Notes
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[1]
En mathématique, la fonction formalise un rapport.
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[2]
Breton S. (2006). « Qu’est ce qu’un corps ? » Carnet de l’exposition. Co-édition Musée du Quai Branly. Paris : Flammarion, p. 4.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
L’automutilation est mentionnée depuis l’antiquité chez Ovide qui décrit comment les prêtres « Gales » devaient s’émasculer pour servir la déesse Cybèle des Phrygiens (Ovide, Les fastes, Vol. 2, Livres IV-V. Paris : Les Belles Lettres, pp. 230-240).
-
[5]
Durkheim É. (1912). Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie. Paris : CNRS Éditions, 2007.
-
[6]
Letourneau C. (1892), La sociologie d’après l’ethnographie, Paris : Reinwald.
-
[7]
Segalen M. (2005). Rites et rituels contemporains, Paris : Armand Colin.
-
[8]
Douglas M. (1967). De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou. Paris : La Découverte, 1971.
-
[9]
Durkheim É. (1912). Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie. Op. cit.
-
[10]
Mauss M., Hubert H. (1899). Essai sur la nature et la fonction du sacrifice. In : Mélanges d’histoire des religions. Paris : Félix Alcan, 1929, pp. 1-130.
-
[11]
Van Gennep A. (1909). Les rites de passage. Paris : Picard, 1981.
-
[12]
Manuel diagnostique et statistique de l’Association Psychiatrique Américaine (APA).
-
[13]
Suyemoto, 1998, p. 535.
-
[14]
Il est tout de même remarquable d’observer que le discours qui accompagne le geste – l’absence d’intentionnalité suicidaire (voire la lutte anti-suicidaire), le sentiment de soulagement, l’aveu de mal-être – soit à ce point constant dans les différents témoignages de patients ou dans les blogs dans différentes langues. Toutefois, il arrive que le geste soit isolé sans aucune émotion qui puisse se décrire, sans mot ; dans ce cas, l’acte se suffit à lui-même.
-
[15]
Le geste sera généralement une coupure – plus ou moins sanglante – une brûlure ou une contusion traumatique, sur des zones précises, mains et pieds pour les contusions, coupures ou brûlures sur les poignets.
-
[16]
Dans le sens que P. Janet pouvait donner à ce terme, c’est-à-dire une impression de déliaison entre une partie des pensées et le reste de la vie psychique.
-
[17]
Freud, 1926, p. 84.
-
[18]
Foucault M. (1963). La naissance de la clinique. Paris : PUF, 2003.
-
[19]
Deniau G. (2005). Qu’est-ce qu’interpréter ? Paris : Vrin.
-
[20]
« Le développement d’un discours peut se faire le long de deux lignes sémantiques différentes : un thème en amène un autre soit par similarité soit par contiguïté. Le mieux serait sans doute de parler de procès métaphorique dans le premier cas et de procès métonymique dans le second, puisqu’ils trouvent leur expression la plus condensée, l’un dans la métaphore, l’autre dans la métonymie » [Jakobson R. (1956) Deux aspects du langage et deux types d’aphasie. In : Essais de linguistique générale I. Les fondations du langage. Paris : Les Éditions de Minuit, 2003, pp. 41-67 (p. 61)].
-
[21]
« Ensemble des liens que des unités non manifestées entretiennent entre elles, hors de l’énoncé particulier. Ces relations paradigmatiques opèrent sur l’axe de la sélection » [Klinkenberg J.-M. (1996). Précis de sémiotique générale. Louvain-la-Neuve : De Boeck Université, p. 146].
-
[22]
Klinkenberg J.-M. (1996). Précis de sémiotique générale. Op. cit.
-
[23]
En effet, le réflexe archaïque de Moro du nourrisson correspond à l’agrippement instinctuel, le grasping, que l’on retrouve dans l’espèce cousine de l’homme pour obtenir protection d’un congénère. Le petit singe agrippe sa mère par les mains et les bras, lui permettant un corps à corps dont les zones de contact correspondent précisément à la cartographie des blessures auto-infligées.
-
[24]
Douglas M. (1967). De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou. Op. cit.
-
[25]
Pour R. Cahn : « Il s’agit d’une processus de différenciation bien davantage que d’un processus d’individuation-séparation. Celui-ci, à partir de l’exigence interne d’une pensée propre, permet l’appropriation du corps sexué et l’utilisation des capacités créatrices du sujet dans une démarche de désengagement, de désaliénation du pouvoir de l’autre ou de sa jouissance et, par là même, une transformation du Surmoi et la constitution de l’Idéal du Moi » (Cahn, 1997, p 215).
