Couverture de AFCO_205

Article de revue

Le Lesotho Highlands Water Project (LHWP) : une coopération réussie dans l'attente d'une politique régionale de l'eau

Pages 91 à 102

Notes

1 Avant la mise en œuvre du Projet hydraulique des hauts plateaux (Lesotho Highlands Water Project, LHWP), l’économie du petit royaume enclavé du Lesotho (30 350 km2), ancien protectorat britannique devenu indépendant en 1966, reposait sur une agriculture de subsistance et un élevage extensif. L’équilibre de ses comptes extérieurs était assuré par les transferts douaniers de l’Union douanière d’Afrique australe (Southern African Customs Union, SACU) et les revenus de ses ressortissants employés dans les mines sud-africaines. L’absence d’infrastructures routières, sanitaires ou de télécommunications réservait le tourisme à une élite aventurière allant à la rencontre d'une population montagnarde et irrédentiste de 2 millions d’habitants, dont plus de 80 % vivent toujours en zones rurales. Cependant, des projections prévoient qu'un tiers de la population pourrait assez rapidement se déplacer vers les zones urbanisées, Maseru, la capitale, ne comptant encore qu'entre 100 000 et 200 000 habitants.

Un cercle de montagnes enclavé dans l'Afrique du Sud

2 La traversée, en véhicule tout terrain, de la partie nord-est du pays, de Butha-Buthe à Oxbow Lodge, puis de Mokhotlong au Sani Pass, permet l’accès à la région sud-africaine du KwaZulu-Natal par la chaîne du Drakensberg et donne une idée précise des réalités physiques et humaines du Lesotho : d’immenses paysages de hautes montagnes s’étagent de 2 000 à 3 500 mètres d’altitude, sous un climat assez inhospitalier, avec quelques cultures de subsistance dans les adrets des fonds de vallées et de l’élevage extensif ailleurs. Il n’est pas rare, dans ces zones reculées, de croiser au détour d’une piste des bergers ne s’exprimant qu’en langue sotho et vivant encore paisiblement dans un autre temps et un autre espace que celui de Johannesburg et de ses environs. Parfois, la rencontre peut même être celle de cavaliers armés de fusils d’assaut, généralement des voleurs de bétail aux méthodes expéditives.

3 C’est donc dans un contexte de double enclavement, à la fois géographique et géopolitique, ainsi que de pauvreté et de précarité économique, que la "modernité" est finalement parvenue à toucher le Lesotho sous la forme du LHWP, projet visant à transformer la région des monts Maluti en un immense château d’eau au bénéfice de la République sud-africaine (RSA).

4 Le LHWP a pour objet principal de capter les eaux du bassin supérieur de la Sengu au Lesotho et d’inverser une partie de son cours pour le diriger vers la région de Johannesburg, en Afrique du Sud. Comme toutes les grandes infrastructures de ce type, un tel programme n’a pas échappé aux critiques des organisations non gouvernementales (ONG), selon un schéma devenu classique d’opposition entre aménageurs, d'une part, et associations de défense de l’environnement et des droits de l’homme, de l'autre. De la sorte, au delà de débats passionnés et parfois teintés d’idéologie, c’est la question plus globale des modes de gestion de la rareté relative de l’eau dans certains pays émergents qui s'est trouvée posée au cœur de l'Afrique australe.

L'un des programmes hydrauliques les plus ambitieux du monde

5 Mis en œuvre en 1986 sous le régime d’apartheid et avec le soutien de nombreuses agences bilatérales et multilatérales, le LHWP est, dans sa version initiale, le plus important aménagement hydraulique en construction dans le monde après le barrage des Trois Gorges en Chine.

6 Ce projet consistait initialement à construire, en 4 phases, 5 barrages de retenue dans les monts Maluti, qui constituent la partie supérieure du bassin versant de la Sengu, affluent important du fleuve Orange, dont l’écoulement naturel est orienté vers le sud-ouest, afin de transférer une partie importante des eaux vers le nord, en direction de la Vaal River et de la province sud-africaine du Gauteng (celle de Johannesburg, la capitale économique, et de Pretoria, la capitale politique de la RSA) où les besoins en eau sont très importants. Ce transfert devait s’effectuer par un tunnel reliant le barrage de Katsé, au Lesotho, à la Ash River, en Afrique du Sud. Ce dernier était entrecoupé d’une retenue d’une capacité de 72 MW, la centrale de Muela, destinée à alimenter en électricité le petit royaume fournisseur d'eau.

