies d’expériences en Afrique.

13Des entreprises provinciales publiques sont de plus en plus présentes. Parmi celles-ci, on peut citer la Shanxi Province Agribusiness Group (présente notamment au Cameroun), la Hubei Agribusiness Group (au Mozambique), et la Chongqing Seed qui mènent des opérations commerciales dans le domaine des semences et possèdent des installations agricoles, notamment en Tanzanie. Cette dernière entreprise, qui est basée à Chongqing, est très présente en Afrique. Le gouvernement soutient activement les entreprises qui cherchent à s’implanter à l’étranger, par le biais d’une participation au capital, par des exonérations fiscales, ou encore en fournissant des conseils pour leur implantation en Afrique. Si on n’observe pas aujourd’hui une arrivée massive d’hommes d’affaires chinois dans le secteur agro-industriel en Afrique, l’État octroie des incitations afin que certaines d’entre elles puissent s’ouvrir à l’international. L’Afrique n’apparaît certainement pas comme un eldorado pour les entreprises agro-industrielles chinoises, mais plutôt comme une issue à des situations parfois difficiles en Chine, dans un contexte de compétition accrue.

14Les entreprises privées de tailles petites à moyennes agissent de façon largement déconnectée des politiques gouvernementales, contrairement aux grandes entreprises publiques ou semi-publiques, et sont difficiles à identifier et souvent méconnues des ambassades de Chine en Afrique [5].

15La construction institutionnelle récente des acteurs publics brésiliens à l’international. Les acteurs brésiliens à l’international ont vu leur rôle s’affirmer depuis la présidence de Lula en 2002, affirmation qui se poursuit avec la présidence de Dilma Roussef, malgré un léger ralentissement du aux inflexions politiques et au contexte économique. Le secteur privé reste encore marginal. Au-delà des relations bilatérales, le Brésil intervient dans le cadre d’accords interrégionaux (douaniers, coopération scientifique) ou dans le cadre du forum IBSA, qu’il a initié.

16C’est l’ABC, sous l’autorité du ministère des Relations extérieures, qui construit la politique de coopération du Brésil. Mais, à l’origine, l’ABC est une agence chargée de gérer l’aide reçue par le Brésil et non l’inverse. L’institution se trouve ainsi confrontée aujourd’hui à un défi identitaire et organisationnel majeur, représentative à elle seule du changement de statut du Brésil sur la scène internationale (Goulet, Sabourin, 2012). Le PNUD-Brésil a contribué activement au renforcement de l’ABC au niveau national, et aujourd’hui au niveau international. Cet héritage se retrouve dans le fonctionnement actuel de l’ABC qui n’a pas l’autonomie financière et administrative et ne peut investir à l’étranger que via les agences d’exécution comme l’Embrapa, l’Institut national de recherche agronomique (Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuaria).

17L’Embrapa ne s’est ouvert à l’international que depuis 1997, et des bureaux existent au Ghana depuis 2006 ainsi qu’au Mozambique et au Sénégal. L’Embrapa est lui aussi confronté, avec l’essor des coopérations Sud-Sud, à des défis institutionnels et organisationnels : si sa mission principale reste la recherche académique ? et pour laquelle il dispose d’une autonomie financière et stratégique de long terme, il est de plus en plus sollicité par l’ABC pour des missions d’expertise technique pour des projets de développement, relativement isolées et de court terme. Le ministère du Développement agraire (MDA) intervient afin de soutenir des programmes d’agriculture familiale. L’Emater (Empresa de Assistência Técnica e Extensão Rural) fournit de l’assistance technique rurale et le Senai (Serviço Nacional de Aprendizagem Industrial) de la formation professionnelle, comme au Mozambique. La Banque nationale de développement économique et social (BNDES) fournit un appui aux exportations brésiliennes. La Banco do Brasil, qui finance notamment le projet « Mais Alimentos Africa », vise à faciliter l’achat par les pays africains de matériel agricole brésilien.

18Le secteur privé brésilien reste, comparativement au secteur chinois, relativement peu engagé en Afrique, et dans le secteur agricole plus particulièrement. Les investissements privés brésiliens en Afrique sont réalisés essentiellement dans la construction (Oderbrecht, Camargo Correa), l’extraction minière (Vale do Rio Doce) et le pétrole (Petrobras), le premier pays bénéficiaire d’investissements brésiliens en Afrique étant l’Angola. Dans l’agrobusiness, les investissements brésiliens sont limités, malgré quelques exceptions [6].

