Notes
-
[1]
Le ciel et la Terre ; la matière ; l’énergie ; l’unité et la diversité du vivant ; le fonctionnement du vivant ; le fonctionnement du corps humain et la santé ; les êtres vivants dans leur environnement ; les objets techniques.
-
[2]
Saisir la distinction entre faits et hypothèses vérifiables, opinions et croyances ; observer, questionner, expérimenter et argumenter, dans le cadre d’une démarche d’investigation (par exemple selon l’esprit de la Main à la pâte) ; être responsable face à l’environnement, au monde vivant, à la santé et agir dans ce sens.
-
[3]
Pratiquer une démarche d’investigation (savoir observer et questionner) ; manipuler et expérimenter, formuler une hypothèse et la tester, argumenter, mettre à l’essai plusieurs pistes de solutions ; exprimer et exploiter les résultats d’une mesure et d’une recherche en utilisant un vocabulaire scientifique à l’écrit ou à l’oral ; maîtriser des connaissances dans divers domaines scientifiques et les mobiliser dans des contextes scientifiques différents et dans des activités de la vie courante ; mobiliser ses connaissances pour comprendre quelques questions liées à l’environnement et au développement durable et agir en conséquence.
-
[4]
Socle commun de connaissances et de compétences : « Connaissances et compétences sont les deux facettes complémentaires d’une authentique démarche d’apprentissage ».
L’article ci-dessous montre comment les programmes de 2008 et la compétence du socle « la culture scientifique » sont à l’origine d’une dynamique d’évolutions pédagogiques significatives dans le cadre du cycle 3. Davantage d’échanges ont lieu entre les enseignants des deux degrés et des trois disciplines « sciences et technologie ». Ils conduisent à un intérêt accru et une meilleure connaissance des notions scientifiques et techniques et des didactiques disciplinaires. Le cycle 3 questionne, pour ne pas dire préoccupe, tous les enseignants. Il est le cycle pour lequel on observe le plus de changement en sciences à l’école comme au collège.
1Les enseignements de sciences de la vie et de la terre (SVT), de physique-chimie (PC) et de technologie en cycle 3 trouvent leur place dans le cadre global d’un enseignement de sciences et de technologie (EST). Il s’agit d’amener peu à peu les élèves à découvrir ce que peuvent être ces trois disciplines, leurs spécificités, l’importance de leurs apports combinés pour la compréhension du monde dans lequel évoluent les élèves. Qu’est-il ?
2Avant de répondre à cette question, revenons sur le contexte dans lequel s’installe ce cycle 3, contexte d’enseignement rénové en 2008 mais qui n’a jamais été favorable ni à une progressivité des apprentissages de l’école au collège, ni à une entrée progressive dans les disciplines.
Les programmes de 2008 et la compétence 3 du socle « la culture scientifique et technologique »
3Les « nouveaux » programmes de l’école en 2008, à traiter dans un horaire érodé et formulés de manière plus synthétique, proposent des contenus peu modifiés. Les entrées choisies déclinent à gros traits les attendus en termes de connaissances du socle, et non en compétences et sans aborder une quelconque cohérence avec le niveau 6e. Il ne pouvait en être autrement, l’écriture des programmes de collège et ceux de l’école s’étant faite sans concertation.
4Si les objectifs sont énoncés selon des thèmes scientifiques et/ou technologiques, ceux-ci cachent dans leurs libellés des entrées par des champs disciplinaires distincts [1]. L’introduction du programme engage à des langages, des démarches, des méthodes spécifiques très ambitieux [2] (on peut aussi les lire dans des programmes de SVT de lycée !) et sans aucune précision quant aux niveaux de maîtrise visés à l’école.
5Cet EST doit contribuer à l’acquisition du socle (compétence 3) à travers quatre champs [3] autour de la démarche d’investigation, de la maîtrise de connaissances et de la compréhension de quelques questions liées au développement durable. Si on y regarde de près, on voit que cet énoncé réduit l’approche de la démarche d’investigation à l’observation et au questionnement, contrairement à sa description dans le programme de l’école ou du collège, ce qui a pu créer une certaine confusion, pour ne pas dire un frein pour de solides apprentissages.
6Cette démarche d’investigation représente pourtant le lien le plus net et explicite entre le programme de l’école et celui du collège qui la décrit, avec force détails, dans une introduction commune aux mathématiques, aux sciences expérimentales et à la technologie, en engageant à la privilégier, dans la continuité de l’école primaire. Une lecture attentive de l’ensemble de cette introduction montre qu’elle ne se réfère à aucun autre moment à l’école primaire et engage quasiment aux mêmes objectifs sans que l’on y voie une progressivité. On peut y lire que l’élève s’y construit une « première représentation globale et cohérente du monde dans lequel il vit » comme s’il n’en avait jamais été question à l’école primaire.