-
[26]
Cela le sera d’autant plus que la perte réveille des angoisses d’amputation, ou encore de disparition comme c’est la cas dans les problématiques limites.
-
[27]
On peut souligner ici que le soin prêté par les sociétés à l’encadrement de la jeunesse, depuis les rites initiatiques des cultures traditionnelles jusqu’à la scolarisation du monde occidental, consiste à agréger les enfants devenus pubères aux groupes des adultes.
1 L’automutilation est un objet étrange qui fait du bruit. Elle fascine autant qu’elle horrifie. Le contraste entre l’indicible d’une douleur psychique, et l’éclat de la découverte d’une blessure sur la peau, participe de la brutalité du bruit. Mais c’est en se mêlant au tumulte de sa dissémination dans la population, en particulier adolescente, autant que du type de relation qu’elle induit, dans la douleur et l’emprise, dans la violence et le silence, que la lésion sur la peau se fait voir. Dans le vent des piercings, tatouages et autres transformations chirurgicales soufflant sur un corps devenu esthétiquement très codifié, ces blessures d’apparition récente possèdent des accents familiers. Cependant, il s’impose comme une énigme quand se blesser délibérément la peau assume son intention transgressive. Dans ce cas, définir le phénomène de l’automutilation constitue un point de départ. Seulement, en se situant dans le champ des pratiques corporelles ou bien rituelles de soin, de marquage, l’automutilation peine à être circonscrite au seul champ clinique. D’ailleurs, sa proximité avec des rites culturels possédant leur valeur symbolique, peut s’avérer un leurre si on en néglige la dimension délibérément déviante. Car son anormalité ne fait pas de doute, au vu de sa définition, des réactions qui l’accompagnent, confirmée par l’aveu même de leurs auteurs. Pour autant, aux yeux de l’anthropologie ou de la sociologie, l’action de se mutiler possède un sens a priori par lequel il est nécessaire de commencer avant l’analyse psychopathologique du phénomène lui-même. Ce parcours individualisera les blessures auto-infligées en tant que forme contemporaine d’automutilation de l’adolescent, qui est l’objet précis de l’étude. On tentera alors d’en extraire les deux coordonnées sémiotiques, métonymiques et métaphoriques, de sa signification pendant la période pubertaire : un appel à l’autre maternel, à la protection du groupe, tout en marquant la rupture du lien familial sur l’axe métonymique ; la mise en scène de la transcendance du corps, mobilisant la symbolique religieuse, en dédiant l’autosacrifice à un au-delà du sensible, sur le plan métaphorique. Cette combinaison suggère d’appréhender la blessure auto-infligée comme signe du passage entre une désaffiliation familiale et une ré-affiliation sociale propre à la période de l’adolescence.
Approche socio-anthropologique
2 La première question que l’on se pose concernant l’automutilation, serait de savoir si le regroupement de toutes les atteintes délibérées du corps propre se justifie sous un même vocable. Ce qui reviendrait à se demander si porter atteinte à son corps possède une signification. Pour y répondre, nous remarquerons que le terme reste descriptif de l’acte. C’est-à-dire qu’il reste assez vague, ce qui peut expliquer qu’il se soit peu à peu imposé comme le terme générique des atteintes du corps. Cependant, sa signification sémantique ne propose d’autre sens que celle d’un rapport au corps propre de celui qui se mutile. Or, parmi les classifications, aucune n’est partie du rapport entre le sujet et son corps, qui organiserait un regroupement par fonction [1]. Et justement, la fonction du corps étant de mettre en relation, le corps fait lien avec le monde, comme avec le sujet lui-même. En effet, la situation du corps, pour l’anthropologue S. Breton, est configurée par la relation au monde et à l’altérité. À partir de différentes cultures étudiées, l’anthropologue ne retrouve pas de représentation universelle du corps ; néanmoins une situation commune peut être dégagée, celle d’une relation : « Le corps est en réalité pensé comme une relation, et non pas comme une chose » [2]. Il ajoute : « Le corps n’appartient guère à celui qui l’habite, car il n’est pas fait par lui-même ni même par ses seuls père et mère. Le corps est toujours conçu comme un morceau du monde » [3]. Il est chargé symboliquement en chaque culture de ce qui fait le monde dans une dimension relationnelle à deux versants : verticale et horizontale. Nous pouvons distinguer deux aspects du rapport d’altérité, celui du lien communautaire, la relation à autrui ou à l’alter-ego, puis à un niveau symbolique, c’est-à-dire à un au-delà du sensible, celui d’un lien au principe même. Le premier niveau, serait le niveau social ou interindividuel, le deuxième serait le niveau anthropologique. En considérant l’automutilation dans le rapport au corps, on abordera donc la fonction sociale, puis la fonction anthropologique.