7 A ce stade, seule la phase IA du projet a été achevée, pour un montant d’environ 2,5 milliards de dollars. Après des travaux gigantesques effectués entre 1989 et 1998, le barrage de Katsé (185 mètres de haut) est en eau, et permet le transfert de 17 m3/seconde vers la retenue de la Vaal River, près de Johannesburg, à environ 300 kilomètres de là, tout en fournissant 72 MW d’électricité à la Lesotho Electricity Corporation (LEC) à partir du barrage de la centrale de Muela, construite à mi-parcours d’un tunnel de transfert de 82 kilomètres. La phase IB (le barrage de Mohale et son tunnel de transfert vers Katsé) permettra de passer à un débit de 29 m3/seconde environ, soit le quart du débit moyen de 115 m3/seconde de la Sengu/Orange à la sortie du bassin supérieur de ce fleuve [1]. Elle devrait s’achever en 2003, pour permettre le passage à un débit d’environ 29 m3/seconde, à un coût estimé de 1,5 milliard de dollars.

8 La mise en œuvre des phases II, III et IV, qui devaient permettre un transfert de 70 m3/seconde en 2020, n’est pas d’actualité pour l’instant. En effet, le captage de 70 m3/seconde, prévu initialement à l’issue de la phase IV, entraînerait des conséquences très négatives sur l’environnement du fleuve Orange, au Lesotho et en aval, d’après des études réalisées en 2000 par un organisme spécialisé (Metsi Consultants) [2]. Le lancement de cette tranche de travaux demeure également subordonnée à une renégociation de l’accord signé le 24 octobre 1986 entre l'Afrique du Sud et le Lesotho, issue qui reste incertaine.

9 L'accord bilatéral d'origine fut en effet signé par R.F. "Pik" Botha, alors ministre des Affaires étrangères de l'Afrique du Sud de l'apartheid, et le régime du général Metsing Lekhanya, arrivé au pouvoir à Maseru à la faveur d’un coup d’Etat quelques mois plus tôt, le 20 janvier 1986. Le renversement du Chief Leabua Jonathan, qui s’était lui-même maintenu de façon illégitime au pouvoir après sa défaite aux élections législatives de 1970, avait été préparé par un blocus sud-africain du Lesotho, d’autant plus efficace que ce petit pays est complètement enclavé et dépend dans une très large mesure de l’économie sud-africaine. Paradoxalement, cette situation avait alors créé les conditions politiques favorables à la valorisation du potentiel hydrologique sotho, qui avait été esquissé dans les années 1950 par le haut-commissaire britannique, Sir Evelyn Baring, avant l’accession à l’indépendance en 1966, puis confirmé ensuite par de nombreuses études de faisabilité.

10 Les agences financières bilatérales et multilatérales, qui étaient absentes d’Afrique du Sud pour cause d’embargo financier envers le régime d'apartheid, n’ont alors pas hésité à soutenir un projet pourtant contre-garanti par ce dernier. La perspective d’un développement accéléré du Lesotho et le fait que l’eau servirait un jour au développement de la future Afrique du Sud non raciste ont contribué à de telles prises de décision.

11 L’économie générale du projet a pris toute sa consistance entre 1983 et 1985, avec les études de faisabilité détaillées [3] qui ont précédé la constitution d’un tour de table international et le démarrage des travaux en 1990, après octroi des contrats de génie civil à un ensemble d’entreprises essentiellement européennes.

12 L’opérateur du projet pour la partie située au Lesotho est la Lesotho Highlands Development Authority (LHDA), qui a contracté les prêts nécessaires à la réalisation, avec une contre-garantie finale sud-africaine. La Trans-Caledonian Tunnel Authority (TCTA) est responsable du segment sud-africain, sous la tutelle du Department of Water Affairs and Forestry (DWAF) sud-africain. La Joint Permanent Technical Commission (JPTC), qui rassemble des responsables sothos et sud-africains, est installée à Maseru et supervise le LHDA et la TCTA. L’utilisateur final de l’eau est l’entreprise publique sud-africaine Rand Water [4], créée en 1903, qui achète l’eau au DWAF [5] afin de la revendre en gros aux collectivités locales de la région du Gauteng.

13 D’après les projections initiales en termes de courbes d’offre et de demande, la situation de stress hydrique sud-africaine devrait s’amplifier jusqu’en 2025, la quantité d’eau disponible par personne devant passer de 1 700 m3 par an actuellement à 1 000 m3 par an seulement en fin de période, en l’absence de mesures d’économie [6].

