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Article de revue

Ronde de Capoeira : jouons (la violence) camarade !

Pages 377 à 387

Notes

  • [1]
    Birraux, 1990, p. 14.
  • [2]
    Lorenz, 1969, pp. 295-296.
  • [3]
    Birraux, 1990, p. 138.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    Winnicott, 1971, p. 73.
  • [6]
    Freud, 1932, p. 163.
  • [7]
    Chant de Capoeira. Traduction : « Allons jouer camarade ! »
  • [8]
    Freud, 1927, p. 10.
  • [9]
    Golse, 1999, p. 121.
  • [10]
    Mercier, 2007, p. 41.
  • [11]
    Chapelier, 2005, p. 701.
  • [12]
    Schiavinato, 2006, p. 100.
  • [13]
    Chapelier, 2005, p. 699.
  • [14]
    Lecourt, 2007, pp. 84-85.
  • [15]
    Ibid., p. 83.
  • [16]
    Lecourt, 2002, p. 108.
  • [17]
    Marty, 1997, p. 108.
  • [18]
    Lecourt, 2003, p. 82.
  • [19]
    Ibid.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    Marty, 1997, p. 112.
  • [22]
    Ibid., p. 117.
  • [23]
    Almeida B. (1986). Capoeira : histoire, philosophie et pratique. Paris : Éditions Lusophone et Viamedias, 2005, p. 91.
  • [24]
    Lézy E. (2001). La Capoeira, combat rythmé ou danse martiale ? Autrement, 207 : 292-311, p. 300.
  • [25]
    Mémoire de Master Recherche, Université Paris Descartes, 2007.
  • [26]
    Chant de Capoeira en fin de Roda. Traduction : « Adieu Adieu, bon voyage ».
  • [27]
    Pruschy, Stora, 1975, p. XIV et p. XVI.
  • [28]
    Kaës, 1979, p. 63.
  • [29]
    Jeammet, 1997, p. 25.
« À la Capoeira je trace mon chemin, j’écris dans ce cercle mon nom, mon destin, car je suis libre, d’aimer, de jouer avec force, malice et tendresse. Je suis libre camarade, et avec toi j’écris notre histoire camarade. Car je crois que rien n’est impossible pour qui sait jouer ... »
Traduction d’un chant de Capoeira.
« En psychothérapie, à qui a-t-on affaire ? À deux personnes en train de jouer ensemble. [...] le travail du thérapeute vise à amener le patient d’un état où il n’est pas capable de jouer à un état où il est capable de le faire. »
Winnicott, 1971, p. 55.

Échauffement : l’adolescence en mouvements et en jeu

1Lors d’un voyage au Brésil, un attroupement attire mon attention, je m’en approche instinctivement, portée par le rythme d’instruments inconnus et de percussions. Tous les participants accompagnent la voix d’un soliste, répètent un même refrain et les mains commencent à battre la mesure. Un homme et une femme sont accroupis, se regardent et se sourient, l’un fait le signe de la croix sur son torse, tandis que l’autre touche mystérieusement le sol. Ils se dirigent ensemble vers le centre du cercle, se donnent des coups sans jamais se toucher, coups ponctués par un balancement des corps, un va-et-vient vers l’autre. J’assiste à cet enchaînement de gestes presque animaliers, comme hypnotisée, étonnée et à la fois déjà familière de cette expérience émotionnelle qu’il me semble avoir déjà vécue, peut-être dans les rondes de mon enfance. Voici mon premier contact avec une ronde de Capoeira.

2Après une immersion personnelle dans le milieu de la Capoeira, aujourd’hui bien importée en France, nous avons été sensible à l’investissement, parfois très soutenu, de cette activité par les adolescents. Ils se mettent (étonnamment ?) en scène, et parviennent à jouer de leur corps en assumant le regard de l’autre.