Des modalités de coopération très différentes

19La Chine : de la coopération technique aux relations marchandes. L’assistance technique de la Chine est la forme la plus ancienne de ses interventions. Si des présentations chiffrées en nombre d’experts envoyés sur le terrain sont fréquentes, les évaluations davantage qualitatives sont encore très rares. Il s’en suit que le processus de mise en place des projets n’a pas connu de réforme majeure et les mêmes griefs reviennent de la part des acteurs de terrain : manque d’adaptabilité des équipes chinoises au terrain, problèmes de communication (beaucoup d’experts chinois ne parlent que le mandarin), après-projet rarement pensé. Ces projets apparaissent comme des survivances d’un mode de coopération mis en place par la Chine dans les années 1960 pour remplir principalement une fonction « diplomatique ». À Sangalkam, au Sénégal, où cinq, voire six, ingénieurs chinois sont présents, la formation des paysans aux techniques de maraîchage a été limitée (très peu de participants) et les parcelles de démonstration se sont transformées en parcelles d’exploitation avec les débouchés offerts par Dakar. Le Centre de Guia, trop éloigné d’un marché urbain pour devenir une ferme d’exploitation, est tombé en ruine. À Podor où travaillent cinq ingénieurs chinois, les rares paysans concernés par les sessions de formation s’avèrent généralement satisfaits, mais ils sont moins d’une centaine à en avoir bénéficié (une journée chacun), et ce depuis 2006, ce qui paraît peu efficient. Le gouvernement sénégalais ne dénonce pas les dysfonctionnements de cette assistance technique, car la présence chinoise est essentielle pour le financement d’autres investissements.

20À des projets d’assistance technique, dont la pérennité semble aléatoire, la Chine préfère désormais des projets d’investissements combinant aide et profit et faisant intervenir des firmes agro-industrielles. Le cas du Ghana, dont la Chine est devenue le premier partenaire commercial en 2010, illustre cette évolution qui n’est pas généralisée. En effet, c’est l’un des seuls pays d’Afrique de l’Ouest où la Chine n’envoie plus de mission de coopération agricole, et c’est aussi l’un de ses partenaires stratégiques. À l’ambassade de Chine à Accra, un conseiller confirme cette évolution : « Avec le Ghana, nous sommes vraiment passés au stade du partenariat. » La Chine a donc peu à peu substitué aux projets d’aide au développement agricole des offres de prêts pour des infrastructures agricoles. C’est notamment le cas avec le projet d’irrigation de la plaine d’Accra. La Chine ne semble donc pas avoir réformé en profondeur sa façon de mettre en place des projets de coopération technique agricole [7].

21Une nouvelle génération d’entrepreneurs privés chinois a vu le jour durant la dernière décennie. Ce sont des particuliers qui arrivent dans un pays, souvent au moyen d’un contact familial, contribuant à accentuer le phénomène de constitution de communautés chinoises issues de la même province. On observe des concentrations d’entrepreneurs chinois venant du Hebei au Mozambique, du Fujian ou Henan au Sénégal. Ces entrepreneurs, dans le cas d’exploitations agricoles, négocient l’accès à la terre directement avec les communautés rurales. La plupart du temps, les chinois qui émigrent pour investir dans l’agriculture en Afrique le font par dépit, confrontés en Chine à des revenus trop faibles pour faire face à une concurrence trop âpre. Mais ils ont souvent l’intention de revenir s’implanter en Chine une fois un patrimoine constitué. Dans le domaine agricole, ces entreprises investissent dans l’aviculture, les industries de transformation (distillerie, par exemple), le maraîchage, ou encore dans la fourniture d’intrants et de matériel agricole. Leur production est destinée au marché local, que ce soit la diaspora chinoise ou les consommateurs africains. La plupart de ces entreprises privées ne bénéficient que d’un soutien « théorique » du gouvernement chinois, et sont en pratique relativement isolées sur le terrain. Il n’y a pas de politique délibérée de la part du gouvernement pour les inciter à s’ouvrir à l’international. Beaucoup de ces entreprises nouvellement internationalisées sont très isolées sur le terrain, et rencontrent beaucoup de difficultés en Afrique. Elles se heurtent notamment à un accès difficile au foncier (par exemple, la société Guandong Nongken Gongs au Bénin pour le manioc), et à une compréhension lacunaire des lois nationales. Pour contourner certaines de ces difficultés, des entrepreneurs indépendants se regroupent en organisations informelles, telle que la Chambre de commerce sino-ghanéenne, basée à Accra, mais aussi dialoguent avec des organisations paysannes comme au Bénin afin de trouver des compromis institutionnels au moment de leur implantation.