14 En 1986, au moment du lancement du projet LHWP, les modes et les volumes de consommation sud-africains avaient été retenus selon des standards relativement élevés, qui prévalaient avant les mesures de restriction liées à la sécheresse de 1995 et au relèvement des prix de l’eau nécessité par le remboursement des prêts en devises du LHWP, ainsi qu'en s'appuyant sur des projections démographiques optimistes, qui ne prenaient pas en compte l’impact négatif des infections par le VIH/sida.

15 Selon Rand Water, la demande dans le Gauteng en 2020 pourrait ne pas excéder en réalité 4 milliards de litres par jour [7]. De ce fait, la mise en œuvre de la phase IA du LHWP, en complément des ressources déjà existantes, pourrait satisfaire à la demande jusqu’en 2022. En dépit de ces prévisions, la phase 1B a été mise en œuvre contre l’avis d’ONG comme International Rivers Network (IRN) aux Etats-Unis ou l'Association for International Water and Forest Studies (FIVAS) en Norvège, qui plaident en faveur de politiques de maîtrise de la demande.

16 Les autorités sud-africaines ont toutefois obtenu le lancement des travaux de Mohale (phase IB). En effet, un délai trop important aurait entraîné des coûts supplémentaires, dont l’amortissement se retrouverait dans le prix final de l’eau. En outre, le Lesotho retire du projet (pour une période de 50 ans) des royalties qui représentent désormais une part très significative du budget d'un Etat dont 60 % des recettes provenaient déjà des transferts de droits douaniers de la SACU effectués par l’Afrique du Sud.

De délicats arbitrages entre l’aménageur et l’écologiste…

17 Il est clair que, bien que la centrale hydroélectrique de Muela permette au Lesotho d’accéder finalement à l’indépendance énergétique, le LHWP a forgé un lien encore plus étroit que par le passé entre le modeste royaume montagnard et son géant régional voisin. Or, pour la RSA, les installations les plus sensibles comme les barrages ou les prises d’eau constituent des zones essentielles à la sécurité stratégique. De ce fait, pour Pretoria, il importe aujourd'hui au plus haut point que le Lesotho dispose d’un régime stable et amical à son égard. C'est d'ailleurs pourquoi, en septembre 1998, à l’issue de violentes protestations populaires liées à des soupçons de fraude électorale, la RSA et le Botswana intervinrent militairement au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (Southern African Development Community, SADC) et que de violents combats opposèrent alors ces troupes à des soldats sothos à Maseru. Après une longue période de transition, des élections législatives ont finalement eu lieu le 25 mai 2002, dessinant une majorité nette en faveur du Congrès du Lesotho pour la démocratie (Lesotho Congress for Democracy, LCD) dirigé par Pakalitha Mosisili, lui-même confirmé dans les fonctions de Premier ministre qu’il occupait depuis le 23 mai 1998 [8].

18 Cette analyse géostratégique se doit toutefois d’être nuancée. A partir du moment où une ressource aussi essentielle que l’eau contribue à la richesse d’un Etat et au développement d’un autre tout proche, il est logique que ces deux partenaires se comportent de façon responsable, ce qui implique qu'ils possèdent tous deux des régimes politiques stables et démocratiques. De ce point de vue, la dépendance accrue du Lesotho envers la RSA et l’importance stratégique du LHWP ont donc eu pour contrepartie la nécessité d’assurer à ce pays un développement susceptible de renforcer la démocratisation.

19 Un tel projet fortement structurant peut ainsi contribuer, sous certaines conditions, à améliorer la gouvernance du fait des logiques de responsabilité qu’il implique. Qu’est-ce à dire plus précisément ? En l’absence d’exportations et de ressources budgétaires nouvelles, les chances du Lesotho de se développer rapidement et efficacement demeuraient assez réduites. L’indice de développement humain (IDH) y reste faible, tout comme l’intensité capitalistique, ce qui pèse négativement sur la croissance. Les activités économiques directes et indirectes créées par le LHWP peuvent sensiblement modifier une telle donne, de même que les ressources publiques que le projet génère.

20 Un risque majeur de formation d'une situation de rente est constitué par l’apparition éventuelle d’un "syndrome hollandais". Seule une stratégie de diversification vers la petite industrie d’assemblage – qui a connu un certain succès au Lesotho –, le tourisme ou les petites industries agroalimentaires serait à même de réduire ce facteur de risque, sans porter préjudice aux activités traditionnelles de culture et d’élevage montagnards. Pour ce faire, l’Etat sotho se doit par exemple d’assurer la sécurité des personnes et leur libre circulation, en stoppant notamment les vols de troupeaux qui mettent à mal l’économie locale et créent un climat d’insécurité peu propice au tourisme.