3Des plus secondarisées aux plus primaires, des plus créatrices aux plus destructrices, différentes défenses se présentent contre la violence interne adolescente. Cette « folie des pulsions » (Cahn, 1991) peut être métaphorisée par différentes voies de sublimation, utilisant le langage, le corps, le culturel, le jeu. A. Birraux considère qu’« à l’adolescence, l’ennemi c’est le corps » [1], bien que certains adolescents puissent montrer des capacités créatrices pour travailler à ce qu’il devienne un partenaire de leur construction psychique, identitaire, identificatoire et relationnelle. Le sport, comme investissement de ce corps en changement, pourrait représenter une solution possible au déferlement pulsionnel de l’adolescence. Comme le précise K. Lorenz : « La fonction principale du sport est la décharge cathartique des pulsions agressives » [2]. Il est décrit, par A. Birraux, comme « le moyen le plus sûr de dériver l’excitation sexuelle de la puberté » [3] et, dans certains cas, comme une « pratique narcissisante, une défense, lui permettant de restaurer la fonction narcissique des objets qui se sont dérobés » [4]. Le sport ouvrirait alors à une motricité sublimante et facilitante du travail adolescent. Une autre voie de transformation de la violence pulsionnelle et pubertaire en source créatrice se trouve dans l’investissement du jeu (Marty, 2003). Il crée un espace nécessaire à l’édification d’un espace psychique propre, « cette aire où l’on joue [qui] n’est pas la réalité psychique interne […] en dehors de l’individu, mais [qui] n’appartient pas non plus au monde extérieur » [5]. À l’adolescence, l’on pourrait reprendre et transformer la formulation de Freud : « Là où était le Ça, le [JEU] doit advenir » [6].

4La Capoeira semble regrouper ces différentes issues : un jeu qui engage les pulsions et le corps, lesquels restent précisément à apprivoiser à l’adolescence. En analysant de plus près une ronde de Capoeira, il nous est apparu un lien étroit entre les questions adolescentes et ce jeu corporel ; notre article propose une réflexion clinique sur ce lien et sur la valence thérapeutique de cette activité à l’adolescence.

« Vamos jogar camara ! » [7]… Entrons dans la ronde

5Historiquement, la Capoeira est née avec l’esclavage des Africains au Brésil. Il s’agissait d’une véritable technique de lutte créée par les esclaves, visant à s’entraîner à combattre les maîtres. Les mouvements d’attaque et de défense sont ensuite dissimulés par une allure de danse afin de cacher, aux yeux des maîtres, leur réel but, celui d’une révolte, d’un affranchissement de leur lien d’assujettissement. Le conflit est ici converti en un combat esthétique porté par la dimension de plaisir et de danse. Les esclaves ont donc pu exploiter leur agressivité dans un sens constructif. La « Roda de Capoeira » est ce qui caractérise cette activité. De nos jours, elle se produit à la fin d’un cours, lors d’un baptême célébrant le passage des grades, ou lors d’une démonstration devant un public. C’est un cercle plus ou moins élargi, formé de capoeiristes autour d’instruments de musique, du maître et/ou du professeur. Ainsi, tous les participants peuvent se voir et avoir une vision de la périphérie et du centre. Elle est constituée d’hommes et de femmes, de plus jeunes et de plus âgés, de joueurs plus ou moins gradés. Toutes les différences sont ainsi en présence. À l’appel du Berimbau, instrument principal et typique de la Capoeira, le maître ou professeur initie un chant en portugais. Il peut évoquer des histoires ou sujets banals de la vie quotidienne, des lieux, des événements historiques, des personnages ayant marqué l’histoire de la Capoeira, ou mythiques tirés notamment de la pratique religieuse du « Candomblé », invoquant un des saints africains. Ces chants peuvent parfois refléter le jeu qui se produit au centre de la Roda. Suivent les pulsations des deux instruments de percussion (Atabaque et Pandeiro), ainsi que le battement des mains par tous les participants. La musique, les rythmes et refrains répétés en écho concourent à créer une énergie singulière au centre de la Roda, par et pour les joueurs. Ces musiques créent un sentiment de cohésion chez tous les membres, auquel chaque individu participe de sa place. Deux joueurs se tiennent aux pieds du maître, professeur ou organisateur de la Roda et attendent son autorisation, plus ou moins explicite, pour pouvoir « entrer » dans la Roda et initier un « jeu » inédit. Les deux joueurs sont à la fois partenaires et adversaires. Ils alternent des mouvements d’attaque et de défense dans un flot continu, rythmés par la « ginga » (balancement) qui permet de se mouvoir dans l’espace.

6Un tour de rôle s’installe, un autre joueur arrive alors pour jouer avec le dernier entré, tout ceci dans une continuité musicale. Le maître peut aussi arrêter un jeu, jugeant d’un trop de violence. Les coups, qui sont principalement de pied avec comme appui un pied ou les mains au sol, sont portés ou bien souvent feintés mais obligent toujours l’autre à esquiver. En dehors de ceux qui maîtrisent la technique, les contacts entre les joueurs ne sont pas recherchés ou sont évités. En même temps qu’un art de la libération de soi, la Capoeira est ainsi l’art de se maîtriser. Rappelons que pour Freud « chez tout homme existent des tendances destructrices, donc antisociales et anticulturelles » [8]. Reste à y renoncer partiellement afin d’ouvrir à des réalisations culturelles et au maintien de la vie sociale.

