Couverture de AFCO_205

Article de revue

L'eau gratuite pour tous ? L'exemple de la nouvelle politique de l'eau en Afrique du Sud

Pages 135 à 150

Notes

  • [*]
    Fonctionnaire, ex-conseiller à l'ambassade de France à Pretoria. L’auteur s’exprime ici à titre personnel. Il peut être contacté sur <tv78@wanadoo.fr>.
  • [1]
    Les textes fondateurs du droit et de la nouvelle politique de l’eau en RSA sont le Water Services Act (1997) et le National Water Act (1998). Ils confient la responsabilité du service public de l’eau aux collectivités locales sud-africaines qui sont dénommées "Water Services Authorities".
  • [2]
    La zone rurale de Madlebe au KwaZulu-Natal fournit un condensé de l’histoire de la politique de l’eau en Afrique du Sud. Cette région, qui faisait partie du bantoustan du KwaZulu pendant l’apartheid, tirait son eau potable de puits jusqu’à la sécheresse de 1982-1983. Les dirigeants du bantoustan firent alors installer 9 robinets communaux qui constituèrent la seule source d’eau purifiée jusqu’à ce que le ministère de l’Eau et des Forêts reprenne la responsabilité juridique du service de l’eau lors de la dissolution du bantoustan en 1994 et décide la construction du réseau en 1997. Ces 9 robinets ne pouvant suffire à toute la population, celle-ci continua donc de recourir aux puits et aux rivières jusqu’à la fin des années 1990. Cette histoire reflète les grandes lignes du développement de l’eau dans la majeure partie du pays.
  • [3]
    Il y a en Afrique du Sud un débat sur la qualité des nouvelles infrastructures qui serait médiocre. Le ministère de l’Eau et des Forêts est souvent attaqué sur ce thème et son concept d’"adequate water supply" est contredit par certains experts. Dans la littérature spécialisée, on peut donc trouver des chiffres de population disposant de l’eau potable qui diffèrent de ceux du ministère. Nous utilisons ici les données officielles publiées par le ministère.
  • [4]
    La mairie de Nelspruit estimait, en 1996, que 380 millions de rands étaient nécessaires pour rénover son système d’assainissement et de distribution d’eau.
  • [5]
    Plus complexe à réaliser, la gratuité de l’électricité n’est pas encore une réalité. De nombreux problèmes juridiques et techniques restent à régler.
  • [6]
    L’administration sud-africaine considère que le seuil de pauvreté est 800 rands par mois et par foyer (pour mémoire, à la fin de l’année 2002, 1 euro s’échangeait au taux de 9,6 rands).
  • [7]
    Le coût de la connexion au réseau d’eau construit entre 1996 et 2000 dans la région de Madlebe au KwaZulu-Natal était de 3 000 rands par foyer.
  • [8]
    A titre d’exemple, la comparaison du prix de l’eau dans deux districts du KwaZulu-Natal révélait un différentiel considérable et socialement injustifiable : dans la ville d’Empangeni, les usagers payaient 2,30 rands par kl, tandis que, dans la zone rurale de Madlebe, ils payaient 12,5 rands par kl. Par comparaison, dans une grande ville comme Pretoria, le coût de l’eau était de 1,85 rand par kl en 2000. Le coût de l’eau dans un espace donné est en grande partie fonction de la densité humaine de cet espace.
  • [9]
    Comme cela se pratique à l’échelle nationale au Chili, le principe de la subvention aux consommateurs pauvres a été mis en œuvre dans certaines municipalités sud-africaines. A Polokwane, les foyers pauvres se font enregistrer à la mairie et bénéficient d’un "crédit d’eau" de 82,5 rands par mois.
  • [10]
    Certaines collectivités facturaient les 6 premiers kl d’eau consommés à un coût inférieur au coût de revient.
  • [11]
    Ce chiffre provient des évaluations de l’OMS qui estime qu’un individu a besoin de 25 litres d’eau par jour pour mener une existence saine et décente. En Afrique du Sud, certains considèrent que le double (50 litres) est nécessaire.
  • [12]
    Il est à noter que, même si le ministère recommande les dispositifs à trois "blocs tarifaires" comme celui de Durban, les municipalités sont libres d’instaurer autant de blocs tarifaires qu’elles le souhaitent. Elles fixent seules le prix de l’eau dans les limites de leurs territoires.
  • [13]
    Le niveau sud-africain est largement inférieur à la moyenne mondiale qui est de 860 mm par an.
  • [14]
    La dotation S est une dotation sociale structurelle : c’est un transfert de l’Etat aux collectivités locales afin qu’elles puissent fournir à leur population pauvre un accès aux services publics de base. L’autre transfert de l’Etat aux collectivités locales est la subvention L qui est une dotation de fonctionnement.
  • [15]
    Une ville comme Tshwane, la capitale sud-africaine, où 30 % de la population gagne moins de 1 000 rands par mois, et Ngqushwa, municipalité de l’ancien bantoustan du Transkei, où 90 % de la population gagne moins de 1 000 rands par mois, illustrent la variété des situations financières des collectivités sud-africaines.
  • [16]
    Dans les anciens bantoustans, après leur dissolution, la fonction de l'approvisionnement en eau potable a été reprise en gestion directe par le ministère de l’Eau et des Forêts.
  • [17]
    Les collectivités locales dont le ratio de financement croisé serait "correct" ne bénéficieraient pas de cette augmentation.
  • [18]
    Statistiques du ministère de l’Eau et des Forêts.
  • [19]
    A la question "Vous est-il possible de payer vos factures d’eau et d’électricité ?", en 2001 53 % des interviewés dans les townships du Cap répondaient oui, mais 17 % répondaient qu’il leur fallait pour cela réduire des dépenses d’alimentation et d’habillement, tandis que 18 % répondaient non. 35 % de la population des townships éprouve donc des difficultés réelles à payer l’eau et l’électricité.