21 Quant à son opportunité particulière, il existe au moins deux façons, aussi simplistes et caricaturales l’une que l’autre, d’analyser l’impact du LHWP.

22 La première, qui pourrait être celle des aménageurs, bailleurs de fonds, concepteurs ou des autorités sothos elles-mêmes, consiste à ne voir que la formidable prouesse technique visant à inverser dès l’amont la plus grande partie du cours d’un fleuve, et une réponse au déficit hydrique de la région du Gauteng, par la création d’un ingénieux système de châteaux d’eau d’altitude. Un Lesotho démuni de ressources devient ainsi un fournisseur d’eau et accède à l’indépendance énergétique, tandis que la République sud-africaine règle son problème de manque d’eau pendant les 20 prochaines années. Tout le monde est donc supposé gagner à ce jeu, et les inconvénients qui accompagnent le projet en termes d’impact environnemental ou de déplacement des populations peuvent être considérés comme des "externalités négatives" d’un niveau acceptable au regard des avantages globaux du projet. Quant aux augmentations du prix de l’eau issues notamment de la nécessité de procéder au remboursement des emprunts libellés en devises fortes, elles entrent dans les stratégies de rapprochement du coût et du prix des ressources hydriques.

23 La deuxième manière caricaturale de considérer ce projet, qui pourrait être celle de certaines ONG et des associations écologistes ou de défense des droits de l’homme, serait de n’en voir que les aspects négatifs et d’en condamner la conception et la philosophie au motif qu’il entraîne des modifications sensibles de l’espace montagnard sotho ainsi qu'une augmentation du prix de l’eau dans la région de Johannesburg ou qu’il consacre la dépendance géopolitique du Lesotho à l’égard de la RSA. Sauf à décider que le Lesotho doit être transformé en un immense parc naturel ou une réserve sanctuarisée, ce serait faire preuve d’une certaine candeur ou d’une réelle mauvaise foi d’affirmer que la création de routes goudronnées ou de pistes de qualité est un problème pour le développement effectif, ou de faire semblant d’ignorer qu'un aussi petit pays enclavé était déjà et depuis longtemps entièrement dépendant du bon vouloir sud-africain pour sa vitalité économique. Quant au prix de l’eau, une chose est certaine : les infrastructures héritées de l’époque de l’apartheid étaient configurées pour la consommation et la distribution d’eau à environ 5 millions de Blancs selon des critères de quantité et de qualité occidentaux, alors que les victimes de l’apartheid n’avaient accès – lorsque c'était effectivement le cas – qu’à des services de qualité très inférieure. En conséquence, les nouveaux investissements de capacité destinés à répondre à la nécessité d’assurer l’accès à l’eau des populations défavorisées par l’ancien système auraient dû être effectués de toute manière, et donc amortis également au travers du prix de l’eau.

24 Le reste est une question de politique de l’eau : nommément prendre ou non la décision de facturer au même prix l’alimentation des milliers de piscines qui parsèment les zones résidentielles de Johannesburg et l’arrosage des pelouses ou l’accès à l’eau potable des milliers de personnes issues des campagnes d'Afrique australe et attirées par la grande ville et ses mirages. La question de la pollution extrême des nappes phréatiques du Gauteng par l’activité minière n’est aussi que rarement abordée, et certainement pas sous l’angle du principe pollueur-payeur. Des tarifications variables en fonction des volumes, des utilisations ou même des saisons sont envisageables. La seule certitude à terme, pour autant que l’on s’accorde à faire foi aux prévisions, est que la courbe de l’offre d’eau va croiser assez rapidement (d’ici à 20 ans) celle de la demande si les investissements indispensables ne sont pas réalisés, notamment du fait de la nécessaire logique de rattrapage social.

25 A partir de là, les questions socio-économiques prennent le pas sur toute autre considération : en effet, il semble que la contrainte provienne plus de la capacité économique à payer un prix de la ressource suffisant pour amortir les investissements que de la disponibilité effective de cette même ressource, qui est par ailleurs largement gaspillée.