7Le collège promeut donc l’idée d’une convergence des disciplines scientifiques et technologiques, embarquant même les mathématiques. Les thèmes de convergence en sont l’expression concrète mais ils ne vivront jamais au sein du collège.
8Les programmes sont libellés par discipline et par niveau. On est loin de l’école primaire organisée en cycles et des thèmes énoncés ci-dessus puisque chaque discipline décline ses propres entrées spécifiques pour chaque niveau de classe. Dans le programme de SVT, on engage à faire appel aux acquis de l’école pour les renforcer, les compléter, et assurer la maîtrise du socle. Ce lien souhaité par les concepteurs prend forme dans la validation des connaissances de la compétence 3, énoncée dans les grilles de référence, selon les entrées thématiques de l’école primaire et non celle des programmes. Il en est de même pour les capacités visées mais sans y décrire les différences de niveaux de maîtrise entre l’école et le collège.
9De nombreuses ressources et nouvelles instructions officielles suivront jusqu’à des modules autour d’items du programme du cycle 3 de l’école primaire, bâtis conjointement par des inspecteurs du premier et du second degré. Des formations seront développées en académie et reconnues comme apportant une réelle plus-value surtout du côté des professeurs des écoles. Elles viseront à aider à la progressivité de l’acquisition de la démarche d’investigation, à la construction d’un concept (par exemple celui de l’unité et de la diversité du vivant de la maternelle à la fin du collège), au sens des mots ou à la transversalité des enseignements (sciences et mathématiques ; sciences et maîtrise de la langue).
10Cette continuité, pourtant visée par l’existence même du socle, était conduite d’emblée à l’échec par l’existence du cycle 3 qui embarque uniquement CE1, CM1 et CM2. L’absence d’une coordination dans l’écriture des programmes mais également dans la déclinaison de la compétence 3 seront les autres freins essentiels à une progressivité des apprentissages et à une entrée progressive dans les disciplines. La démarche d’investigation représentera le seul continuum mais sans accompagnement à sa progressivité au sein de l’école puis entre l’école et le collège.
11Les concepteurs de programmes, de ressources, d’aides à l’évaluation, mais aussi les accompagnateurs de ces outils, inspecteurs et professeurs, tous travailleront dans deux cases séparées, celle du palier 2 et du programme de sciences et de technologie du cycle 3, celle du palier 3 et des programmes de SVT, de physique-chimie et de technologie, tout le monde pourtant guidé par la même boussole, le socle. L’illusion mais sans la réalisation.
12Et le terrain, malgré tous ses efforts, proposera des réussites locales liées aux personnes impliquées et aux expérimentations menées mais jamais une continuité généralisée. Et ceci malgré l’apparition officielle de l’expression « école du socle » dans les circulaires de préparation de la rentrée 2011 et 2012 ainsi que dans la circulaire du 1er septembre 2011 consacrée à la liaison entre l’école primaire et le collège.
13C’est dans ce contexte que s’installe le cycle 3 actuel. Tous les ingrédients sont-ils présents pour avancer, pour réussir ? A-t-on progressé pendant ces deux premières années de mise en œuvre ?
Un cycle 3, un programme de sciences et de technologie de cycle 3, des attendus de fin de cycle 3, des repères de progressivité : tous les ingrédients de la réussite mais …
14Le volet 1 du programme de cycle 3 énonce que celui-ci permet une entrée progressive et naturelle dans les savoirs constitués des disciplines mais aussi dans leurs langages, leurs démarches et leurs méthodes spécifiques. Cette entrée progressive est corrélée à la différence entre un professeur des écoles et des professeurs de collèges et de lycées : le premier, polyvalent, pouvant travailler à des acquisitions communes à plusieurs enseignements et établir des liens entre les différents domaines du socle alors que les seconds, les spécialistes de leur discipline, contribuent collectivement, grâce à des thématiques communes et aux liens établis entre les disciplines, à l’acquisition des compétences définies par le socle.
15Nous allons suivre ce parcours du cycle 3 dans ses attendus actuels, au niveau d’un EST, nouvel enseignement pour la classe de 6e mais pas nouveau pour l’école. La situation énoncée dans le volet 1 du programme de cycle 3 s’applique donc parfaitement. Regardons les points d’appui et les freins tant dans les textes que dans la réalité des pratiques de classe.
16La rédaction conjointe d’un seul programme de cycle 3 et non de trois programmes disciplinaires, selon le cahier des charges du Conseil supérieur des programmes, est, a priori un élément facilitateur. La feuille de route commune conduit à une écriture ramassée ; on ne prescrit pas seulement une acquisition de connaissances ; les contenus sont définis par rapport à des compétences à faire acquérir [4] ; on privilégie des questions liées à la vie quotidienne, au réel, à la complexité de l’environnement proche pour acquérir et stabiliser les apprentissages élémentaires.