1 Si, dans les pays développés, la politique de l’eau correspond de plus en plus à des impératifs environnementaux, dans les pays en développement, elle correspond d’abord à des impératifs sociaux et s’inscrit dans le cadre plus large de la lutte contre la pauvreté. L’accès à l’eau courante à domicile assure des gains de santé, d’hygiène et de productivité, qui sont autant de victoires invisibles contre la pauvreté. Dès 1994, le gouvernement sud-africain a fait de l’approvisionnement en eau potable un des piliers de sa stratégie de développement avec le logement social, l’électricité et la gratuité des soins de santé primaires. Mais, en 2000, il a franchi un pas de plus vers l’universalisation de la fourniture d’eau potable en annonçant la gratuité d’un certain volume d’eau pour tous les foyers. Le défi est de taille et rappelle qu’entre logique financière et logique sociale, la gageure est de concilier les deux durablement et harmonieusement.

De la logique d’accès à la logique de coût

2 Les vastes inégalités qui caractérisent encore la République sud-africaine (RSA) de 2002 n’épargnent pas le secteur de l’eau. Malgré les efforts du gouvernement issu des élections démocratiques de 1994, il y a toujours trois catégories d’usagers de l’eau : ceux qui disposent d’un robinet fournissant de l’eau potable à domicile, ceux qui s’approvisionnent à un robinet extérieur (robinets de quartier ou communal tap) et ceux qui n’ont pas accès à un réseau de distribution d’eau potable (environ 6 millions d’individus). Cette catégorisation peut se doubler d’une autre : ceux qui paient l’eau qu’ils consomment et ceux qui ne la paient pas.

3 Durant l’apartheid, le coût du service public de l’eau n’a pas fait réellement problème en Afrique du Sud car il était occulté par la situation politique très particulière que connaissait le pays. D’une part, le gouvernement d’apartheid n’avait pas à satisfaire les besoins de la population rurale noire qui était regroupée dans des gouvernements soit autonomes soit indépendants (les fameux bantoustans) ; d’autre part, quand elles bénéficiaient de l’eau potable, les populations des townships ne la payaient pas, conformément au mot d’ordre insurrectionnel du Congrès national africain (African National Congress, ANC) : "rendre les townships ingouvernables". Aucun paiement ou presque n’arrivait dans les caisses des autorités locales dont la légitimité n’était pas reconnue. De facto, l’eau était fournie gratuitement aux populations urbanisées et, même aux pires moments de l’insurrection des townships dans les années 1980, Pieter W. Botha ne s’est jamais résolu à utiliser l’arme de l’eau, c’est-à-dire à cesser de subventionner ce service public, tant cela aurait été impopulaire à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Ainsi, à cette époque, le service public de l’eau était, pour les pauvres, soit inexistant soit gratuit, et, en ville, ceux qui en bénéficiaient vivaient aux temps "édéniques" de l’ignorance du principe "consommateur-payeur". Du point de vue de l’accès à l’eau potable, le sous-développement sud-africain était paradoxal car non général : l’eau était fournie gratuitement à une fraction de la population noire en dépit du racisme institutionnel qui prévalait à l’époque.

4 L’Afrique du Sud démocratique a hérité de cette situation de sous-développement paradoxal et, dans un premier temps, le gouvernement a mis l’accent sur l’extension des réseaux d’eau (en 1994, le nombre de personnes privées d’eau potable était évalué à environ 13 millions et le nombre de celles ne disposant pas de toilettes à 21 millions). Le premier programme économique de l’ANC (le Programme de reconstruction et de développement, Reconstruction and Development Programme, RDP) a instauré une norme toujours en vigueur : tout foyer sud-africain doit se trouver à 200 mètres au plus d’une source d’eau potable capable de fournir 25 litres par jour et par personne. Priorité du ministère de l’Eau et des Forêts dès 1994, et des collectivités locales juridiquement responsables du service public de l’eau [1], l’extension des infrastructures s’est traduite par l’apparition des robinets de quartier et a permis à environ 7 millions de personnes d’avoir accès à l’eau potable de 1994 à 2002 [2]. Même si elle est toujours d’actualité, la généralisation de l’accès à l’eau potable est maintenant passée au second plan des préoccupations des pouvoirs publics dont la réflexion a évolué au fil de l’action.