Fonction sociale
3 En effet, en se référant à la mutilation produite par l’individu sur son propre corps et en excluant celle où c’est un tiers qui la pratique, on peut regrouper en deux ensembles les automutilations suivant leur fonction sociale : les formes rituelles et les formes transgressives. Cependant, il faut ajouter un troisième groupe qui serait intermédiaire correspondant à une zone de tolérance, dans la mesure où certaines transformations sont imposées au corps pour les besoins de la parure, ne sont pas considérées comme transgressions et peuvent dériver des rituels sociaux. On pense ici aux différents ornements que l’individu peut s’accrocher ou se marquer à la surface du corps.
4 – Forme rituelle. Premièrement, à l’intérieur de l’ensemble des formes rituelles on trouvera l’autosacrifice, comme par exemple celui décrit par Ovide [4] ou bien encore celui mis à jour sur les linteaux de pierre dans les temples de l’Empire Maya au Mexique. Deuxièmement, dans cet ensemble, on rencontrera aussi les rituels piaculaires, effectués pour se prémunir d’un malheur. Au cours de ces rites, le sang sera répandu pour fertiliser la terre, éviter la sécheresse, ou bien encore une phalange sera retranchée, quand ce n’est pas la lacération de la peau qui marque le deuil [5]. On remarquera que ces pratiques sont assez répandues, puisqu’on les a décrites dans des cultures issues des cinq continents, en particulier celles qui accompagnent les rites de deuil [6]. La troisième forme dériverait des précédentes, en se situant entre les deux, puisque les automutilations qui rentrent dans le cadre des pratiques de mortification ascétiques, se réfèrent autant à des questions religieuses qu’à des rituels sociaux. Elles sont caractérisées par la recherche de pureté corporelle, ce qui a pu prendre des formes automutilatoires, dont les plus connues seraient les auto-flagellations chrétiennes qui, à partir du XIe siècle, pourraient se situer dans cette catégorie, comme celles de l’Ashoura de l’islam chiite, ou encore celles de la fête du Tai Pucam en Inde.
5 – Formes transgressives. En dehors de ce cadre rituel, au sens où il est socialement codifié, les automutilations sont considérées comme transgressives, et plus ou moins bien tolérées. C’est logiquement qu’on y retrouvera les formes psychiatriques et celles plus circonstancielles comme les lésions de l’index contrevenant aux lois militaires, décrites par Charles Blondel dans la Grande Armée (Blondel, 1905).
6 À partir de ce regroupement autour de fonctions, se dessinent des thématiques qui nous permettent d’accéder à la fonction anthropologique. Ce saut correspond au passage d’une approche considérant l’organisation sociale à celle de sa structuration symbolique.
Fonction anthropologique
7 L’étude de la fonction sociale a mis en lumière le rôle central du rituel pour encadrer la pratique de l’automutilation. Autrement dit, c’est le rite qui donne forme à la symbolique sociale en organisant l’encadrement des pratiques corporelles. Toutefois, il est difficile de définir le rite du fait du nombre d’approches. Néanmoins, nous retiendrons trois significations qui découlent de l’étymologie du mot [7]. Tout d’abord, d’après M. Douglas [8], le rite serait un ordre, ainsi qu’une façon de l’instituer. Ce qui justement légitime de distinguer les rites et les transgressions. Ensuite, il peut être conçu comme un médium symbolique avec l’au-delà, c’est-à-dire un acte religieux d’après É. Durkheim [9]. D’où l’idée de sa corrélation avec un ordre symbolique, structurant le social pour M. Mauss [10]. Enfin, il aurait un effet d’intégration sociale d’après A. Van Gennep [11], le rituel ayant pour fonction d’agréger les individus en constituant une identité de groupe. Ce rappel nous permet de confirmer tout d’abord que l’automutilation transgressive se distingue essentiellement des formes rituelles par le désordre social qu’elle produit. Ensuite, il apparaît qu’à partir des différentes fonctions sociales de l’automutilation, se dégagent deux principaux thèmes. Ce qui permet un autre regroupement suivant la dimension anthropologique : le sacré d’un côté, et le groupal de l’autre.
8 En effet, c’est du fait du caractère transcendantal et religieux que l’on peut parler de sacré, avec sa dimension d’absolu, tel qu’elle est recherchée par les ascètes au cours des cérémoniels de purification. La thématique groupale se réfère au caractère collectif, elle fait apparaître le rite comme ciment du groupe, c’est-à-dire cérémonie intégrative. C’est donc par un ensemble de processus symboliques et de codifications portés par le groupe d’individus que s’instituent des rites dans une société. Ces deux thématiques ainsi individualisées peuvent aussi se concevoir en tant que fonctions anthropologiques dans les rites d’automutilation :
9 – La fonction transcendantale ou sacrée se situe dans le rapport de l’individu face au monde imperceptible. La religion comme la magie, en créant un monde imaginaire et symbolique, donnent forme à l’invisible et à l’intelligence du monde.
