Notes
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[1]
Ce texte revient sur les idées du chapitre II « Raconter » dans la quatrième partie de mon ouvrage Psychothérapie et adolescence. Paris : PUF, 2000. Il s’agit non seulement de les approfondir mais de les actualiser par rapport à l’évolution si rapide de la jeunesse dans nos pays. Le site et la situation de la cure sont en plein changement. Cf. également Gutton Ph. (2007). Originalité et bourgeoisie. Adolescence, 25 : 19-26 ; (2009). Jeunesse et adolescence : une paradoxalité exemplaire. Adolescence, 27 : 263-269 ; (2010). Paroles de séminaire. Adolescence, 28 : 9-26.
-
[2]
Le thème a fait l’objet de publications nombreuses, je resterai proche de la clinique.
-
[3]
Barthes R. (1957). Mythologies. Paris : Seuil.
-
[4]
Ibid., pp. 35-38.
-
[5]
Laplanche J., Pontalis J.-B. (1984). Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : PUF.
-
[6]
Le titre de ce texte est inspiré des conclusions de l’article de G. Rosalato rapprochant perlaboration et démarche mystique. Rosolato G. (1980). Présente mystique. Nouvelle Revue de Psychanalyse, 22 : 5-38.
-
[7]
Ibid., pp. 36-38.
-
[8]
Freud S. (1937). Constructions dans l’analyse. In : Résultats, idées, problèmes, T. II. Paris : PUF, 1985, pp. 269-281.
-
[9]
Press J. (2008). « Construction avec fin, construction sans fin ». Rapport au Congrès des psychanalystes de langue française, Bulletin de la Société psychanalytique de Paris, 86.
-
[10]
Laplanche J. (1992). L’interprétation entre déterminisme et herméneutique. Une nouvelle position de la question. In : La révolution copernicienne inachevée. Paris : Aubier, pp. 385-415.
-
[11]
Freud S., Constructions dans l’analyse. Op. cit.
-
[12]
Ibid.
-
[13]
Il était clairement présent dans les modèles proposés depuis P. Mâle et E. Kestemberg, également J.-L. Donnet (Sur la rencontre avec l’adolescent. Adolescence, 1983, 1 : 45-61 ; Adolescence, 2010, 28 : 79-97). Les observations publiées dans la Revue Adolescence en témoignent régulièrement.
-
[14]
Cahn R. (1998). La dimension créative dans le processus psychanalytique. In : Créations, psychanalyse. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Paris : PUF, pp. 93-110. Tenant compte de ses travaux fondamentaux sur la subjectivation : Cahn R. (1991). Du sujet. Rev. Fr. Psychanal., 55 : 1353-1490 ; (1998). L’adolescent dans la psychanalyse. L’aventure de la subjectivation. Paris : PUF ; (1999). Subjectivation adolescente. Adolescence, 17 : 35-41.
-
[15]
Gutton Ph. (2008). Le génie adolescent. Paris : Odile Jacob ; (2008). Le pubertaire savant. Monographie Adolescence.
-
[16]
En particulier Viderman S. (1970). La construction de l’espace analytique. Paris : Denoël, pp. 65-66.
-
[17]
Gutton Ph. (2009). L’illusion pubertaire. In : Y. Morhain, R. Roussillon, Actualités psychologiques. Bruxelles : De Boeck, pp. 33-45. Cf. à paraître en 2011, Paradoxalité de la métamorphose pubertaire.
-
[18]
Sublimation partageable (c’est-à-dire offerte à l’autre, ce qui la distingue d’activités purement narcissiques) et partagée (ce qui implique la capacité créatrice de l’autre).
-
[19]
En raison du manque de limite entre le dedans et le dehors je l’ai regroupé sous le terme « d’infantile élargi ». Gutton Ph., L’illusion pubertaire. Op. cit.
-
[20]
Disqualification dont l’expression est faite d’attaques cruelles du corps (le sien et celui de l’autre) et de la psyché.
-
[21]
Tout le fonctionnement de ces adolescences pathologiques concourt, disait-il, à mettre en échec la cure psychanalytique. Et pourtant, il y consacra ses recherches. Laufer M. (1983). Psychopathologie de l’adolescent. Quelques principes d’évaluation et de traitement. Adolescence, 1 : 13-27 ; (1983). « The breakdown ». Adolescence, 1 : 63-70. Laufer M. et M. E. (1984). Adolescence et rupture du développement. Une perspective psychanalytique. Paris : PUF, 1989.
-
[22]
On remarque que cette procédure a été souvent préconisée dans les états limites de l’adulte (que d’ailleurs nous concevons comme une évolution de l’impossible créativité partagée adolescente).
-
[23]
Je suis sensible au paradoxe que constitue la continuité de la pression infantile et de la discontinuité (je dirai l’éphémarité) du pubertaire. De la sorte, tout peut se passer comme si ce qui constitue la force de la métamorphose adolescente pouvait apparaître enfouie.
-
[24]
Cf. le numéro de la Revue Adolescence consacré à ce thème. Parano… Adolescence, 2008, T. 26, n°3.
-
[25]
« La psychanalyse de l’adolescent existe-t-elle ?… en clinique et en théorie ». Journée scientifique du 7 février 2009 à Paris sous la direction de J. André, C. Chabert, M. Emmanuelli, F. Marty, F. Richard.
-
[26]
Conférer le numéro de la Revue Adolescence 2009, T. 27, n°4 dirigé par J.-P. Goudaillier concernant la langue adolescente.
-
[27]
Les travaux actuels de neurophysiologie, comparant la motricité s’accomplissant et la motricité retenue, le confirment.
-
[28]
A. est une jeune fille extrêmement difficile, anorexique et grande caractérielle dont j’ai déjà argumenté une séance exemplaire. Cf. Gutton Ph. (2008). Jeu thérapeutique en adolescence. In : A. M. Nicolò (Éds.), Una o più anoressie. Rome : Franco Angeli (je reprendrai plus loin l’analyse de cette dite séance). L’histoire de A. revient à plusieurs reprises dans cet article.
-
[29]
Narration exemplaire de A.
-
[30]
Freud S. (1914). Remémoration, répétition, perlaboration. In : La technique psychanalytique. Paris : PUF, 1981, pp. 105-115. Je souligne.
-
[31]
Aulagnier P. (1984). L’apprenti-historien et le maître-sorcier. Paris : PUF.
-
[32]
Gutton Ph. (2010). Pierre Mâle. In : Le tourment adolescent, T. 2. Paris : PUF, pp. 175-217.
-
[33]
La différence des générations est en pleine évolution anthropologique aujourd’hui en parallèle avec celle de la famille [cf. Gutton Ph. (2011, à paraître). La chambre des parents. Paris : Odile Jacob.] et du statut de la jeunesse.
-
[34]
Le thérapeute pris pour un parent actuel et incité à se prendre pour tel. J’ai beaucoup, après P. Mâle, travaillé cette problématique. Gutton Ph., Psychothérapie et adolescence. Op. cit.
-
[35]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 97.
-
[36]
En tant que « champ » commun de la rencontre si l’on veut utiliser cette métaphore issue de la physique. Cf. Press J., « Construction avec fin, construction sans fin ». Op. cit.
-
[37]
Mâle P. (1964). Psychothérapie de l’adolescent. Paris : PUF.
-
[38]
C’est le thème de l’article de C. Le Guen (1998). Voir faire. In : Construire l’histoire. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Paris : PUF, pp. 97-116.
-
[39]
Barthes R. (1970). L’emprise des signes. Paris : Flammarion, p. 10.
-
[40]
Ibid.
-
[41]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 97.
-
[42]
À titre d’exemple l’intervention de J. Press, discutée ainsi par F. Richard : « “ Bébé, vous n’avez pas pu être suffisamment en contact avec le sein de votre mère ”, dit J. Press à un patient en analyse dans une période de grande souffrance. Il en est fort ému et réorganisé. Ce qui émeut tant le patient de J. Press, pourrait être considéré comme une construction si on la formulait par exemple sur le mode : “ Bébé, vous avez douloureusement ressenti un manque de contact avec le sein de votre mère à la mesure de votre désir de celui-ci ”. » Or c’est par sa simplicité que cette intervention fait mouche. L’analyste lui trouve un « côté transgressif » tandis que le patient, apaisé, balbutie : « Jamais je n’aurais pensé que vous me diriez quelque chose de ce genre. » Ni interprétation ni construction, cette intervention inattendue produit un effet de reconnaissance au niveau de leur lien. Richard F. (2008). Construction, déconstruction et reconnaissance. Rev. Fr. Psychanal., 72 : 1519-1529 (p. 1521). Press J., « Construction avec fin, construction sans fin ». Op. cit.
-
[43]
La distinction entre le « transfert sur la séance » (que je valorise ici) et le transfert sur l’analyste ne peut être développée ici. Elle mérite un autre texte.
-
[44]
Travaillant l’autobiographie de son enfance, Nathalie Sarraute a préféré la mener à deux voix, avec un interlocuteur(trice) motivé. Sarraute N. (1983). Enfance. Paris : Gallimard.
-
[45]
Gutton Ph., Pierre Mâle. Op. cit.
-
[46]
Laplanche J., L’interprétation entre déterminisme et herméneutique. Une nouvelle position de la question. Op. cit.
-
[47]
Le terme d’« interprétation de confrontation » est utilisé par D. Lagache.
-
[48]
Le fameux amour propre dont La Rochefoucauld fait dans ses maximes le principe essentiel de l’être humain.
-
[49]
C’est le thème de la cinquième partie de mon ouvrage. La chambre des parents. Op. cit.
-
[50]
Je ne développerai pas ici la description de son processus maître, à savoir la sublimation. Je renvoie à mes travaux depuis Gutton Ph. (1991). Le pubertaire. Paris : PUF ; (1996). Adolescens Paris : PUF ; (2008). Le génie adolescent. Op. cit. ; (2009). L’illusion pubertaire. Op. cit. Gutton Ph., Bourcet S. et al. (2004). La naissance pubertaire. L’archaïque génital et son devenir. Paris : Dunod. Gutton Ph. (à paraître en 2011). La sublimation pubertaire. Adolescence.
-
[51]
Freud S. (1918). L’homme aux rats. Extrait de l’histoire d’une névrose infantile. In : Cinq psychanalyses. Paris : PUF, 1975, pp. 325-420.
-
[52]
Cas clinique extrait de la thèse de doctorat de S. Pechikoff, Université d’Aix-en-Provence, sous la direction du Professeur Ph. Gutton, septembre 2003.
-
[53]
Cf. Les interventions dans Gutton Ph., Psychothérapie et adolescence. Op. cit., pp. 193-281.
-
[54]
Donnet J.-L. (1983). L’enjeu de l’interprétation. Rev. Fr. Psychanal., 47 : 1135-1150. Article qui renvoie à Technique ou pratique. Rev. Fr. Psychanal., 1982. Cf. également Le divan bien tempéré. Paris : PUF, 1996.
-
[55]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 94.
-
[56]
Propos souvent théorisé par R. Aron.
-
[57]
Janin C. (1998). Psychanalyse, histoire, temps. In : Construire l’histoire. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Op. cit., pp. 147-162.
-
[58]
Le Guen C., Voir faire. Op. cit.
-
[59]
Kipman S. D., Kipman M. (1998). Interview de S. Viderman. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Paris : PUF, pp 11-26.
-
[60]
Je souligne.
-
[61]
Freud S., Constructions dans l’analyse. Op. cit.
-
[62]
Viderman S., La construction de l’espace analytique. Op. cit.
-
[63]
Gutton Ph. (2006). La trace pubertaire. Adolescence. 24 : 787-796. Je renvoie au chapitre de mon ouvrage Adolescens (Op. cit.) consacré au parallèle entre travail de rêve et travail adolescens ou subjectal.
-
[64]
Freud S. (1910). Les chances d’avenir de la thérapie psychanalytique. In : Œuvres complètes, X. Paris : PUF, 1993, pp. 61-73 (p. 64).
-
[65]
Ce n’est pas une interprétation au sens où cette dernière cherche un fait inconscient, une donne où se dirait une vérité singulière dans les fondements inconscients (que rien ne pourrait réfuter). Le travail de construction produit toujours du pluriel.
-
[66]
Je rappelle que la pathologie de breakdown définie par M. Laufer est décrite aujourd’hui comme psychose pubertaire.
-
[67]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit. Également Du sujet. Op. cit.
-
[68]
Searles H. (1965). L’effort pour rendre l’autre fou. Paris : Gallimard, 1977.