5 Au fur et à mesure de l’extension des réseaux, la question de leur qualité [3] et de leur coût s’est posée de façon de plus en plus aiguë. En effet, comment entretenir un réseau s’il n’est pas financé et si une fraction significative du coût de l’eau n’est pas assumée par les consommateurs ? Dans la rhétorique du ministère de l’Eau et des Forêts, des expressions telles que "cost effective", "cost recovery" et "self-financing" ont fait florès : les services d’eau devaient fonctionner selon les principes d’autofinancement, de facturation des coûts réels et de recouvrement de ces coûts au niveau local. Dès lors, le prix de l’eau a brutalement augmenté au détriment de consommateurs habitués à un coût somme toute modeste, voire quasiment nul (ainsi, dans l’ancien bantoustan du KaNgwane, le prix de l’eau, qui est un forfait mensuel fixe par foyer, est passé de 14 rands avant 1994 à 88 rands après : la démocratie a soudainement eu un goût amer).

6 Cette approche par les coûts s’est rapidement doublée d’un appel du pied au secteur privé et de campagnes de sensibilisation pour le paiement des factures d’eau. Le secteur privé a été approché pour son savoir-faire en matière de management des services d’eau et afin de moderniser des réseaux désormais vétustes et saturés. Incapables de fournir les capitaux nécessaires à la rénovation des infrastructures [4], les municipalités sud-africaines ont été encouragées à concéder ce service à des compagnies privées et les "géants de l’eau" ont pris pied en RSA (BiWater à Nelspruit, la Lyonnaise des eaux à Johannesburg et dans l’Eastern Cape, Vivendi à Durban, etc.). Parallèlement, conscient des habitudes de non-paiement prévalant dans les townships, le gouvernement a lancé une campagne de communication de masse afin d’expliquer pourquoi l’eau gratuite du temps de l’apartheid était maintenant payante. Cette campagne a eu le succès que l’on pouvait escompter et, jusqu’à présent, les taux de paiement restent très modestes dans les zones pauvres.

7 Il serait excessif de dire que cette politique a été abandonnée (comment oublier la question centrale du coût ?), mais les autorités sud-africaines l’ont largement amendée en adoptant en 2000 une mesure novatrice : la gratuité d’un volume d’eau considéré comme indispensable pour mener une vie saine. Pendant la préparation des élections municipales de décembre 2000, l’ANC a fait de la gratuité de l’eau et de l’électricité un thème de campagne, promettant 6 kilolitres (kl) d’eau gratuite et 50kWh d’électricité gratuite par mois pour chaque foyer [5]. Evidemment très populaire, cette mesure sociale a rapidement été reprise par le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique (Democratic Alliance, DA), qui s’est empressé de l’inscrire dans son programme électoral. Ce que l’on peut appeler le "tournant social de la politique de l’eau" faisait donc largement consensus et était très bien accueilli par la population.

Le tournant social de la politique de l’eau

8 Après un retour critique sur la première politique de l’eau (1994-1999) et en somme pour la re-cadrer, l’idée d’une gratuité de l’eau s’est imposée au gouvernement.

Les inconvénients sociaux de la première politique de l’eau

9 Tout d’abord, les autorités sud-africaines ont dû reconnaître que le non-paiement généralisé des factures d’eau dans les townships (et des factures d’électricité, le problème étant le même) n’était pas seulement la conséquence des "vieilles habitudes du temps de l’apartheid" (ne pas payer et se connecter illégalement au réseau en cas de déconnexion). Il existait et existe toujours un réel problème de capacité de paiement de ces services par la population à revenu modeste (affordability). Dans un contexte de faible croissance économique (entre 2 et 2,5 %, selon les années, depuis 1994) et de forte progression du chômage (+10 points depuis 1994), les ménages pauvres sud-africains [6] ont vu le montant de leur facture d’eau s’alourdir et accumulé des arriérés de paiement aboutissant souvent à l’interruption du service (lors d’un sondage dans les townships du Cap en 2001, 22 % des interviewés reconnaissaient avoir des arriérés de paiement dont la moyenne était de 2 274 rands, ce qui signifie que le taux des ménages ayant une "dette d’eau" approche probablement les 30 % dans cette région). Un dangereux mouvement inverse le renchérissement de l’eau et l’appauvrissement d’une certaine frange de la population) a ainsi créé une bulle d’endettement.

10 Face au risque concret de coupure (entre 1996 et 2001, au Cap, près de 100 000 foyers ont été privés d’eau pour non-paiement), les stratégies des ménages varient entre se re-connecter illégalement (une des banlieues du Cap, Tygerberg, évalue son taux de branchements illégaux à 60 %), recourir à la solidarité de voisinage (emprunter de l’eau aux voisins), utiliser d’autres modes d’accès à l’eau (robinets publics, rivières) ou simplement réduire la consommation (dans certains districts ruraux où la facturation au coût réel a été expérimentée, à savoir entre 4 et 5 rands par kl, les niveaux de consommation ont considérablement chuté). En définitive, le coût de cette politique d’accès à l’eau s’est révélé trop élevé pour ses bénéficiaires supposés, les ménages pauvres. Par conséquent, en tant qu’instrument de lutte contre la pauvreté, la politique de l’eau s’émoussait.