22Les centres de démonstrations agricoles constituent un autre aspect important des interventions chinoises. Destinés à être des vitrines du savoir faire chinois, ces centres sont administrés et gérés pendant les trois années qui suivent leur création par une entreprise d’État chinoise. Sur les vingt promis en 2006 par la Chine, quatorze sont aujourd’hui en place et actifs. Lors du Focac de juillet 2012, l’objectif d’étendre ces centres de démonstrations dans d’autres pays a été réaffirmé par la Chine. La grande autonomie des sociétés gestionnaires de ces centres n’encourage pas leur mission de formation et de transfert de technologies : elles n’ont en effet aucun compte à rendre sur le contenu des formations proposées, comme si leur seule existence justifiait l’effort de la Chine pour participer au développement agricole africain. Plusieurs problèmes apparaissent après l’enquête menée auprès des centres du Mozambique et du Bénin. Tout d’abord, les services offerts par les centres, en termes de programme de recherche et de formation, ne correspondent à aucune demande du pays bénéficiaire, mais répondent plutôt à la stratégie des firmes qui les gèrent. Par ailleurs il n’existe aucun système d’évaluation des programmes mis en œuvre par ces centres, qui échappent largement au contrôle des gouvernements des États bénéficiaires. La communication fait aussi défaut et il est très difficile de connaître la nature des activités des centres, à moins de s’y rendre, ce qui nécessite d’avoir l’autorisation de la firme chinoise. Enfin, les centres ne travaillent pas de façon intégrée avec la recherche agronomique nationale des pays concernés, comme l’illustre au Bénin le conflit éclaté peu après l’ouverture du centre de Cotonou, installée sur les terres de l’Institut de recherche en agronomie du Bénin (Inrab), après signature d’un accord avec le ministère de l’Agriculture [8].

23Mais, au-delà de ces coopérations bilatérales, ces deux bailleurs de fonds construisent des modèles spécifiques de coopération triangulaire correspondants pour chacun d’entre eux à leurs histoires nationales, l’objectif commun étant une reconnaissance de leur rôle sur la scène internationale dans le champ du développement. La Chine s’intègre dans deux types de coopérations dites triangulaires. La première est celle avec la FAO, et la Chine est le pays qui a fourni le plus d’experts depuis la création du programme spécial pour la sécurité alimentaire (SPFS) lancé par l’organisation des Nations unies en 1994 et approuvé en 1996. Elle a signé un accord avec l’Éthiopie (1998), la Mauritanie (1999), le Mali (2000), le Nigeria (2003), la Sierra Leone (2006), le Gabon (2007), le Sénégal (2011). En tout, ce sont plus de sept cents experts qui ont été envoyés en Afrique entre 1994 et 2006, et trois mille experts supplémentaires qui devaient être envoyés dans les prochaines années selon les déclarations lors du Focac de Pékin de 2006. Toutefois, au-delà de ces chiffres cumulés, il n’est pas possible de savoir avec davantage de précisions les durées de ces missions sur le terrain, ni la nature réelle de cette coopération. Quant aux évaluations de ces programmes, elles sont encore très rares. La coopération agricole avec la FAO procède donc pour la Chine d’un processus d’intégration et de reconnaissance sur la scène internationale de son rôle pour le développement agricole de l’Afrique.

24Un autre type de coopération triangulaire a été lancé en juillet 2010 avec le DFID et certains pays africains. Quatre domaines d’alliances stratégiques ont été définis : mécanisation des petits producteurs, transformation des produits agricoles, développement de fermes de petites tailles (volailles, produits maraîchers, pisciculture et réhabilitation de terres agricoles). Cette coopération est encore balbutiante et s’inscrit surtout dans un processus qui reste affiché « coopération Sud-Sud », le DFID n’intervenant que comme un « catalyseur » des transferts de technologies entre la Chine et l’Afrique.

25Ces expériences pourraient encourager d’autres formes de coopération triangulaires, comme en témoigne la directrice Afrique de la FAO à Accra : « Au bilan, les chinois apprécient beaucoup cette coopération. Le NEPAD et l’Union africaine voudraient collaborer avec la Chine sur des projets de développement agricole et elle a refusé de le faire directement. La FAO pourrait servir d’interface pour ces coopérations futures. » Toutefois, si ces velléités de rapprochement avec les bailleurs du CAD/OCDE et les organisations multilatérales sont exprimées par le gouvernement chinois, force est de constater que dans les pays étudiés les autorités chinoises ne participent à aucun mécanisme de coordination et d’harmonisation de l’aide comme celui engagé depuis la déclaration de Paris en février 2005, malgré leur présence et déclarations lors du Sommet de Busan en novembre 2011.