-
[69]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 104.
-
[70]
Searles H., L’effort pour rendre l’autre fou. Op. cit.
-
[71]
Le Guen C., Voir faire. Op. cit., p. 6.
-
[72]
Discussion entre nous (printemps 2000).
-
[73]
Viderman S., La construction de l’espace analytique. Op. cit.
-
[74]
J’utilise les travaux du numéro « Idéaux » de la Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1983, 27. Travaillés depuis Gutton Ph., Le pubertaire. Op. cit. ; plus récemment Gutton Ph., Bourcet S. et al., La naissance pubertaire. L’archaïque génital et son devenir. Op. cit., ; Gutton Ph. Le génie adolescent. Op. cit. ; L’illusion pubertaire. Op. cit. ; cf. également Sublimation pubertaire. Op. cit.
Distinguer les deux processus permettrait une redéfinition de la violence de l’autre » dans la théorie du pictogramme de P. Aulagnier. Le refoulement originaire est un travail (tout) « contre » l’Autre représentant originaire tel que P. Aulagnier le décrit dans la paranoïa. La sublimation s’effectue « avec » et par l’Autre sans la violence du refoulement originaire. Gutton Ph. (2008). « J’accuse ». Adolescence, 26 : 571-596. -
[75]
Dirais-je aussi symbolisation.
-
[76]
Dans mon Séminaire sur l’adolescent, ce rêve fut l’objet de nombreuses discussions quant à la signification phallique de l’entonnoir à la fois masculine et féminine et sur le contexte phonétique de l’adjectif « vis queue ».
-
[77]
Viderman S., La construction de l’espace analytique. Op. cit.
-
[78]
M’Uzan M. de (1994). La bouche de l’inconscient. Paris : Gallimard ; (2005). Aux confins de l’identité. Paris : Gallimard.
-
[79]
Freud S., Constructions dans l’analyse. Op. cit., p. 271.
-
[80]
Je remercie Caroline Lebrun de rapprocher ce fait du film d’Hitchcock « Pas de printemps pour Mamie » où le psychiatre provoque l’hallucination d’une psychopathe par l’usage du test youngien d’association de mots.
-
[81]
Brousselle A. (1988). Idéalisation et idéologie de la régression contre la remémoration. Les textes du Centre Alfred Binet. Histoire d’enfant : 45-50 (pp. 48-49).
-
[82]
Un débat plus large de la régression dans la cure des adolescents serait nécessaire.
-
[83]
C’est la thèse de D. Braunschweig et M. Fain (1975). La nuit, le jour. Paris : PUF.
-
[84]
Freud S. (1914). Remémoration, répétition, perlaboration. Op. cit.
-
[85]
L’illusion pubertaire. Op. cit. Je les ai rappelés précédemment.
-
[86]
Marcelli D. (2009). Il est permis d’obéir : l’obéissance n’est pas la soumission. Paris : Albin Michel.
-
[87]
Gutton Ph., Paroles de séminaire. Op. cit.
-
[88]
Gutton Ph., Pierre Mâle. Op. cit.
-
[89]
Pouvoir de la théorie par son application sur la clinique ; pouvoir institutionnel du psychanalyste fonctionnaire de la psychanalyse ; pouvoir de son intervention comme spécialiste de l’adolescent et de la famille situés devant lui ; intrusion intergénérationnelle qui majore sans conteste les deux processus précédents.
-
[90]
Gutton Ph., Adolescens. Op. cit.
-
[91]
Utilisons la parabole du rossignol empruntée à Colette ; elle concernerait l’adolescent en breakdown : un rossignol (symbole pubertaire) s’endort dans les vignes qui poussent pendant sa nuit (images infantiles phalliques) ; il se réveille cerné, « ligoté », « prisonnier ». Il ne pourra se dégager qu’en chantant de façon naturelle (afin de se tenir éveillé, naïf et effrayé) au risque de « s’éprendre de sa propre voix » (Colette décrit le plaisir des vibrations de son bec).
-
[92]
Gutton Ph., L’illusion pubertaire. Op. cit.
-
[93]
Laplanche J., L’interprétation entre déterminisme et herméneutique. Une nouvelle position de la question. Op. cit.
-
[94]
James H. (1957). L’image dans le tapis et autres nouvelles. Paris : Horay, 2009.
-
[95]
Depuis Le pubertaire. Op. cit.
-
[96]
Kipman S. D., Kipman M., Interview de S. Viderman. Op. cit.
-
[97]
Barthes R. (1964). Essais critiques. Paris : Seuil, pp. 13-14.
1Se méfiant des débats de filiation entre interprétation et construction, nous avons donné ce titre discutable, un peu abstrait pour désigner la pratique privilégiée aujourd’hui de l’analyste dans la cure des adolescents [1] utilisant son art à créer, à traduire et à dire en séance une version personnelle de ce qu’il entend [2]. En exergue, je placerai cette citation de R. Barthes : « Nous voguons sans cesse entre l’objet et sa démystification : car si nous pénétrons l’objet nous le libérons ; mais nous le détruisons. Si nous lui laissons son poids nous le respectons mais nous le restituons encore mystifié » [3].
2La perlaboration peut-elle « réconcilier l’explication et la description » [4], vieux débat corollaire des conceptions de la psychanalyse comme science ou/et comme art ? Rappelons sa définition comme le travail psychique « susceptible de faire cesser l’instance respective propre aux formations de l’inconscient en les mettant en relation avec l’ensemble de la personnalité du sujet » [5]. Travail de l’analysant pour Freud ; travail que je crois nécessaire pour l’analyste avec l’adolescent. La perlaboration [6] est « un cheminement » à la recherche du « chemin propre à chacun » : « méditation en suspens », attente et patience, attention et comparaison, reconstruction d’un contexte sans forçage en remettant en cause ce qui paraît d’une immédiate clarté ou d’une réalité invoquée », curiosité concernant « une contemplation » « traduisant de nouvelles configurations au plus près des expériences vécues » [7]. Reprenant ces quelques termes de G. Rosolato, je dirai que notre perlaboration en séance imagine « les chemins propres » de cet adolescent en errance sous formes de configurations nouvelles des accordages possibles entre les organisations infantiles et les expériences vécues pubertaires.
3Le modèle d’intervention que je vais étudier n’est pas celui de Freud [8] de 1937 mais il en est le prolongement, ce que J. Press [9] nomma « son ébranlement » lui imposant un saut épistémologique :
4- Se méfier de la théorie lors de son application clinique.
5- Renoncer ou prendre de la distance à l’endroit du « déchiffrement du texte de l’inconscient », et l’idée que « la névrose est une maladie de la mémoire et que seule la récupération de l’histoire réelle du sujet permet d’accéder à quelque liberté » [10]. Et de fait, le texte de 37 s’inspire de pathologies dans lesquelles la levée du refoulement, bastion de la psychanalyse, n’est guère possible.
6- Instaurer un espace commun d’échanges dans lequel « les deux scènes » [11] respectives du patient et de l’analyste se manifestent comme pas « trop séparées ».
7- Constater que cette mise en place rapprochée constitue une expérience interrogée par la séance : « cette herméneutique créatrice » dès lors « souveraine » [12], dans laquelle l’influence de S. Ferenczi se fait sentir, est possible dans la mesure où le psychanalyste exprime « aussi » ce qu’il construit.
8- Dès lors une scène relatée (ou ébauchée) par le patient se transforme en une scène intersubjectivale où se perlaboreraient les désirs de chacun des participants.
9Ce saut épistémologique se conçoit comme un corollaire thérapeutique [13] des nouvelles théories de l’adolescence résumées par le concept de subjectivation [14] ou de création [15]. Il s’inspire beaucoup de l’œuvre de S. Viderman [16].
10Mon raisonnement suit ces trois temps :
111 - L’adolescence ordinaire est un travail naturel de construction (subjectivation) à partir de ce que j’ai nommé l’illusion pubertaire [17] (nouveau « créer-trouver » winnicottien dont j’ai souligné la paradoxalité originale). Le maître processus est la sublimation pubertaire partageable et partagée avec plus d’un autre [18]. Par des liaisons (tertiaires) entre le sensible, l’imaginaire et les mots, du fait d’un accordage entre infantile et pubertaire, l’encore-enfant pubertaire parvient avec son environnement à réorganiser et refaire jouer au mieux les instances (infantiles) de la deuxième topique, en particulier le Moi et le Surmoi (refoulement). L’adolescent, dès lors, peut suivre la règle fondamentale de la pensée associative et peut-être bénéficier dans sa cure d’interprétations.
122 - Tel n’est pas le cas des adolescences très difficiles en breakdown, dans une panne (impasse) de création ou d’identification, bloquées dans tout échange avec l’autre. Elles sont enfermées par des répétitions, sous la pression d’injonctions paradoxales issues de l’infantile (au plan interne même, et ses porte-parole actuels : parents, enseignants, pairs et institutions) [19] disqualifiant (et non refoulant) le pubertaire à sa source [20]. Le pubertaire est coincé, clivé dans ce qui a reçu le nom « d’impasse de la subjectivation » créée par et pour l’infantile. L’adolescent dans sa désolation, dans sa morosité est en quelque sorte réduit au vide de la pensée et à ce que je nommerai des créations latérales fragmentaires et closes ne débouchant sur rien, soumises à l’automatisme de répétition (pour exemple, les convictions théoriques quasi mystiques des anorexiques, des suicidants, bref des attaques du corps). Préoccupants, ils sont les malheureux représentants que J. McDougall nommait « anti-analysants ». Ils ne peuvent pas (ou pas encore) utiliser (et utilisent mal) le Surmoi tant il est accolé à un Moi blessé. Les interventions du thérapeute ne peuvent ni porter sur un refoulé pubertaire, ni espérer un retour du refoulé. En raison de l’importance du déni-clivage-projection, elles attaqueraient le secteur exclu (génital) du fonctionnement psychique et dès lors se révéleraient non seulement inefficaces, mais dangereuses comme peuvent l’être des injonctions paradoxales : éveillant les défenses paranoïaques ou/et disqualifiant la subjectivité enfouie. Nous sommes dans les contradictions de la cure des adolescents que soulignait clairement M. Laufer [21] dès les années 1970. Si la cure est définie comme le site privilégié de la création intersubjectale, tout dans le fonctionnement des adolescences très perturbées y fait résistance ou obstacle. Dès lors, l’espoir d’une émergence de l’impasse relève de l’identification au travail de construction dans lequel le thérapeute s’engage, celui-la même que le sujet n’arrive pas à faire avec ses autres. Les constructions imaginaires que cet adolescent ne parvient pas à monter pour se trouver quelque identité, engageons-les. Dans la mesure où dans le breakdown un environnement négativant est souvent accusé, sachons que dans la séance l’environnement c’est nous. L’exercice consiste non à soumettre l’adolescent à des productions imaginaires qui ne sont pas les siennes (au risque d’aliénation ou de faux-self) mais de lui présenter l’exercice même de la création tel qu’il pourrait (malgré tout) advenir en lui-même [22].
133 - En fait, ne confondons pas processus et structure. Paradoxalité entre infantile et pubertaire et injonctions paradoxales se jouxtent. La distinction entre fonctionnement normal et pathologique ne saurait permettre, nous le savons, une classification des adolescents, mais en toute souplesse (constatant leurs coexistences) ouvrir à une discussion entre deux modèles processuels variables dans le temps et l’environnement (plus ou moins passagers en séance même ou prolongés) : construction subjectale et/ou construction disqualifée, l’analyste recevant alors mission d’un travail de complément d’étayage ; traduire, construire, composer deviennent des modalités privilégiées de sa parole lorsqu’adviennent des difficultés du fonctionnement associatif en séance… n’est-ce pas, plus ou moins, le cas de toutes les séances [23] ?
14Lorsque la subjectivation ne parvient « pas encore » à une reconstruction du Moi-Je, lorsque l’analyste n’est pas le lieu des transferts mais saisi dans la défaillance d’un environnement incapable de partager le génie adolescent, l’adolescent ne peut que redouter la séance selon un système dépressif et paranoïaque [24]. Hors d’une organisation névrotique stable (existe-t-elle à la puberté ?), il faut inventer une pratique spécifique, interroger notre théorie de la technique. Il ne faut pas renoncer en affirmant que la psychanalyse ne concerne pas l’adolescent comme un récent congrès le suggère avec pugnacité par un titre [25] revenant cinquante ans en arrière. J’ai au contraire, après P. Mâle, toujours défendu l’idée qu’il ne fallait pas hésiter à remettre en cause les dispositifs de la cure afin de travailler le virage épistémologique que le sujet impose, lorsqu’il « se refuse à être compris » (D. W. Winnicott) et souhaite dans sa désolation être « reconnu » : à condition de cette attention, la pratique de la psychanalyse convient électivement aux processus d’adolescence.