10 – La fonction groupale ou intégrative du rite se joue dans le rapport de l’individu au reste de sa communauté, en instituant un ordre défini, une frontière et une identité. D’ailleurs, ces deux rapports peuvent rentrer en jeu dans les formes psychiatriques de l’automutilation.
L’automutilation des aliénistes : la folie mutilante
11 Dans les descriptions des aliénistes, les automutilations se réfèrent essentiellement à des amputations de membres, à l’œdipisme ou à l’émasculation, plus rarement à des lacérations cutanées, sauf dans des situations particulières que nous distinguerons. Ainsi, il est décrit des états délirants généralement à thématique religieuse qu’accompagnent des amputations auto-infligées (Blondel, 1905), que l’on retrouve dans les folies mutilantes (Guislain, 1852), ou dans le syndrome de J. Cotard (1880).
12 À partir de ce qui précède, sachant que l’acte de blesser son corps peut être normal dans un cadre rituel, on peut considérer que le caractère anormal de la folie mutilante repousse l’individu automutilant dans une certaine marge du social. Cela repose essentiellement sur le caractère délibérément transgressif de l’acte. À la fonction intégrative de l’automutilation rituelle, celle des aliénistes s’oppose par son effet socialement désintégrateur. Cependant, la thématique délirante qui accompagne bien souvent le geste, en s’inspirant des discours magico-religieux, situe la mutilation pathologique dans cette fonction sacrée, mais détournée à des fins personnelles.
13 Cela tend à confirmer la situation de l’automutilation qui, même dans ses formes pathologiques, se situe entre ces deux axes : le sacré et le groupal. Cependant ces conclusions se heurtent à l’émergence d’un phénomène nouveau : les blessures auto-infligées.
Blessures auto-infligées
14 Cette forme psychiatrique d’automutilations se distingue des folies mutilantes tout d’abord par sa généalogie plus récente, puis par sa construction à partir des tentatives de suicide. On situe son origine aux États-Unis d’Amérique, dans l’intervalle qui sépare l’ouvrage de référence de K. Menninger (1938), où cette nouvelle forme était absente, et le fameux article de P. N. Pao (1969), qui en propose une première description. On note que c’est à partir des tentatives de suicide que se distingue peu à peu cette nouvelle forme particulière de mutilation du corps, d’abord comme une variante des phlébotomies des poignets, et enfin comme des lésions sans but suicidaire, par coupure ou blessure traumatique sur le reste du corps. Mais le phénomène peine à se distinguer de la nébuleuse des actes suicidaires, avant sa reconnaissance officielle dans le DSM III [12] en 1980. À partir de là, ces lésions délibérées de la peau se sont imposées comme un phénomène de plus en plus évident, de par leur redondance et leur massification. À l’instar de la pathomimie au début du XXe siècle, une nouvelle forme d’automutilation s’impose sur la scène médicale des années 80, mais qui aura du mal à trouver sa définition avant la fin des années 90. Car bien que nettement reconnaissable, elle reste assez difficile à circonscrire, à définir ainsi qu’à dénommer.
15 Jusque-là, les descriptions ont en partie échoué à distinguer les formes normales des pathologiques (Favazza, 1987 ; Walsh & Rosen, 1988), la définition proposée par K. L. Suyemoto a au moins le mérite d’être consensuelle : « Comportement répétitif délibéré́, socialement inacceptable, qui cause des blessures mineures ou modérées ; cela correspond à un état de perturbation psychologique, mais qui se différencie d’une tentative de suicide ainsi que d’un besoin d’autostimulation ou d’un comportement répétitif caractéristique d’autisme » [13]. Par la suite, persistera une certaine confusion à ne décrire qu’un comportement causant des blessures auto-infligées non suicidaires ou des dommages sur soi délibérés (Herpertz, 1995). Toutefois, ces difficultés n’ont pas empêché d’observer l’incidence des lésions auto-infligées augmenter de façon distincte et parallèle aux tentatives de suicides. Le phénomène a été multiplié d’un facteur dix en vingt ans (Favazza, Conterio, 1988 ; Brière, Gil, 1998). Ce qui fait dire qu’elle est très contagieuse. Mais une des caractéristiques principales consiste dans sa prédilection pour la population adolescente (occidentale) avec une prévalence à prés de 16% depuis les années 2000 (Muehlenkamp, Claes et al., 2012).