26Le Brésil : une coopération technique toujours privilégiée. La coopération technique reste la forme d’intervention privilégiée par le Brésil dans le domaine agricole en Afrique. Cette coopération s’inspire du concept de diplomatie solidaire, le Brésil mettant ses expériences à disposition d’autres pays en développement (Milhorance de Castro, Goulet, 2011). Le discours politique qui accompagne la coopération technique est basé sur les idées d’horizontalité, de respect de la souveraineté et de non-intervention dans les affaires intérieures des pays. Dans la pratique, la coopération est fortement empreinte d’une vision de transfert technologique, dans laquelle le Brésil ferait profiter à ses partenaires de ses avancées et succès en la matière. Le mode de d’action et de présence sur le terrain contraste avec celui de la Chine. Si les missions courtes d’experts restent également un levier d’action essentiel, l’Embrapa est représenté en Afrique par un agent dans chacun des trois pays que sont le Sénégal, le Mozambique et le Ghana. Ces représentants agissent en étroite synergie avec l’ambassade du Brésil, mais ont un positionnement institutionnel qui facilite leur insertion locale. Ils sont en effet en poste dans les institutions locales de recherche agronomique (assez proche ainsi des organismes de coopération des pays industrialisés), et sont donc conduits à travailler directement avec leurs pairs locaux. Cette pratique est ainsi radicalement différente de celle choisie par les chinois, sans contact nourri avec les cadres et la population locale.

27Au Mozambique, qui constitue un pays de référence pour la coopération agricole brésilienne en Afrique, les projets de coopération technique sont au nombre de trois : la Plate-forme d’innovation agricole, le Programme pour l’amélioration de la sécurité alimentaire au Mozambique (ProAlimentar) et le Programme pour le développement de la savane tropicale africaine au Mozambique (ProSavana). Les programmes sont construits en coopération triangulaire avec un pays industrialisé ; les deux premiers se développent avec l’USAID et le troisième avec la coopération japonaise (rapport JICA, 2010). Depuis novembre 2011, d’autres projets de coopération triangulaire se font avec la fondation Bill and Melinda Gates, un partenariat avec le gouvernement du Brésil ayant été annoncé pour soutenir le développement agricole en Afrique et en Asie. Le mémorandum de coopération signé entre l’ABC et la fondation a ainsi pour objectif de développer la coopération dans le secteur agricole au travers de divers projets. En outre, la fondation Gates a annoncé un don de 2,5 millions de dollars pour soutenir l’Africa-Brazil Agricultural Innovation Market Place mis en œuvre par l’Embrapa [9].

28Au Sénégal, la coopération technique s’inscrit dans quatre axes structurants : le développement des agrocarburants, le soutien à la riziculture, le soutien à l’horticulture et l’élevage. Des résultats obtenus dans ce pays dépendra la poursuite des activités de coopération avec d’autres pays de la région : en Côte d’Ivoire et au Mali, notamment, où il y existe déjà un projet autour du coton. Le projet rizicole au Sénégal, tant par sa dimension limitée que par les ajustements perpétuels, assume en effet sa fonction de projet « pilote » pour la région. S’il a remporté un relatif succès, on constate des résultats nuancés sur des projets horticoles et d’élevage, aujourd’hui abandonnés, ainsi que des doutes sur la poursuite de la coopération dans le domaine des agrocarburants (au stade de l’étude préliminaire).

29Le projet Coton 4 au Bénin, Mali, Burkina-Faso et Tchad, a pour sa part été lancé en 2009, avec pour objectif de renforcer les compétences des chercheurs et techniciens de ces pays, de créer quelques infrastructures de recherche et les équiper. Il vise également à montrer, essentiellement par des « vitrines », le savoir faire brésilien en matière de coton, et ultérieurement à s’intéresser à d’autres spéculations (fruits et légumes) et à d’autres thématiques (biotechnologies). Toutefois, au Bénin, le projet n’en est actuellement qu’à son premier stade de développement, et il est encore trop tôt pour parler de résultats ou d’applications.

30Le Brésil est le principal acteur qui coopère avec l’UEMOA sur le dossier des biocarburants. La signature du mémorandum d’entente (accord cadre dans le domaine coopération scientifique) lors de la visite du président Lula Da Silva, le 15 octobre 2007 à Ouagadougou, a été ratifiée par le parlement Brésilien en 2009. Le lancement de l’étude pour la promotion d’une énergie verte et durable dans l’espace UEMOA (financement BNDES) a eu lieu en juillet 2011. Le bureau d’étude brésilien a été choisi en septembre 2011 et le lancement officiel de l’étude était prévu pour le 1er mars 2012. Après validation de cette étude pluridisciplinaire sur les filières bioénergie, prévue en 2012, un forum des affaires devrait être organisé entre investisseurs privés d’Afrique de l’Ouest et investisseurs brésiliens au Sénégal. L’UEMOA est considérée comme le porteur de projets sur cette question des biocarburants dans la sous-région ; le Brésil cherche à se construire un rôle de coordination et de leadership sur ce dossier. À ce jour, cette coopération entre l’UEMOA et le Brésil prend la forme de financement d’études et d’assistance technique et il n’y a pas de projets de mise en valeur des biocarburants.