7Le jeu de Capoeira, et ce qu’il propose dans son organisation et sa riche symbolique, semblerait pouvoir accueillir la vie pulsionnelle adolescente ; nous pouvons dégager ce que peut apporter cette activité dans cette période de maturation corporelle et psychique sous l’angle particulier de la fonction contenante et de sa recherche à l’adolescence.

La Roda, proposition d’enveloppe contenante

8L’enveloppe psychique dépend du corps et des liens. B. Golse nous expose cette idée par l’importance du « double ancrage corporel et interactif des processus précoces de symbolisation » [9]. Ceux-ci naissent en effet tant de la place du corps du bébé, du corps à corps avec la mère et des soins qui lui sont prodigués, que des interactions à diverses modalités sensorielles. L’objet maternel, par sa fonction de contenance psychique, reçoit et transforme les éléments composant le psychisme du nourrisson en devenir (objets psychiques, éléments sensoriels, excitations, pulsions) (Bion, 1962). De même, à l’adolescence, corps, pulsions, excitations, liens, symbolisation, ainsi que les nécessaires recherche et alliance avec un objet contenant-transformant sont des problématiques vivement réactivées. En effet, cherchant à intégrer les nouveautés corporelles et pulsionnelles aussi bien que les nouveautés objectales, l’adolescent a lui aussi la tâche de se reconstruire une enveloppe corporelle et par la même une enveloppe psychique stable, favorable à la symbolisation et à la pensée réflexive.

9L’investissement d’un groupe (et de ses règles), de la musique, en même temps que du corps, peut constituer un ensemble étayant et contenant devant cette recherche d’enveloppes. Ces trois moyens sont présents dans la Capoeira, plus particulièrement dans la Roda, cercle délimitant un intérieur et un extérieur. Tel un réceptacle, elle accueille un jeu singulier, elle limite et régule l’agressivité de chacun. En ce sens, la ronde elle-même assurerait une fonction contenante voire, par analogie, une « fonction alpha » des éprouvés des joueurs en présence.

10Comme nous l’avons décrit plus haut, la Roda est un espace symbolique avec des lois plus ou moins implicites, ritualisées, acceptées par le groupe et nécessaires à la poursuite du jeu. Les identifications au meneur porteur de ces lois, ainsi qu’à tous les pairs respectant ce cadre, peuvent se mettre en place. Ces lois sont des marques de respect envers le partenaire et envers le représentant de l’autorité, qui permettent paradoxalement une liberté de création dans le jeu par les multiples enchaînements, mouvements d’attaque et d’esquive possibles. Ces règles soutiennent ainsi le jeu et les joueurs ; elles agissent comme de véritables « contraintes contenantes » [10]. L’investissement et l’appartenance à un groupe sont structurants pour l’adolescent vis-à-vis de l’intégration des normes et des valeurs sociales, mais également dans la dynamique de séparation d’avec les images parentales. J.-B. Chapelier indique en ce sens que « Le groupe de pairs (relations horizontales et indifférenciation générationnelle) se substitue au groupe familial (relations verticales et mélange des générations) » [11]. Il permet d’autres figures d’attachement et d’« identification au “même”, mais également de s’en différencier et de s’affirmer dans une rivalité fraternelle de bon aloi » [12].

11Les travaux de J.-B. Chapelier (1992, 2000) confirment l’importance de la création groupale à l’adolescence ainsi que la spécificité des groupes thérapeutiques à cet âge. En effet, les adolescents entretiennent des liens importants avec la création d’une illusion groupale, illusion permettant une « restauration narcissique [qui] libère l’adolescent de ses hésitations et inquiétudes identitaires » [13]. D’après E. Lecourt, le groupe (thérapeutique) est « un dispositif doublement paradoxal : le groupe crée de la violence et peut constituer un outil pour traiter la violence » [14]. Lorsqu’il fait enveloppe, il peut contenir les angoisses et peut s’offrir comme lieu de « traitement du traumatisme » particulièrement nécessaire à l’adolescence. Si la Roda devient groupe (thérapeutique), si le groupe devient enveloppe, il pourrait devenir « contenant […], un lieu de réarticulation du corporel et du psychique, de l’individuel, du sociétal » [15].

