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Article de revue

La scolarisation des élèves allophones dans le 2nd degré : inclusion en classe ordinaire, accompagnement en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A)

Pages 87 à 91

La scolarisation des élèves allophones repose sur différentes étapes depuis le positionnement diagnostique jusqu’à la mise en place d’un maillage éducatif et pédagogique pour favoriser l’inclusion. En effet, comme le stipule la circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012 « L’école est le lieu déterminant pour développer des pratiques éducatives inclusives dans un objectif d’intégration sociale, culturelle et à terme professionnelle des enfants et adolescents allophones. »

1Depuis la circulaire de 2012 portant sur l’organisation de la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école, on ne parle plus d’élèves non francophones.

2Terme réducteur qui, par sa seule entrée de non acquisition d’une langue, pouvait masquer les compétences linguistiques de ces élèves. Au contraire, c’est bien riche d’une ou de plusieurs autres langues, fort d’une culture et pour ceux qui ont été scolarisés, dotés de compétences scolaires que l’élève allophone est accueilli dans l’école française. Il est donc évident de prendre en charge dans la classe cet élève dans sa globalité et non plus sous le seul angle de la difficulté langagière.

3Les textes, loi de refondation et circulaires préconisent l’inclusion comme « la modalité principale de scolarisation » des élèves allophones. Certes, des aménagements ponctuels et « temporaires » sont à construire, mais l’inclusion reste le « but à atteindre ».

4Un élève allophone nouvellement arrivé (EANA) est inscrit ou affecté en classe ordinaire, dans sa classe d’âge en premier degré, avec un écart possible de deux ans en second degré.

5Dans le second degré, le nouvel arrivant doit pouvoir bénéficier d’un positionnement diagnostique permettant de mettre en évidence, autant que faire se peut :

  • les compétences de l’élève dans sa langue d’origine, ce qui permet de repérer la scolarisation antérieure et le degré de compréhension ;
  • ses compétences en mathématiques par des tests non verbaux proposant des invariants dans la discipline ;
  • ses compétences en langue française orale et éventuellement écrite. En effet, il se peut qu’une maîtrise du français oral ne s’accompagne pas d’une maîtrise de l’écrit.

6Ce positionnement constitue un élément d’appui pour l’affectation, permet d’ajuster l’accompagnement et participe ainsi à la scolarisation de l’élève. Il est une amorce vers les apprentissages en fournissant quelques pistes pour les enseignants de la classe d’affectation qui ont ainsi connaissance des apprentissages antérieurs, sans multiplier à l’excès les évaluations de positionnement.

7C’est donc à l’issue de cette étape que les services de l’orientation affectent l’élève en classe ordinaire, avec appui, si besoin, d’un dispositif spécifique : l’UPE2A. Depuis 2012, l’unité pédagogique pour élèves allophones arrivants est un terme générique qui remplace toutes les autres appellations (Classe d’initiation – CLIN – en 1° degré, classe d’accueil – CLA – en 2° degré)

8En effet, l’UPE2A n’est ni une classe, ni une structure ; c’est un dispositif venant en appui aux enseignements de la classe ordinaire et permettant au jeune arrivant un accompagnement préconisé en français langue seconde, en mathématiques et en langue vivante. On peut y dispenser aussi d’autres disciplines, au gré des besoins et des possibilités.

9Il existe des UPE2A-NSA, pour élèves non (ou peu) scolarisés antérieurement, où l’élève allophone est accueilli pour une maîtrise des fondamentaux de la langue française ; il est alors scolarisé à plein temps dans le dispositif, avec un enseignant dédié.

10Réglementairement, tout élève allophone nouvellement arrivé bénéficie d’apprentissages renforcés en langue française au sein de l’UPE2A pendant une seule année scolaire. S’il arrive en cours d’année, il peut néanmoins être scolarisé une année supplémentaire dans le dispositif.

11Par ailleurs, à la faveur des progrès qu’ils ont réalisés et d’une autonomie linguistique suffisante, certains élèves peuvent être majoritairement scolarisés en classe ordinaire au cours de l’année tout en bénéficiant encore du dispositif, notamment après concertation entre enseignants et chef d’établissement, lors des conseils de classes.