15Examinons le partage de ces tâches. Après avoir rappelé les particularités du discours adolescent exprimant les avatars de sa création, j’étudierai les problèmes posés au psychanalyste lors de sa perlaboration : établissement d’un champ commun de travail créatif, modalités de construction différentes selon le matériau à travailler, travail de sublimation de l’analyste ; je poursuivrai l’étude par le couple processuel de la construction-déconstruction, singulièrement rapprochable de l’opposition sublimation-emprise.
Essai sur la narratologie des adolescents
16L’adolescent raconte ce qu’il fait : récit de vie, autobiographie au quotidien, journal intime oral, historisation du présent et du passé parfois de l’avenir en projet. Sa narration a un souci polémique de causalisme et veut se déployer dans l’évidence de l’objectivité. L’énonciation colle à l’énoncé, le vocabulaire est pauvre, la syntaxe comme un texto est le langage [26] d’une autre culture que celle du thérapeute. L’adolescent veut apparaître loin de ce qu’il ressent lorsque ce qu’il ressent importe avant tout. Le travail identitaire secret se maintient à distance de sa narration. Lorsque le malaise ressenti est exprimé ou s’approche d’expressions vraies, il y a de l’évitement, de la gêne. Même lors des confidences à forte intensité affective, la retenue est présente, pouvant imposer du silence. Bref, si les processus secondaires s’affichent, les processus primaires dans leurs mailles ne produisent que des étincelles ou des flashs si emplis de souffrance que notre intervention ne peut n’en marquer que l’écoute bienveillante… c’est déjà beaucoup. Le récit est une sorte de pansement devant recouvrir le narcissisme blessé, toujours sur la défensive. Le narrateur ne peut guère se décentrer vers les autres, il colle aux faits sans les transformer en phénomènes psychiques. Il y trouve motifs à sa souffrance, à ses dénis. Soyons prudents quant à explorer les caches du discours ; les confidences sont précieuses, mais elles surfent sur l’indescriptible. La règle fondamentale du site est que la parole remplace l’agir, lors même que la souffrance de ces adolescents réside dans les difficultés pour exprimer ressentis et actions. (Ont-ils le souci de tout dire ? C’est une autre affaire.) Ce « remplacement », pour important qu’il soit pour la construction du cadre de la séance, est d’ailleurs un leurre : si le geste est inhibé il n’en est pas moins pensé dans le corps [27], et marqué alors de silence.
17Distinguons les deux modalités extrêmes de discours :
18Selon un premier fonctionnement, les ressentis pubertaires envahissent la psyché de l’encore-enfant entraînant un défaut de son organisation imagoïque et verbale. Plus le discours s’approche du corps, plus il se met dans un fonctionnement traumatique avec un automatisme de répétition qui en exclut l’activité fantasmatique. L’intensité des émotions entraîne des conduites (sensori-motrices) immédiates, seulement imaginées, parfois réelles au cours ou décours de la séance.
A. [28] présente bien souvent en séance un accès boulimique, se précipitant sur son sac toujours présent afin d’en extraire avec frénésie des paquets de gâteaux secs et des yaourts. Elle peut avaler une bouteille d’eau, finir un paquet de cigarettes, marcher de long en large avec une régularité d’horloge ; elle cherche également à se scarifier les avant-bras. Ces gestes peuvent se présenter comme des habitudes, voire des rituels avant de parler. Elle en trouve le motif dans le monde persécutoire qui l’entoure et dont elle raconte quelques épisodes. Lorsqu’elle remonte l’histoire, elle trouve cause de ces actions de façon quelque peu paranoïaque dans un véritable ou supposé traumatisme subi, souvenir (quasi vivant hic et nunc) d’un viol à douze ans (quatre ans après cet événement, elle se demandait si elle n’en serait pas « encore enceinte » malgré une virginité volontiers affirmée : « Tous mes malheurs viennent de là. » Il lui est arrivé de broder des hypothèses à partir de cette fantaisie historique, concernant son ventre qu’elle trouvait trop gros, l’absence des règles, « sa boulimie de femme enceinte » voire son désir de faire un enfant par ailleurs soigneusement nié).
20Selon un second fonctionnement, l’abstraction sans sublimation prédomine, laissant à l’écart les affects primo-originaires : c’est le tableau de la morosité. Les scènes relatées ne sont pas liées entre elles. La trame œdipienne des conflits est en « pseudo » (modèle faux-self). Le discours déroule une biographie de l’actuel ou d’un récent passé, au sens du journalisme.
A. ne parle jamais sans que « j’aie engagé la conversation », elle me demande : « Qu’est-ce que vous me racontez aujourd’hui ? » Dans ses phrases calmes elle récite passivée les horaires, le déroulement de ses journées, heurs et malheurs se succédant sans affects, parfois enrichies de moments mythomaniaques. « Vous savez ce que j’ai fait hier ? » … « J’ai accosté un garçon, je l’ai emmené dans une rue perdue pour faire l’amour. Il ne savait pas, moi non plus. On s’est tripotés seulement, je ne vous raconte pas, vous seriez choqué. Je lui ai demandé de l’argent, il n’en avait pas, tant pis » [29].
22La répétition relatée des actions (avec un polymorphisme d’apparence) se substitue-t-elle à des « faits oubliés » [30] ? Sans doute mais de façon fort complexe car ces faits demeurent bruts sans perlaboration. En panne « de construction identitaire », en panne de ce que P. Aulagnier nomma « l’autohistorisation » [31], le récit fort pauvre ne comprend pas le reflet d’une intériorité à décrypter mais seulement d’une expérience extérieure comportementale qu’aurait eue notre héros ou notre victime. Il n’est pas propriétaire, mieux inventif de lui-même, mais « colonisé par un maître étranger » ; lequel ? assurément l’infantile passé et actuel. Il est sous influence (disons passivé) par les injonctions infantiles. Il ne flotte pas ici dans l’excès pubertaire comme dans le premier cas, il est sous l’emprise de la logique phallique. Son langage revêt toute sa falsification lorsqu’il a perdu son ouvrage corporel.
23Il faut avoir observé la voracité d’un caméléon pour comprendre que ces deux fonctionnements se joignent volontiers. Dès lors pour qu’un travail de création puisse se produire, il ne peut dans la séance qu’être induit par le thérapeute. Telle est notre thèse. Lorsque l’expérience de sublimation que pourrait ou devrait être la séance ne se déroule pas, sa source ne peut advenir que de l’imaginaire de « l’interprète motivé » (P. Aulagnier) qu’est le thérapeute. Si l’adolescent a goût dans la séance d’actions d’insignifiance, s’il ne cherche pas, voire évite à comprendre ou être compris, (« c’est-à-dire pris » par quelque savoir supposé le rendant transparent), il demande par sa présence même à re-trouver une jouissance créative, à ressentir hic et hunc la vigueur d’une détermination, il attend donc (malgré tout) cela de la séance (transfert sur la séance) et/ou de l’analyste. Dans cette philosophie de la cure, j’y perçois un optimisme nécessaire de notre part.
Le champ de la perlaboratoion
24Le discours de l’adolescent parce qu’il est pauvre en sublimation impose l’occasion d’une prise de parole à l’analyste. Ce dernier se saisit de telle ou telle remarque ou qualification banale ou originale pour commenter, parfois déjà raconter, témoigner de sa faculté d’imagination créatrice. D’emblée, sans attendre, la séance est présentée comme une aire de jeu, un « squiggle » winnicottien verbal, un « médium malléable » : tout est là en ce lieu, en ce temps. Sa participation personnelle et active à la séance est son premier devoir. Son silence de plus de quelques minutes serait toujours plus ou moins interprété non comme un souci d’écouter mais en terme de désolation comme une indifférence voire une négligence, un mépris incitant aux résistances. « Comment parler à un mur ? » dira-t-il ; « J’ai l’impression qu’il me comprend trop ou qu’il ne comprend rien et ne s’intéresse pas à moi ». La prise de parole est prônée depuis les premiers cliniciens [32] s’intéressant aux particularités des séances avec l’adolescent. Ils doivent être « tout sauf une ombre » écrivait déjà A. Freud.
25La différence de génération [33] que nous avons avec l’adolescent est un risque de magnétisme (seul devant la sphinge) ou/et de paranoïa… risque de « parentalité » [34]. Je suis de plus en plus persuadé qu’un obstacle premier à la cure de l’adolescent (plus demandeur qu’on ne le dit) réside dans ce que nous représentons et dont nous n’auto-analysons pas assez les effets. Le psychanalyste est de façon originale un « porte-parole exemplaire de l’infantile » pour l’adolescent dans son histoire propre et par notre statut sociétal réel (associé aux parents, soignants et enseignants). Renonçons donc à ce qui serait compris comme une manifestation de notre emprise (en particulier sous forme de protection). Montrons, révélons même le possible accordage de l’infantile et du pubertaire en une « adolescence suffisamment bonne ».
261 - La thèse de cette créativité approchée accorde à la séance un singulier pouvoir de changement. R. Cahn utilise la terminologie d’une « élaboration créative à deux » [35], partage centré sur la découverte de ce qui n’est au mieux qu’esquissé chez l’adolescent. La « co-création » suppose (hypothèse contre-transférentielle) qu’un « déjà là » dans la séance soit présent (c’est-à-dire supposé) dans le texte de l’adolescent, rudiment créatif prêt à se développer que le thérapeute par son potentiel et son goût d’innovation a entendu, repéré, qu’il a su sélectionner et sur lequel il brode (évitant de la part du patient le dangereux d’une projection paranoïaque : « Qu’est-ce que vous en savez ? » ou « Qu’est-ce que vous croyez ? »). Un préalable à tout cela, gardons-en conscience : la confiance que l’adolescent nous accorde et disons aussi la confiance que nous lui accordons.
27Je suis de plus en plus sensible à la dynamique propre de la séance (animé par ce qu’A. Green a nommé « l’objet analytique », d’autres « le tiers analytique », R. Cahn « l’objet subjectalisant »), à savoir l’entité qui se crée par et entre analyste et analysant et qui prend une affectation particulière (d’apparence souvent discontinue) [36], la fameuse empathie ou « ambiance positive » dont P. Mâle [37] disait qu’elle était la condition de la cure. Ceci me rappelle le débat des années 24 entre S. Ferenczi valorisant « l’expérience vécue » où se trouve le secret de la transformation et Freud travaillant le « remémorer, répéter, perlaborer ». En l’apparente opposition, en réalité complémentarité : dire à propos des expériences relatées serait la « position médiane » [38].
28J’en rapprocherai une des philosophies de R. Barthes se centrant sur « le champ de l’instant », le « saturi » (l’événement zen), « qui est un séisme plus ou moins fort (nullement solennel) qui fait vaciller la connaissance du sujet […] opère un certain ébranlement de la personne […] une secousse du sens […] (sans jamais l’amortir) une descente dans l’intraduisible » [39]. Il s’agit moins de commenter que de penser l’expérience par un récit en suspens, sans le souci de toucher à un essentiel, à une vérité ou un problème central car seul l’adolescent a le droit narcissique de s’en approcher. « Restons dans la forêt des signes » [40] respectant l’intimité de la vie de tous les jours. Est-ce une philosophie à laquelle, comme le disait H. Bergson, on ne peut parvenir à la dire qu’après toute une vie.
29La primauté est dans la séance accordée au pubertaire : énigmatique et disqualifié. La parole brève ou narrative de l’analyste fait signe que le pubertaire n’est pas méconnu de lui « ce que vous me dites me fait penser à la sensation de changement dont vous m’avez parlé quand vous me racontiez cette scène où… ; en vous entendant alors j’avais l’impression que vous n’étiez plus le même et je me suis demandé… ». Le travail de « transformation, d’invention et d’élaboration de l’analyste » [41] cherche à délivrer en l’évoquant (je reviens sur la prudence bienveillante de l’évocation en question) un désir inconscient pubertaire disqualifié : « dire une chose à ne pas dire… que l’adolescent ne voyait pas comme cela » ; « je n’y avais pas pensé » est sa réponse fréquente, étonnée ; oui, travaillons avec l’étonnement. Travail métaphoro-métonymique (G. Rosolato) dont la source est alimentée par le pubertaire assurément indicible mais évocable, ici évoqué… sans s’en rendre compte. Une grande part de notre travail serait de l’ordre d’une interprétation de reconnaissance [42] (y compris et surtout dans les divergences d’hypothèses sur les récits de l’adolescent). Version personnelle, originale, provoquée par l’adolescent ; l’intervention du thérapeute est sensiblement différente, on le constate, de la reprise argumentée de l’histoire du matériel telle qu’elle est proposée par Freud (1937).