11 Dans certains cas, elle devenait même contraire à ses objectifs. En effet, la logique financière préconisant la facturation au coût réel aboutissait à un illogisme social dans les campagnes. En zone rurale, les coûts de construction et de maintenance d’un réseau d’approvisionnement en eau sont plus élevés qu’en ville (longue distance et faible densité) alors que la capacité à les financer est comparativement plus faible [7]. En poursuivant la logique du principe de recouvrement des coûts réels (cost-recovery), la fraction la plus pauvre de la population sud-africaine aurait dû aussi être proportionnellement la plus grande contributrice des services d’eau [8].

12 Cette logique financière se heurtait en outre à une limite juridique de taille : la Constitution sud-africaine. Cette dernière contient une charte des droits socio-économiques très fournie : le droit à l’alimentation ainsi qu’à l’eau y figure, et il est stipulé que l’Etat doit "prendre des mesures raisonnables, dans la limite de ses ressources disponibles, pour satisfaire ces droits fondamentaux". Par ailleurs, la loi sur l’eau de 1997 (chapitre 4, article 3c) stipule très clairement qu’il est interdit de priver d’eau une personne ayant fait la preuve de son indigence. Ce droit à l’eau limite, en partie, les possibilités de rétorsion des services d’eau à l’égard des indigents et le principe de gratuité est inscrit en creux dans le Water Services Act. Dans ces conditions, il était tentant de transformer ce qui fait figure de contrainte légale pour les services d’eau – ne pas priver les indigents d’eau – en un "cadeau social" – leur offrir gratuitement une certaine quantité d’eau.

13 En outre, en 1997, une initiative locale est venue démontrer qu’introduire une certaine dose de gratuité dans l’approvisionnement en eau n’était pas vain. Cette année-là, la ville de Durban a décidé d’exempter de paiement les foyers consommant moins de 6 kl par mois. Initialement, cette mesure était une incitation à réduire la consommation urbaine d’eau, mais elle a progressivement fait école au niveau local sous des formes variées, dans un contexte de mécontentement social latent. Certaines municipalités sud-africaines, qui souhaitaient alléger la facture d’eau des pauvres, ont soit recouru au "crédit d’eau [9]", soit sous-facturé l’eau [10], soit imité Durban… en allant plus loin (9 kl d’eau gratuite à Volksrust dans la province du Mpumalanga). Le local montrant la voie de l’innovation sociale, l’Etat a suivi et le ministère de l’Eau et des Forêts a fait sienne cette politique de gratuité contrôlée : elle a été introduite dans le programme de l'ANC pour les élections locales de décembre 2000 et, après la victoire, instruction a été donnée aux municipalités sud-africaines de généraliser cette mesure sociale à partir du 1er juillet 2001.

14 Mais l’élément catalyseur, celui qui a emporté la décision, a sans nul doute été l’épidémie de choléra du KwaZulu-Natal. En renforçant la position de ceux qui dénonçaient le non-respect du droit à l’eau inscrit dans la Constitution, cet événement tragique a contribué à remettre en cause la politique menée par le ministère de l’Eau et des Forêts. D’août 2000 à avril 2001, une épidémie de choléra a sévi au nord du KwaZulu-Natal, coûtant la vie à 168 personnes (environ 80 000 cas ont été décelés et l’Organisation mondiale de la santé [OMS] a envoyé une mission d’experts). Cette épidémie a fragilisé la politique de l’eau en vigueur car elle a débuté dans le district d’uThungulu, une zone rurale où les services d’eau menaient une politique de recouvrement des coûts réels et avaient installé pour ce faire des systèmes de pré-paiement dès 1997. Ces systèmes, aussi appliqués à la fourniture d’électricité, permettent aux usagers d’acheter le volume d’eau de leur choix et donc d’ajuster leurs besoins à leur budget. Ils permettent aussi et surtout aux gestionnaires des services d’eau de mettre fin au problème des impayés. Or, dans cette région du KwaZulu-Natal, une interruption de l’approvisionnement en eau pour des raisons techniques pendant 3 semaines a conduit les usagers à recourir à une alternative qui s’est avérée mortelle : la rivière.

La gratuité d’un volume d’eau déterminé pour tous

15 Cet ensemble d’événements et de réflexions a conduit les pouvoirs publics sud-africains non pas à réviser radicalement leur politique de l’eau mais à lui imposer un "virage social" en y introduisant une dose de gratuité. Désormais, chaque foyer sud-africain, quel que soit son revenu, dispose gratuitement de 6 kl d’eau par mois [11]. Cette gratuité s’accompagne d’un système tarifaire progressif pour les foyers et d’une tarification unique pour les consommateurs industriels. Le tableau ci-dessous présente deux exemples de tarification en vigueur dans des grandes villes (Durban compte environ 2,7 millions d’habitants et Tshwane (ex-Pretoria), 1,8 million) [12].