12La question de l’inclusion des allophones en classe ordinaire est primordiale car elle implique, de la part des chefs d’établissement et des enseignants, des aménagements d’emploi du temps, des gestes professionnels spécifiques, des démarches pédagogiques différenciées, des outils facilitateurs pour étayer, donc un suivi particulier.

13En effet, dans le cadre de l’école inclusive, scolariser c’est accueillir, accompagner, différencier les apprentissages ; pour cet élève à besoins éducatifs particuliers, ces trois principes sont amplifiés à la mesure des enjeux.

14Accueillir un élève allophone, c’est lui ouvrir des perspectives qu’il a souvent perdues dans les méandres d’un parcours choisi ou non, c’est aussi lui permettre de reprendre une scolarité interrompue. Il a derrière lui et en lui des souffrances qu’il tait ; il est parfois confronté à une réalité journalière de survie. La bienveillance dans l’accueil, sans empathie excessive, est donc à ce titre la première des attitudes professionnelles attendues.

15Il est difficile d’accueillir, c’est affaire de regard sur la différence : sans y être indifférent bien sûr mais sans la stigmatiser non plus. Il est tout aussi difficile de se laisser accueillir : nouveaux horizons, nouvelles règles, parfois éloignés du quotidien antérieur.

16C’est cet équilibre que tous les acteurs de la scolarisation doivent trouver pour avancer ensemble.

17En classe et dans le dispositif UPE2A, lors de toute nouvelle arrivée d’élève allophone, il s’agit d’abord de l’accueillir au sein du groupe pour qu’il ne soit pas isolé et puisse ainsi pleinement y prendre sa place. Pour l’enseignant, il importe d’adapter les premiers apprentissages, de les ajuster au niveau et aux besoins spécifiques de l’élève et donc, souvent, de les différencier. Alors, l’allophone peut successivement acquérir et renforcer ses compétences orales puis, progressivement, linguistiques, pour entrer dans l’écrit, sans oublier la dimension interculturelle. En effet, apprendre une langue, c’est aussi entrer dans une nouvelle culture.

18En ce sens, les enseignants ont à construire des parcours personnalisés appropriés à chaque nouvel élève arrivant. La didactique du français langue seconde repose sur des procédures d’ajustements et d’étayages nécessaires pour favoriser les acquisitions.

19Ainsi, pour l’élève, après l’étape du positionnement diagnostique, pour ajuster des réponses pédagogiques aux besoins identifiés, il importe de :

  • définir des priorités pour les premières acquisitions ;
  • d’utiliser des supports facilitateurs variés qui appuient son apprentissage du français : imagiers, consignes en images, divers lexiques – thématiques, disciplinaires –, logiciels en semi autonomie, etc.

20Il importe aussi que l’élève allophone puisse bénéficier, à ses côtés, de l’aide d’un élève-tuteur pour s’approprier les codes scolaires et être guidé dans ses apprentissages.

21Le tutorat permet de créer des situations de communication, il favorise les interactions entre pairs. Il étaye la compréhension des situations de vie de classe (les consignes, les activités…), il construit l’autonomie de l’élève allophone dans la classe et, plus largement, dans l’établissement en l’aidant à se repérer dans les lieux, dans le temps, à identifier les adultes et les élèves.

22En fait, il développe la coopération et la responsabilité mutuelle entre les élèves.

23Accompagner l’allophone, c’est bâtir sur l’existant. C’est prendre un élève comme il est, avec ses lacunes, ses compétences et sa ou ses langue(s) d’origine.

24Sur ce point particulier, il n’est pas nécessairement réducteur pour l’élève allophone de faire coexister deux sphères linguistiques dans son quotidien : sa langue maternelle à la maison et le français à l’école, en cours et aussi avec ses pairs dans les différents lieux de socialisation du collège – la cour de récréation, le restaurant scolaire, l’arrêt de bus… Certes, il importe qu’il soit un usager de la langue française à travers les supports variés de la vie quotidienne, mais une part de ses apprentissages s’effectue par la mise en contact de ses « deux langues ». Il effectue de nombreuses opérations de transfert d’une langue à l’autre, la langue du pays d’accueil s’apprenant en miroir de celle d’origine.

25Il est néanmoins indispensable de prendre en compte les obstacles liés à la quantité d’années de scolarisation antérieure, à l’éloignement linguistique de la langue d’origine, avec alphabets et sens de lecture totalement différents, par exemple ; sans omettre les éventuelles difficultés de l’allophone dans sa propre langue, le tout possiblement freiné par les obstacles psycho-affectifs.