30L’alliance ou l’interaction transfert-contre-transfert s’inscrit d’abord dans un transfert commun sur la séance [43]. Il peut mériter une reconnaissance verbalisée de ce « nous », de cette extimité qui s’installe sans pour autant que soit justifiée une interprétation de transfert personnalisée sur le modèle : « comme vous le faites avec votre mère… », « nous avons bien discuté aujourd’hui » [44]. L’intersubjectalité de la séance peut être exprimée par certains adolescents : « que se passe-t-il entre nous pour que nous puissions voir les choses ainsi ? ». Pas d’interprétations de transfert de notre part, même et surtout lorsque l’adolescent les sollicite mais le constat d’une situation de séance. « Je te sens personnelle aujourd’hui comme un bloc erratique » dit une thérapeute ; l’adolescente répond qu’elle se pensait « justement comme un tank ».
312 - Notre activité de perlaboration est implicitement animée par un désir de notre part, bien entendu bienveillant. P. Mâle [45] à juste titre parlait à ce propos de séduction dirigée vers le psychisme de l’adolescent : montrer notre intérêt pour ses mots est dans ce sens une façon de lui montrer l’intérêt qu’il pourrait (et devrait) avoir pour ses propres fonctionnements imaginaires. Traduire c’est d’abord désirer traduire, en d’autres termes dirai-je, c’est désirer partager un désir difficilement partageable de l’adolescent, c’est tenter un essai d’échange entre le désir de l’un et le désir de l’autre (situation très délicate lorsque l’adolescent est dans un refusement profond).
32L’intersubjectalité permet de travailler ensemble le matériel adolescent qui se présente et qui évolue : nous sommes tous deux comme à une table de travail imaginant et disant ce qui en est de l’accordage entre infantile et pubertaire ; travail à deux, en fait souvent asymétrique, nous donnant même parfois l’impression de travailler seul. P. Mâle insistait sur une liberté de parole intergénérationnelle (par rapport au Surmoi) ; nous préférons réfléchir sur une occasion différente de parole. Ainsi « attablés à travailler une affaire », le désir de l’autre (au plan narcissico-pulsionnel et narcissique) est vite au centre du débat. Décentrage copernicien disait J. Laplanche [46] : d’abord celui qui est l’initiateur de cette installation et en même temps les autres en jeu dans les récits de l’adolescent.
Crispation de A. concernant l’emprise qu’elle cherche a exercer sur moi et ses proches, l’exigence de se faire obéir (« faites ce que je vous dis »), de tromper l’autre, son goût de la dérision, ses attaques sur son corps (« avec ce que vous me dites je me couperai profond tout le bras »). Si je discute, elle se braque. Je deviens un persécuteur. Lorsque je raconte des histoires, elle écoute avec dérision (c’est un risque) ; elle entend parfois un message imprévisible concernant ce que j’entends de ce qu’elle dit, non pas ce que j’ai compris mais comment réagit ma pensée. Il peut se faire que nous travaillions la problématique qu’elle a bien sûr choisie et sur laquelle j’ai brodé. Il est arrivé que notre travail exige une participation parentale. A. devient électivement boulimique (dans une véritable dépersonnalisation) pendant les vacances scolaires. Elle perd la capacité d’être seule, elle est dans la désolation. Elle en veut mortellement à sa mère qui la laisserait ainsi mourir. Son angoisse est si intolérable en séance que je me laisse convaincre par elle (quel paradoxe) de téléphoner à sa mère afin que cette dernière donne son opinion sur ce drame que provoque les absences liées aux vacances, et éventuellement modifie son projet. L’enjeu est clair que seule la confrontation au désir de sa mère physiquement présente pouvait la calmer, au risque d’une injonction paradoxale la jetant vers l’excès boulimie-vomissement.
34La proximité de travail permet de transformer progressivement des scènes seulement narcissiquement relatées en scènes intersubjectales interrogeant le désir des acteurs mis en scène et les confrontant comme en psychodrame. La confrontation [47] s’anime à partir de nos versions figuratives qui suggèrent à l’adolescent de réfléchir sur « ce que veut l’autre par rapport à ce qu’il veut ». Elle travaille les différences subjectales sur un fond de similitudes intersubjectales : la paradoxalité du « semblable différent », de l’originalité partageable. Cette transformation, cette métamorphose même de ce que l’adolescent décrit en termes de relations d’objet dans une version intersubjectale, est-elle la mission des processus de sublimation initiés par le thérapeute ? Les mots des autres rapportés en séance par le patient selon le modèle « à cause de moi » [48], peuvent ainsi devenir le thème de montages narratifs par le thérapeute s’interrogeant sur leurs motivations.
Ainsi cette intervention cherche à rompre avec une causalité maternelle obsédante, alléguée par l’adolescent : « Je me demande pourquoi ta mère aime si souvent entrer dans ta chambre ? » Les associations se tissèrent vers la femme-mère.
De même à l’écoute d’une jeune fille en conflit récent avec son père adoré : « Je me demande si ton père ne traverse pas une période difficile ? »
36La pratique de ces confrontations imaginaires en séance entre l’adolescent et ses autres m’a amené au cours de ces dernières années à mettre en place, de plus en plus, des psychothérapies familiales à cadre variable [49].
373 - La perlaboration opère avec la pensée associative. Un principe de son travail est bien de « dégager » (D. Lagache) d’une narration causaliste opératoire par le recours au fonctionnement psychique (fondamental de la psychanalyse) « la pensée comme sans but » [50].
38La démarche évite la demande d’information. L’autobiographie adolescente, « fausse par incomplétude » (selon l’expression de Freud rédigeant « L’homme aux rats ») [51] éclaire peu ce que le thérapeute imagine comme essentiel et attend, frustré quant à sa curiosité, que S. de Mijolla-Mellor nomme « son besoin d’en savoir plus » et que je rapprocherai précisément de l’emprise. Il risque devant la défaite de sa compréhension de partir à la recherche de documents oraux et écrits que la famille, l’école, les proches sont toujours friands de lui remettre plus ou moins sous couvert du secret. Il interroge l’adolescent. Il est en pleine « parentification », sollicité par son désir de bien faire, de guérir, de consoler, de favoriser les prises de conscience, d’éduquer, de juger, de confronter les idéaux. Peut-il alors être autrement que déçu ou irrité ? Lorsqu’il attend en silence que la connaissance de l’adolescent lui vienne, il croit refouler son désir de savoir, nous l’avons dit, le silence de l’analyste c’est une catastrophe.
Stella vient chaque semaine en séance avec un récit de relations sexuelles avec un garçon différent toujours « splendide », récit exalté et déçu. Il change souvent voire chaque semaine : « Ce n’est pas le prince charmant. » La thérapeute [52] réfléchit avec l’adolescente sur les motivations de ses actes répétés. Sa demande du prénom du dernier partenaire entraîne un blocage violent de la confrontation.
40L’interrogatif imaginaire n’est jamais une demande de savoir. « Pourrions-nous nous demander encore? », « puisque nous rapprochons telle scène de cette autre, ne pouvons-nous évoquer … », « est-ce que vous m’autorisez à m’interroger sur votre version des faits ? », « que pouvait faire votre belle-mère lorsque votre père vous a ordonné de vider le coffre de la voiture d’un ton qui vous a déplu ? ». Utilise-t-on une information venue d’ailleurs ? Faux débat, la question est plutôt de savoir comment nous l’utilisons ? Assurément non si nous l’exploitons comme explication de ce que dit l’adolescent. Pourquoi pas, si clairement formulée en sa source et son contenu, elle offre un plan de travail stimulant les associations.
41Le thérapeute ne confronte pas des systèmes à rationalité, des convictions, mais les contourne par l’imaginaire. Il évite l’explication binaire, également la belle interprétation symbolique ou la réponse savante aux demandes d’informations : autant de pièges où se masquent des injonctions paradoxales de sa part. Restons dans la poésie, s’approchant des vérités sans crainte ni de l’abstraction aliénante ni d’une fascination si répandue parmi les collègues pour les régimes de causalité. Si le causalisme participe néanmoins de façon incontournable à tout montage phraséologique restons hypothétique, au conditionnel interrogatif (dans la forme et surtout dans le ton). Ne nous engageons pas dans le contradictoire, la polémique, le savoir clos affiché ou les petits détails qui fâchent. Le supposé savoir doit se contraindre à ne pas savoir. Le psychanalyste guette les associations de l’adolescent afin non pas de les interpréter, ni de les pointer, ni de les placer [53], mais d’associer lui-même afin de leur donner une suite qui sans cela ne viendrait pas. Notre traduction ne cherche en aucune façon à être médiatrice entre réalité interne et réalité externe ; elle ne saurait être le porte-parole d’un principe de réalité. Lorsque l’adolescent cherche les preuves confirmées de causalités externes, le thérapeute en reprend les éléments comme autant d’occasions de fantasmes pour lui. Ce qui est présenté comme causal dans l’autobiographie du jeune est saisi comme trace aux fins de constructions. Cette forme de narratologie est une transaction associative tranquille que la capacité du thérapeute peut produire en séance.
42Ne pensons pas qu’une grande construction se justifierait pour sa capacité mutative. Tout au contraire, les petits essais et modestes sont préférables. J.-L. Donnet [54] disait fort bien (en utilisant comme P. Mâle le terme d’interprétation) « qu’elle devait être “ discrète ”, “ ponctuelle ” “ le temps d’un instant ” où se matérialise une certaine adéquation symbolique ; “ justesse ” ne se référant à aucun fait, à aucune réalité intrinsèque autre que l’imaginaire, se suffisant “ d’être une création accomplie ”, “ émanant du pouvoir métaphorique du langage ” ». Ne craignons ni le fou ni le banal, craignons le savant et en matière de science le poids du monoïdéisme. R. Thom disait que pour réfléchir et découvrir en matière scientifique, il fallait « être dans le loisir ». Il n’en reste pas moins que cette pratique comprend une part délibérée de suggestion comme noyau potentiellement associatif pour l’adolescent (avec risque de passivation ou « séduction » disait P. Mâle).
Les deux modÉles de construction
43La construction est qualifiée pour S. Ferenczi par son ancrage conscient dans l’expérience vécue. Quel ancrage ? Soit « traduction d’un registre jusqu’alors inaccessible, mais déjà là » donnant l’occasion à l’inconscient de se découvrir, soit « création d’un sens jusqu’alors absent » [55].
441 - Une tactique de S. Viderman consiste à travailler les transformations plurielles et oubliées des images et de leurs significations. Ici la traduction du registre infantile comme mise en sens de l’expérience pubertaire d’abord corporelle. À ce niveau quasi phénoménologique, l’art est de dire et redire autrement ce que l’adolescent a raconté ; tout réside dans cet « autrement » : métonymie en renaissance, redescription, remise en nouveau contexte. J’aime à ce sujet reprendre le modèle des historiens français de l’école dite des Annales concernant les liens entre faits et phénomènes psycho-sociologiques. « Les faits n’existent pas, c’est l’esprit qui pense et construit les faits » [56]. Les faits sont incontestables « puisqu’ils » sont relatés et commentés par l’adolescent dès lors construisons-les. « Si j’ai bien compris ce que vous me racontez… je pourrais ainsi imaginer… » : traductions nouvelles, polymorphisme des récits à propos des thèmes semblables… confrontation, co-constructions.
Un jeune garçon lors de notre quatrième rencontre au déroulement fort transférentiel me raconte que depuis notre dernier entretien, il avait enfin une copine. Je l’interroge sur ce qui s’est passé. Il s’est ennuyé en faisant l’amour (c’était une première très attendue), « tout était moyen », il y a des moments « où l’ennui de la vie lui donne des idées de suicide en se réveillant le matin » ; il a dit à la copine que c’était bien mais que « pour le moment il ne l’aimait pas », elle n’était pas contente. « Je suis en train de me demander, dis-je, comment votre mère a réagi quand vous lui avez raconté cela ? » Les séances précédentes étaient emplies d’une intimité complice avec sa mère et la culpabilité qu’il en ressentait (« Si je déprime, elle déprime. »). J’étais persuadé que sa mère était dans la confidence de l’événement. L’amour entre ses parents qui lui semblait la spécificité formidable de leur couple et dans lequel « il n’y avait pas de place pour lui » est mis en question maintenant. Il ne se sent plus pareil « malgré le fait qu’il ait rompu avec la fille… ». Un lien associatif nouveau est en train de se développer.