Description
16 Les blessures auto-infligées répondent à une séquence comportementale caractéristique : sentiment de montée de tension, mal-être, dépersonnalisation parfois, anesthésie cutanée fugace, s’ensuit l’acte d’attaque du corps propre, ce qui génère une lésion cutanée, puis une trace, et enfin un soulagement certain [14].
17 Les blessures [15] seront effectuées fréquemment sur des zones visibles, plus rarement intimes. Ce détail renvoie à une caractéristique importante qui consiste dans le jeu autour de la surprise de la découverte par les adultes. Si cela peut prendre des allures de défi, contrairement aux pathomimies qui échouent dans leur dévoilement, les blessures auto-infligées se cachent pour être découvertes. On observe alors souvent un jeu « de cache-cache » prenant le regard effrayé de l’autre à témoin. D’ailleurs, une fois la découverte effectuée, l’entourage concerné répond par une réaction caractéristique : colère, dégoût, hostilité et révulsion. Cette réaction diffère de celle occasionnée par la tentative de suicide au point de constituer un possible critère différentiel (Pattison, Kahan, 1983). L’exaspération qui se transforme en inquiétude face à l’impuissance s’avère une contre-attitude caractéristique (Favazza, 1998), ce qui éclaire l’effet contagieux de ce type de phénomène (Simpson, 1975).
18 La séquence clinique venant s’ajouter à la réaction de l’entourage nous conduit à les référer à une scène clinique, plutôt qu’à un syndrome où la réaction de l’entourage et la relation à l’environnement ne seraient pas prises en compte (Votadoro, 2007).
Analyse
19 La description de ce nouveau phénomène permet de concevoir la blessure auto-infligée comme un moyen d’apaisement d’un indicible mal-être, d’une tension dissociante [16], ce qui, en termes psychanalytiques pourrait se retrouver dans le phénomène de clivage. Pourtant, cela ne peut tout à fait rendre compte du phénomène dissociatif, car si on prend en compte l’anesthésie cutanée fugace qui précède le geste, elle s’intègre non pas au clivage, mais à la dissociation en tant qu’idée ou sensation soustraite à la conscience, comme dans la description de P. Janet (1887). S. Freud (1894) considère les phénomènes dissociatifs comme des conversions dans le corps d’affects liés à une représentation inconciliable avec le Moi. On devra donc prendre en compte le symptôme qui, de la dissociation à la conversion, se situe entre l’irreprésentable du trauma qui clive, et l’inconciliable du fantasme qui est déplacé. On pourrait même aller plus loin en considérant la part de faute qui dans le scénario fantasmatique témoignerait de son excès traumatique. À ce mal-être indicible répond l’acte mutilant qui obtient l’apaisement par ses effets, à savoir : la douleur, l’alerte à l’adresse imprécise, et enfin la réaction de dégoût et de colère de l’entourage. Trois éléments qui constituent autant d’hypothèses pour comprendre l’apaisement.
20 – La douleur du corps pose la question de l’économie du symptôme. Freud a posé l’équivalence entre douleur psychique et douleur corporelle, correspondant alors à celle produite par une perte. Il précise que le phénomène de passage de l’une à l’autre correspond à une transformation. « Le passage de la douleur du corps à la douleur de l’âme correspond au changement de l’investissement narcissique en un investissement d’objet » [17]. La réciproque de cette formulation fait considérer la douleur corporelle provoquée, comme la transformation d’une tension clivante en une douleur de perte narcissique. C’est pourquoi on ne sera pas surpris de retrouver l’automutilation dans la mélancolie délirante, puisque ce tableau clinique serait exemplaire du passage de la douleur psychique de perte d’objet en douleur narcissique. Toutefois, quand la douleur psychique survient dans les suites d’une tension clivante, il faudrait y ajouter la part de vécu traumatique. Dans ce cas, l’acte d’attaque du corps acquiert des allures de tentative de figuration de la perte traumatique. Or, l’anesthésie, dans sa dimension conversive, ajoute l’idée de la faute qui sera révélée par l’acte punitif sur le corps, comme dans le syndrome de J. Cotard (1880). Alors, en rapprochant la perte traumatique avec la culpabilité suivant le modèle mélancolique, la part agressive qui s’adresse à l’objet perdu se referme sur le sujet par le châtiment sacrificiel sur le corps.