31Le cas du Zimbabwe est intéressant, car il diverge des autres projets décrits plus haut en mélangeant la coopération financière et le transfert de technologie. Il s’agit de l’adaptation en Afrique du programme brésilien Mais Alimentos, qui a connu un succès réel au Brésil. Ce programme développé par le ministère du Développement agraire depuis 2008 au Brésil affiche comme objectif le soutien technique aux agriculteurs familiaux. Face à la réussite de ce programme au Brésil et à l’intérêt que lui ont porté des pays africains, les autorités brésiliennes en ont décliné une offre de coopération. L’idée de développer Mais Alimentos Africa est née plus précisément lors du Dialogue Brésil-Afrique pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la faim, à Brasilia en 2010. Le Ghana, le Cameroun, le Mozambique, le Sénégal, la Namibie, se sont montrés intéressés par ce programme. Avec les ressources financières mises à disposition par le Brésil, les pays africains ne peuvent acheter que des produits brésiliens. Alors que les pays du CAD/OCDE ont mis l’accent sur la nécessité d’une aide déliée, le Brésil développe ses programmes d’aide au développement sur d’autres bases. Les discours des cadres brésiliens sont d’ailleurs décomplexés, persuadés de la valeur de la technologie brésilienne au regard de celle de pays « concurrents » et que ces démarches commerciales se font à l’avantage des pays « aidés ». La fierté de la réussite agricole brésilienne constitue dès lors le fondement de la légitimité de sa coopération internationale.

Les investissements publics brésiliens dans l’agriculture en Afrique L’Embrapa, « bras d’exécution » de l’Agence brésilienne de coopération

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Les investissements publics brésiliens dans l’agriculture en Afrique L’Embrapa, « bras d’exécution » de l’Agence brésilienne de coopération

Cette carte a été réalisée à partir de la base de données créée pour l’étude AFD-CIRAD (2012). Créée en 1973, l’Embrapa (Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuaria) est aujourd’hui le « bras d’éxécution » de l’ABC, l’Agence brésilienne de coopération, pour les projets de développement agricole. Elle est la principale agence d’investissement brésilienne dans le domaine agricole.
Source : base de données créée pour l’étude AFD-CIRAD, 2012 (Clara Arnaud, Jimena Durand, Jean-Jacques Gabas et Frédéric Goulet).

32De l’apprentissage brésilien de la coopération. Les évaluations globales relatives à cette coopération technique brésilienne sont encore rares. D’un côté, cette coopération se fait en articulation avec les systèmes nationaux de recherche, ce qui peut apparaître comme un aspect positif. Toutefois, de nombreux projets annoncés ne sont pas réalisés du fait du système institutionnel national et du fait d’un manque de moyens. En effet, la coopération brésilienne ne déploie pas beaucoup d’agents permanents, et les projets se déroulent essentiellement à partir de courtes missions d’appui. Cela s’explique par divers facteurs, comme les contraintes budgétaires ou législatives du Brésil, et le manque d’expérience du Brésil en tant qu’opérateur concret en Afrique. Dès lors, les premières critiques s’expriment dans cet apprentissage de la coopération. Les agents de l’Embrapa témoignent par ailleurs du décalage qu’ils ressentent dans des pays comme le Ghana ou le Kenya, où le système d’appui technique a été complètement privatisé, et où les agriculteurs sont clairement identifiés comme des « clients » par les services d’appui locaux. Enfin, le décalage culturel est évoqué sur les catégories d’agricultures sur lesquelles les brésiliens ont l’habitude de s’appuyer, mais qui pour les partenaires africains n’ont pas la même signification. Il en va ainsi de l’agriculture familiale, catégorie structurante au Brésil et pour le ministère du Développement agraire, mais derrière laquelle les partenaires africains ne mettent pas les mêmes réalités, rendant la compréhension parfois ardue. Ainsi, la coopération internationale initiée par le Brésil passe par un apprentissage de terrain, autour de la coopération « en action » avec des pays étrangers et des cultures différentes. Cet apprentissage de terrain va de pair avec un autre apprentissage évoqué ci-dessus et qui se joue à une échelle institutionnelle : il s’agit en effet pour des institutions comme l’Embrapa de se donner les cadres légaux et une organisation interne pour concrètement « coopérer ». Ces deux niveaux d’apprentissage constituent une caractéristique forte de la coopération brésilienne aujourd’hui.

33Échanges académiques et production intellectuelle. Au-delà de ces dimensions concrètes, au travers de projets, les coopérations brésilienne et chinoise se construisent également sur le terrain des échanges intellectuels. Ainsi, de nombreux programmes sont mis en place pour la formation de partenaires africains au Brésil et en Chine, dans le domaine agricole notamment. Ce sont tout d’abord les techniciens qui sont invités à venir se former à l’Embrapa au Brésil. Les universités agronomiques chinoises reçoivent également des partenaires. Le Brésil est allé plus loin en créant une université fédérale spécialement dédiée à la formation d’étudiants venant de pays lusophones, essentiellement africains (UNILAB, Universidade da Integração Internacional da Lusofonia Afro-Brasileira). Ces étudiants sont formés aux côtés d’étudiants brésiliens, dans le nord-est du pays aux conditions agro-écologiques de savane sèche proches de celles de nombreux pays africains. Les échanges se font également à des niveaux doctoraux ou postdoctoraux, le Brésil ayant là aussi fortement investi. Le programme Brazil-Africa Innovation Market Place (mis en place avec la FAO) permet ainsi à de nombreux jeunes chercheurs africains de venir se former au Brésil et de renforcer les relations de coopération scientifique entre les équipes. Au total, ce sont ainsi 10 % des ressources allouées par le Brésil à la coopération Sud-Sud qui seraient consacrées à la formation.