17Ce programme de cycle identifie, quand c’est nécessaire, par des repères de progressivité, ce qui à un niveau du cursus peut ou doit être traité, en lien avec la maturité des élèves. Il est organisé pour laisser du temps à l’assimilation des concepts et des notions dans une progression spiralaire.
18Même si les objectifs visés restent proches de ceux de l’école de 2008 et demeurent ambitieux comme « distinguer ce qui relève de la science et ce qui relève d’une opinion ou d’une croyance », le volet 2 de ce programme énonce les compétences travaillées au cours du cycle, dont la pratique de démarches scientifiques et technologiques et non plus exclusivement la démarche d’investigation, en lien avec les domaines du socle.
19Le programme s’organise en thèmes où chaque discipline trouve sa place, avec des parts variables selon les thèmes. Son écriture aurait pu aller vers davantage d’interdisciplinarité en choisissant d’autres entrées où les champs disciplinaires auraient pu davantage converger. Il en a été autrement.
20Aux équipes enseignantes de s’organiser dans chaque unité d’enseignement pour conduire les élèves à la maîtrise des attendus de fin de cycle clairement énoncés dans ce programme.
21Face à la présence de trois professeurs différents pour un même enseignement en collège, les modalités de la mise en œuvre de cet enseignement en classe de 6e sont laissées à l’initiative des établissements qui peuvent soit répartir les heures d’EST entre les enseignants des trois disciplines, soit proposer toute autre modalité qui leur semblerait la plus appropriée localement, l’objectif prioritaire étant que cet enseignement fasse réellement sens pour les élèves.
22Des ressources pédagogiques accompagnent ce cycle par partie de programme mais aussi selon des approches interthématiques. D’autres, soit assurent une actualisation des connaissances des professeurs, soit aident les équipes d’une part, à penser et concevoir leur enseignement dans une logique de cycle, d’autre part à concevoir une progressivité des apprentissages. Le document d’accompagnement pour l’évaluation des acquis du socle complète cet éventail de ressources pour permettre l’appréciation du niveau de maîtrise satisfaisant en fin de cycle 3.
Des ingrédients figurent donc dans ce nouveau cycle 3 pour réussir sa mise en œuvre mais est-ce pour autant réussi au moment de l’écriture de cet article ?
23Deux regards sont à porter sur le terrain pour répondre à cette question, qui ciblent deux complexités, celle de progressivité des apprentissages au cours des trois années du cycle donc entre deux années de l’école et une année en collège, celle d’un enseignement de sciences et de technologie et non de trois enseignements au collège.
24Le lien entre le premier et le second degré est en construction et a progressé en sciences. Il faut laisser du temps aux équipes dans des réseaux qui se construisent. Les professeurs ont globalement pris la mesure des enjeux mais les modalités et les temps de travail en commun sont encore à définir ou à rendre plus productifs.
25Par exemple, si la répartition des items du programme entre écoles et collège est une première étape, elle n’a pas l’efficience de la réflexion au local d’une progressivité des apprentissages.
26Les conseils de cycle 3 permettent un début de réflexion commune avec le premier degré qui existait rarement auparavant même si ces liaisons impliquent peu les sciences. Le travail avec le premier degré dans le cadre des conseils école-collège permet lui aussi l’ébauche d’une progressivité.
27Les formations d’initiative locale permettent à des équipes premier-second degré de produire des progressions communes. Une vraie dynamique s’engage et aide les équipes à se tourner localement vers les professeurs d’écoles de leur secteur et à construire une progression adaptée et cohérente.
28Une grande disparité est constatée entre les secteurs. Cette liaison ne va jamais de soi et demande des efforts importants à tous les niveaux pour résoudre des difficultés organisationnelles et relationnelles. Les relations interpersonnelles en établissement et le pilotage local de la réforme ont soit facilité, soit freiné les initiatives des professeurs. Un pilotage fort par les chefs d’établissement, en lien avec les IEN qui suscitent les rencontres, la mise en place de projets interdegré et surtout leur suivi est un gage de réussite. Dans certains secteurs où les IEN se sont emparés du cycle 3 sans chercher à collaborer avec les IA-IPR, où les moyens de formation ont été insuffisants, où les problèmes de remplacement n’ont pas été résolus, rien n’a pu avancer.
29L’existence de réseaux (institutionnels, REP/REP+ ou en zones rurales isolées avec une proximité géographique et donc relationnelle entre les collèges et les écoles de secteur) crée un net différentiel positif par rapport au « hors éducation prioritaire » ou aux zones où une trentaine d’écoles « alimentent » un collège.