46Ce qui est confronté est seulement « presque » nouveau. Ce qui est partageable et dans la séance partagé comporte deux lignes opposées [57] :
- l’innovation ; nous construisons l’histoire plutôt que nous cherchons ce qu’elle a été [58] ;
- la coïncidence relative entre ce que nous disons de l’histoire du patient et ce qu’elle aurait été réellement ou tout au moins ce qu’il en dit lui-même ; notre construction vise à être proximale par rapport à la sienne.
47« Il faut (donc) que d’après les indices échappés à l’oubli il (l’analyste) devine [60] ou plus exactement construise ce qui a été oublié » [61] (entraînant la répétition et la remémoration) sans doute « reconstruise » comme le propose S. Viderman [62], du fait du travail incessant de la psyché lors de la traduction par le langage des affects et des représentations (il n’est pas concevable que le sujet retrouve une histoire « vraie », intacte).
48Quel est « l’oublié » ? L’infantile tel qu’il ne peut encore (ou refuse à) se teinter de pubertaire ? Là se trouve le thème de nos esquisses à visée perlaboratrice. Le conte de l’analyste se déploierait à partir de la trace pubertaire actuelle mais enfouie par et dans le récit de l’adolescent certes toujours plus ou moins supposée et prendrait la place d’un rêve qui devait advenir et n’a pas eu lieu. Expliquons-nous concernant la particularité statutaire du rêve à l’adolescence [63] : le pubertaire est la trace qui produit du rêve avec un matériau infantile. Dans le breakdown le rêve manque, la trace pubertaire produisant des phénomènes de l’ordre du cauchemar ; l’écart entre infantile et pubertaire est alors trop grand pour faire du rêve. Notre intervention tierce dans la cure réduit cet écart évoquant de l’infantile, familiarisant le pubertaire.
49Notre récit se glisse à la place de ce rêve trop manquant. Essai approximatif (interrogatif disais-je) de travail de rêve… parmi plusieurs broderies possibles en proximité avec le vécu de l’adolescent, sans doute en deçà des mots néanmoins, sous forme d’images proches de celles évoquées par lui et qui peut-être à leur tour feront leur chemin, essai de nominations proposées aux éprouvés.
50Je rapprocherai également cette procédure de la représentation d’attente [64], à laquelle procédait Freud et qu’il adressait au patient : « Nous donnons au malade la représentation d’attente consciente, à la ressemblance de laquelle, il décèle chez lui celle qui est inconsciente, refoulée. » De façon analogique, elle fonctionnerait comme reste diurne déjà travaillé « faisant signe » aux représentations infantiles refoulées dont elles pourraient constituer le support d’expression (bénéficiant de la force du transfert inconscient sur la séance pour franchir le refoulement), faisant rebondir le cheminement en incitant les processus associatifs. Allons plus loin. L’analyste parce que porteur d’infantile statutairement, n’est-il pas le mieux placé pour proposer des essais narratifs d’une adolescence suffisamment bonne ? Proposer en partage ce qui n’est guère partageable… est assurément un virage épistémologique redisons-le, renonçant à une recherche univoque de sens [65]. Modestie du rapproché avec le roc de la paradoxalité, dérision de produire seulement « autour », « à propos », de commenter. Je crois qu’une force de F. Dolto était sa capacité de raconter des histoires à propos de la situation de l’enfant dans sa famille et son effort alors pour rendre familière une opinion qui pouvait être vécue comme de l’ordre de l’intrus.
512 - La stratégie de nos constructions porte sur ce qui ne s’est pas construit dans l’adolescence en breakdown, qui aurait dû s’accomplir et qui sans notre intervention ne pourrait peut-être plus jamais s’accomplir (car nous pensons que la prime adolescence est le temps où doit électivement advenir le processus de construction). Le non construit n’est pas du « souvenir oublié » (Freud, 1937) mais un quelque chose qui n’est resté qu’éprouvé-agi : certitude immédiate de la sensation (distincte de toute pensée rationnelle), éclair de pensée, appréhension intuitive immédiate, ressenti génital direct ou déplacé (cf. l’alimentaire), érotico-agressif (posant la problématique de la mort…). Dans le breakdown, le transfert n’est pas un espace transitionnel (qui engendre des paroles) il est dans l’opératoire. Les mots ne sont que des symboles d’objets partiels (organes) ; il n’y a pas de sublimation, il y a seulement de l’équation symbolique ; nous avons qualifié ce fonctionnement de psychotique [66]. La trace pubertaire ne peut donner à l’adolescent que des cauchemars jusqu’au moment où traduite par un autre, elle pourrait inciter au rêve. L’originalité souffrante de ces adolescences très difficiles découle bien sûr de l’absence imagoïque : « le non pensé » du pubertaire. La séance se déroule sans ce modérateur que constitue la capacité de représentation du patient. Des représentation interprétées par l’infantile auraient dues se produire, elles ne se font pas. Le psychanalyste se doit « d’imaginer l’inimaginable » [67] au moins ce qui n’est pas (encore) imaginé, et R. Cahn de rappeler le constat de H. Searles [68] avec les psychotiques que tout est « vain, voire anti-thérapeutique » tant que le thérapeute n’est pas capable de se mettre à jouer avec le patient [69] « de manière délicieusement folle… » [70]. « Quelque chose qui n’existe pas encore provoque un événement psychique qui le fera exister » résume C. Le Guen [71]. Dans la séance, l’événement psychique vient de notre jeu. L’image de G. Duby est intéressante, « les traces sont comme des pitons pour une draperie ; il y a les pitons c’est moi qui met les draperies ». La construction sur sa base infantile va à la pêche de la sensori-motricité pubertaire. I. Melo relate [72] : « Lorsque cette jeune fille parle de son père, elle frissonne. » Inclure le frisson dans notre version narrative est alors « respectable ». Créer de l’image, c’est ici créer du lien entre corps plutôt pubère et psyché plutôt infantile – alors que toute leur pathologie consiste à ne pas en créer et attaquer le ressenti –, « créer du préconscient » [73].
Ce qui se perlabore de façon plus ou moins bonne
52Dans l’état limite que constitue le breakdown lauférien, les deux modèles de travail à visée perlaborative précédemment rappelés sont présents dans une seule séance. Pour m’expliquer, je reprends la même distinction selon une formulation différente [74] (toujours sur la limite elle aussi classique) qui me semble plus proche de la pratique clinique avec les adolescents : d’une part la sublimation, d’autre part l’idéalisation de l’objet. Je rappelle que l’enjeu de toute intervention est la qualification ou requalification du pubertaire : en rapport avec l’infantile dont les injonctions se condensent en terme d’idéalité (disons autrement : par rapport aux idéaux avec lesquels l’encore-enfant aborde la puberté.
53- Le processus de sublimation [75], travail métaphoro-métonymique comme « procédure d’affectation » qui vise à maintenir les éprouvés corporels pubertaires tout au long de leur secondarisation en affects. Les séances adolescentes s’associent plus ou moins souplement sans perdre pour autant leurs fondements ni infantiles ni pubertaires (c’est l’après-coup). Le maître processus de notre usage de la perlaboration est la sublimation.
54- Le couple refoulement originaire-idéalisation de l’objet comme procédure par laquelle la représentation se développe au détriment de la sensori-motricité dès lors se clivant d’elle. La chose représentée est alors une chose perdue. Dans la problématique en jeu à la puberté, l’infantile occupe le terrain par la force que lui donnent ses idéaux. Disons que l’emprise de l’infantile se résume en ce qu’elle continue à figurer l’idéal de l’enfant maintenant pubère. Les choses pubertaires ne peuvent guère se sublimer mais sont interprétées comme des équations symboliques infantiles (c’est-à-dire phalliques) se répétant. Prenons un exemple :
Je relate le début de la troisième séance de A., seize ans, alternant anorexie et boulimie-vomissement depuis trois ans. Après quelques préalables anodins, elle regarde le sol en silence attendant manifestement que je l’interroge et de fait je la sollicite : « Pourriez-vous me dire ce que vous pensez ? » Elle déplore aussitôt : « sa réponse est lamentable, misérable, dégoûtante, sans aucun intérêt pour moi… encore que je puisse en être étonné » : « Une tranche de flan à la devanture d’une boulangerie ; je suis obsédée par les flans, je n’en achète jamais mais je connais les prix de tous les flans de la ville », elle me décrit avec minutie leur taille, leur couleur en soulignant l’idiotie de cette obsession. « Figurez-vous que j’en rêve très souvent. » Je lui demande un exemple ? Sans réticence, elle relate le cauchemar suivant : « On me met un entonnoir dans la bouche bien enfoncé et on me fait couler une tranche de flan. » Sur ce rêve qu’elle qualifie de stupide, je commence à m’interroger tout haut : « Qui on ? un entonnoir comment ? quel flan ? » Cette dernière interrogation provoque une angoisse, elle se redresse dans son fauteuil, serrant plus encore son manteau contre elle ; elle se sent attaquée : « Quelle horreur ! quelle horreur ! » Le flan est « visqueux » [76].
Je lui demande si elle m’autorise à associer sur le mot « flan » ; elle accepte volontiers et je lui propose le verbe « flanquer ». Elle trouve que le renversement de situation est tout à fait passionnant. Elle en parlera à sa copine sur le Net ce soir : au lieu de subir l’intrusion des flans comme dans le rêve, elle s’imagine « flanquant plusieurs objets ». L’image qui la retient est celle « de jeter un verre par terre sur le sol avec ses tommettes. Le verre pourrait s’y briser en mille morceaux qu’on ne pourrait jamais ramasser » (le sol de la pièce où je la recevais était fait de tommettes de même que la salle à manger de sa mère où elle se refusait de manger en famille). Elle s’esclaffe d’une façon quasi hypomane. Je lui demande selon une incitation métonymique si le verre qu’elle jetait à terre était plein ou vide ; ma question l’enchante : « Il est plein, c’est encore plus énorme. »
Je lui demande alors s’« il était plein de flan ? ». Son exaltation tombe ; elle me reproche avec véhémence : « de dire des choses violentes ; je suis complètement angoissée… ». Dirais-je à l’instar de D. Anzieu qu’elle était « saisie » (saisissement originaire de la création). Il y a une sorte de ludisme dans l’angoisse qu’elle présente et sans doute dans le dialogue que nous avons ; je m’autorise à lui dire que c’était de « l’impur » dont je parlais (ce que pour ma part je nomme pubertaire). « Oui, tout à fait, si je ne vous aimais pas autant, je me serais levée et je serais partie. » Nous avons alors engagé une discussion quelque peu philosophique sur l’impur : « Si elle aime la personne, elle peut en parler sans fuir », « les choses impures peuvent devenir “ presque pures ” ». Le transfert n’est pas analysé mais l’occasion m’est donnée de substituer à la dialectique pureté-impureté, celle entre amour idéalisé et haine pubertaire.
