Il va de soi que dans une société démocratique, tous les individus peuvent prétendre occuper toutes les positions sociales en fonction de leur mérite et de leur utilité. Contre l’héritage des positions sociales, chacun devrait être en mesure de faire valoir sa valeur et ses compétences. Ce principe de justice est indiscutable et indiscuté, notamment dans le monde scolaire puisque, dans la plupart des sociétés démocratiques, c’est à l’école qu’a été confiée la charge d’évaluer le mérite des individus et, ainsi, de les répartir dans la hiérarchie des métiers et des positions sociales.
Il faut cependant rappeler que ce qui nous semble être aujourd’hui une évidence n’a pas toujours été la règle. En France, jusqu’en 1958, quand l’accès des élèves à la classe de sixième a été élargi, l’école républicaine n’était certainement pas celle de l’égalité des chances. Pour l’essentiel, cette école voulait donner une culture élémentaire commune à tous les enfants tout en séparant les sexes et les classes sociales. Encore au milieu des années 1950, l’entrée au lycée « bourgeois » restait déterminée par la naissance bien plus que par les performances scolaires des élèves. L’élitisme républicain, dont beaucoup ont la nostalgie à travers quelques figures héroïques, offrait une mobilité scolaire et sociale à quelques élèves exceptionnellement « doués » et méritants dont beaucoup devenaient les « sous-officiers de la République ». L’enseignement secondaire et supérieur était composé d’un océan d’héritiers auxquels se joignaient quelques boursiers dont les promotions sociales étaient d’autant plus visibles qu’elles étaient rares…