21 – La dimension d’alerte correspond au bruit que produit la découverte de la lésion après-coup par les adultes éplorés. La mise en scène autour du chercher-trouver produit l’effet de défaut de contrôle du corps propre de la part d’autrui, tout en soulignant son absence au moment de l’attaque cutanée. Cela peut conduire à une relation d’emprise, où la crainte de la survenue de l’acte sert de menace pour retenir l’autre. Justement, l’importance de l’image et du visuel dans ce type de relation, en jouant sur la corde scopique, confirme le potentiel effet d’emprise du geste.
22 – Enfin, la réaction de dégoût et de colère, lors de la découverte des automutilations, joue avec les représentations d’horreur de la criminalité ou de la maladie, autrement dit la « folie criminelle ». Cette caractéristique, qu’on la réfère à l’inquiétante étrangeté ou à la barbarie, renvoie à l’altérité.
Interprétation
23 Pour M. Foucault [18], le regard médical sur le corps se transforme à la fin du XVIIIe siècle, où le signifiant du signe a acquis une signification en renvoyant à un processus morbide invisible. C’est justement dans cette perspective médicale que l’on peut repérer l’effet de leurre créé par l’automutilation. En effet, l’effet visuel de la blessure d’horreur et de dégoût piège le regard en rabattant la mutilation sur l’acte qui en est à l’origine. De ce fait, la vision est aveugle au fait que le geste est intentionnel. Car l’angoisse, la tension ou le mal-être qui en est à l’origine, a une source inconsciente, mais l’acte est délibéré. C’est pourquoi l’intention volontaire nous éloigne de l’action réflexe et nous place clairement du côté de la signification. Depuis le DSM III, la blessure auto-infligée est un signe, ce qui le maintient du côté du sens, irréductible à l’anatomie. Son caractère volontaire, renforce sa valeur de signe à part entière, si bien que pour connaître sa signification, la blessure provoquée doit être interprétée, c’est-à-dire passer de son sens manifeste vers celui qui demeure non manifeste [19]. Dans ce cas, l’analyse ne se cantonne plus à la relation du signifiant au signifié, mais s’ouvre à la place du signe parmi les autres significations.
24 Freud (1907) le premier a pu décomposer un acte symptomatique en représentation directe et symbolique. Suivant cette méthode, on peut décomposer le signe d’après une grille sémiotique suivant un axe paradigmatique et un axe syntagmique, tel que proposé par R. Jakobson (1956) [20]. L’axe syntagmique est celui de la combinaison des signes les uns par rapport aux autres : il obéit à des règles grammaticales pour les mots ; pour les images, la référence sera plutôt spatiale. L’axe paradigmatique ou de commutation se situe suivant la ligne de sélection [21] des termes qui sont reliés entre eux par un ensemble de significations. Les unités d’un paradigme, créent un ensemble homogène, pouvant s’y substituer tout en respectant les règles de l’énonciation ou de la production. Ces unités entretiennent des liens entre elles, qui sont des ensembles établis par la culture [22].
25 – Le niveau métonymique se réfère au déplacement d’une douleur psychique en douleur physique. À partir des éléments de l’analyse précédente, le corps souffrirait par l’effet de l’absence de celui à qui l’acte est adressé. Car la répartition des lésions sur le corps rappelle les zones de contact du petit primate qu’est l’homme dans son agrippement à la mère dans les premiers mois de vie [23]. Comme on ne peut douter de la dimension érogène du choix des zones corporelles attaquées, on peut les interpréter comme le rappel du contact maternel qui, sous l’effet de l’absence, tend à devenir douloureux. La montée de tension dissociante qui évoque l’effet traumatique de la perte, trouve dans la figuration de l’acte un support incluant les réactions d’horreur de l’entourage auquel il est adressé. La lésion cutanée visualise l’appel maternel dans la mémoire érogène du corps, autant que son rejet. Ainsi, en dépassant l’ambivalence de l’expression, ce qui serait signifié ne serait pas tant de l’ordre de la rupture que de la différence. Mais cette affirmation différentielle, en transgressant les codes corporels, adresse à l’ensemble du groupe social la terreur de son exclusion. En effet, l’acte déviant mettant en tension le lien constitutif du collectif, attend une réaction sociale réparatrice. Or, la part psychiatrique qui constitue la blessure auto-infligée dans sa construction, exprime ce qui dans nos sociétés prend en charge la rupture du lien social (Barett, 1998). Derrière l’ambivalence du signe, la brutalité de l’affirmation de la différence marque la peur provoquée par la désaffiliation du groupe familial qui conduit à l’appel à la protection du groupe social.