30Et on retrouve çà et là les problématiques classiques qui perdurent malgré tout :
- l’obstacle des représentations, des conceptions concernant l’EST encore trop pensé comme une pratique de transmission dans le premier degré et pas encore pleinement comme une pratique créative de situations d’apprentissage dans la dynamique globale de donner du sens aux contenus scientifiques ;
- l’appréhension des enseignants du premier degré pour aborder des disciplines pour lesquelles ils ne se sentent toujours pas compétents ;
- des cultures professionnelles enseignantes différentes d’un degré à l’autre, ce qui nécessite à chacun de faire un pas vers l’autre, et pour les corps d’inspection de bien tenir compte des spécificités de chaque degré pour identifier les dénominateurs communs permettant la conception d’une progressivité des apprentissages de l’élève au cours du cycle.
31Cette liaison interdegré est complexifiée par le fait que l’EST concerne trois disciplines, avec un message commun qui peine à s’établir au collège.
32L’approche de l’EST s’organise par thématique essentiellement lorsqu’il y a des projets d’enseignement commun. L’approche par partie de programme ne permet que rarement une complémentarité entre les enseignants d’origine disciplinaire différente, vraisemblablement en lien avec le fait que les parties du programme de sciences et technologie ont chacune une coloration disciplinaire facilement identifiable.
33Une corrélation est souvent établie entre l’évolution des approches et l’organisation choisie pour l’EST, l’approche restant souvent très « classique » avec un cloisonnement disciplinaire. Des démarches plus intégratives, avec des « fils rouges », des démarches par projet, sont plus fréquentes lorsque l’enseignement est assuré, pour une classe donnée, par un seul ou deux professeurs.
34La mise à disposition de conditions favorables (groupes à effectifs raisonnables, temps de concertation possibles), l’existence antérieure du dispositif d’EIST ou d’un pôle sciences, le travail collectif entre les corps d’inspection, la mise en place de viviers de formateurs interdisciplinaires, les maisons pour la science sont autant d’éléments facilitateurs.
35À l’inverse la peur des enseignants de perdre leur spécificité, l’absence de temps de concertation entre les enseignants, des organisations ou des choix d’enseignants dictés par des contraintes de GRH, le manque de formation des enseignants et leur turnover non compensé par l’écriture d’un projet allant au-delà des personnes impliquées, restent des freins à la mise en œuvre du cycle 3.
36Cela dépend donc des sites : parfois les liens sont forts avec des grilles communes et des projets d’enseignement concertés… et parfois les portes sont closes !
37En conclusion, nous sommes en sciences, dans une dynamique d’évolutions pédagogiques significatives dans le cadre de ce cycle 3 où :
- l’EST prend davantage de place en CM1 et en CM2 ;
- davantage d’échanges ont lieu entre les enseignants (des deux degrés et des trois disciplines) conduisant à un intérêt accru et une meilleure connaissance des notions scientifiques et techniques traitées par ailleurs, mais aussi des didactiques disciplinaires ;
- un nombre nettement accru d’enseignants du premier comme du second degré proposent des programmations communes et ancrent leurs démarches de manière plus affirmée sur des ressources locales ou des projets locaux, le travail collaboratif des élèves, une diversification des formes de mise en activité et de questionnement.
Notes
-
[1]
Le ciel et la Terre ; la matière ; l’énergie ; l’unité et la diversité du vivant ; le fonctionnement du vivant ; le fonctionnement du corps humain et la santé ; les êtres vivants dans leur environnement ; les objets techniques.
-
[2]
Saisir la distinction entre faits et hypothèses vérifiables, opinions et croyances ; observer, questionner, expérimenter et argumenter, dans le cadre d’une démarche d’investigation (par exemple selon l’esprit de la Main à la pâte) ; être responsable face à l’environnement, au monde vivant, à la santé et agir dans ce sens.
-
[3]
Pratiquer une démarche d’investigation (savoir observer et questionner) ; manipuler et expérimenter, formuler une hypothèse et la tester, argumenter, mettre à l’essai plusieurs pistes de solutions ; exprimer et exploiter les résultats d’une mesure et d’une recherche en utilisant un vocabulaire scientifique à l’écrit ou à l’oral ; maîtriser des connaissances dans divers domaines scientifiques et les mobiliser dans des contextes scientifiques différents et dans des activités de la vie courante ; mobiliser ses connaissances pour comprendre quelques questions liées à l’environnement et au développement durable et agir en conséquence.
-
[4]
Socle commun de connaissances et de compétences : « Connaissances et compétences sont les deux facettes complémentaires d’une authentique démarche d’apprentissage ».