Tableau 1 :

tarification de l’eau en vigueur à durban et tshwane

Volume consommé mensuellement (en kl) Prix pour les résidents (en rand au kl) Prix pour les consommateurs industriels (en rand au kl)
Tshwane
0-6 0 4,65
7-12 3,95 4,65
13-18 4,45 4,65
19-24 4,50 4,65
25-30 4,55 4,65
31-41 4,60 4,65
>41 4,65 4,65
Durban
0-6 0 3,27
7-30 3,27 3,27
>31 6,54 3,27

tarification de l’eau en vigueur à durban et tshwane

16 Ce type de tarification où le coût unitaire croît proportionnellement à la consommation a été retenu par les pouvoirs publics sud-africains en raison de son double effet : un effet redistributif et un effet de réduction de la surconsommation. Le tarif appliqué aux consommateurs individuels s’accroît en fonction de leur consommation, ce qui les incite à la surveiller davantage et évite que leur facture n’augmente brutalement par pallier. Dans un pays qui ne reçoit que 502 mm d’eau de pluie par an [13], la politique d’accès à l’eau se doit de prendre en compte la rareté de la ressource et inciter à économiser l'eau (à Durban, entre 1997 – année de l’introduction de ce système tarifaire – et 2001, le nombre de ménages ne consommant pas plus de 6 kl par mois est passé de 8 à 18 %).
Quant à l’effet redistributif, de prime abord, il semble absent : ce ne sont pas seulement les ménages pauvres qui bénéficient de la gratuité des 6 kl d’eau mais l’ensemble des foyers sud-africains, sans condition de ressources. Cette décision peut sembler contraire à l’objectif de lutte contre la pauvreté. Mais les études de faisabilité réalisées par le ministère de l’Eau et des Forêts ont rapidement mis en lumière les difficultés d’administration d’une mesure d’envergure nationale ciblée sur les foyers à revenu modeste. Une telle mesure – déjà appliquée au Chili et en Colombie – suppose un recensement national des ayants droit, un suivi régulier de leur situation sociale, bref tout un appareil bureaucratique dont le coût de gestion serait élevé et dont le ciblage ne serait jamais parfait (les experts sud-africains qui se sont rendus en mission d’études au Chili et en Colombie ont estimé que, dans certaines régions, les taux d’erreur de ciblage étaient proches de 60 %). Déjà engagées dans une politique de réduction de la fonction publique, les autorités sud-africaines ont préféré ne pas alourdir la bureaucratie actuelle et ont choisi la gratuité universelle, mesure qui est aussi politiquement plus acceptable.
Pour autant, cette gratuité n’est pas neutre socialement car le système tarifaire progressif a un effet redistributif : la consommation d’eau des ménages est généralement fonction de leur niveau de revenu, aussi les foyers les plus riches contribuent-ils davantage que les autres au financement de la politique de l’eau. La gratuité de l’eau est rendue possible par le financement croisé entre ménages riches et pauvres (cross-subsidisation) : telle est l’astuce financière sur laquelle repose le tournant social de la politique de l’eau.

De la complexité des principes simples

17 Deux ans après l’introduction de la gratuité, il est encore trop tôt pour parler de succès ou d’échec. Juger l’impact de cette mesure sur les usagers, leur consommation d’eau et, plus généralement, la réduction de la pauvreté implique une perspective de moyen terme. L’évaluation de cette mesure suppose aussi qu’elle soit appliquée à tous, or elle est toujours en phase de généralisation et tous les Sud-Africains n’en bénéficient pas encore (le calendrier d’application du ministère de l’Eau et des Forêts va jusqu’en 2005). Cependant, sans remettre en cause le principe même de la gratuité, le premier bilan de cette mesure fait apparaître qu’en matière de politique publique, une idée simple est souvent d’application difficile.

Un casse-tête financier

18 La fourniture gratuite de 6 kl à tous est un véritable casse-tête financier pour ceux qui en ont reçu la responsabilité, à savoir les nouvelles municipalités issues des élections locales de décembre 2000. Le financement de cette mesure est assuré par une subvention d’Etat aux collectivités – la dotation S [S grant], qui est une dotation d’accès aux services publics [14] – et le financement croisé riches/pauvres, c’est-à-dire l’autofinancement du service de l’eau. La dotation d’Etat ne représentant qu’une fraction du coût de la mesure, le financement croisé est censé en assurer l’essentiel. Or, en fonction de la configuration sociale des municipalités, les possibilités de dernier mode de financement sont très variables [15].

19 En résumé, on peut distinguer trois cas de figure. Dans les 6 grandes villes sud-africaines qui regroupent 12,6 millions d’habitants, le ratio des consommateurs riches et des consommateurs pauvres est suffisant pour financer la gratuité des 6 kl, même si ces municipalités insistent toutes sur le risque budgétaire encouru. Les 105 collectivités dont le revenu mensuel moyen par foyer approche 2 400 rands devraient pouvoir financer cette mesure et donc la mettre en œuvre, mais pas pour l’ensemble de leur population. Enfin, les 102 municipalités dont le revenu mensuel moyen par ménage ne dépasse pas 1 200 rands ont un potentiel de financement croisé quasiment nul. Par ailleurs, ces dernières se situent souvent dans les anciens bantoustans et sont totalement dépourvues du capital humain et matériel nécessaire pour reprendre en main des services d’eau gérés et financés depuis 1994 par le ministère de l’Eau et des Forêts [16]. Dans ces zones déshéritées, tout reste à faire et le ministère reconnaît que la politique de gratuité ne peut pas être mise en œuvre immédiatement : la priorité est de faire l’inventaire de l’existant, d’étendre le réseau et de le consolider (réparation des fuites, arrêt des branchements illégaux, etc.). En tout état de cause, les collectivités locales pauvres, c’est-à-dire rurales, éprouvent des difficultés à financer la gratuité de l’eau et le phasage ministériel de cette politique censée s’appliquer à tous les foyers en 2005 semble irréaliste.