12Enfin, la musique et son écoute en groupe participe de la création de l’enveloppe groupale. E. Lecourt évoque « l’impact émotionnel de la musique sur le groupe, pour en renforcer la dimension de partage et d’empathie, la fonction de contenant, et, […] pour modifier les états du groupe. […] l’écoute musicale en groupe renforce la dimension d’enveloppe du groupe » [16]. F. Marty analyse le rôle du sonore lors du passage pubertaire. Il peut être un lieu de projection des éprouvés pubertaires et d’apaisement de ceux-ci ; le sonore prendrait cette « fonction d’enveloppe » [17]. La rythmicité musicale guide les joueurs de la Roda et participe de la création de cet « effet d’ensemble » [18] que décrit E. Lecourt, ce « moment de surprise et de réassurance » [19] au cours duquel, « au niveau du groupe, quelque chose [s’est] mis en place pour contenir les dérives individuelles […] assurance d’une entente possible, d’un accordage “naturel” » [20]. La musique, véritable « bain d’affects » [21], comme lors des premiers temps de la relation mère-bébé, vise une construction identitaire personnelle aussi bien qu’un « lien identifiant avec les pairs » [22]. Le terme « camara » (« camarade ») est très souvent répété dans les chants. Il peut être une illustration de la création de ce lien unifiant, d’un transfert entre les joueurs : il « reflète ce sentiment fraternel » [23]. Alors même que l’adolescent est confronté à l’épreuve de discontinuité qu’impose la puberté, la Roda propose ainsi de la continuité : rituelle, musicale et gestuelle.

Du jeu des corps et de l’esquive au je de la subjectivation

13Dans une Roda, l’adolescent utilise et confronte son corps à l’autre et à son regard dans un « conflit joué », où l’agressivité apparaît comme symbolisée et modulée par le faire-semblant. E. Lézy décrit la réussite de la Capoeira, celle d’« avoir transformé l’art martial en danse de paix et une aire de combat en lieu de rencontre » [24]. Il ne s’agit pas de faire mal mais d’éviter la violence. Le joueur ne risque pas de détruire l’autre et il lui faut tolérer de l’agresser sans l’abîmer. Ce jeu pourrait représenter une illustration du « domptable de la pulsion » (Freud, 1937) et un moyen de transformer la violence pubertaire dans une rencontre avec soi et avec l’autre.

14La réelle particularité de cette activité, comparée à d’autres sports de combat ou arts martiaux, reste l’esquive, souvent appui d’une attaque, mais permettant l’évitement du contact corporel. Ceci résonne avec la notion de « double interdit du toucher » (Anzieu, 1985) qui permet à la structuration en Moi-Peau de l’appareil psychique de passer à un Moi psychique, différencié du corporel. Ainsi, la construction du « Moi pensant » dépend de ce dépassement du « Moi corporel ». C’est l’interdit du toucher qui propose de canaliser les pulsions, la violence pulsionnelle (sexualité et agressivité), et sépare l’interne de l’externe dans une construction de l’espace psychique. Cette règle permettrait-elle l’intériorisation de ce double interdit du toucher, menant au travail de la pensée et de subjectivation ? Les trois adolescents rencontrés lors de notre recherche universitaire antérieure [25], ont d’ailleurs évoqué cet évitement comme primordial dans leur choix de la pratique.

15À côté du concept de pulsion qui prend ses racines dans le corporel (Freud, 1905), l’activité même du corps pourrait participer à la maturation du Moi à l’adolescence, corps et psyché étant inévitablement liés. Il s’agirait alors de passer par l’acte, acte corporel figuratif, non dénué de sens, de symbolisme et de créativité pour exprimer un dedans en construction et en conflit, acte tenant ici lieu de parole. Ainsi, le jeu de Capoeira, par ses différentes mises en conflit et problématiques mises en scène, pourrait, par le biais de la motricité du corps, devenir « représentation psychique » (Roussillon, 1995).