26En français langue seconde, celui qu’on apprend après sa langue, les apprentissages s’effectuent par stades transitoires : d’abord la compréhension de l’oral : un élève comprend beaucoup plus vite la langue qu’il ne la parle. Ce n’est pas parce qu’il ne parle pas qu’il ne comprend pas. Vient ensuite le stade des tâtonnements, celui de l’interlangue, avec le recours à la langue maternelle. Ensuite la production orale s’établit d’abord en interaction, puis en continu. Enfin, viennent la compréhension des écrits et l’entrée progressive dans la production écrite. Cette dernière étape constitue un palier de difficultés pour l’allophone, d’autant plus qu’elle est un enjeu majeur dans le système scolaire français, notamment pour les modalités d’évaluation.

27Il faut bien évidemment plusieurs années à un élève allophone pour atteindre les compétences orales et écrites d’un natif ; ces apprentissages nécessiteront des situations de travail différencié et des formes d’évaluation adaptées.

28Différencier, c’est adapter des contenus à la situation de l’élève arrivant en proposant, pour une même tâche, des supports et des textes variés, des activités plus concrètes ; en modifiant le niveau de complexité et graduant la difficulté, en augmentant ou diminuant le nombre d’étapes ; en aménageant la longueur des exercices et la quantité de données ; en modifiant la mise en page d’un document et ainsi illustrer, expliciter, donc faire construire le sens à partir de l’image.

29Différencier, c’est aussi varier les démarches pédagogiques en alternant les apprentissages en situation collective, les activités en groupes ou en binômes (en fonction des besoins, des niveaux, du projet) et le travail en autonomie en proposant des activités adaptées et des étayages, sans négliger de prévoir un moment spécifique, même bref, avec l’élève, ce qui permet de le rassurer.

30Différencier, c’est enfin adapter le cadre ou les ressources : permettre à l’élève de disposer et d’utiliser différents référentiels (lexiques thématiques, dictionnaire, documents référents, fiches-guide, etc.) ; travailler en concertation avec le ou la documentaliste afin d’accompagner l’élève dans ses apprentissages ; autoriser le travail sur ordinateur en semi – autonomie avec l’utilisation de divers logiciels pour l’acquisition de la langue.

31Quand on accompagne la scolarisation d’un élève allophone, on l’accueille dans sa globalité, en prenant en compte sa singularité, son niveau linguistique, son origine, son rythme d’apprentissage, ses difficultés particulières. Il convient dès lors de travailler en concertation avec toute l’équipe administrative, éducative et pédagogique des collèges d’affectation et d’accueil. Dans cette optique, des outils d’accueil et de liaison sont indispensables, afin que toutes ces personnes ressources puissent, dans une dynamique coopérative, créer un maillage éducatif et pédagogique autour de l’élève.

32La scolarisation des élèves allophones, comme pour tous les élèves à besoins éducatifs particuliers, repose donc sur la nécessité pour les personnels d’ajuster des postures d’accueil et d’accompagnement.

33Au-delà de l’engagement naturel des professionnels de l’éducation, il s’agit d’observer, d’identifier les besoins pour surmonter les obstacles qui freinent les apprentissages, afin de proposer des démarches adéquates pour accueillir et accompagner.

34Accepter la diversité autant que la différence, c’est là le cœur de notre métier.

35

« Pour être soi, il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c’est se perdre et cesser d’être. On se connaît, on se construit, par le contact, l’échange, le commerce avec l’autre. Entre les rives du même et de l’autre, l’homme est un pont. »
Jean-Pierre Vernant, La traversée des frontières, Seuil, 2004

Bibliographie

Références

  • Organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés, circulaire n° 2012-141 du 02-10- 2012
  • Organisation des Casnav, circulaire n° 2012-143 du 02-10-2012
  • Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République, 8 juillet 2013
  • Circulaire de rentrée 2013 (n° 2013-060 du 10-4-2013),
  • Circulaire de rentrée 2014 (n° 2014-068 du 20-5-2014)
  • Rentrée 2015, Fiche 40 « scolarisation des EANA et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs », conférence de presse du 25 août 2015.
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