20 Par ailleurs, le mécanisme du financement croisé n’est pas sans danger pour les collectivités : s’il y a peu de chances que les ménages riches d’une ville la quittent simplement pour alléger leur facture d’eau, en revanche cette possibilité est plus réelle pour les industries grandes consommatrices d’eau qui peuvent être tentées de se délocaliser là où elles paieront le moins. Chaque municipalité étant libre de ses tarifs vis-à-vis des consommateurs industriels, on pourrait voir s’engager une "guerre de l’eau" entre collectivités afin d’attirer les implantations industrielles sources d’emplois (contrairement à Tshwane et Durban, certaines d’entre elles ont mis en place un système de tarification régressif : plus la consommation augmente, plus le prix au kl diminue, ce qui est contraire à l’objectif écologique de préservation de la ressource).

21 Le problème du financement de cette mesure est d’autant plus sérieux que son annonce pendant la campagne des élections locales a déjà eu un effet pervers. Croyant ou feignant de croire que cette mesure était d’application immédiate, certains ont cessé de régler leurs factures d’eau (peut-être aussi ont-ils anticipé une éventuelle amnistie pour les mauvais payeurs…). De manière paradoxale, le problème des dettes d’eau, loin d’être résolu par la gratuité, a été aggravé depuis 2000 et le taux de recouvrement ne s’est pas amélioré. Cette mesure fragilise un peu plus l’équilibre financier précaire des services d’eau et les graves limitations de l’autofinancement plaident en faveur d’une augmentation différenciée de la dotation d’Etat, seule solution en vue actuellement [17].

Une efficacité relative pour lutter contre la pauvreté

22 Constatation sous forme d’évidence, la gratuité de l’eau n’agira pas sur le noyau dur de la pauvreté sud-africaine parce que les foyers qui le constituent ne sont tout simplement pas raccordés aux réseaux. Ainsi, en décembre 2002, si 56,7 % de la population bénéficiait déjà de la gratuité de l’eau (soit environ 26 millions de personnes), ce pourcentage descendait à 27,9 % pour les foyers pauvres, soit environ 8,6 millions d’individus [18]. Et pour cause : l’absence d’eau potable à domicile est encore une réalité pour les bataillons de la très grande pauvreté, ceux qui vivent dans les zones rurales éloignées où les coûts de raccordement sont élevés comme nous l’avons montré précédemment. Cette politique a été mise en œuvre sans grande difficulté en zone urbaine mais bute sur de nombreux problèmes de faisabilité en zone rurale. De facto, les plus pauvres des pauvres sont hors du champ de cette politique d’action sur les coûts, à laquelle, du reste, on ne peut reprocher de ne pas atteindre une cible sociale qui n’est pas la sienne (les "non-raccordés").

23 Pourtant, de façon plus insidieuse, cette mesure sociale risque d’avoir un effet pervers sur les plus pauvres. En effet, compte tenu de la charge financière que représente cette nouvelle mesure pour les collectivités locales, il y a une compétition budgétaire entre la politique de gratuité et la politique d’extension des réseaux et, en conséquence, un risque réel d’éviction de la seconde par la première (la ville de Tshwane, dont 30 % de la population n’avait pas l’eau à domicile en 2001, estime que la gratuité de l’eau lui coûtera 200 à 250 millions de rands, soit l’équivalent de 3 ans d’investissements d’extension de ses réseaux). Afin de contrer cet effet pervers, il est suggéré que la dotation S intègre une incitation à l’extension des réseaux.

Un gain politique à la hauteur du gain social

24 D’un point de vue politique, cette mesure sociale a porté ses fruits : elle a été très bien accueillie par la majorité pauvre de la population, comme l’indique un sondage réalisé en 2001 sur un échantillon de 2 530 personnes. Elles devaient se prononcer pour ou contre la gratuité de l’eau en faveur des indigents. Les résultats de ce sondage mettent en évidence la forte corrélation entre niveau de revenu et soutien au principe de gratuité (plus le revenu s’élève, plus le soutien décroît).