Après un temps de réflexion silencieux, je suggère de reprendre mes associations à propos du mot flan, précisément le mot « flanc » dans le corps humain ; en parlant j’indique mon propre flanc. Sa crise d’angoisse est importante. « Comment pouvez-vous penser cela… c’est horrible. » Elle s’attarde à propos de la haine de son corps, en particulier pubère ; ainsi est-elle parvenue à supprimer depuis deux ans « ce qui arrive aux jeunes filles tous les mois » (le mot « règles » est interdit, si quelqu’un dit ce mot devant elle, elle ressent de l’horreur). « Elle est arrivée à avoir le torse tout plat » [dans une autre séance, elle me dira qu’elle accepte le mot « poitrine », mais l’autre mot, elle ne peut l’accepter sans angoisse (il s’agit du mot « sein »)]. Elle admire les mannequins, elle regrette assurément de ne pas pouvoir l’être non pas parce qu’elle est maigre mais parce qu’elle n’est pas assez grande et assez belle, sinon elle aurait bien fait ce métier-là. Elle ne manque aucune présentation de mannequins à la télévision et aime les journaux féminins. Elle a horreur du vieillissement ; elle le sent déjà chez elle. Elle s’excuse d’en parler avec moi qui suis vieux. Je lui fais remarquer alors que sa haine pour son corps pouvait cacher un amour singulier. Étrangement, elle l’admet : « C’est vrai, j’ai été déçue […]. Elle se coupe plusieurs fois par jour ; elle le fera toujours. Elle parle de la place immense des scarifications dans sa vie. Pourrait-on vivre sans cela ? C’est un côté pur si c’est bien fait, si ça saigne bien. »
Quand je lui ai proposé mon association avec le flanc corporel, j’ai rappelé que le principe de nos entretiens était de dire ce que l’on pensait ; je constate qu’elle arrive à le faire et je le ferai aussi si elle en est d’accord. Elle commente, détendue, qu’elle aime bien parler comme cela et qu’elle n’a jamais rencontré personne avec qui elle pouvait le faire. Elle ne « pratique ainsi qu’avec son journal intime » qu’elle écrit à tout moment de la journée, y compris en classe et auquel personne n’a accès. Elle l’a toujours sur elle ; fouillant dans son sac, elle me le montre et y jette un coup d’œil après l’avoir ouvert, puis le regarde tranquillement devant moi : « Je ne pourrai pas vous en lire, je le regrette, je n’aimerais pas entendre tout haut ce que j’écris mais je pourrai vous montrer quelques pages. » Je lui réponds que c’est une affaire très importante et que nous nous sommes déjà dit beaucoup de choses aujourd’hui. La rencontre suivante sera consacrée à ce journal intime dont elle m’a fait des photocopies ; elle me montre les pages qui pourraient m’être autorisées : nous discutons de la philosophie qu’elles contiennent nous permettant de mieux comprendre les critères si énigmatiques de la pureté.
Elle revient sur la question du flan : « car elle en a acheté un et l’a mangé, c’est le premier » dans ses sélections d’anorexique.
Je résume mon hypothèse :
1 - Les éprouvés alimentaires sont refusés par les forces ou idéaux infantiles. L’image-mot « flan » est une de ces séquelles idéales : « le flan merveilleux » (symbolisant sa majesté l’enfant) que dans l’enfance elle aimait tant manger, préparé par sa maman (mes interventions ne firent pas allusion à ce fait d’histoire d’enfance). Mot et chose seraient confondus (comme dans la psychose) dans la vie et la séance, si elle ne s’interdisait pas son absorption (dans les crises boulimiques et les repas, les aliments doivent d’abord être dénaturés, disqualifiés).
2 - La séance offre l’occasion d’un travail de sublimation intersubjectale métaphoro-métonymique. Notre expérience de construction avec A. transforme les représentations de choses en gardant de la chose : « parce que je sublime, elle peut sublimer concernant le flan ». Construire déconstruit l’emprise du flan idéal de A. qui empêchait la sublimation. La distinction entre les deux concepts entraîne une différence au niveau de l’affect : dans le processus de sublimation, la trajectoire imagoïque s’accompagne d’affects primaires (éprouvés). Si refoulement originaire il y a, la trajectoire imagoïque perd sa base corporelle (abstraction et idéalisation).
3 - Alors et alors seulement le flan devient mangeable. La levée de l’inhibition idéalisante (refusement) permet la reprise naturelle de la sublimation… dans ce secteur seulement de son travail psychique.
Mes interventions dans la séance de A. sont typiquement celles de « l’Autre toujours plus ou moins violent » de P. Aulagnier (« trop violentes » si le refoulement originaire s’accroît, peu violentes s’il décroît). Elles reflètent ma capacité « d’interprète motivé » en cette occasion (contre-transfert sur la séance, contre-transfert concernant A.) ; travaux d’identification repérant à travers leurs enfouissements les traces pubertaires disqualifiées en tels ou tels mots, en telles hésitations de la voix, tels gestes…, le risque d’injonction paradoxale, comme on l’a vu est important.
56La perlaboration se déploie à partir d’un moment où l’analyste a par empathie l’insight qu’il se rapproche d’un ressenti qu’il peut interpréter. Sa version est bien d’ « un impossible invérifiable » [77] ; impossible à dire par l’adolescent lorsque qu’il est imaginé par l’analyste comme possible à vivre. Elle trouve son intention (son étayage ?) dans une trace pubertaire évocable que l’analyste rend partageable à partir d’une expérience que son récit démasque en la masquant encore. Nos mots servent à exprimer, à notre façon, le contenu de ce que l’adolescent n’expérimente pas et n’a pas expérimenté, ou à reconnaître comme expression hypothétique ce qu’il vit et a vécu.
57Se constitue-t-il dès lors entre l’analysant et son interprète quelque chose sur le modèle de ce que M. de M’Uzan [78] a décrit comme « la chimère », produite par les processus psychiques qui se déroulent chez l’analysé dans la mesure où ceux-ci déploient un mode de fonctionnement psychique original « accueillant » chez l’analyste ; « une communauté de la pensée associative » écrit-il de telle sorte que se développe « une sorte d’organisme nouveau entre eux […] un monstre avec ses propres modalités de fonctionnement et qui se manifeste par un cortège d’images banales ou étranges chez l’analyste et l’analysé ». Je dirais que cette chimère dont l’auteur prend de nombreux exemples aurait tout à voir avec ce qui surgit dans la tête d’un enfant en train de devenir pubère et cherchant sa création. Chez l’adolescent en breakdown, la chimère pourrait être une construction entre deux dont nous pourrions être l’auteur premier.
58La perlaboration dans la cure des adolescents fonctionnant essentiellement en attaques du corps est une pratique à risque n’en écartons pas le débat. Elle a même parfois une dimension ordalique dans laquelle nous jouons le rôle du dieu justicier (par lequel ça passe ou ça casse)… Le risque est dans les extrêmes :
59Trop secondaire, elle est en pleine intellectualisation ou « abstraction » comparable au travail de l’archéologue qui « reconstruit en complétant ou en assemblant les restes conservés » [79], trop « lointaine », trop issue de la théorie du cas. Elle blesse l’adolescent dans son besoin d’une construction par un Autre (afin d’échapper à son exigence douloureuse non pas de comprendre mais de représenter).
60Trop riche en processus primaires (ou faisant allusion à un primaire violent dans le texte adolescent), elle génère répétitions, violences, intrusions. Une intervention trop saturée de primaire serait même susceptible de provoquer une hallucination [80]. Dans quelle mesure, du fait du niveau archaïque de certains adolescents très difficiles, notre version requiert-elle une capacité régressive, une certaine folie au sens de H. Searles ? Celle-ci serait-elle susceptible d’aller jusqu’aux descriptions de R. Laing avec Mary Barnes dans son émouvant « Voyage à travers la folie », (« l’antipsychiatre ne s’y tenait pas bien » [81]), au-delà de la simple « régression correctrice » décrite par D. W Winnicott : sorte de repli dans la participation chez le thérapeute à la proximité de l’expérience archaïque du patient, altérant les limites du temps et de l’espace, coupant les mots de leur signification lexicale pour leur conférer une valeur surtout sonore (les représentations n’étant que des flashs clivés sans capacité associative). La descente vers l’irreprésenté pourrait bien alors devenir descente aux enfers. Voilà une critique susceptible d’être faite à l’égard de la procédure analytique ici proposée. Le rapproché de vérités sensibles pourrait introduire trop d’actions dans la séance. L’analyste y perdrait son autorité sur le cadre et l’adolescent ses dernières limites. Il pourrait s’enfoncer dans sa maladie vécue comme toute-puissante… et contagieuse. Faut-il sans doute limiter notre disposition constructrice [82] ? ou mieux sublimer autrement ?
Ainsi A. vient « criser » en séance avec des réserves alimentaires ; elle se refuse à quitter le bureau avant d’avoir pu vomir, etc. Une telle séquence pose bien la problématique des limites. Je pris le parti de refuser de trouver une cuillère pour manger un yaourt qu’elle avait apporté dans son sac. Je manifestai mon désaccord à ce qu’elle puisse utiliser les toilettes pour vomir. Devant ce discours de Maître, A. s’emporte, m’accuse d’être comme tous les autres : « Son père qui s’en fout… sa mère qui la cherche… les soignants de l’hôpital complètement indifférents… » Elle marche de long en large et me raconte un rêve récent qualifié de pénible où elle était poursuivie sexuellement par un homme âgé ; je la défendais… Si « le construire en séance » peut être rapproché d’un rêve manquant de l’adolescent, rappelons-nous que pour rêver il faut dormir et dès lors que pour construire et entendre la construction il faut être attentif dans une phase calme [83]. Je reprends la distinction autrement.
Déconstruire
62Nos constructions comportent implicitement une visée de déconstruction des murailles infantiles qui provoquent les méconnaissances du pubertaire. Par leur pluriel interrogatif, elles attaquent l’idée qui se donne unique que V. Jankelevitch nomme la connaissance-méconnaissance, elles métissent les convictions en substituant le vraisemblable au vrai.
63En fait, il s’agit moins « d’arracher au patient ses illusions dangereuses » [84] que d’exploiter les voies dérivées (telle la sublimation) de nos paraboles. Le rapproché construire-déconstruire marque en effet une opposition : construire renvoie à une philosophie optimiste de participation intersubjectale bienveillante ; raconter une histoire à un enfant lui ouvre les portes du sommeil, donc du rêve. À l’inverse de ce discours sur l’inconscient, « déconstruire évoque un discours de maître » (conseiller, convaincre, suggérer, etc.). Une fois de plus je souligne l’antinomie entre sublimation et emprise, d’une certaine façon ce chapitre lui est consacré.
64La déconstruction peut être suffisamment puissante pour que l’adolescent toujours narcissiquement fragile ait un ressenti d’intrusion hors de la construction (j’ai plusieurs fois insisté sur ce risque de toute construction qui se doit d’être modeste). La créativité est insécure. Toute activité de représentation (domaine exclusif de la psychanalyse) se paie de séparation. Celle-ci risque d’être acceptée (je dirai aussi reçue autrement que comme une injonction paradoxale) dans la mesure où notre créativité ne cherche pas appui sur notre pouvoir naturel.
65Je propose de réfléchir l’emprise déconstruisante sous trois rubriques correspondant aux trois secteurs de ce que j’ai nommé « l’infantile élargi » [85].
661 - Le sujet adolescent est assujetti aux institutions créées autour de lui (famille, école) ; elles constituent un aspect de son environnement au sens winnicottien (à statut interne et externe). Le « on » qui en définit le langage est illusion et injonction pour le « je » (obéissance créative ou soumission-révolte) [86]. Le discours de l’autre ainsi institué est celui du Maître dans lequel l’adolescence se déroule. Nous devons montrer à l’adolescent que cet assujettissement est à la fois naturel à la création et aliénant. Distinguons dans nos traductions hypothétiques ce qui relève de la famille institutionnelle (structure patriarcale, statut des personnes, idéologie) et ce qui relève d’un qualificatif intersubjectal intime-extime. J’ai insisté récemment sur la distinction entre jeunesse et adolescence [87] sur le même modèle que individu et sujet, institution et communauté. P. Mâle [88] était habile dans ce type de déconstruction des idéologies et pratiques sous forme de leurs évocations en séance. « Dans votre famille ou votre école on ne fait pas ou ne pense pas ce que vous faites ou pensez… » Subtile est la distinction entre le Surmoi personnel et le Surmoi groupal au cours de l’analyse de conflits familiaux (également des sémiologies telles l’absentéisme ou la phobie scolaire, la délinquance…). Déconstruire n’est ici pas prendre un parti mais présenter, mieux représenter les lignes de force. Une bonne philosophie de l’écart se doit de distinguer dans une scène adolescente ce qui revient au sociétal « déjà là » et ce qui relève de l’inter-sujet. Le psychanalyste est lui-même dans une hiérarchie [89] avant d’être une personne. P. Pasolini aimait à dire que les hommes qui enlèvent leur uniforme redeviennent des sujets.
672 - Toute différente est la mise en opposition-rapprochement entre infantile et pubertaire. Je dois ouvrir ici une parenthèse théorique sur une distinction qui n’a pas été toujours claire dans mes écrits. La composition que nous exprimons n’est pas la même lorsqu’elle porte sur une conviction de l’encore-enfant pubertaire en l’occurrence ses théories sexuelles infantiles interprétant les expériences œdipiennes et pré-œdipiennes ou lorsqu’elle porte sur le passé en termes de « souvenirs enfouis » (Freud).