34En parallèle à cette dimension éducative de la coopération Sud-Sud développée par la Chine et le Brésil, il est enfin important de constater que les deux pays ont investi dans leurs propres champs universitaires pour le développement des études africaines, au sein de laboratoires, think tank, etc., qui produisent dans les deux pays des connaissances sur l’Afrique. Si ces études africaines ne sont pas une nouveauté radicale dans les deux pays, qui depuis les années 1950 produisent et développent des connaissances sur ce continent, elles connaissent depuis les années 2000 un véritable essor. Il s’agit de plus en plus de promouvoir la compréhension des sociétés africaines dans un contexte d’action et d’investissement, mais également d’une transformation culturelle dans le cadre du Brésil, qui réinvestit son histoire sous l’angle de ses origines africaines liées à l’esclavage. Ainsi, depuis 2003, l’enseignement de la culture et de l’histoire africaine sont devenus obligatoires dans tous les niveaux d’enseignements brésiliens.

Coopération technique brésilienne et « diplomatie du voyage » du président Lula

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Coopération technique brésilienne et « diplomatie du voyage » du président Lula

L’action diplomatique brésilienne, et plus spécifiquement celle du président Lula, élu en 2002, joue un rôle majeur dans les relations brésilo-africaines contemporaines. Cette relation particulière avec l’Afrique, sous l’impulsion du président, est en effet devenue la principale référence symbolique de la stratégie de coopération Sud-Sud du Brésil. De plus, l’Afrique se place au premier rang des régions du monde destinataires de cette coopération. Le Brésil agit aujourd’hui dans une trentaine de pays d’Afrique et, si l’essentiel de ces actions est encore mené auprès des pays lusophones, le spectre d’action géographique s’est fortement diversifié. La coopération technique relève essentiellement d’une exportation sur le continent africain de savoir-faire en termes de production, de formation ou de recherche agronomique qui ont porté leurs fruits dans ces pays.
Source : ABC, MRE. Élaboration C. Milhorance de Castro (Milhorance de Castro, Goulet, 2011).

Les perceptions contrastées des coopérations chinoises et brésiliennes

35Il est difficile de dresser un panorama unifié de la façon dont sont perçues les présences chinoises et brésiliennes en Afrique. En effet, les modes d’actions sont pluriels, de même que les pays dans lesquels ils prennent place ainsi que les interlocuteurs avec lesquels ils établissent des liens. Dans les situations observées sur le terrain, les réactions sont contrastées quant à l’action chinoise. La perception des centres techniques de démonstration était assez unanimement négative, du fait des manquements dans la gestion des centres, des dérives marchandes qui émanaient de cette gestion et de la faible insertion des techniciens chinois dans la société locale. Cependant, et d’une façon générale, l’action des entreprises privées est bien perçue : ainsi le cas de l’usine Complant au Bénin laisse entrevoir, malgré des tensions que l’on pourrait qualifier de régulières entre employeurs et salariés, un regard positif porté sur la firme, du fait des nombreux emplois qu’elle a contribué à créer dans la région.

36Le regard porté sur la coopération brésilienne est lui aussi assez contrasté : si l’action de l’Embrapa est certes perçue positivement, notamment grâce à la bonne insertion locale de ses représentants, les partenaires africains n’hésitent pas à marquer des distances. En effet, la faible implantation, avec seulement trois représentants de l’Embrapa sur le continent, est critiquée. Elle est mise en regard des grands discours politiques tenus par l’État brésilien. Par ailleurs, le Brésil n’échappe pas, comme la Chine, aux rumeurs d’intentions coloniales : au Mozambique, autour du projet ProSavana, c’est l’achat ou la location massive de terres par les producteurs de soja brésilien qui sont redoutés, en marge du projet de coopération. Enfin, il convient de rendre compte de la façon dont sont perçues les coopérations chinoises et brésiliennes par les organismes de coopérations traditionnels en Afrique, et notamment ceux engagés dans des coopérations triangulaires aux côtés des deux pays émergents. L’action de la Chine est perçue comme très opaque, très difficile à saisir du fait du peu d’interaction qu’elle entretient avec ses homologues d’autres pays. L’action brésilienne est quant à elle appréciée pour ses compétences en agronomie tropicale, et sa bonne insertion liée à la langue portugaise. Elle est par contre perçue comme à la traîne dans le cadre des actions triangulaires, le Brésil étant davantage perçu comme le suiveur de la JICA ou de l’USAID que comme un initiateur, du fait encore une fois de sa faible représentation sur le terrain.