Graphique 1 :

sondage sur la gratuité de l’eau (foyers favorables par tranche de revenu, en %)

Graphique 1

sondage sur la gratuité de l’eau (foyers favorables par tranche de revenu, en %)

25 Cependant, l’avantage politique d’une telle mesure ne semble pas devoir s’inscrire dans la durée. D’une part, pour les nombreux foyers qui étaient connectés illégalement au réseau, la gratuité des 6 premiers kl consommés ne change presque rien ; d’autre part, cette dose de gratuité n’a pas résolu le problème du coût de l’eau comme en témoigne la persistance de l’endettement et des déconnections dans les townships. Cela est paradoxal mais l’introduction d’une certaine gratuité dans le service public de l’eau a abouti à un durcissement de la politique de recouvrement. A l’annonce de la mesure, les services d’eau ont anticipé de sérieuses difficultés budgétaires et ont davantage mis l’accent sur le recouvrement et, son corollaire, la suspension de l’approvisionnement aux mauvais payeurs, voire la saisie de leurs maigres biens (les indigents, rappelons-le, doivent faire la preuve de leur incapacité totale à payer leur facture s’ils contestent la suspension du service !). Sur ce point, les collectivités locales sont parfaitement en accord avec le ministère, selon lequel la contrepartie logique de la gratuité est le paiement régulier de l’eau consommée au delà de 6 kl. En dépit de ce volume d’eau gratuite et en l’absence d’amélioration du contexte social, des foyers sud-africains éprouvent toujours des difficultés à régler leurs factures [19] et les déconnections se poursuivent à un rythme soutenu (au cours du dernier trimestre de 2001, 133 456 foyers ont vu leur approvisionnement en eau suspendu). Il est maintenant envisagé d’adoucir la politique de recouvrement en distinguant entre ceux qui stabilisent leur dette d’eau et ceux qui continuent d’accumuler des impayés : les ménages qui consommeraient maintenant moins de 6 kl d’eau verraient leur dette réduite à due proportion ; ceux dont la dette d’eau continuerait à augmenter se verraient proposer de choisir entre la saisie de leurs biens et la réduction de leur consommation à 6 kl.

26 Force est de reconnaître que cette mesure sociale, sans impact sur la frange des habitants des townships qui ne payaient pas leur eau et la frange de la population rurale qui l’attend toujours, bénéficie en fait à la classe moyenne qui s’inscrit dans la tranche de revenus situés entre 3 000 et 7 000 rands par mois : la gratuité de l'eau n’a donc pas la capacité de "dégonfler" le mécontentement social, mais elle contribue à souder davantage les classes moyennes africaines au parti au pouvoir.

La crédibilité financière de la gratuité

27 La politique de l’eau menée en Afrique du Sud depuis l’avènement du régime démocratique reflète le défi de nombreux pays du Sud : l’universalisation de l’eau potable à un coût abordable. Il faut à la fois étendre les réseaux là où ils n’existaient pas et agir sur le prix de l’eau ; il faut à la fois investir lourdement et créer les conditions financières de la pérennité des nouvelles infrastructures ; il faut à la fois être sur le front de l’investissement et sur celui du fonctionnement. Et tout cela, en faisant face à des électeurs dont les besoins sont quantitativement considérables !

28 Depuis 1994, les pouvoirs publics sud-africains ont mené une politique de l’eau ambitieuse et volontariste qui a déjà bénéficié à 7 millions de personnes. Confrontés au classique dilemme des coûts et des besoins, les pouvoirs publics ont mis en œuvre une politique de gratuité qui s’est rapidement appliquée en zone urbaine mais peine quelque peu en zone rurale (76 % des foyers raccordés bénéficient de la mesure mais seulement 27,9 % des foyers pauvres). Il s’agit maintenant de faire face au coût de ce "virage social" grâce à un mélange de subventionnement public et de redistribution entre les riches et les pauvres.

29 Dans le contexte socio-économique sud-africain, la gratuité a eu pour effet de relancer une politique de l’eau qui s’essoufflait et suscitait la critique. Une étape a certes été franchie mais il est cependant encore trop tôt pour délivrer un satisfecit total. Comme l’indiquent les débats actuels, la gratuité est une mesure simple en théorie mais d’application délicate, voire problématique. Socialement, elle peut en partie manquer sa cible et passer à côté des plus pauvres ! Son impact politique dépend essentiellement de son inscription dans la durée et de sa capacité à inclure toujours plus de foyers. En définitive, l’efficacité et la pérennité de ce choix de politique publique reposent sur la pertinence de son financement qui doit être pensé avec le plus grand soin et ne doit pas contribuer à aggraver les difficultés (déjà importantes) des collectivités locales. Là est sans doute le talon d’Achille de cette politique : la répartition de la charge financière de cette mesure n’est pas encore définitivement arrêtée, elle est au cœur d’un bras de fer feutré entre le ministère et les municipalités. De ce fait, la preuve de la crédibilité financière de la gratuité reste à faire mais, sans prendre parti dans le débat actuel, il est évident que les collectivités locales ne peuvent porter seules cette mesure et qu’un engagement budgétaire conséquent et durable de l’Etat à leurs côtés est indispensable. Le rythme de progression de l’universalisation de l’eau potable sera sans aucun doute fonction de l’ampleur de cet engagement.