26 – Au niveau métaphorique, la blessure auto-infligée renvoie aux significations des autres signes qui entretiennent avec lui une similarité dans la culture. C’est pourquoi la blessure auto-infligée peut être rattachée au registre du sacré, aussi bien dans sa signification purificatrice, dans sa forme hémorragique, qu’à l’autosacrifice quand la douleur est recherchée en rachat d’une faute. En effet, la transgression que représente l’acte effectué en dehors de tout cadre rituel fonctionne comme une tentative de purification d’une souillure située dans le corps, dans la mesure où le profane peut s’avérer un recours purificateur – comme on soigne le mal par le mal [24]. Autrement dit, la fonction anthropologique peut être subvertie pour faire d’un acte profane un geste religieux. De cette manière, l’acte blessant le corps propre pourra faire résonner une symbolique de l’autosacrifice (Maître, 2004). Cet héritage culturel peut se remémorer à l’occasion de la blessure de la chair, non seulement en tant que forme, mais aussi dans la résonance symbolique, celle du don du corps pour racheter les fautes des hommes. La blessure auto-infligée pourrait s’énoncer comme : « Ceci est mon corps », le sang qui coule pour signifier « Ceci est mon sang », constituant autant d’offrandes sacrificielles à un au-delà incertain.
27 En définitive, cette approche interprétative permet de faire signifier la blessure auto-infligée dans le geste d’affirmation de l’altérité au niveau familial, créant une ouverture qui est aussi une demande de lien social. Ce signal sollicitant protection est soutenu par la tentative d’alliance avec une instance symbolique de nature religieuse.
Apaisement de l’angoisse pubertaire
28 Jusqu’ici nous avons abordé la blessure auto-infligée au niveau du sens, plus que dans sa fonction apaisante. Or, puisque c’est à l’adolescence que l’on observe plus fréquemment ce type de comportement, elle s’avère le moment privilégié pour rendre compte de la conjonction de la signification et de sa fonction.
29 Au cours de l’adolescence, par l’effet de brèche qu’elle génère, l’émergence de la génitalité produit une ouverture à l’altérité. En ébranlant la valeur des imagos parentales (Freud, 1909), comme en se déportant vers un accès génital, la sexualité crée une ouverture qui, à la rencontre des règles de l’alliance et de l’interdit de l’inceste, se transforme en une problématique de la différenciation [25] – bien plus que de séparation-individuation (Blos, 1967). La crise d’adolescence se caractérise ainsi par un temps de déréliction correspondant à la chute des idéaux parentaux, l’opération de séparation afférente réveille des angoisses qui prennent la forme d’un conflit de pouvoir (Votadoro, 2007, 2016). Celui-ci correspond à la dynamique d’appropriation qui se déploie autour de deux axes, celui du corps et de la parole. Suivant ces deux axes, ce processus remet en question la relation d’étayage et d’appartenance familiale, revendique une désaffiliation, ainsi que sa quête différentielle d’autres idéaux et d’autres relations, à savoir une réaffiliation. Alors, si la différenciation consiste dans le travail psychique d’individuation, elle se heurte aux angoisses de perte, notamment des objets parentaux. Cette perte gageant la relation se joue dans le corps, ce qui engage le narcissisme et donc l’image, comme le montre D. W. Winnicott (1971). Mais parce qu’elle s’effectue sous un ciel vide, elle s’avère une expérience de solitude radicale qui menace du Rien. Autrement dit, dans les cas où le travail de différenciation rencontre le caractère inélaborable de la perte, celle-ci cherche à se figurer sur le corps comme image, mais aussi comme lieu d’appel à une protection, à une vérité pouvant rendre compte de son expérience [26]. Mais cela peut s’avérer aussi un exutoire qui piège le sujet et son entourage dans une scène où se déploie la jouissance de l’abandon à la colère sacrificielle, en une décharge qui se répète jusqu’à la catharsis.
31 La problématique de différenciation conduit à une désaffiliation du groupe familial, elle induit une réaffiliation dans la recherche d’un objet autre comme dans son intégration au groupe social [27]. Pour s’intégrer au monde adulte, l’adolescent doit perdre son statut d’enfant et la sécurité affective, et adopter les valeurs de la société. Mais à ce moment précis, celui qui se blesse volontairement marque sur son corps qu’il est piégé dans l’ambivalence, la sienne et celle des parents, par des angoisses de perte radicale de lui-même et du monde. Il adresse à la terre entière une alerte ; et au ciel ou au-delà, un cocktail Molotov de désespoir qui s’avère n’être qu’une bouteille à la mer.
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Mots-clés éditeurs : Lésion auto-infligée, Automutilation, Catharsis
Mise en ligne 04/10/2017
https://doi.org/10.3917/ado.100.0345Notes
-
[1]
En mathématique, la fonction formalise un rapport.