Conclusion

37Cette mise en parallèle de ces deux coopérations nous amène aux points de conclusions suivants. Tout d’abord, les profils de chacun de ces deux grands bailleurs sont différents tant par leur intensité, leur présence que par leur modalité d’intervention. Ils sont perçus de façon très différente, aussi bien par les populations locales que par les administrations nationales que par les bailleurs de fonds présents depuis longtemps en Afrique. Alors que l’action de la Chine est souvent source d’inquiétude, le Brésil est à l’inverse doté d’un capital de confiance important du fait de proximités construites non pas sur une efficacité dans son mode d’intervention mais sur des représentations culturelles, historiques (Peixoto, 1983), voire sportives.

38Ces coopérations sont-elles finalement innovantes face à celles développées par les bailleurs traditionnels ? Il serait très hasardeux, au regard de la réalité des actions mises en œuvre, ainsi que des comportements des différents acteurs sur le terrain, de conclure trop hâtivement. Si les discours politiques volontaristes d’intensification des relations, aussi bien entre le Brésil et l’Afrique qu’entre la Chine et l’Afrique, inondent le champ des relations internationales, un certain discernement s’impose. Certes les échanges commerciaux s’intensifient (Gabas, Chaponnière, 2012), tout comme les investissements publics et privés dans les secteurs des infrastructures concernant la Chine. Mais dans le secteur agricole les moyens effectivement mis en œuvre sont très en deçà des annonces. C’est le cas du Brésil, qui est clairement dans une position d’apprentissage, tout comme celui de la Chine (Brautigam, 2012) qui subit quelques revers dans ses projets agricoles et dans la mise en place de ses centres de démonstration agricole, faute d’une bonne intégration avec les centres de recherche existants. La notion de co-construction ne semble pas apparaître de façon évidente. Même si un affichage fort est développé autour du caractère horizontal de la coopération, l’asymétrie est présente, tout comme avec les autres politiques des bailleurs du CAD.

39Par ailleurs, la tendance à la privatisation de la coopération, c’est-à-dire à l’externalisation des services de coopération vers des entreprises privées pour la mise en œuvre de la politique (entraînant un paiement de ces services) se confirme dans le cas de la Chine, ce qui ne semble pas être la tendance pour le Brésil. Quant au déliement de l’aide, il est inexistant dans ces deux coopérations.

40Dans le prolongement des travaux conduits dans le cadre de ce travail, plusieurs éléments nous semblent ouvrir des pistes de recherche pertinentes au regard des problématiques de terrain, et du panorama des travaux conduits aujourd’hui sur les dynamiques de coopérations Sud-Sud (Perch, Bradley, 2012).

41Un premier point relève de l’intérêt d’approfondir les approches anthropologiques de ces dispositifs de coopération qui ont été esquissées dans le travail présenté ci-dessus. En effet, les approches « par le haut » qui analysent les dimensions macro des dynamiques de coopérations (échanges commerciaux, orientations géopolitiques, stratégies sectorielles) mériteraient d’être complétées par des approches « par le bas ». Quelles sont les pratiques de terrain des agents brésiliens ou chinois présents en Afrique ? Comment ces coopérations Sud-Sud prennent place dans les sociétés locales et dans le milieu de la coopération ? Ces questions soulèvent des enjeux de recherche importants, dans le champ notamment des approches anthropologiques de la coopération internationale et du développement.

42Un second point autour duquel les travaux futurs peuvent s’organiser est la compréhension et l’analyse des formes de reproduction, ou d’exportation, de la dualité des modèles de développement agricole observés dans les grands pays émergents, notamment au Brésil où ces modèles coexistent de façon institutionnalisée au sein de l’État (Davis, 2010 ; Dollar, 2008). Des pays comme le Brésil, mais également comme l’Argentine marquée de la même manière par cette dualité et qui s’investit également aujourd’hui dans le champ de coopération technique en Afrique, sont actifs aussi bien sur le front du soutien à l’agriculture familiale que sur celui de l’agrobusiness. La rhétorique de coopération Sud-Sud, qui imprègne fortement les discours de politique étrangère, vaut aussi bien pour désigner les enjeux fondamentaux de lutte contre la pauvreté, que ceux de commerce international et d’investissement. Le cas agricole offre ainsi un terrain de recherche particulièrement intéressant pour analyser les modalités d’interpénétration entre aide au développement et enjeux économiques pour les pays donateurs, et le cas des pays émergents offre un cadre d’étude original dans lequel se construisent de façon simultanée ces deux facettes des relations internationales.