Date de mise en ligne : 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/afco.205.0135

Notes

  • [*]
    Fonctionnaire, ex-conseiller à l'ambassade de France à Pretoria. L’auteur s’exprime ici à titre personnel. Il peut être contacté sur <tv78@wanadoo.fr>.
  • [1]
    Les textes fondateurs du droit et de la nouvelle politique de l’eau en RSA sont le Water Services Act (1997) et le National Water Act (1998). Ils confient la responsabilité du service public de l’eau aux collectivités locales sud-africaines qui sont dénommées "Water Services Authorities".
  • [2]
    La zone rurale de Madlebe au KwaZulu-Natal fournit un condensé de l’histoire de la politique de l’eau en Afrique du Sud. Cette région, qui faisait partie du bantoustan du KwaZulu pendant l’apartheid, tirait son eau potable de puits jusqu’à la sécheresse de 1982-1983. Les dirigeants du bantoustan firent alors installer 9 robinets communaux qui constituèrent la seule source d’eau purifiée jusqu’à ce que le ministère de l’Eau et des Forêts reprenne la responsabilité juridique du service de l’eau lors de la dissolution du bantoustan en 1994 et décide la construction du réseau en 1997. Ces 9 robinets ne pouvant suffire à toute la population, celle-ci continua donc de recourir aux puits et aux rivières jusqu’à la fin des années 1990. Cette histoire reflète les grandes lignes du développement de l’eau dans la majeure partie du pays.
  • [3]
    Il y a en Afrique du Sud un débat sur la qualité des nouvelles infrastructures qui serait médiocre. Le ministère de l’Eau et des Forêts est souvent attaqué sur ce thème et son concept d’"adequate water supply" est contredit par certains experts. Dans la littérature spécialisée, on peut donc trouver des chiffres de population disposant de l’eau potable qui diffèrent de ceux du ministère. Nous utilisons ici les données officielles publiées par le ministère.
  • [4]
    La mairie de Nelspruit estimait, en 1996, que 380 millions de rands étaient nécessaires pour rénover son système d’assainissement et de distribution d’eau.
  • [5]
    Plus complexe à réaliser, la gratuité de l’électricité n’est pas encore une réalité. De nombreux problèmes juridiques et techniques restent à régler.
  • [6]
    L’administration sud-africaine considère que le seuil de pauvreté est 800 rands par mois et par foyer (pour mémoire, à la fin de l’année 2002, 1 euro s’échangeait au taux de 9,6 rands).
  • [7]
    Le coût de la connexion au réseau d’eau construit entre 1996 et 2000 dans la région de Madlebe au KwaZulu-Natal était de 3 000 rands par foyer.
  • [8]
    A titre d’exemple, la comparaison du prix de l’eau dans deux districts du KwaZulu-Natal révélait un différentiel considérable et socialement injustifiable : dans la ville d’Empangeni, les usagers payaient 2,30 rands par kl, tandis que, dans la zone rurale de Madlebe, ils payaient 12,5 rands par kl. Par comparaison, dans une grande ville comme Pretoria, le coût de l’eau était de 1,85 rand par kl en 2000. Le coût de l’eau dans un espace donné est en grande partie fonction de la densité humaine de cet espace.
  • [9]
    Comme cela se pratique à l’échelle nationale au Chili, le principe de la subvention aux consommateurs pauvres a été mis en œuvre dans certaines municipalités sud-africaines. A Polokwane, les foyers pauvres se font enregistrer à la mairie et bénéficient d’un "crédit d’eau" de 82,5 rands par mois.
  • [10]
    Certaines collectivités facturaient les 6 premiers kl d’eau consommés à un coût inférieur au coût de revient.
  • [11]
    Ce chiffre provient des évaluations de l’OMS qui estime qu’un individu a besoin de 25 litres d’eau par jour pour mener une existence saine et décente. En Afrique du Sud, certains considèrent que le double (50 litres) est nécessaire.
  • [12]
    Il est à noter que, même si le ministère recommande les dispositifs à trois "blocs tarifaires" comme celui de Durban, les municipalités sont libres d’instaurer autant de blocs tarifaires qu’elles le souhaitent. Elles fixent seules le prix de l’eau dans les limites de leurs territoires.
  • [13]
    Le niveau sud-africain est largement inférieur à la moyenne mondiale qui est de 860 mm par an.
  • [14]
    La dotation S est une dotation sociale structurelle : c’est un transfert de l’Etat aux collectivités locales afin qu’elles puissent fournir à leur population pauvre un accès aux services publics de base. L’autre transfert de l’Etat aux collectivités locales est la subvention L qui est une dotation de fonctionnement.
  • [15]
    Une ville comme Tshwane, la capitale sud-africaine, où 30 % de la population gagne moins de 1 000 rands par mois, et Ngqushwa, municipalité de l’ancien bantoustan du Transkei, où 90 % de la population gagne moins de 1 000 rands par mois, illustrent la variété des situations financières des collectivités sud-africaines.
  • [16]
    Dans les anciens bantoustans, après leur dissolution, la fonction de l'approvisionnement en eau potable a été reprise en gestion directe par le ministère de l’Eau et des Forêts.
  • [17]
    Les collectivités locales dont le ratio de financement croisé serait "correct" ne bénéficieraient pas de cette augmentation.
  • [18]
    Statistiques du ministère de l’Eau et des Forêts.
  • [19]
    A la question "Vous est-il possible de payer vos factures d’eau et d’électricité ?", en 2001 53 % des interviewés dans les townships du Cap répondaient oui, mais 17 % répondaient qu’il leur fallait pour cela réduire des dépenses d’alimentation et d’habillement, tandis que 18 % répondaient non. 35 % de la population des townships éprouve donc des difficultés réelles à payer l’eau et l’électricité.

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