-
[2]
Breton S. (2006). « Qu’est ce qu’un corps ? » Carnet de l’exposition. Co-édition Musée du Quai Branly. Paris : Flammarion, p. 4.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
L’automutilation est mentionnée depuis l’antiquité chez Ovide qui décrit comment les prêtres « Gales » devaient s’émasculer pour servir la déesse Cybèle des Phrygiens (Ovide, Les fastes, Vol. 2, Livres IV-V. Paris : Les Belles Lettres, pp. 230-240).
-
[5]
Durkheim É. (1912). Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie. Paris : CNRS Éditions, 2007.
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[6]
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[7]
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[8]
Douglas M. (1967). De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou. Paris : La Découverte, 1971.
-
[9]
Durkheim É. (1912). Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie. Op. cit.
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[10]
Mauss M., Hubert H. (1899). Essai sur la nature et la fonction du sacrifice. In : Mélanges d’histoire des religions. Paris : Félix Alcan, 1929, pp. 1-130.
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[11]
Van Gennep A. (1909). Les rites de passage. Paris : Picard, 1981.
-
[12]
Manuel diagnostique et statistique de l’Association Psychiatrique Américaine (APA).
-
[13]
Suyemoto, 1998, p. 535.
-
[14]
Il est tout de même remarquable d’observer que le discours qui accompagne le geste – l’absence d’intentionnalité suicidaire (voire la lutte anti-suicidaire), le sentiment de soulagement, l’aveu de mal-être – soit à ce point constant dans les différents témoignages de patients ou dans les blogs dans différentes langues. Toutefois, il arrive que le geste soit isolé sans aucune émotion qui puisse se décrire, sans mot ; dans ce cas, l’acte se suffit à lui-même.
-
[15]
Le geste sera généralement une coupure – plus ou moins sanglante – une brûlure ou une contusion traumatique, sur des zones précises, mains et pieds pour les contusions, coupures ou brûlures sur les poignets.
-
[16]
Dans le sens que P. Janet pouvait donner à ce terme, c’est-à-dire une impression de déliaison entre une partie des pensées et le reste de la vie psychique.
-
[17]
Freud, 1926, p. 84.
-
[18]
Foucault M. (1963). La naissance de la clinique. Paris : PUF, 2003.
-
[19]
Deniau G. (2005). Qu’est-ce qu’interpréter ? Paris : Vrin.
-
[20]
« Le développement d’un discours peut se faire le long de deux lignes sémantiques différentes : un thème en amène un autre soit par similarité soit par contiguïté. Le mieux serait sans doute de parler de procès métaphorique dans le premier cas et de procès métonymique dans le second, puisqu’ils trouvent leur expression la plus condensée, l’un dans la métaphore, l’autre dans la métonymie » [Jakobson R. (1956) Deux aspects du langage et deux types d’aphasie. In : Essais de linguistique générale I. Les fondations du langage. Paris : Les Éditions de Minuit, 2003, pp. 41-67 (p. 61)].
-
[21]
« Ensemble des liens que des unités non manifestées entretiennent entre elles, hors de l’énoncé particulier. Ces relations paradigmatiques opèrent sur l’axe de la sélection » [Klinkenberg J.-M. (1996). Précis de sémiotique générale. Louvain-la-Neuve : De Boeck Université, p. 146].
-
[22]
Klinkenberg J.-M. (1996). Précis de sémiotique générale. Op. cit.
-
[23]
En effet, le réflexe archaïque de Moro du nourrisson correspond à l’agrippement instinctuel, le grasping, que l’on retrouve dans l’espèce cousine de l’homme pour obtenir protection d’un congénère. Le petit singe agrippe sa mère par les mains et les bras, lui permettant un corps à corps dont les zones de contact correspondent précisément à la cartographie des blessures auto-infligées.
-
[24]
Douglas M. (1967). De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou. Op. cit.
-
[25]
Pour R. Cahn : « Il s’agit d’une processus de différenciation bien davantage que d’un processus d’individuation-séparation. Celui-ci, à partir de l’exigence interne d’une pensée propre, permet l’appropriation du corps sexué et l’utilisation des capacités créatrices du sujet dans une démarche de désengagement, de désaliénation du pouvoir de l’autre ou de sa jouissance et, par là même, une transformation du Surmoi et la constitution de l’Idéal du Moi » (Cahn, 1997, p 215).
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[26]
Cela le sera d’autant plus que la perte réveille des angoisses d’amputation, ou encore de disparition comme c’est la cas dans les problématiques limites.
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[27]
On peut souligner ici que le soin prêté par les sociétés à l’encadrement de la jeunesse, depuis les rites initiatiques des cultures traditionnelles jusqu’à la scolarisation du monde occidental, consiste à agréger les enfants devenus pubères aux groupes des adultes.