68Examinons le premier cas (qui rappelle d’ailleurs la déconstruction institutionnelle précédemment citée). J’ai souvent montré que le pubertaire ne pouvait s’élaborer, se mixer à l’infantile que dans la mesure où les mailles de ces organisations infantiles phalliques n’étaient pas trop serrées. Ainsi, ai-je développé l’idée que l’élaboration pubertaire ne pouvait se déployer que dans un espace « suffisamment a-phallique » [90]. L’interminabilité est liée, comme M. Laufer le montrait, à la toute-puissance des organisations infantiles n’admettant pas le questionnement et rejetant le pubertaire dans un secteur cassé-cassant du Moi [91]. La construction en séance a la mission secrète de déconstruire les convictions de « l’infantile phallique » afin que, extériorisées, elles ne fonctionnent pas comme obstacle risquant de disqualifier (ou disqualifiant) le fondement pubertaire de la subjectivation sous forme d’injonction paradoxale. Il ne s’agit pas, là encore, d’argumenter ni de donner une opinion mais de présenter une ouverture.
69Dans le deuxième cas : infantile et pubertaire constituent les deux ensembles que j’ai décrit sur le modèle de l’illusion paradoxale winnicottien [92]. L’intervention de l’analyste ne peut valoriser l’un sans disqualifier l’autre. Souvenons-nous des effets malheureux des injonctions « à grandir » ou « à rester encore enfant ». Toute traduction comporte le préalable d’une « acceptation » (D. W. Winnicott) ou mieux d’une reconnaissance (D. Lagache) de l’association illusion-désillusion en l’état. La prise d’écart et l’après-coup ne peuvent venir que de l’adolescent lui-même. « La déconstruction des constructions anciennes » procède « non pas dans le but d’une restitution d’un passé plus intact […] mais pour permettre au patient de construire une nouvelle version de lui-même à son gré ». Grâce à cela le champ se trouve libre pour « une nouvelle traduction que le patient dans sa contrainte à la synthèse ne manquera pas de produire » [93], spirale imaginaire « à son gré » (qui peut elle-même se fixer bien sûr). Comme je l’ai formulé précédemment, c’est l’intersubjectalité en séance qui fait rebondir différemment la relation du sujet à ses objets. Dans la séance, la composition de l’analyste est moins « corrélative d’une levée partielle des refoulements » et de la culpabilité (surmoïque) que de l’engagement de l’adolescent dans la tragédie humaine (entre idéal et chute).
Exemple trop simple. Armelle, douze ans, comme à chaque séance depuis un an, me parle de son besoin d’être aimée de son père ; je déconstruis son Œdipe infantile et dès lors, elle me parle de son petit ami qui l’aime. Cette libération lui permet de revenir ensuite autrement à son père actuel. La reconnaissance (dirais-je même le respect) porte beaucoup sur les idéaux plus ou moins sécurisants des imagos infantiles ; à eux de participer en souplesse à l’élaboration des idéaux issus de la sublimation pubertaire. L’adolescent lui-même ne supporte guère une désidéalisation parentale dans le « nous » de la séance. Je pense de plus en plus qu’il faut dans une cure d’adolescent s’occuper aussi personnellement des parents de façon individuelle ou mieux en groupe (thérapie familiale).
71L’expérience clinique montre, je le rappelle encore, que déconstruire ce qui s’extériorise doit non pas saper, amputer mais qualifier l’infantile pour l’après-coup, celui qui se rénove en innovant, celui qui gère le partage de l’originalité, celui dont j’ai dit qu’il était la force interprétative du pubertaire advenant.
723 - La spécificité du pubertaire réside dans sa proximité à un originaire nouveau (découverte du génital). L’adolescent tient à la fois à s’éloigner de cette causalité par l’imaginaire, par les mots (ce qui ne lui est pas facile) et craint en parlant de perdre l’originalité des ressentis (c’est le travail du négatif du langage susceptible de provoquer le silence). La séance éloigne-t-elle de l’éprouvé ? Notre version des faits doit en tenir compte.
73Toute perlaboration en cours nécessite une auto-analyse quant à la position institutionnelle d’analyste, le degré implicite de ce que j’ai nommé la parentification du statut intergénérationnel, la réaction intime aux expressions d’éprouvés plus ou moins agis de l’adolescent en séance.
74Concluons sur la nouvelle d’Henry James intitulée L’image dans le tapis [94]. Un critique rencontre pour la première fois l’auteur dont il travaille les écrits. Ce dernier lui reproche de ne pas avoir rempli sa tâche qui devait lui révéler « son trésor caché » : « Vous écrivez là dessus mais vous ne le trouvez pas. Vous commentez sans le connaître. » Le critique approuve cette diatribe exprimant le besoin d’un lecteur privilégié qui donnerait l’apparence à « l’image dans le tapis ». Car celle-ci ne peut se révéler ni par le texte ni par l’auteur mais exclusivement par cet Autre dont ce serait, tel le thérapeute la mission.
75« Nous » sommes tous deux, l’adolescent et moi, en train de travailler un certain matériau de l’ordre de l’inconnu. Il se crée une collaboration intersubjectale concernant ces thèmes de recherche. Cette collaboration serait l’occasion d’un changement. La méthode analytique classique qui impliquerait un partage des tâches (entre l’apport d’un matériel par l’analysant et son interprétation) n’est pas opérationnelle. Il s’agit d’une étude menée par deux protagonistes dans une séance donnée et par la-même une transformation de son objet. Il n’y est cherché ni vérité ni sens mais travaillé la pluralité des choses. L’intersubjectalité de la séance ouvrirait-elle à un fonctionnement intersubjectal dans la vie (sensibilité au désir de l’autre) ? En transformant la scène relatée par l’adolescent en scène intersubjectale, serait-il plus possible à ce dernier de travailler les échecs intersubjectaux dont il nous fait le récit ? L’acteur pourrait-il renoncer à sa perversion narcissique (art d’utiliser l’autre, de jouir de façon plus ou moins masochique) ? Cela suppose de la part de l’analyste une grande souplesse contre-transférentielle. Je l’ai laissé entendre tout au long de ce texte. Devant le trouver-créer commun de la séance émanant tant de l’un que de l’autre et les ajustements divers des perlaborations, le thérapeute peut être une incarnation du sujet parental de transfert, interprète motivé tel que nous l’avons si souvent défini [95] en sa nécessité pour la subjectivation (supposé savoir de l’imaginaire et de sa discrimination par rapport à la réalité et aux idéaux).
76Cette remarque de W. R. Bion clôt l’interview de S. Viderman par S. D. et M. Kipman [96] : « L’analyste est un personnage ordinaire dans une situation extraordinaire. »
77Ordinaire dans la vie, bien sûr mais extraordinaire quant à la mise à l’écart de la relation au savoir-pouvoir au sein de laquelle se loge le trop classique débat entre interprétation et construction. Il est volontiers pris comme exemple de construction cette remarque de R. Schafer à une petite fille : « Tu n’aimes pas être sage car tu as l’impression d’être soumise. » Je discute ce « car » : si la construction se justifie d’une envolée créative originale, la donne affirmée est trop docte et clôturante.
78Extraordinaire serait la possible liberté de la séance. Si nos variations des thèmes éphémères étaient données de façon condensée et directe, elles seraient d’une platitude certaine (venant même se contredire en s’exprimant ainsi) et ne pourraient qu’être refusées. À nommer un affect sans composition, il devient dans l’excès de la pauvreté, banal, plat et dès lors lourd de menaces. L’art est non pas d’exprimer l’inexprimable, comme on le dit souvent, mais « d’inexprimer l’exprimable » et de « fonder un langage indirect à la fois obstiné (pourvu d’un but) et détourné (acceptant des stations infiniment variées) » [97]. Varions donc notre perlaboration entre une parole simple cherchant l’adéquation sécure à un langage traditionnel et la saisie narrative d’un affect « comme ça » contournant la paradoxalité profonde entre être et langage, de façon ouverte et décorée.
Notes
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[1]
Ce texte revient sur les idées du chapitre II « Raconter » dans la quatrième partie de mon ouvrage Psychothérapie et adolescence. Paris : PUF, 2000. Il s’agit non seulement de les approfondir mais de les actualiser par rapport à l’évolution si rapide de la jeunesse dans nos pays. Le site et la situation de la cure sont en plein changement. Cf. également Gutton Ph. (2007). Originalité et bourgeoisie. Adolescence, 25 : 19-26 ; (2009). Jeunesse et adolescence : une paradoxalité exemplaire. Adolescence, 27 : 263-269 ; (2010). Paroles de séminaire. Adolescence, 28 : 9-26.
-
[2]
Le thème a fait l’objet de publications nombreuses, je resterai proche de la clinique.
-
[3]
Barthes R. (1957). Mythologies. Paris : Seuil.
-
[4]
Ibid., pp. 35-38.
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[5]
Laplanche J., Pontalis J.-B. (1984). Vocabulaire de la psychanalyse. Paris : PUF.
-
[6]
Le titre de ce texte est inspiré des conclusions de l’article de G. Rosalato rapprochant perlaboration et démarche mystique. Rosolato G. (1980). Présente mystique. Nouvelle Revue de Psychanalyse, 22 : 5-38.
-
[7]
Ibid., pp. 36-38.
-
[8]
Freud S. (1937). Constructions dans l’analyse. In : Résultats, idées, problèmes, T. II. Paris : PUF, 1985, pp. 269-281.
-
[9]
Press J. (2008). « Construction avec fin, construction sans fin ». Rapport au Congrès des psychanalystes de langue française, Bulletin de la Société psychanalytique de Paris, 86.
-
[10]
Laplanche J. (1992). L’interprétation entre déterminisme et herméneutique. Une nouvelle position de la question. In : La révolution copernicienne inachevée. Paris : Aubier, pp. 385-415.
-
[11]
Freud S., Constructions dans l’analyse. Op. cit.
-
[12]
Ibid.
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[13]
Il était clairement présent dans les modèles proposés depuis P. Mâle et E. Kestemberg, également J.-L. Donnet (Sur la rencontre avec l’adolescent. Adolescence, 1983, 1 : 45-61 ; Adolescence, 2010, 28 : 79-97). Les observations publiées dans la Revue Adolescence en témoignent régulièrement.
-
[14]
Cahn R. (1998). La dimension créative dans le processus psychanalytique. In : Créations, psychanalyse. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Paris : PUF, pp. 93-110. Tenant compte de ses travaux fondamentaux sur la subjectivation : Cahn R. (1991). Du sujet. Rev. Fr. Psychanal., 55 : 1353-1490 ; (1998). L’adolescent dans la psychanalyse. L’aventure de la subjectivation. Paris : PUF ; (1999). Subjectivation adolescente. Adolescence, 17 : 35-41.
-
[15]
Gutton Ph. (2008). Le génie adolescent. Paris : Odile Jacob ; (2008). Le pubertaire savant. Monographie Adolescence.
-
[16]
En particulier Viderman S. (1970). La construction de l’espace analytique. Paris : Denoël, pp. 65-66.
-
[17]
Gutton Ph. (2009). L’illusion pubertaire. In : Y. Morhain, R. Roussillon, Actualités psychologiques. Bruxelles : De Boeck, pp. 33-45. Cf. à paraître en 2011, Paradoxalité de la métamorphose pubertaire.
-
[18]
Sublimation partageable (c’est-à-dire offerte à l’autre, ce qui la distingue d’activités purement narcissiques) et partagée (ce qui implique la capacité créatrice de l’autre).
-
[19]
En raison du manque de limite entre le dedans et le dehors je l’ai regroupé sous le terme « d’infantile élargi ». Gutton Ph., L’illusion pubertaire. Op. cit.
-
[20]
Disqualification dont l’expression est faite d’attaques cruelles du corps (le sien et celui de l’autre) et de la psyché.
-
[21]
Tout le fonctionnement de ces adolescences pathologiques concourt, disait-il, à mettre en échec la cure psychanalytique. Et pourtant, il y consacra ses recherches. Laufer M. (1983). Psychopathologie de l’adolescent. Quelques principes d’évaluation et de traitement. Adolescence, 1 : 13-27 ; (1983). « The breakdown ». Adolescence, 1 : 63-70. Laufer M. et M. E. (1984). Adolescence et rupture du développement. Une perspective psychanalytique. Paris : PUF, 1989.
-
[22]
On remarque que cette procédure a été souvent préconisée dans les états limites de l’adulte (que d’ailleurs nous concevons comme une évolution de l’impossible créativité partagée adolescente).