Bibliographie

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : Chine, Brésil, coopération Sud-Sud, agriculture

Mise en ligne 07/01/2013

https://doi.org/10.3917/afco.243.0111

Notes

  • [1]
    La déclaration officielle du 23 juillet 2012, à l’issue du sommet Chine-Afrique, pointe cette spécificité, voire même ce rôle de leader, que souhaite jouer la Chine pour la coopération internationale en général à l’égard de l’Afrique : « Nous estimons que la coopération sino-africaine, incarnant la solidarité et l’entraide entre les pays en développement et marquée par l’égalité, les avantages réciproques, l’ouverture et l’inclusivité, mérite la compréhension et le soutien de la communauté internationale. Nous appelons les partenaires de développement internationaux à mettre en valeur leur complémentarité et à travailler dans une interaction positive en Afrique pour contribuer ensemble à la paix et au développement du continent. » De son côté, le Brésil, par la voix de son ancien président de la République Lula lors de la réunion ECOWAS à Praia, en décembre 2011, fait référence à la dette historique du Brésil à l’égard de l’Afrique en affirmant que « le Brésil ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans la participation de millions d’africains qui ont contribué à bâtir notre pays. […] Le Brésil est déterminé à aider à éliminer la faim et la pauvreté en Afrique par le commerce, l’investissement et le transfert de technologie. Celui qui vient après moi a l’obligation morale, politique et éthique de faire beaucoup plus ».
  • [2]
    Selon les informations contenues dans la base de données AFD-CIRAD.
  • [3]
    Ce résultat est cohérent avec les évaluations établies en parallèle de ce travail par l’International Land coalition (ILC), dans le cadre de la Landmatrix. En effet, concernant les projets effectifs en Afrique australe, ces évaluations placent la Chine au 22e rang et le Brésil au 17e rang, loin derrière les grands accapareurs en Afrique australe que sont l’Afrique du Sud et une majorité de pays industrialisés.
  • [4]
    Selon Cabral (2011), 8 % des ressources allouées à la coopération porteraient sur l’assistance technique, 5 % d’aide humanitaire, 10 % en faveur de bourses d’études et 77 % sont des contributions aux organismes multilatéraux.
  • [5]
    Par exemple, les données du Ghana Investment Promotion Centre (GIPC), basé au ministère des Finances du Ghana, attestent de la présence de sept investisseurs chinois dans ce secteur que l’ambassade de Chine ne connaissait pas.
  • [6]
    Par exemple, Asperbras en Angola est responsable de la mise en place des systèmes d’irrigation et la gestion de fermes de maïs, haricots et soja. En Guinée-Bissau, cette entreprise développe également des unités de transformation de noix de cajou et de production d’huile végétale. Des accords ont été signés autour des bioénergies avec le Sénégal en 2006, le Congo et le Nigeria en 2007 autour de partenariats public-privé. L’Angola a lancé en 2009 un projet de trente mille hectares de canne pour la production d’éthanol, dans une joint-venture appelé Biocom (Bioenergy company of Angola) entre l’entreprise d’État angolaise Sonangol, le groupe privé angolais Damer et l’entreprise brésilienne Odebrecht. Le Mozambique a par ailleurs signé deux contrats pour des investissements brésiliens dans le secteur des bioénergies, annoncés par la confédération brésilienne des compagnies de biofuel (APLA).
  • [7]
    Cette évolution vers des soutiens via des entreprises parapubliques chinoises se confirme dans plusieurs secteurs et pays. Par exemple, la société Complant est présente au Bénin pour la production de sucre et agrocarburants, pour les marchés intérieur et européen. Ce projet est considéré comme pilote pour être répliqué en Sierra Leone (Magbass) et à Madagascar. Le projet rizicole au Mozambique est mis en œuvre par le consortium Hubei Liangfeng sur trois cents cultivés par quinze techniciens chinois, et devrait être étendu à dix mille hectares et cinq cents techniciens chinois ainsi que du personnel local. L’objectif prioritaire est de rentabiliser la production rizicole et de faire payer les formations à des coûts considérés comme prohibitifs.
  • [8]
    L’Inrab n’a en effet pas été consulté pour l’installation du centre sur des terres destinées à des essais agricoles, et n’a pas non plus été impliqué dans les activités du centre chinois. En raison de ce conflit, le centre était fermé et inaccessible lors de la conduite de l’étude.
  • [9]
    Selon le directeur général de l’ABC : « Les partenariats triangulaires comme celui-ci offrent un modèle pour impulser nos ressources et optimiser la coopération au bénéfice des pays plus pauvres du monde… Ensemble, l’ABC et la fondation Gates peuvent faire plus pour le développement africain qu’au travers d’actions isolées. »
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