« Adeus, adeus, boa viagem » [26]… Chant pour se séparer : ouvertures thérapeutiques

16Cette activité semble ainsi répondre en écho aux « besoins pulsionnels adolescents ». Dans la clinique, la difficulté fréquemment retrouvée chez l’adolescent à jouer à l’intérieur de son espace psychique, et à symboliser, met en question la possibilité de se situer dans une aire transitionnelle et la mobilisation de l’activité de représentation. Les symboles portés par la Roda de Capoeira apparaissent comme des issues dégageantes face à certaines problématiques adolescentes et pouvant aider à soutenir, corporellement, le processus « adolescens » (Gutton, 1996). L’étude de la thérapie par la « socialisation des pulsions » (Pruschy, Stora, 1975) peut éclairer notre propos. Pour ces auteurs, « la psychothérapie par la socialisation des pulsions présente l’avantage de libérer les besoins pulsionnels bloqués, sans donner à l’enfant des interprétations verbales. Parallèlement, elle vise à fortifier le Moi grâce à un apport de satisfactions narcissiques. […] Aider quelqu’un à socialiser ses pulsions, cela revient à dire que l’on se soucie du sort advenu aux pulsions, et que l’on cherche à savoir comment se déroule et s’organise l’économie pulsionnelle d’un individu » [27]. De fait, la Roda de Capoeira offrirait différents transferts, envers les pairs, envers le meneur et envers le groupe lui-même, rappelant fortement les processus à l’œuvre dans le psychodrame analytique de groupe, avec la place centrale du corps mis en scène pour une figurabilité psychique et corporelle. Ce lien reste à développer.

17Nous proposons ainsi de nous servir de la richesse de cet art en tant que médiation thérapeutique transitionnelle auprès d’adolescents en mal de (se) penser, en trop d’agir et pour lesquels la relation duelle paraît trop effractante/excitante. La « Roda thérapeutique et socialisante des pulsions » pourrait être considérée, en reprenant les termes de R. Kaës, comme cet « espace transitionnel […] espace de présence et d’absence (ni trop de l’un, ni trop de l’autre, ni pas assez), de jeu dans un cadre, de contenu dans un conteneur, de tension paradoxale tolérable » [28].

18Ph. Jeammet décrit un aspect de la relation thérapeutique avec l’adolescent : « Le rythme présence/absence, proximité/éloignement, par sa répétition à l’intérieur d’un cadre fiable et sécurisant, peut progressivement entraîner un mouvement d’intériorisation et donner accès à une possible séparation » [29]. Voici une ressemblance métaphorique de ce que le jeu de Capoeira propose : tant une centration narcissique qu’une rencontre objectale. L’une des tâches de l’adolescent reste précisément de parvenir à une bonne distance face à cette double problématique, en trouvant, parfois avec notre aide, des moyens originaux et créatifs d’élaborer et d’accepter les changements tout en restant le même (Aulagnier, 1989).

Bibliographie

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : jeu, Capoeira, médiation corporelle, fonction contenante, violence pubertaire

Mise en ligne 11/07/2014

https://doi.org/10.3917/ado.088.0377

Notes

  • [1]
    Birraux, 1990, p. 14.
  • [2]
    Lorenz, 1969, pp. 295-296.
  • [3]
    Birraux, 1990, p. 138.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    Winnicott, 1971, p. 73.
  • [6]
    Freud, 1932, p. 163.
  • [7]
    Chant de Capoeira. Traduction : « Allons jouer camarade ! »
  • [8]
    Freud, 1927, p. 10.
  • [9]
    Golse, 1999, p. 121.
  • [10]
    Mercier, 2007, p. 41.
  • [11]
    Chapelier, 2005, p. 701.
  • [12]
    Schiavinato, 2006, p. 100.
  • [13]
    Chapelier, 2005, p. 699.
  • [14]
    Lecourt, 2007, pp. 84-85.
  • [15]
    Ibid., p. 83.
  • [16]
    Lecourt, 2002, p. 108.
  • [17]
    Marty, 1997, p. 108.
  • [18]
    Lecourt, 2003, p. 82.
  • [19]
    Ibid.
  • [20]
    Ibid.
  • [21]
    Marty, 1997, p. 112.
  • [22]
    Ibid., p. 117.
  • [23]
    Almeida B. (1986). Capoeira : histoire, philosophie et pratique. Paris : Éditions Lusophone et Viamedias, 2005, p. 91.
  • [24]
    Lézy E. (2001). La Capoeira, combat rythmé ou danse martiale ? Autrement, 207 : 292-311, p. 300.
  • [25]
    Mémoire de Master Recherche, Université Paris Descartes, 2007.
  • [26]
    Chant de Capoeira en fin de Roda. Traduction : « Adieu Adieu, bon voyage ».
  • [27]
    Pruschy, Stora, 1975, p. XIV et p. XVI.
  • [28]
    Kaës, 1979, p. 63.
  • [29]
    Jeammet, 1997, p. 25.
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