-
[23]
Je suis sensible au paradoxe que constitue la continuité de la pression infantile et de la discontinuité (je dirai l’éphémarité) du pubertaire. De la sorte, tout peut se passer comme si ce qui constitue la force de la métamorphose adolescente pouvait apparaître enfouie.
-
[24]
Cf. le numéro de la Revue Adolescence consacré à ce thème. Parano… Adolescence, 2008, T. 26, n°3.
-
[25]
« La psychanalyse de l’adolescent existe-t-elle ?… en clinique et en théorie ». Journée scientifique du 7 février 2009 à Paris sous la direction de J. André, C. Chabert, M. Emmanuelli, F. Marty, F. Richard.
-
[26]
Conférer le numéro de la Revue Adolescence 2009, T. 27, n°4 dirigé par J.-P. Goudaillier concernant la langue adolescente.
-
[27]
Les travaux actuels de neurophysiologie, comparant la motricité s’accomplissant et la motricité retenue, le confirment.
-
[28]
A. est une jeune fille extrêmement difficile, anorexique et grande caractérielle dont j’ai déjà argumenté une séance exemplaire. Cf. Gutton Ph. (2008). Jeu thérapeutique en adolescence. In : A. M. Nicolò (Éds.), Una o più anoressie. Rome : Franco Angeli (je reprendrai plus loin l’analyse de cette dite séance). L’histoire de A. revient à plusieurs reprises dans cet article.
-
[29]
Narration exemplaire de A.
-
[30]
Freud S. (1914). Remémoration, répétition, perlaboration. In : La technique psychanalytique. Paris : PUF, 1981, pp. 105-115. Je souligne.
-
[31]
Aulagnier P. (1984). L’apprenti-historien et le maître-sorcier. Paris : PUF.
-
[32]
Gutton Ph. (2010). Pierre Mâle. In : Le tourment adolescent, T. 2. Paris : PUF, pp. 175-217.
-
[33]
La différence des générations est en pleine évolution anthropologique aujourd’hui en parallèle avec celle de la famille [cf. Gutton Ph. (2011, à paraître). La chambre des parents. Paris : Odile Jacob.] et du statut de la jeunesse.
-
[34]
Le thérapeute pris pour un parent actuel et incité à se prendre pour tel. J’ai beaucoup, après P. Mâle, travaillé cette problématique. Gutton Ph., Psychothérapie et adolescence. Op. cit.
-
[35]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 97.
-
[36]
En tant que « champ » commun de la rencontre si l’on veut utiliser cette métaphore issue de la physique. Cf. Press J., « Construction avec fin, construction sans fin ». Op. cit.
-
[37]
Mâle P. (1964). Psychothérapie de l’adolescent. Paris : PUF.
-
[38]
C’est le thème de l’article de C. Le Guen (1998). Voir faire. In : Construire l’histoire. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Paris : PUF, pp. 97-116.
-
[39]
Barthes R. (1970). L’emprise des signes. Paris : Flammarion, p. 10.
-
[40]
Ibid.
-
[41]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 97.
-
[42]
À titre d’exemple l’intervention de J. Press, discutée ainsi par F. Richard : « “ Bébé, vous n’avez pas pu être suffisamment en contact avec le sein de votre mère ”, dit J. Press à un patient en analyse dans une période de grande souffrance. Il en est fort ému et réorganisé. Ce qui émeut tant le patient de J. Press, pourrait être considéré comme une construction si on la formulait par exemple sur le mode : “ Bébé, vous avez douloureusement ressenti un manque de contact avec le sein de votre mère à la mesure de votre désir de celui-ci ”. » Or c’est par sa simplicité que cette intervention fait mouche. L’analyste lui trouve un « côté transgressif » tandis que le patient, apaisé, balbutie : « Jamais je n’aurais pensé que vous me diriez quelque chose de ce genre. » Ni interprétation ni construction, cette intervention inattendue produit un effet de reconnaissance au niveau de leur lien. Richard F. (2008). Construction, déconstruction et reconnaissance. Rev. Fr. Psychanal., 72 : 1519-1529 (p. 1521). Press J., « Construction avec fin, construction sans fin ». Op. cit.
-
[43]
La distinction entre le « transfert sur la séance » (que je valorise ici) et le transfert sur l’analyste ne peut être développée ici. Elle mérite un autre texte.
-
[44]
Travaillant l’autobiographie de son enfance, Nathalie Sarraute a préféré la mener à deux voix, avec un interlocuteur(trice) motivé. Sarraute N. (1983). Enfance. Paris : Gallimard.
-
[45]
Gutton Ph., Pierre Mâle. Op. cit.
-
[46]
Laplanche J., L’interprétation entre déterminisme et herméneutique. Une nouvelle position de la question. Op. cit.
-
[47]
Le terme d’« interprétation de confrontation » est utilisé par D. Lagache.
-
[48]
Le fameux amour propre dont La Rochefoucauld fait dans ses maximes le principe essentiel de l’être humain.
-
[49]
C’est le thème de la cinquième partie de mon ouvrage. La chambre des parents. Op. cit.
-
[50]
Je ne développerai pas ici la description de son processus maître, à savoir la sublimation. Je renvoie à mes travaux depuis Gutton Ph. (1991). Le pubertaire. Paris : PUF ; (1996). Adolescens Paris : PUF ; (2008). Le génie adolescent. Op. cit. ; (2009). L’illusion pubertaire. Op. cit. Gutton Ph., Bourcet S. et al. (2004). La naissance pubertaire. L’archaïque génital et son devenir. Paris : Dunod. Gutton Ph. (à paraître en 2011). La sublimation pubertaire. Adolescence.
-
[51]
Freud S. (1918). L’homme aux rats. Extrait de l’histoire d’une névrose infantile. In : Cinq psychanalyses. Paris : PUF, 1975, pp. 325-420.
-
[52]
Cas clinique extrait de la thèse de doctorat de S. Pechikoff, Université d’Aix-en-Provence, sous la direction du Professeur Ph. Gutton, septembre 2003.
-
[53]
Cf. Les interventions dans Gutton Ph., Psychothérapie et adolescence. Op. cit., pp. 193-281.
-
[54]
Donnet J.-L. (1983). L’enjeu de l’interprétation. Rev. Fr. Psychanal., 47 : 1135-1150. Article qui renvoie à Technique ou pratique. Rev. Fr. Psychanal., 1982. Cf. également Le divan bien tempéré. Paris : PUF, 1996.
-
[55]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 94.
-
[56]
Propos souvent théorisé par R. Aron.
-
[57]
Janin C. (1998). Psychanalyse, histoire, temps. In : Construire l’histoire. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Op. cit., pp. 147-162.
-
[58]
Le Guen C., Voir faire. Op. cit.
-
[59]
Kipman S. D., Kipman M. (1998). Interview de S. Viderman. Monographie de la Revue Française de Psychanalyse. Paris : PUF, pp 11-26.
-
[60]
Je souligne.
-
[61]
Freud S., Constructions dans l’analyse. Op. cit.
-
[62]
Viderman S., La construction de l’espace analytique. Op. cit.
-
[63]
Gutton Ph. (2006). La trace pubertaire. Adolescence. 24 : 787-796. Je renvoie au chapitre de mon ouvrage Adolescens (Op. cit.) consacré au parallèle entre travail de rêve et travail adolescens ou subjectal.
-
[64]
Freud S. (1910). Les chances d’avenir de la thérapie psychanalytique. In : Œuvres complètes, X. Paris : PUF, 1993, pp. 61-73 (p. 64).
-
[65]
Ce n’est pas une interprétation au sens où cette dernière cherche un fait inconscient, une donne où se dirait une vérité singulière dans les fondements inconscients (que rien ne pourrait réfuter). Le travail de construction produit toujours du pluriel.
-
[66]
Je rappelle que la pathologie de breakdown définie par M. Laufer est décrite aujourd’hui comme psychose pubertaire.
-
[67]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit. Également Du sujet. Op. cit.
-
[68]
Searles H. (1965). L’effort pour rendre l’autre fou. Paris : Gallimard, 1977.
-
[69]
Cahn R., La dimension créative dans le processus psychanalytique. Op. cit., p. 104.
-
[70]
Searles H., L’effort pour rendre l’autre fou. Op. cit.
-
[71]
Le Guen C., Voir faire. Op. cit., p. 6.
-
[72]
Discussion entre nous (printemps 2000).
-
[73]
Viderman S., La construction de l’espace analytique. Op. cit.
-
[74]
J’utilise les travaux du numéro « Idéaux » de la Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1983, 27. Travaillés depuis Gutton Ph., Le pubertaire. Op. cit. ; plus récemment Gutton Ph., Bourcet S. et al., La naissance pubertaire. L’archaïque génital et son devenir. Op. cit., ; Gutton Ph. Le génie adolescent. Op. cit. ; L’illusion pubertaire. Op. cit. ; cf. également Sublimation pubertaire. Op. cit.
Distinguer les deux processus permettrait une redéfinition de la violence de l’autre » dans la théorie du pictogramme de P. Aulagnier. Le refoulement originaire est un travail (tout) « contre » l’Autre représentant originaire tel que P. Aulagnier le décrit dans la paranoïa. La sublimation s’effectue « avec » et par l’Autre sans la violence du refoulement originaire. Gutton Ph. (2008). « J’accuse ». Adolescence, 26 : 571-596. -
[75]
Dirais-je aussi symbolisation.
-
[76]
Dans mon Séminaire sur l’adolescent, ce rêve fut l’objet de nombreuses discussions quant à la signification phallique de l’entonnoir à la fois masculine et féminine et sur le contexte phonétique de l’adjectif « vis queue ».
-
[77]
Viderman S., La construction de l’espace analytique. Op. cit.
-
[78]
M’Uzan M. de (1994). La bouche de l’inconscient. Paris : Gallimard ; (2005). Aux confins de l’identité. Paris : Gallimard.
-
[79]
Freud S., Constructions dans l’analyse. Op. cit., p. 271.
-
[80]
Je remercie Caroline Lebrun de rapprocher ce fait du film d’Hitchcock « Pas de printemps pour Mamie » où le psychiatre provoque l’hallucination d’une psychopathe par l’usage du test youngien d’association de mots.
-
[81]
Brousselle A. (1988). Idéalisation et idéologie de la régression contre la remémoration. Les textes du Centre Alfred Binet. Histoire d’enfant : 45-50 (pp. 48-49).
-
[82]
Un débat plus large de la régression dans la cure des adolescents serait nécessaire.
-
[83]
C’est la thèse de D. Braunschweig et M. Fain (1975). La nuit, le jour. Paris : PUF.
-
[84]
Freud S. (1914). Remémoration, répétition, perlaboration. Op. cit.
-
[85]
L’illusion pubertaire. Op. cit. Je les ai rappelés précédemment.
-
[86]
Marcelli D. (2009). Il est permis d’obéir : l’obéissance n’est pas la soumission. Paris : Albin Michel.
-
[87]
Gutton Ph., Paroles de séminaire. Op. cit.
-
[88]
Gutton Ph., Pierre Mâle. Op. cit.
-
[89]
Pouvoir de la théorie par son application sur la clinique ; pouvoir institutionnel du psychanalyste fonctionnaire de la psychanalyse ; pouvoir de son intervention comme spécialiste de l’adolescent et de la famille situés devant lui ; intrusion intergénérationnelle qui majore sans conteste les deux processus précédents.
-
[90]
Gutton Ph., Adolescens. Op. cit.
-
[91]
Utilisons la parabole du rossignol empruntée à Colette ; elle concernerait l’adolescent en breakdown : un rossignol (symbole pubertaire) s’endort dans les vignes qui poussent pendant sa nuit (images infantiles phalliques) ; il se réveille cerné, « ligoté », « prisonnier ». Il ne pourra se dégager qu’en chantant de façon naturelle (afin de se tenir éveillé, naïf et effrayé) au risque de « s’éprendre de sa propre voix » (Colette décrit le plaisir des vibrations de son bec).
-
[92]
Gutton Ph., L’illusion pubertaire. Op. cit.
-
[93]
Laplanche J., L’interprétation entre déterminisme et herméneutique. Une nouvelle position de la question. Op. cit.
-
[94]
James H. (1957). L’image dans le tapis et autres nouvelles. Paris : Horay, 2009.
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[95]
Depuis Le pubertaire. Op. cit.
-
[96]
Kipman S. D., Kipman M., Interview de S. Viderman. Op. cit.
-
[97]
Barthes R. (1964). Essais critiques. Paris : Seuil, pp. 13-14.