26 Parallèlement, de nombreuses questions restent en suspens avant la mise en chantier des trois dernières tranches optionnelles du LHWP. Des désaccords subsistent entre les deux Etats partenaires à propos de taxes que doit percevoir le Lesotho, et le gouvernement sud-africain souhaiterait actuellement réviser le traité de 1986, arguant du fait que sa signature a eu lieu sous le régime d’apartheid. Il serait paradoxal, de ce point de vue, qu’une telle renégociation aboutisse à une situation financière moins favorable au Lesotho. Un cas de corruption de la part d’un ancien directeur du LHDA est également en cours d’examen par la justice locale, ce qui fait peser un climat particulier sur le projet. Enfin, les études de débit ont montré que le scénario dit "du traité", c’est-à-dire le prélèvement des trois quarts du débit annuel moyen de l’ensemble du bassin versant, serait écologiquement dommageable.

27 Encore une fois, un projet d’une telle envergure conduit toujours à s'interroger quant à son rapport au développement et à l’aménagement des territoires. La spécificité du LHWP est qu’il touche au domaine de l’eau dans des proportions considérables : il s'agira bien ici d’un fleuve détourné, d’un écosystème profondément modifié si l’utilisation initiale du projet est confirmée. La question des expropriations et des relocalisations d’une vingtaine de milliers de personnes, tout comme celle de l’impact de cette modernité sur des sociétés traditionnelles qui n’y sont pas préparées, demeurent également très présentes. Au-delà, ce projet illustre les problématiques qui se feront jour à l’avenir pour l’alimentation en eau des mégapoles des pays émergents ou en développement. Il serait illusoire de penser que des villes comme Mexico, Bangkok, Accra ou Bombay pourraient à l’avenir se passer de nouvelles sources d’eau, comme il serait peu responsable, sur le plan environnemental, d’imaginer que des politiques d’offre sont les seules réponses possibles. Une politique très active de la demande, une gestion sophistiquée de la ressource afin d’éviter toutes les formes de gaspillage deviennent alors indispensables. Enfin, lorsque les autorités publiques souhaitent maintenir un prix de l’eau en dessous de son coût de revient pour des raisons sociales compréhensibles, cela représente un effort budgétaire, et de telles stratégies réclament une attention particulière en matière de gestion de la demande.

L’intérêt général, une notion complexe

28 La leçon tirée de l'expérience de ce gigantesque projet par le DWAF et Rand Water est double : une analyse complète de l’ensemble des paramètres du développement durable demeure indispensable avant de se lancer dans des aménagements de grande ampleur ; la gestion de l’eau repose également au moins autant sur la gestion de la demande que sur celle de l’offre.

29 Dans une Afrique australe confrontée à des conditions de stress hydrique de plus en plus fort, la question de l’eau se pose dans des termes voisins de ceux du Proche-Orient : l’eau, dans chacune de ces régions, est largement suffisante pour couvrir l’ensemble des besoins, mais elle n’est pas utilisée, ou mal utilisée, du fait de l’absence de coopération, entre Etats, régionale, par bassins versants ou selon le régime des grands fleuves transnationaux. En outre, la gestion de la ressource se heurte à des difficultés socio-économiques ou de gouvernance, qui retardent l’adoption de politiques efficaces de gestion de la demande.

30 A cet égard, le LHWP constitue bien un exemple de coopération plutôt réussie, même s’il a été l’objet de critiques, en partie justifiées, sur la qualité des programmes de relocalisation des personnes expropriées.

31 De façon plus large, c’est au sein de la SADC que devrait s’élaborer une politique régionale de l’eau, puisque l’Afrique australe a la chance de disposer des bassins de deux très grands fleuves dans sa partie nord, le Congo et le Zambèze. A long terme, la question de la ressource n’est pas forcément un problème, même si les conditions socio-économiques de sa mise en œuvre se doivent d’être réunies. Mais, aujourd’hui, c’est certainement d’une politique de la demande que l’Afrique du Sud a le plus besoin, tout d’abord pour gérer au mieux ses ressources, et ensuite pour aborder efficacement la question du prix de l’eau en fonction de ses objectifs de développement et de rattrapage social.

32 A cet égard, l’eau constitue, avec l’énergie, l’une des composantes d’un ensemble où l’économie est supposée dégager la croissance nécessaire, dans le cadre d’un développement durable, pour assurer le bien-être des populations, pour autant que l’éducation, la santé, et l’efficacité des institutions et des entreprises soient également acquises.

33 C’est là le défi que doivent relever concrètement l’Afrique du Sud et les pays voisins.


Date de mise en ligne : 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/afco.205.0091

Notes

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions