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Article de revue

La fécondité en banlieue parisienne dans la seconde moitié du xixe siècle

Pages 81 à 112

Notes

  • [1]
    Notamment l’Autriche, la Hongrie, la Roumanie qui ont des indices de fécondité illégitime très élevés.
  • [2]
    Même si la frontière entre ces deux catégories est mince (Frey, 1978 ; Brunet, 2008). Si certaines femmes ont des relations épisodiques ou si d’autres ont recours à la prostitution plus ou moins passagère, un grand nombre vit dans une situation de concubinage qui peut se terminer : soit par un mariage précédent la grossesse (enfant légitime) ou suivant la naissance (enfant légitimé), soit par la reconnaissance plus ou moins tardive par le père (enfant illégitime reconnu), soit par l’abandon de la mère qui n’a pas la possibilité de poursuivre le père de l’enfant selon l’article 340 du code civil (enfant illégitime qui peut éventuellement être reconnu ou légitimé plus tard).
  • [3]
    Leurs niveaux de fécondité, considérés comme un maximum social de fécondité, servent de référence.
  • [4]
    L’indice Im ne sera pas utilisé ici.
  • [5]
    Moyenne triennale entourant l’année de recensement.
  • [6]
    En général, les dénombrements de la France fournissent la structure de la population du département de la Seine à laquelle il faut retrancher la population parisienne.
  • [7]
    Sur les sources des données pour Paris : Brée, 2013a.
  • [8]
    Il faut tout de même noter qu’une partie des mères, accouchant à Paris sans y résider, habite à l’extérieur du département de la Seine (0,1?% en 1876, Brée, 2013a) et est donc comptée en trop.
  • [9]
    Résultats statistiques du dénombrement de 1891 pour la ville de Paris et le département de la Seine, et renseignements relatifs aux dénombrements antérieurs.
  • [10]
    Comme l’indique le titre utilisé par Farcy (1991) : « Banlieue 1891 : Les enseignements d’un recensement exemplaire ».
  • [11]
    Il existe cependant deux séries d’ouvrages qui fournissent les effectifs des naissances, mariages (divorces) et décès, mais uniquement pour les communes les plus importantes (plus de 20?000 ou 30?000 habitants selon les années) : Statistique annuelle du mouvement de la population (publiée par la Statistique Générale de la France) qui fournit les mêmes données que dans les Annuaires statistiques de la France ; et Statistique sanitaire des villes de France et d’Algérie qui émane de la direction de l’assistance et de l’hygiène publique du Ministère de l’Intérieur. Ces deux séries de publications ne donnent pas les mêmes effectifs : la première série semble correspondre aux naissances de la commune (déclaration de naissance à la mairie de la commune) et la seconde aux naissances domiciliées, c’est-à-dire aux naissances des femmes de la commune qu’elles aient accouché dans la commune ou ailleurs (Brée, 2011, 52-53).
  • [12]
    Conversion de l’indice If en nombre d’enfants par femme d’après la méthode proposée par Sardon (1995), c’est-à-dire en multipliant l’indice par 12,44, soit le nombre moyen d’enfants par femme huttérite.
  • [13]
    4,0 en données corrigées.
  • [14]
    Taux de mortalité infantile situés entre 190?‰ en 1861-1865 et 164?‰ en 1896-1900.
  • [15]
    En 1891, les individus nés dans une autre commune du département de la Seine que dans celle où ils résident au moment du recensement représentent un quart de la population. Cette ville d’origine est Paris la plupart du temps mais pas uniquement (à Puteaux, 7?% des époux sont nés dans une autre commune du département qui n’est pas Paris (Farcy, 1991, 46).
  • [16]
    Les étrangers ne représentent que 5?% de la population de Seine-Banlieue, en 1891, et gagnent des communes très proches de leur statut social d’origine (Farcy, 1991, 44)
  • [17]
    La carte de l’illégitimité (proportion de naissances illégitimes) par commune est présentée en annexe 8.
  • [18]
    Liste, définition et sources des variables utilisées : annexe 5.
  • [19]
    1893 est la première année pour laquelle le nombre de décès des enfants de 0 à 1 an est donné par commune. L’année 1894 a également été utilisée pour centrer le taux sur les enfants nés en 1894 (décès des enfants nés en 1893 entre 0 et 1 an en 1893 et en 1894, annexe 5).
  • [20]
    Il serait possible de compter les signatures au mariage dans chaque commune, mais cela demanderait une somme de travail supplémentaire considérable.
  • [21]
    Une classification ascendante hiérarchique (méthode de classification automatique des données qui, en mesurant la dissimilarité des individus les regroupe en plusieurs classes), utilisant les variables professionnelles (proportion de patrons, ouvriers, employés, de personnes travaillant dans l’agriculture, l’industrie et le commerce) montre que les communes de Seine-banlieue peuvent être regroupées en trois types : agricole, industriel/ouvrier, employé/commerçant (annexe 6).
  • [22]
    Une classification ascendante hiérarchique a également été utilisée pour créer une variable « origine » (annexe 6), tenant compte du lieu de naissance : nés dans la commune, dans une autre commune du département de la Seine, dans un autre département.
  • [23]
    Le seuil de 0,320 a été choisi, car il représente le quart supérieur des communes en termes de restriction des naissances (un quart des communes a un indice de fécondité légitime plus faible que 0,320 ; les trois autres quarts, un indice plus faible).
  • [24]
    Selon Cohen (1988), les corrélations ont des niveaux moyens lorsqu’elles sont supérieures à 0,3 et forts lorsqu’elles sont supérieures à 0,5
  • [25]
    Moyennes quinquennales (17 à 20?% avec les naissances corrigées), annexe 7.
  • [26]
    L’illégitimité (proportion de naissances illégitimes) apparait plus forte à Paris qu’en banlieue, car elle dépend fortement du comportement des couples mariés (puisque les naissances illégitimes sont rapportées à l’ensemble des naissances) plus contraceptifs à Paris.
  • [27]
    En attribuant la fécondité illégitime de la France (Ih = 0,045) à la Seine-Banlieue, l’indice If perd 0,03 à 0,4 points (soit 0,3 à 0,5 enfants par femme en extrapolant avec la méthode Sardon (1995)).
  • [28]
    Ces données sont calculées avec les naissances des registres d’état civil et ne sont pas corrigées (les naissances de Paris ne sont pas redistribuées en banlieue).
  • [29]
    On voit, sur le graphique de la figure 5, que l’indice de fécondité illégitime dépasse parfois celui de Paris, ce qui n’est pas le cas au niveau des communes. Cela s’explique par les sources mobilisées. En effet, les naissances utilisées pour le calcul par communes sont celles des registres d’état civil ; les naissances en dehors des communes de résidence ne sont donc pas comptabilisées. En revanche, les naissances de Seine-banlieue sont calculées en soustrayant aux naissances du département de la Seine celles de Paris ; or les naissances de Paris sont uniquement celles des femmes parisiennes ayant accouché à Paris, ce qui implique que toutes les naissances de Paris issues d’une mère non parisienne sont considérées comme issue d’une mère résidant en Seine-Banlieue. Les naissances dans les communes de Seine-Banlieue sont légèrement sous-estimées alors qu’elles sont légèrement surestimées pour la Seine-Banlieue.
  • [30]
    Le seuil de 0,075 a été choisi car il représente le quart supérieur des communes (un quart des communes a un indice plus élevé que 0,075 ; les trois autres quarts un indice plus faible).

Introduction

1Différentes hypothèses ont été avancées pour tenter d’expliquer le déclin de la fécondité au cours de la transition démographique. Parmi elles, deux ont principalement retenu l’attention : l’hypothèse d’adaptation (parfois appelée structurelle) et l’hypothèse de diffusion. L’hypothèse d’adaptation, découlant logiquement de la théorie de la transition, postule un ajustement de la fécondité au déclin de la mortalité mais aussi à la modernisation socioéconomique (Chesnais, 1986 ; Davis, 1963 ; Carlsson, 1966 ; Livi-Bacci, 1995, Guinnane, 2011). Elle ne permet cependant pas d’expliquer pleinement le calendrier du déclin de la fécondité, notamment à des échelles plus régionales (Oris, 1995), ni pourquoi ce déclin a pu débuter dans des contextes économiques, sociaux et démographiques très divers (Knodel et Van de Walle, 1979 ; Watkins, 1986). Ces observations ont conduit certains auteurs à postuler une hypothèse de diffusion (Caldwell, 1976 ; Knodel et Van de Walle, 1979 ; Casterline, 2001 ; Lesthaeghe et Vanderhoeft, 2001), c’est-à-dire l’adoption progressive d’un comportement de limitation des naissances par un nombre de plus en plus important d’individus (Van Bavel, 2004). Cette diffusion se produit par interaction sociale, « social influence » (Bongaarts et Watkins, 1996 ; Montgomery et Casterline, 1996) et, plus précisément, par l’observation de groupes ayant déjà adopté ce comportement : le « social learning » (Montgomery et Casterline, 1996 ; Van Bavel, 2004), favorisé ou ralenti par des éléments contextuels tels que l’instruction (Caldwell, 1980), la sécularisation (Lesthaeghe et Wilson, 1982 ; Lesthaeghe, 1983) ou l’immigration (Creighton, Matthys et Quaranta, 2012). Les nouveaux comportements sont adoptés par les individus s’ils estiment qu’ils sont adaptés à leur situation et s’ils y trouvent un avantage (Coale, 1973, 65 ; Lesthaeghe, 1992, 276) ; l’hypothèse de diffusion n’excluant pas celle d’adaptation (Van Bavel, 2004).

2La banlieue parisienne apparaît comme un espace particulièrement propice pour analyser les mécanismes du recul de la fécondité. L’antériorité contraceptive de la capitale française est connue (Brée, 2011) et, en étendant l’analyse à sa banlieue, on peut s’interroger sur l’influence de Paris sur les comportements féconds des Banlieusards et sur une éventuelle propagation des comportements parisiens vers les communes alentours. La proximité géographique avec Paris et la présence de milieux sociaux très différents dans cet espace restreint permettent de poser la question de la diffusion des comportements contraceptifs. Dans le même temps, la banlieue parisienne constitue un espace en forte mutation sur le plan économique, du fait de son industrialisation et de son urbanisation rapide voire brutale, ce qui permet d’interroger l’hypothèse d’adaptation structurelle de la fécondité.

3Les hypothèses concernant le déclin de la fécondité au cours de la transition démographique ne portent généralement que sur la fécondité légitime car la fécondité illégitime est souvent très faible, à quelques exceptions près [1] (Coale et Watkins, 1986) et, surtout, parce qu’on ne peut assimiler les mécanismes de réduction des naissances illégitimes à ceux des naissances légitimes (Brée, 2014). En effet, si les couples mariés choisissent d’adopter des comportements pour limiter la taille de leurs familles, on ne peut en dire autant des « filles-mères » [2]. Un comportement similaire chez les couples concubins et chez les couples mariés est en revanche plus facilement envisageable mais les concubins ne représentent qu’une partie des parents d’enfants illégitimes. Pour Edward Shorter (1977, 102-103), la chute de la fécondité illégitime est bien le résultat de la connaissance et de l’acceptation de l’usage de la contraception par les couples non mariés, mais aussi de l’augmentation des avortements volontaires (Shorter, Knodel, Van de Walle, 1971, 393). Si ce dernier aspect reste difficilement appréciable et, surtout, mesurable dans les sources historiques, il n’en reste pas moins que l’analyse de la distribution spatiale de la fécondité illégitime, confrontée à différentes variables socioéconomiques, démographiques et culturelles, participe de notre compréhension globale des mécanismes à l’œuvre dans le déclin de la fécondité générale. C’est particulièrement le cas dans notre zone d’étude, la banlieue parisienne, où les niveaux de fécondité illégitime sont, au xixe siècle, parmi les plus élevés de France, à l’égal de la situation parisienne (voir plus loin).

4La population étudiée ici, que l’on nommera Seine-banlieue (figure 1), est constituée des deux arrondissements, Saint-Denis et Sceaux, appelés « arron-dissements ruraux » dans la documentation administrative, qui forment, avec Paris, le département de la Seine.

Fig. 1

Le département de la Seine (à partir de 1860)

Fig. 1

Le département de la Seine (à partir de 1860)

5Ce département a subi une modification très profonde au milieu du xixe siècle. En effet, Paris a annexé une partie de sa banlieue le 1er janvier 1860, augmentant ainsi sa superficie (de 3?282 à 7?088 hectares), la taille de sa population (gain de près de 335?000 habitants) et le nombre de ses arrondissements (de 12 à 20) au détriment de plusieurs communes complètement ou partiellement absorbées par la capitale. Pour cette raison, il n’était pas possible d’analyser l’évolution de la fécondité pour l’ensemble du siècle faute de données comparables du fait des changements de limites entre Paris et les communes de banlieue. La rareté des sources et la moindre qualité des recensements, avant 1860, nous ont confortée à privilégier la période 1860-1901.

6Après avoir présenté les sources disponibles et les méthodes qui permettent de mesurer les évolutions de la fécondité à partir de données essentiellement agrégées, nous analyserons dans un premier temps le mouvement de la fécondité générale en Seine-banlieue. Dans un second temps, le recul de la fécondité légitime sera spécifiquement étudié, dans l’ensemble de la Seine-banlieue puis à l’échelle communale et les niveaux de fécondité seront confrontés à des variables sociales, économiques et culturelles pour tenter de saisir les déterminants de la restriction des naissances ; la même analyse sera ensuite menée pour la fécondité illégitime.

Méthode et sources

7Seules les méthodes utilisées traditionnellement en démographie historique (reconstitution des familles) ou les analyses nominatives récentes, telles que l’analyse biographique (event history analysis, survival analysis) permettent d’accéder à une compréhension fine des comportements individuels en matière de fécondité. Mais avant de pouvoir se focaliser sur la population d’une commune ou même d’un groupe de communes, il est important de connaître l’histoire globale de la fécondité dans l’ensemble de la région. Les défauts de l’analyse quantitative sont connus, notamment les risques d’erreurs écologiques liés à l’échelle utilisée (ici les communes, les départements ou régions pour le projet de Princeton sur la fécondité en Europe par exemple) qui gomment certaines corrélations pouvant pourtant exister à l’échelle individuelle (Van Bavel, 2010). Mais, dans le cas de la banlieue parisienne, l’absence presque complète de connaissances sur les évolutions générales de la fécondité au xixe siècle suffit à justifier une démarche par données agrégées.

8La méthode la plus appropriée pour ce type d’analyse est celle dite des indices de Coale (Coale, 1969 ; Coale et Watkins, 1986), car elle permet de mesurer les niveaux de fécondité en tenant compte de la structure par âge des mères, mais sans avoir besoin de connaître les naissances selon l’âge des mères (information qui n’est pas disponible dans les publications statistiques). Leur principe consiste à appliquer la fécondité des femmes huttérites [3] à la population féminine étudiée et à comparer le nombre de naissances observées au nombre de naissances théoriques. Ces indices de fécondité [4] (If pour la fécondité générale, Ig pour la fécondité légitime, Ih pour la fécondité illégitime) nécessitent de connaître la composition par sexe, âge et état matrimonial des femmes de 15 à 49 ans et les naissances pour les années correspondantes [5].

9L’indice Ih de fécondité illégitime sera utilisé et préféré à l’indicateur, plus habituel, qu’est la proportion de naissances illégitimes pour trois raisons. Tout d’abord, par souci de cohérence des mesures, en utilisant uniquement les différents indices de fécondité de Coale. Ensuite, parce que, bien que cet indice soit imparfait – de nombreuses femmes non-mariées n’ont pas de compagnon et sont donc comptées dans le numérateur alors qu’elles n’ont pas de risque de tomber enceintes –, il a pour avantage de tenir compte de la structure par âge de la population. Enfin, et surtout, parce qu’il ne dépend pas du comportement fécond des couples mariés de la commune, contrairement au taux d’illégitimité.

10Les structures de population de la Seine-banlieue sont disponibles, à partir de 1861, dans les recensements de la population française [6] (et parfois pour chacun des deux arrondissements) ; quant aux données fournissant les naissances dans cet espace, elles peuvent être calculées en retranchant aux naissances du département de la Seine (publiées dans les Annuaires statistiques de la France) les naissances de la ville de Paris [7]. Toutefois, les publications enregistrent de manière différente les naissances à Paris selon les périodes (Brée, 2013a). Entre 1860 et 1879, les naissances des mères non parisiennes (dont un grand nombre réside en banlieue, Brée, 2013a) sont comptées parmi les naissances de Paris, il manque donc au décompte des nouveau-nés de banlieue les accouchements qui se sont déroulés dans la capitale. À partir de 1880 en revanche, les accouchements des mères non parisiennes sont exclus du décompte des naissances de Paris et sont reportés dans la commune de résidence des mères soit, pour l’immense majorité, la banlieue. Les données de la fin du siècle sont donc plus adaptées à cette recherche puisqu’elles tiennent compte de l’ensemble des naissances de banlieue [8] ; en revanche, il est important d’essayer de corriger celles du début de la période d’analyse pour reporter en banlieue les naissances des mères y résidant et accouchant à Paris ; la méthode de correction est expliquée en annexe 1.

11Pour resserrer l’analyse à l’échelle communale, nous utiliserons le recensement de 1891. Le choix de ce recensement s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’un des seuls recensements (avec ceux de 1886 et 1896) pour lesquels il existe un récapitulatif à l’échelle des communes pour la banlieue parisienne [9] ; ensuite, car il est considéré comme l’un des meilleurs recensements du siècle par la qualité des informations qu’il contient [10] ; enfin nous souhaitions pouvoir confronter l’analyse de la fécondité à l’échelle des communes à diverses variables sociales, économiques, culturelles qui sont surtout disponibles à la fin du siècle, époque d’intense activité statistique. Il n’existe cependant pas de publication qui fournisse les effectifs des naissances selon leur légitimité pour toutes les communes du département de la Seine [11]. Il s’est donc avéré nécessaire de dénombrer, dans les registres d’état civil, les naissances des couples mariés des autres naissances, pour les années 1890, 1891 et 1892, pour les 74 communes de la Seine-banlieue (soit environ 49?000 actes).

Le mouvement de la fécondité en banlieue

12En Seine-banlieue, le mouvement de la fécondité est globalement à la baisse dans la seconde moitié du siècle (figure 2). L’indice If de fécondité générale se situe, dès le début de la période, sous le seuil de 0,6 qui suggère un usage généralisé de la limitation des naissances dans le mariage. Le nombre d’enfants par femme [12] chute, passant de 3,8 enfants [13] en moyenne, en 1861, à 2,9 en 1901 ; contre 3,2 à 2,1 pour la capitale. En tenant compte de la mortalité infantile (Van de Walle et Preston, 1974 [14]), la population de Seine-banlieue reste au-dessus du seuil de renouvellement de la population par elle-même entre 1861 et 1901 (3,0 à 2,4 enfants par femme), contrairement à son inféconde voisine (1,87 à 1,07 enfants par femme, Brée, 2011).

Fig. 2

Évolution de la fécondité en Seine-banlieue entre 1861 et 1901 (indices de Coale)

Fig. 2

Évolution de la fécondité en Seine-banlieue entre 1861 et 1901 (indices de Coale)

13Le mouvement de la fécondité connaît des fluctuations avec une intensification de la baisse dans les années 1870 et une remontée dans les années 1880. L’accélération du déclin dans les années 1870 est due aux troubles qu’a subi la région : la guerre et le siège de Paris en 1870 (pendant lesquels les communes de banlieue, en particulier à l’Est, ont beaucoup souffert des bombardements), et la Commune insurrectionnelle de 1871. La reprise se dessine entre 1872 et 1886. Il existe probablement une phase de récupération des naissances après la période chaotique du début des années 1870, mais elle ne peut expliquer l’ensemble de la remontée. Il faut signaler également un pic d’immigration dans la seconde moitié des années 1870 (annexe 2) qui pourrait expliquer cette reprise de la fécondité si l’on considère que les migrants font globalement augmenter la fécondité, en important, au moins pour un temps, leurs comportements féconds dans leur nouveau lieu de résidence ; nous y reviendrons.

La restriction des naissances légitimes

14Le niveau de restriction des naissances légitimes en Seine-banlieue se situe entre celui de la capitale et la moyenne nationale. La reprise de fécondité observée à Paris pendant les années 1880 (Brée, 2011) se retrouve également en banlieue, mais les variations sont plus accentuées et le pic de fécondité est plus tardif. On observe aussi une phase d’arrêt du déclin de la fécondité à l’échelle du pays, mais elle se situe plutôt entre 1860 et 1875 et, bien qu’elle ait été signalée plusieurs fois pour la France (Guy et Houdaille, 1986, 158-163 ; Van de Walle, 1986, 42), mais aussi pour la Belgique (Vandenbroeke, 1977, 13), elle n’a jamais été bien expliquée (Armengaud, 1975, 304). Selon Noël Bonneuil (1997, 92), cette hausse pourrait être imputable à un meilleur enregistrement des naissances. Dans le cas de la banlieue parisienne, il est peu probable que les progrès de l’enregistrement des naissances (qui est déjà de très bonne qualité dans la période antérieure, début des années 1870 exclu) puissent expliquer à eux seuls la forte remontée des années 1880.

Fig. 3

Evolution de la fécondité légitime (Ig) à Paris, en banlieue et en France (1861-1901)

Fig. 3

Evolution de la fécondité légitime (Ig) à Paris, en banlieue et en France (1861-1901)

Indices : Paris et Seine-banlieue : calculés par l’auteur ; France : Van de Walle, 1974.

15La remontée de la fécondité en Seine-banlieue dans les années 1880 pourrait s’expliquer en partie par le pic d’immigration observé pour la période 1876-1881 (annexe 2). Mais le rôle de la migration sur la fécondité légitime en banlieue est ambivalent car il existe plusieurs types de migrants très différenciés socialement (les migrants représentent 4/5e des individus en Seine-banlieue (Farcy, 1991, 41). La majeure partie de l’immigration est provinciale (en 1891, plus de 50?% des individus sont nés en dehors du département de la Seine) et elle est surtout ouvrière (Farcy, 1991) : ces migrants s’installent en banlieue où la densité est moins forte que dans la capitale déjà saturée (Beaujeu-Garnier, 1977, 48-56). L’immigration parisienne est moins forte (un peu moins d’un quart des individus en 1891 [15]). Elle est beaucoup plus souvent « bourgeoise » (Farcy, 1991, 50) : les plus aisés, majoritaires, migrent dans les communes de l’ouest ou celles qui entourent le bois de Vincennes (Farcy, 1991, 40), mais il existe également une émigration ouvrière, notamment les populations expulsées par les grands travaux de Paris qui ne peuvent se reloger dans la capitale (Gaillard, 1997, 3 ; Beaujeu-Garnier, 1977) et, plus globalement, les migrants qui se rendent en banlieue où l’emploi industriel est plus important qu’à Paris dans le dernier quart du siècle (Farcy, 1991, 68)

16Les Parisiens aisés auraient plutôt tendance à faire baisser la fécondité en conservant des niveaux de fécondité bas observés dans la capitale (Brée, 2011, 223-225) et pourraient plutôt être considérés comme des vecteurs de la diffusion des pratiques contraceptives à travers leur mobilité résidentielle. En revanche, les migrants de province ou de l’étranger [16] viennent pour la plupart de régions moins contraceptives que la banlieue parisienne (Nord de la France), même si ce n’est pas systématique car, selon les recensements, l’indice Ig de la Seine-banlieue se situe entre le 11e et le 44e rang en termes de restriction des naissances légitimes (le rang 1 étant le plus contraceptif, annexe 3). Ces migrants, majoritaires, pourraient néanmoins contribuer à faire remonter la fécondité.

17Ces premières indications vont plutôt dans le sens de l’hypothèse selon laquelle l’augmentation de la fécondité pourrait être liée à l’arrivée de populations plus fécondes que les banlieusards, contrairement aux résultats obtenus par Neven (2003) et Creighton, Matthys et Quaranta (2012) qui ont montré que le fait de migrer réduit la probabilité d’avoir un autre enfant, notamment parce que les migrants sont plus enclins aux changements et aux innovations (Farcy et Faure, 2003, 523). En ce sens, on peut penser que l’assimilation rapide des comportements de Seine-banlieue par les migrants pourrait expliquer la baisse qui suit rapidement le pic.

18Il faut également noter que la remontée de la fécondité légitime des années 1880 suit une période de hausse de la mortalité infantile visible à partir de 1861 (annexe 4). Bien entendu, le pic du début des années 1870 est lié à la guerre franco-prussienne, mais le mouvement était amorcé auparavant. Une piste serait donc de considérer la remontée de la fécondité légitime des années 1880 comme une conséquence de la hausse de la mortalité infantile (et peut-être, inversement, la baisse de la fécondité qui s’ensuit également comme la conséquence de la baisse de la mortalité infantile) et, donc, une adaptation du niveau de la fécondité à celui de la mortalité. De ce point de vue, l’évolution de la fécondité dans les années 1880 s’inscrirait pleinement dans le cadre de la théorie classique de la transition démographique.

19Il n’est pas possible d’aller plus loin dans cette analyse de la fécondité de manière dynamique, car nous ne disposons que de deux variables (mortalité infantile et migrations) pour l’ensemble de la période étudiée. Il nous a donc semblé plus intéressant de faire une analyse plus fouillée par communes pour la seule année 1891 [17].

20À l’échelle des communes, une zone très contraceptive apparaît : elle part du nord-ouest de la banlieue (Colombes) et arrive à Paris par Neuilly, suit la Seine dans la capitale en passant par tous les arrondissements du centre jusqu’au 12e?? ; elle touche ensuite toutes les communes entourant le bois de Vincennes.

Fig. 4

Fécondité légitime (indice Ig, ‰) en région parisienne, par communes (74), en 1891

Fig. 4

Fécondité légitime (indice Ig, ‰) en région parisienne, par communes (74), en 1891

21En revanche, la fécondité ses couples mariés se maintient dans trois poches de résistance : le quart Nord-Est (entre le canal et la Seine à l’Ile-Saint-Denis), les communes situées au Sud entre la Seine et la Marne et un dernier groupe au sud (autour de Bagneux, Arcueil).

22La zone contraceptive qui traverse la région parisienne s’inscrit bien dans la carte de France de la restriction des naissances (Van de Walle, 1974), dans ce « croissant d’infertilité qui court de Paris à la Manche » (Bardet, 1988, 365) pour lequel l’importance de l’axe séquanien a été démontrée (Bardet, 1983, 83). Mais, pour la Seine-banlieue, si la présence de voies de communication a beaucoup contribué à l’industrialisation et à l’urbanisation de la banlieue parisienne, au nord en particulier (Daumas et Payen, 1976, 275), leur présence et les niveaux d’industrialisation et d’urbanisation n’influent pas automatiquement sur le niveau de fécondité de la commune (Brée, 2013b).

23Pour comprendre ce qui caractérise les couples les plus contraceptifs, les niveaux de fécondité légitime observés ont été confrontés à des variables socioéconomiques [18] par analyse des coefficients de corrélation r puis en effectuant des régressions logistiques sur la probabilité que les communes aient une limitation des naissances élevée, c’est-à-dire Ig < 0,320 (17 communes sur 74). En raison de l’indisponibilité de certaines variables pour l’ensemble des communes (pratique religieuse et mortalité infantile), chaque variable est régressée séparément puis une régression multivariée est effectuée avec les seules variables disponibles pour toutes les communes.

24Ces variables (détaillées en annexe 5) concernent l’aisance de la population, les professions, les types d’emploi, la proportion de femmes qui travaillent, la proportion de femmes mariées, la densité des logements (ces premières variables sont toutes issues du recensement de 1891), l’origine géographique des individus (Farcy, 1991), le taux de Pascalisants (Boulard, 1982) et la mortalité infantile (Annuaire statistique de la ville de Paris et du département de la Seine, 1893 et 1894 [19]). Ces variables peuvent être assez approximatives et ne sont pas des indicateurs parfaits, mais elles sont les seules disponibles pour toutes les communes de Seine-banlieue pour l’année 1891. Ainsi, malgré toutes nos recherches, aucune indication n’a pu être trouvée à propos du niveau d’instruction pour les communes de Seine-banlieue [20], ce qui aurait pourtant été particulièrement intéressant car il apparaît souvent comme un élément important du déclin de la fécondité (Bongaarts, Watkins, 1996 ; Montgomery, Casterline, 1996 ; Pétillon, 2006 ; Guinnane, 2011).

25Pour les coefficients de corrélation, les variables sont continues. Pour les régressions logistiques, en revanche, les variables sont ordonnées. Par un tri croissant, elles sont divisées en trois groupes rassemblant chacun un tiers de l’effectif (« faible », « moyen », « fort ») sauf pour les variables professionnelles [21] et d’origine [22] qui ont été construites grâce à des classifications ascendantes hiérarchiques (annexe 6). Ces classifications ont permis de distinguer trois types de communes en termes de spécialisation professionnelle : les communes d’agriculteurs, celles d’ouvriers/industrie et celles d’employés/commerce. La variable « origine » a permis de distinguer trois types de communes : celles qui comptent plutôt des migrants provinciaux, plutôt des natifs ou plutôt des individus nés dans le département de la Seine (hors de la commune de résidence).

26Les coefficients de corrélation sont globalement assez faibles (tableau 1) [24], mais fournissent néanmoins quelques indications en montrant notamment l’importance du confort économique (aisance, proportion de patrons) et sanitaire (nombre de cabinets de toilette), du milieu professionnel (ouvriers, industrie), de la pratique religieuse et de l’origine des individus.

Tab. 1

Coefficients de corrélation entre les variables et l’indice Ig (74 communes de Seine-banlieue)*

Tab. 1
Variables Coefficients de corrélation r Variables Coefficients de corrélation r Aisance -0,40 Densité des logements 0,13 Pratique religieuse * (68) -0,34 Migrants 0,12 Natifs (département) -0,25 Professions libérales 0,09 Nombre de cabinets de toilette -0,24 Agriculture 0,09 Industrie 0,24 Natifs (commune) 0,08 Ouvriers 0,23 Femmes travaillant 0,07 Patrons -0,23 Femmes mariées (%) -0,03 Commerce -0,16 Mortalité infantile * (54) 0,01

Coefficients de corrélation entre les variables et l’indice Ig (74 communes de Seine-banlieue)*

* variables non disponibles pour toutes les villes (nombre de villes entre parenthèses).
Lecture : Plus l’indice Ig est élevé, plus l’aisance est faible

27Les communes les plus contraceptives (indices de fécondité les plus faibles) sont celles qui comptent le plus d’individus aisés et le fait qu’une commune ait une forte proportion de rentiers est significatif par rapport à celles qui en ont une proportion faible (tableau 2). L’antériorité des élites, maintes fois observées à l’échelle individuelle (Henry et Lévy, 1960 ; Bardet, 1983, 280 ; Perrenoud, 1979, 107 ; Schumacher, 2008, 316), semble donc apparaître également dans les communes de banlieue parisienne.

Tab. 2

Régressions logistiques de la probabilité que les communes aient une limitation des naissances élevée, c’est à dire Ig < 0,320[23]

Tab. 2
Odds ratio Pr > Khi² Odds ratio Pr > Khi² Aisance-faible Ref. Ref. Pratique religieuse-faible Ref. Ref Aisance-moyen 1,544 0,599 Pratique religieuse-moyen 2,222 0,388 Aisance-fort 4,583 0,039 * Pratique religieuse-fort 5 0,061 Khi² (LR) : 5,518 Pr>LR : 0,063 Khi² (LR) : 4,330 Pr>LR : 0,115 Odds ratio Pr > Khi² Odds ratio Pr > Khi² Employés/commerce Ref. Ref. Mortalité infantile-faible Ref. Ref. Agriculteurs 0,265 0,037 * Mortalité infantile-moyen 0,111 0,013 * Ouvriers/industrie 0,067 0,014 ** Mortalité infantile-fort 0,286 0,089 Khi² (LR) : 10,865 Pr>LR : 0,004 Khi² (LR) : 8,059 Pr>LR : 0,018 Odds ratio Pr > Khi² Origine-province Ref. Ref. Origine-département 3,365 0,089 Origine-commune 1,974 0,341 Khi² (LR) : 3,044 Pr>LR : 0,218

Régressions logistiques de la probabilité que les communes aient une limitation des naissances élevée, c’est à dire Ig < 0,320[23]

28À l’inverse, les communes les plus ouvrières et/ou les plus industrielles sont, en général, celles où la fécondité est la plus forte ; ce qui va dans le sens des recherches menées dans les bassins industriels caractérisés par des fécondités plus élevées (Eggerickx, 2004, 177-120 ; Pétillon, 2006, 256). En utilisant les coefficients de corrélation, la variable avec l’association la plus forte est l’aisance (proportion de rentiers) alors que la variable professionnelle est la plus discriminante de toutes dans la régression (tableau 2). En mettant ces deux variables dans une même régression (non présentée ici), seule la variable professionnelle se révèle effective.

29Les communes ouvrières, comme les communes agricoles, ont donc moins de risques d’avoir une fécondité faible que les communes à forte proportion d’employés et de commerçants. Il semble en revanche que la différence entre communes agricoles et communes ouvrières ne soit pas significative (Pr>Khi² = 0,227, non présentée ici). Mais si on se pose la question à l’envers, à savoir qui résiste à la limitation des naissances (Ig>0,380, 19 communes sur 74), la distinction apparaît (tableau 3).

Tab. 3

Régression logistique sur la probabilité que les communes aient une fécondité légitime élevée, c’est à dire Ig > 0,380 et le type professionnel dominant des communes

Tab. 3
Odds ratio Pr > Khi² Agriculteurs Ref. Ref. Employés/commerce 1,563 0,544 Ouvriers/industrie 6,25 0,009** Khi² (LR) : 8,291 Pr>LR : 0,016

Régression logistique sur la probabilité que les communes aient une fécondité légitime élevée, c’est à dire Ig > 0,380 et le type professionnel dominant des communes

30Ce phénomène peut éventuellement s’expliquer par le fait que les agriculteurs ont souvent un patrimoine à transmettre, leur ferme, qu’ils ne souhaitent pas voir morcelé en plusieurs parcelles, dans la mesure où le système d’héritage francilien est égalitaire (Tugault, 1975,34). Ils ont donc, de ce point de vue, intérêt à limiter le nombre de leurs enfants, contrairement aux ouvriers qui n’ont pas de patrimoine foncier ou immobilier. Cette restriction des naissances dans les communes les plus agricoles peut également être liée à un retard de l’âge au mariage : si l’espérance de vie augmente, la transmission des biens de parents à enfants est plus tardive et peut en conséquence retarder l’installation et le mariage des enfants.

31Le second groupe de variables intéressantes à confronter à la restriction des naissances concerne l’origine des populations. L’observation des coefficients de corrélation (tableau 1) semble indiquer que les natifs du département de résidence (la Seine donc) sont nombreux dans les communes où la fécondité est faible alors qu’il n’existe pas de lien entre la proportion de natifs de la commune de résidence et le niveau de fécondité. Le fait d’être né dans la commune n’a donc visiblement pas d’impact. En revanche, puisqu’un grand nombre des natifs du département sont nés à Paris (voir plus haut), alors on peut penser que c’est le fait d’être né à Paris qui influe sur la fécondité. Il faut alors extrapoler à nouveau en suggérant que ces natifs de la Seine seraient partis de la capitale à l’âge adulte, emportant avec eux des comportements de restriction des naissances adoptés à Paris et les conservant dans leur nouvelle localité. Plus simplement, on peut également penser que les communes où les natifs parisiens sont les plus nombreux sont les plus proches de Paris et ce serait alors la proximité de la capitale et la fréquence des contacts possibles avec Paris qui pourraient expliquer les faibles niveaux de contraception. Ce résultat pourrait indiquer une diffusion des comportements de restriction des naissances.

32En régressant la variable « origines », il n’apparaît en revanche aucune significativité. En revenant aux variables distinctes utilisées pour calculer les déterminants de corrélations (nés dans la commune, dans le reste du département ou dans un autre département, régressions non présentées) et en les régressant une à une, seule la corrélation entre les communes qui comptent peu de natifs et celles qui en comptent un nombre moyen apparaît significative (mais celle-ci disparait lorsqu’on ajoute la variable professionnelle à la régression). L’origine des individus semble donc très liée à leur milieu professionnel comme l’a montré Farcy (1991), et il semble que les corrélations qui peuvent apparaître sont en réalité dues au lien qui existe entre origine et profession.

33La pratique religieuse influence-t-elle les comportements contraceptifs ? Il semble que les communes les plus contraceptives soient celles où la pratique religieuse est la plus élevée, ce qui peut paraître contradictoire puisque la hausse de la restriction des naissances est plutôt mise en lien avec la sécularisation (Lesthaeghe et Wilson, 1982). Le paradoxe est-il uniquement le résultat du caractère frustre de cet indicateur : la part de la population qui va à la messe pour Pâques ? En fait, Paris et une large partie de la région parisienne sont depuis longtemps déchristianisés (Chaunu et al., 1998 ; Boudon, 2001) la pratique religieuse indique sans doute davantage un conformisme social des classes aisées qu’une réelle piété pouvant influer sur les comportements intimes des couples. Mais surtout, ce sont les arrondissements populaires qui sont les plus déchristianisés (Boulard, 1971), or ce sont les plus féconds ou du moins les moins malthusiens.

34En raison de son indisponibilité pour 6 des 74 communes, la variable « religion » ne pourra être utilisée pour une régression à variables multiples. Dans la régression simple, elle est à la limite de la significativité (entre une pratique religieuse faible et une pratique religieuse élevée) et va dans le même sens que la corrélation linéaire observée. En ajoutant l’aisance ou la profession, la variable pratique religieuse n’est alors plus significative, ce qui corrobore notre hypothèse.

35Concernant la mortalité infantile, si le coefficient de corrélation est nul (tableau?1), la régression logistique (tableau?2) semble indiquer que le risque d’avoir une fécondité faible est plus réduit dans les communes où la mortalité infantile est de niveau moyen que dans celles où elle est faible (cette relation n’apparaît pas en revanche pour la mortalité élevée). En ajoutant à la régression la variable professionnelle ou l’aisance, la corrélation n’est plus significative mais elle reste tout de même à des niveaux proches de la significativité (0,088 avec la variable professionnelle et 0,065 avec l’aisance).

36Le lien entre la proportion de femmes qui travaillent et les niveaux de fécondité a été testé, en faisant l’hypothèse que les femmes qui travaillent limitent davantage volontairement leurs naissances que les autres (Guinnane, 2011), mais cela n’apparaît pas à l’échelle des communes. Il est probable qu’en plus d’une possible erreur écologique, ce résultat soit dû à la médiocrité de l’information sur le travail des femmes, notamment parce qu’un grand nombre d’entre elles sont considérées comme membres d’une « famille vivant des revenus du chef de famille » (recensements) alors qu’elles travaillent en réalité avec leurs maris.

37En effectuant une régression avec les trois variables qui apparaissaient comme les plus significatives et pour lesquelles nous avons des données pour toutes les communes (tableau 4), seule la variable professionnelle est significative.

Tab. 4

Régression logistique multivariée sur la probabilité que les communes aient une limitation des naissances élevée, c’est à dire Ig < 0,320

Tab. 4
Odds ratio Pr > Khi² Origine-province Ref. Ref. Origine-commune 3,389 0,149 Origine-département 4,109 0,082 Variable professionnelle - Employés/commerce Ref. Ref. Variable professionnelle - Ouvriers/industrie 0,078 0,035* Variable professionnelle-Agriculteurs 0,243 0,061 Aisance-faible Ref. Ref. Aisance-fort 1,749 0,525 Aisance-moyen 0,783 0,789 Origine : Khi² (LR) : 3,737 Pr>LR : 0,154 Variable professionnelle : Khi² (LR) : 7,213 Pr>LR : 0,027 Aisance : Khi² (LR) : 1,140 Pr>LR : 0,565

Régression logistique multivariée sur la probabilité que les communes aient une limitation des naissances élevée, c’est à dire Ig < 0,320

38Il est évident qu’il existe un effet de structure entre la variable professionnelle et l’aisance puisque les communes commerçantes sont également celles qui comptent le plus de rentiers et les communes ouvrières celles qui en comptent le moins. Il semble cependant que la variable professionnelle soit plus significative que l’aisance, notamment parce qu’elle permet de distinguer les communes ouvrières des communes agricoles, où la proportion de rentiers peut être proche, mais où les stratégies matrimoniales et de fécondité diffèrent en fonction de la présence ou non d’un patrimoine à transmettre. La régression montre également qu’en tenant compte des niveaux socioéconomiques, l’origine géographique n’est plus significative pour expliquer la limitation des naissances. Cela pourrait suggérer que les migrants (qu’ils soient du reste du département ou du reste de la France) ont, ou adoptent, des comportements de fécondité voisins de ceux de la population de la commune d’accueil.

39Pour conclure, le mouvement de la fécondité légitime peut être rapproché de celui de l’immigration à l’échelle de la banlieue, mais on ne retrouve pas ce lien à l’échelle des communes. On sait que les migrants sont plus nombreux dans les communes ouvrières. Si les migrants sont souvent des ouvriers et qu’ils s’installent dans des communes ouvrières, il est normal que leurs comportements aient peu d’impact sur la fécondité à l’échelle des communes ; en revanche, les ouvriers ayant des niveaux de fécondité plus élevés que le reste de la population, l’arrivée massive d’ouvriers en Seine-banlieue fait augmenter globalement la fécondité légitime à l’échelle de la Seine-banlieue.

40Le mouvement de la fécondité légitime peut également être rapproché de celui de la mortalité infantile à l’échelle de la banlieue. Il faut noter qu’à l’échelle des communes, le niveau de mortalité infantile est discriminant, mais uniquement lorsqu’on teste une limitation des naissances élevée. La corrélation est donc faible à l’échelle des communes, mais cela ne signifie pas qu’elle n’est pas significative à l’échelle individuelle (Knodel, 1986).

41Enfin, si le mouvement général de la fécondité légitime n’a pu être mis en lien avec l’évolution socioéconomique de la Seine-banlieue entre 1861 et 1901, on voit que ce paramètre est le plus discriminant pour expliquer les différences de niveau de restriction des naissances à l’échelle communale.

42En résumé, même s’il est difficile de démontrer qu’il existe des mécanismes de diffusion (excepté peut-être par la mobilité résidentielle des Parisiens) en raison du caractère non dynamique de la confrontation entre les niveaux de fécondité et les caractéristiques sociales, professionnelles et culturelles des communes, il semble bien qu’on puisse parler de comportements d’adaptation, notamment économique (et probablement combiné à des préoccupations patrimoniales) des couples mariées à leurs besoins. Il existe peut-être également une adaptation à la mortalité infantile, mais elle n’apparaît que pour les communes où la restriction des naissances est plus forte.

La fécondité illégitime

43Pour la fécondité illégitime, les tendances diffèrent de celles observées pour la fécondité légitime puisque les niveaux de la banlieue sont très proches des niveaux parisiens.

44Contrairement à ce que la proportion de naissances illégitimes (14 à 20?% entre 1861 et 1901 en Seine-banlieue [25] contre 25 à 33?% à Paris) peut laisser supposer, la banlieue parisienne rattrape dès les années 1880, et dépasse même les niveaux de fécondité illégitime de Paris à la fin du xixe siècle [26]. En tenant compte des naissances corrigées (c’est-à-dire celles pour lesquelles on a ajouté les naissances des femmes résidant en Seine-banlieue mais ayant accouché à Paris), les courbes de fécondité illégitime de Paris et de Seine-banlieue sont quasiment identiques. Cette différence entre taux d’illégitimité et fécondité illégitime s’explique donc par leurs constructions. Alors que l’indice de fécondité illégitime ne tient compte que des naissances illégitimes, le taux d’illégitime dépend également du comportement fécond des couples mariés qui est moins contraceptif en Seine-banlieue, ce qui réduit la proportion de naissances illégitimes.

45Le département de la Seine, même en excluant Paris (Seine-banlieue) est le département qui a la fécondité illégitime la plus élevée de France (annexe 3). Dans la reconstruction de David Weir (1994) qui trouve pourtant des indices un peu plus élevés que Van de Walle (1974), la Seine-banlieue a également des niveaux de fécondité illégitime deux à trois fois supérieurs au niveau national. Cette forte fécondité illégitime fait fortement augmenter la fécondité générale [27].

Fig. 5

Evolution de la fécondité illégitime (Ih) à en Seine-banlieue, à Paris et en France (1861-1901)

Fig. 5

Evolution de la fécondité illégitime (Ih) à en Seine-banlieue, à Paris et en France (1861-1901)

Indices : Paris et Seine-banlieue : calculés par l’auteur ; France : Van de Walle, 1974.

46La fécondité illégitime découpe la banlieue en deux zones : forte fécondité illégitime au nord et faible au sud (figure 6). Elle est plus forte à proximité de Paris, en particulier dans les communes industrialisées au nord de la capitale (autour de Saint-Denis) et, même si les niveaux de fécondité illégitime n’atteignent jamais ceux de la capitale à l’échelle des communes [29], ils sont très élevés par rapport à la moyenne nationale (environ 0,0045).

Fig. 6

Fécondité illégitime en région parisienne en 1891[28]

Fig. 6

Fécondité illégitime en région parisienne en 1891[28]

47Pour comprendre les caractéristiques qui peuvent expliquer cette forte fécondité illégitime dans certaines communes, la même méthode que pour la fécondité légitime est utilisée : analyse des coefficients de corrélation puis régression logistique sur la probabilité que les communes aient une fécondité illégitime élevée (Ih?<?0,075 [30]).

48Pour la fécondité illégitime, les corrélations sont plus élevées que pour la fécondité légitime. La composition socioéconomique des communes est un paramètre primordial. L’illégitimité est plus faible dans les villes riches (à forte proportion de propriétaires, professions libérales et rentiers) et plus forte dans les villes pauvres et ouvrières ; autrement dit, les communes les plus pauvres ont une probabilité plus forte d’avoir une fécondité illégitime élevée que les communes les plus riches.

49Mais il semble que les variables professionnelles (en particulier celles qui concernent les ouvriers et les patrons) sont encore davantage corrélées à la fécondité illégitime dans les coefficients comme dans les régressions. Les communes d’employés, tout comme les communes agricoles, ont des niveaux de fécondité illégitime moins forts que les communes ouvrières. Il n’existe en revanche pas de différence significative entre communes commerçantes et communes agricoles.

50Le lien entre domesticité et illégitimité a été souvent montré, notamment à travers la forte proportion de domestiques parmi les « filles-mères » (Fuchs, 1992 ; Beauvalet-Boutouyrie, 1999), mais aussi chez les concubines (Battagliola, 1995, 81). La corrélation entre fécondité illégitime et proportion de domestiques n’est pas très élevée dans notre analyse et indique, au contraire, que le taux de domesticité est fort dans les communes où la fécondité illégitime est faible. En réalité, les domestiques sont nombreux dans les communes les plus aisées où les naissances illégitimes sont plus faibles que dans les milieux plus populaires (Battagliola, 1995 ; Frey, 1978 ; Brée, 2011). Le taux de domesticité est donc plutôt un indicateur de richesse de la commune et ne montre donc pas de lien probant entre domesticité et illégitimité (d’autant qu’il est probable que, comme à Paris, les domestiques enceintes se fassent licencier et ne restent pas forcément accoucher dans les communes où elles travaillent (Quibel, 2007, 39)).

51En tenant compte à la fois du milieu professionnel et de l’aisance des communes (tableau 7), on voit que c’est bien ce premier élément qui est le plus déterminant pour expliquer les différences de niveau de fécondité illégitime alors que l’aisance n’est plus significative. Ce résultat est intéressant car il peut indiquer que ce n’est pas tant le niveau économique qui influe mais plutôt le milieu culturel induit par la profession.

52Même si l’origine des individus ne semble pas avoir d’incidence sur les niveaux de fécondité illégitime (tableaux 5 et 6), il est intéressant de préciser que les communes dites agricoles comptent davantage d’individus natifs de la commune que les communes ouvrières. Ces individus n’ont probablement jamais migré en dehors de leur commune de naissance, connaissent et sont connus de la plupart des individus de leur commune ; on peut supposer qu’ils subissent une pression familiale et communautaire plus forte que les migrants, et sont donc moins enclins à accepter les naissances illégitimes que les habitants des communes ouvrières où les migrants sont plus nombreux.

Tab. 5

Coefficients de corrélation entre les variables et l’indice Ih (74 villes de Seine-banlieue)*

Tab. 5
Variables Coefficients de corrélation Variables Coefficients de corrélation Patrons -0,53 Commerce 0,23 Industrie 0,49 Densité maisons 0,17 Ouvriers 0,41 Femmes travaillant 0,15 Professions libérales -0,41 Fécondité légitime 0,14 Femmes mariées (%) 0,34 Migrants 0,12 Rentiers -0,34 Natifs (commune) -0,1 Religion* (68) -0,3 Mortalité infantile* (54) 0,08 Aisance -0,27 Natifs (département) -0,05 Domestiques -0,25 Employés 0,04 Agriculture -0,24

Coefficients de corrélation entre les variables et l’indice Ih (74 villes de Seine-banlieue)*

* variable non disponible pour toutes les villes (nombre de villes entre parenthèses).
Tab. 6

Régressions logistiques de la probabilité que les communes aient une fécondité illégitime élevée, c’est à dire Ih > 0,075

Tab. 6
Odds ratio Pr > Khi² Odds ratio Pr > Khi² Aisance-fort Ref. Ref. Religion-fort Ref. Ref. Aisance-moyen 4,235 0,099 Religion-moyen 23,71 0,038* Aisance-faible 8 0,013* Religion-faible 34,481 0,020* Khi² (LR) : 7,954 Pr>LR : 0,019 Khi² (LR) : 21,469 Pr>LR : < 0,0001 Odds ratio Pr > Khi² Odds ratio Pr > Khi² Ouvriers/industrie Ref. Ref. Mortalité infantile-faible Ref. Ref. Employés/commerce 0,087 0,005** Mortalité infantile-moyen 1,5 0,294 Agriculteurs 0,261 0,036* Mortalité infantile-élevé 1,75 0,548 Khi² (LR) : 10,875 Pr>LR : 0,004 Khi² (LR) : 0,588 Pr>LR : 0,745 Odds ratio Pr > Khi² Odds ratio Pr > Khi² Origine-province Ref. Ref. % femmes mariées-faible Ref. Ref. Originedépartement 0,556 0,393 % femmes mariées-forte 12 0,025* Origine-commune 0,556 0,359 % femmes mariéesmoyen 13,5 0,018* Khi² (LR) : 1,149 Pr>LR : 0,563 Khi² (LR) : 10,488 Pr>LR : 0,005

Régressions logistiques de la probabilité que les communes aient une fécondité illégitime élevée, c’est à dire Ih > 0,075

Tab. 7

Régression logistique (deux variables) sur la probabilité que les communes aient une fécondité illégitime élevée, c’est à dire Ih > 0,075

Tab. 7
Odds ratio Pr > Khi² Variable professionnelle-Ouvriers/industrie Ref. Ref. Variable professionnelle-Employés/commerce 0,147 0,040* Variable professionnelle-Agriculteurs 0,284 0,067 Aisance-faible Ref. Ref. Aisance-fort 0,254 0,135 Aisance-moyen 0,882 0,857 Variable professionnelle : Khi² (LR) : 5,708 Pr>LR : 0,058 Aisance : Khi² (LR) : 2,787 Pr>LR : 0,248

Régression logistique (deux variables) sur la probabilité que les communes aient une fécondité illégitime élevée, c’est à dire Ih > 0,075

53La pratique religieuse, en l’occurrence le taux de pascalisants, paraît également assez corrélée à la fécondité illégitime et c’est dans les communes où la pratique religieuse est la plus faible que la fécondité illégitime est la plus élevée. Le lien s’observe également dans la régression logistique et, même lorsqu’on ajoute la variable « aisance », la pratique religieuse (uniquement modalité faible contre forte) est toujours significative. La religion catholique associée à une pression sociale forte dans les classes les plus aisées participe à la faiblesse de la fécondité illégitime dans les communes riches.

54Une dernière variable apparaît curieusement significative, il s’agit de la proportion de femmes mariées : les communes où elles sont les plus nombreuses sont celles où la fécondité illégitime est la plus forte, alors que l’on aurait pu s’attendre à ce que la fécondité illégitime soit élevée là où les célibataires sont nombreuses, et inversement. La corrélation entre faible fécondité illégitime et faible proportion de femmes mariées peut sans doute s’expliquer par un nombre important de célibataires (dont un grand nombre de domestiques) qui sont recensées dans les communes riches mais qui, dans ces circonstances, accouchent probablement en dehors de leur commune de résidence (voir plus haut). Leurs accouchements sortent donc des statistiques des naissances de la commune, ce qui fait baisser le numérateur (nombre de naissances) mais pas le dénominateur (population féminine âgée de 15 à 49 ans non mariée). Les communes ouvrières ont, quant à elles, les niveaux de fécondité illégitime les plus élevés, mais on sait que, si les ouvriers utilisent souvent le concubinage, ce sont aussi ceux qui se marient le plus (Frey, 1978, 809). Quoi qu’il en soit, si dans la régression à une variable, le lien entre proportion de femmes mariées et illégitimité apparaît toujours, il disparaît lorsqu’on ajoute la variable professionnelle ou la variable d’aisance (non présentées ici).

55Enfin, les deux types d’analyse montrent qu’il n’y a pas de lien entre les niveaux de fécondité légitime et illégitime à l’échelle communale (ce qui aurait pu être le cas si les communes comptaient de fortes proportions de couples concubins calquant leurs comportements sur les couples mariés ou, à l’inverse, si les communes les plus fécondes avaient la plus faible fécondité illégitime). Il n’existe pas non plus de lien entre fécondité illégitime et mortalité infantile, ce qui indique également, s’il en était besoin, qu’il y a beaucoup moins de contrôle volontaire de la fécondité illégitime que de la fécondité légitime.

56Pour conclure sur la fécondité illégitime, on peut tout d’abord noter que son niveau est particulièrement élevé en Seine-banlieue et que son déclin est assez faible (on observe même une stagnation si on considère les naissances non corrigées). Comme pour Paris (Brée, 2014), la fécondité illégitime contribue pour beaucoup à la fécondité générale en Seine-banlieue. Si on ne peut ici mesurer l’augmentation des avortements volontaires (Shorter, Knodel, Van de Walle, 1971, 393), on peut supposer que les couples non mariés ont autant la possibilité d’observer les intérêts et les inconvénients de réduire le nombre de leurs enfants que les couples mariés (Shorter, 1977, 102-103) ; ce qui pourrait influer pour beaucoup sur la fécondité illégitime.

57Il apparaît également que ce sont les communes ouvrières qui ont les plus forts niveaux de fécondité illégitime, suivies par les agricoles puis les plus aisées. De manière plus générale, il semble ressortir de cette analyse que la fécondité illégitime est plus faible dans les communes où le contrôle social est plus élevé qu’ailleurs (pratique religieuse, aisance, milieu professionnel).

Conclusion

58En banlieue parisienne dans la seconde moitié du xixe siècle, la tendance, comme dans la majorité des départements français, est au déclin de la fécondité ; mais, contrairement à son imposante voisine, la fécondité en banlieue est assez forte, presque toujours située dans la moitié des départements les plus féconds. Deux raisons principales à cette situation : la fécondité légitime est assez élevée en Seine-banlieue (et même très élevée lorsqu’on la compare à Paris) et elle est associée à une fécondité illégitime très forte (niveau le plus élevé du pays).

59Les niveaux plus élevés de la fécondité légitime en banlieue qu’à Paris s’expliquent par des structures sociales différenciées, phénomène s’accentuant au cours de la période étudiée, en particulier après les travaux Haussmanniens, car « le centre, bouleversé par les travaux de rénovation, devenu lieu de résidence des classes aisées de la population parisienne et centre des affaires, a cessé d’attirer les industriels ; les loyers y sont chers, la main-d’œuvre peu abondante, les centres d’approvisionnement éloignés » (Daumas et Payen, 1976, 227). Les migrants venant vers la région parisienne se portent également plus facilement vers la banlieue moins dense et offrant beaucoup plus d’emplois, surtout industriels. À l’échelle des communes également, plus que le niveau économique proprement dit, ce sont les caractéristiques professionnelles des communes qui expliquent le mieux les niveaux de fécondité légitime. Si l’on considère que les populations de banlieue avaient toutes à peu près la même possibilité de connaître les techniques de limitation des naissances, on peut supposer que c’est bien l’intérêt d’une telle pratique qui a pu décider certaines à la mettre en œuvre et d’autres non.

60Les enfants illégitimes sont également nombreux dans les communes ouvrières, ce qui explique probablement, au moins en partie, le très fort niveau de fécondité illégitime en Seine-banlieue. Cependant, les communes d’agriculteurs, qui ne sont pas beaucoup plus aisés que les ouvriers, ont des niveaux de fécondité illégitime plus faibles que les communes ouvrières. L’explication réside alors peut-être dans une moindre pression familiale et communautaire qui aurait permis aux jeunes gens de contourner les contraintes que faisait peser la société traditionnelle sur leurs conduites sexuelles selon Shorter (1974). Plus surement, la condition des femmes souvent salariées (en particulier les ouvrières et, beaucoup moins souvent, les agricultrices) vivant dans des situations de dépendance dues à la modicité de leurs revenus et à l’instabilité des emplois dans lesquels elles ont été cantonnées et qui étaient encore accentuée par l’absence de protection familiale pour les migrantes (Fuchs et Moch, 1990) peut expliquer les différents niveaux d’illégitimité des communes.

61De manière générale, le cadre de la Seine-banlieue est intéressant car il confronte trois types de communes : ouvrières, agricoles et bourgeoises. Ces dernières sont celles où la fécondité est la plus faible contrairement aux communes ouvrières, les niveaux des communes agricoles se situant entre ces deux groupes. Les motivations concernant les deux types de fécondité sont pourtant différentes et on peut sans doute parler plutôt de rejet social des enfants illégitimes (on évite d’avoir des enfants hors mariage car la pression sociale proscrit ce comportement), alors que la restriction des naissances légitimes semble davantage économique (les couples mariés réduisent le nombre de leurs enfants pour éviter de disséminer leur patrimoine, voire pour permettre à ces enfants moins nombreux une éventuelle ascension sociale).

62Les sources agrégatives à notre disposition permettent difficilement de démontrer directement les mécanismes de diffusion des pratiques contraceptives du haut au bas de l’échelle sociale, même si les différences de comportements en termes de fécondité de communes aux compositions socioprofessionnelles très différentes laissent supposer un calendrier différent de réduction de la fécondité entre les différentes classes sociales qui composent la banlieue. En revanche, l’enquête permet de montrer, de manière plus évidente, des processus d’adaptation économique de la fécondité des couples mariés à leurs besoins ainsi qu’un ajustement aux normes sociales pour la fécondité illégitime.


Annexes

Annexe 1. Correction des données concernant les naissances

63Entre 1860 et 1879, les naissances des mères non parisiennes sont comprises parmi les naissances de Paris. Un relevé des naissances dans les registres des sages-femmes privées et dans ceux des hôpitaux pour l’année 1876 (Brée, 2011, 63) montre qu’environ 3,67?% des naissances illégitimes et 0,25?% des naissances légitimes de Paris sont le fait de mères non parisiennes. Parmi ces naissances de femmes non parisiennes 85?% étaient imputables à des Banlieusardes en 1876 (Brée, 2013a). La correction consiste donc à ajouter 85?% de ces naissances ayant eu lieu à Paris aux naissances de banlieue. Il s’agit probablement d’un maximum puisque le sondage n’a été fait que sur l’année 1876 qui se situe à la fin de la période ; nous ne possédons malheureusement pas d’indications pour les années antérieures pour corriger cette proportion.

Tab. A1

Attribution de 85?% des naissances non parisiennes de Paris à la Seine-banlieue (1861-1876)

Tab. A1
Années (moyennes triennales) Naissances en Seine Banlieue (moyenne quinquennale) Estimation des naissances non parisiennes à Paris Naissances + 85 % des naissances non parisiennes de Paris Légitimes Illégitimes Ensemble Légitimes Illégitimes Total Légitimes Illégitimes Ensemble 1860-1862 6 302 1 037 7 339 92 536 628 6 380 1 493 7 873 1865-1867 7 978 1 380 9 358 96 574 670 8 060 1 868 9 928 1871-1873 7 762 1 269 9 031 90 493 583 7 839 1 688 9 527 1875-1877 9 332 1 388 10 720 98 530 628 9 415 1 839 11 254

Attribution de 85?% des naissances non parisiennes de Paris à la Seine-banlieue (1861-1876)

64L’impact sur la fécondité illégitime n’est pas négligeable et ces naissances redistribuées font augmenter de 0,03 à 0,05 points l’indice Ih (0,01 à 0,02 pour la fécondité générale). Malgré ces corrections, un biais subsiste puisque les données permettent de montrer qu’une partie des naissances de Paris sont issues de femmes de Banlieue mais on ne sait pas, à l’inverse, combien de naissances de chaque commune de banlieue sont les fruits de femmes n’y résidant pas.

Annexe 2

Tab. A2

Taux d’accroissement total (TAT), naturel (TAN) et migratoire (TAM) en Seine-banlieue (1861-1901)

Tab. A2

Taux d’accroissement total (TAT), naturel (TAN) et migratoire (TAM) en Seine-banlieue (1861-1901)

Sources des données brutes : Recensements de la population française, Annuaires statistiques de la France, Annuaires statistiques de Paris (voir partie « sources » dans le texte). Calcul : auteure.

Annexe 3

Tab. A3

Rang des indices de fécondité de la Seine-banlieue par rapport aux autres départements français (1861-1901)

Tab. A3
Rang Seine-banlieue 1861 1866 1872 1876 1881 1886 1891 1896 1901 Indice de fécondité légitime Ig 39 27 11 19 34 45 41 28 12 Indice de fécondité illégitime Ih 86 86 87 87 87 87 87 87 87 Indice de fécondité générale If 81 69 37 48 63 68 64 49 45 Nombre de départements 86 86 87 87 87 87 87 87 87

Rang des indices de fécondité de la Seine-banlieue par rapport aux autres départements français (1861-1901)

La Seine-banlieue est ici considérée comme un département ; le département de la Seine (comprenant Paris) est exclu.

Annexe 4

Tab. A4

Taux de mortalité infantile dans le département de la Seine (1861-1901)

Tab. A4

Taux de mortalité infantile dans le département de la Seine (1861-1901)

Source : Van de Walle et Preston, 1974.

Annexe 5. Liste des variables

65Source : Résultats du dénombrement pour la ville de Paris et le département de la Seine, 1891.

66Aisance : Proportion de rentiers dans l’ensemble de la population de la commune.

67% de femmes mariées 15-49 : Proportion de femmes mariées parmi les femmes de 15-49 ans

68Patrons : Proportion de patrons parmi les individus qui travaillent.

69Employés : Proportion d’employés parmi les individus qui travaillent.

70Ouvriers : Proportion d’ouvriers parmi les individus qui travaillent.

71Note : Pour ces types de professions, les domestiques sont exclus ; ils sont en effet classés parmi les « individus vivant directement ou indirectement » de la profession.

72Industrie : Proportion d’individus vivant directement (patrons, employés et ouvrier) ou indirectement (familles, domestiques) d’une population industrielle dans l’ensemble de la population.

73Commerce : Proportion d’individus vivant directement ou indirectement (familles, domestiques) vivant du commerce dans la population.

74Professions libérales : Proportion d’individus vivant directement ou indirectement (familles, domestiques) exerçant une profession libérale dans la population.

75Rentiers : Proportion d’individus vivant directement ou indirectement (familles, domestiques) de leurs rentes dans la population.

76Agriculture : Proportion d’individus vivant directement ou indirectement (familles, domestiques) vivant de l’agriculture dans la population.

77Note : Les « individus vivant directement » de la profession sont les patrons, les employés et les ouvriers ; ceux qui en vivent indirectement » sont les familles et les domestiques.

78Femme qui travaillent : Proportion de femmes qui font l’objet d’une mention professionnelle parmi l’ensemble des femmes (domestiques exclues)

79Densité logements : Habitants par maison.

80Source : Farcy, 1991, 43.

81Natifs (commune) : Proportion d’individus nés dans la commune de résidence.

82Natifs (département) : Proportion d’individus nés dans le reste du département de la Seine.

83Migrants : Proportion d’individus nés dans les autres départements français.

84Source : Boulard, 1982, 207.

85Religion : Part des individus de plus de 15 ans qui vont à la messe pour Pâques.

86Source : Annuaire statistique de la ville de Paris et le département de la Seine, 1893-1894.

87Mortalité infantile : Décès des 0-1 an de 1894 rapportés à la moyenne des naissances de l’année et de l’année précédente.

Annexe 6. Classification ascendante hiérarchique

88Méthode de classification automatique des données qui, en mesurant la dissimilarité des individus, les regroupe en plusieurs classes.

Variable professionnelle

figure im18

Variable professionnelle

89Chaque bâton représente la distance de la moyenne de chaque classe à la moyenne générale. Cette distance est exprimée en nombre d’écart-types de chaque variable.

90Le premier groupe (gris clair) est considéré comme « employés/commerce », le second (gris foncé) comme « ouvriers, industrie » et le dernier (gris intermédiaire) comme « agriculteurs ».

Variable « origines »

figure im19

Variable « origines »

91Le premier groupe (gris foncé) est considéré comme « province » (nés ailleurs) le second (gris intermédiaire) comme « natifs » (de la commune) et le dernier (gris clair) comme « département » (nés département Seine).

Annexe 7

Tab. A7

Illégitimité à Paris, en Seine-banlieue et en France, 1861-1901

Tab. A7

Illégitimité à Paris, en Seine-banlieue et en France, 1861-1901

Sources : Paris et Seine-banlieue : calculés par l’auteur ; France : Van de Walle, 1974.

Annexe 8. Illégitimité (proportion de naissances illégitimes parmi le nombre total de naissances, en pourcentage) par commune, 1891

tableau im21

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Notamment l’Autriche, la Hongrie, la Roumanie qui ont des indices de fécondité illégitime très élevés.
  • [2]
    Même si la frontière entre ces deux catégories est mince (Frey, 1978 ; Brunet, 2008). Si certaines femmes ont des relations épisodiques ou si d’autres ont recours à la prostitution plus ou moins passagère, un grand nombre vit dans une situation de concubinage qui peut se terminer : soit par un mariage précédent la grossesse (enfant légitime) ou suivant la naissance (enfant légitimé), soit par la reconnaissance plus ou moins tardive par le père (enfant illégitime reconnu), soit par l’abandon de la mère qui n’a pas la possibilité de poursuivre le père de l’enfant selon l’article 340 du code civil (enfant illégitime qui peut éventuellement être reconnu ou légitimé plus tard).
  • [3]
    Leurs niveaux de fécondité, considérés comme un maximum social de fécondité, servent de référence.
  • [4]
    L’indice Im ne sera pas utilisé ici.
  • [5]
    Moyenne triennale entourant l’année de recensement.
  • [6]
    En général, les dénombrements de la France fournissent la structure de la population du département de la Seine à laquelle il faut retrancher la population parisienne.
  • [7]
    Sur les sources des données pour Paris : Brée, 2013a.
  • [8]
    Il faut tout de même noter qu’une partie des mères, accouchant à Paris sans y résider, habite à l’extérieur du département de la Seine (0,1?% en 1876, Brée, 2013a) et est donc comptée en trop.
  • [9]
    Résultats statistiques du dénombrement de 1891 pour la ville de Paris et le département de la Seine, et renseignements relatifs aux dénombrements antérieurs.
  • [10]
    Comme l’indique le titre utilisé par Farcy (1991) : « Banlieue 1891 : Les enseignements d’un recensement exemplaire ».
  • [11]
    Il existe cependant deux séries d’ouvrages qui fournissent les effectifs des naissances, mariages (divorces) et décès, mais uniquement pour les communes les plus importantes (plus de 20?000 ou 30?000 habitants selon les années) : Statistique annuelle du mouvement de la population (publiée par la Statistique Générale de la France) qui fournit les mêmes données que dans les Annuaires statistiques de la France ; et Statistique sanitaire des villes de France et d’Algérie qui émane de la direction de l’assistance et de l’hygiène publique du Ministère de l’Intérieur. Ces deux séries de publications ne donnent pas les mêmes effectifs : la première série semble correspondre aux naissances de la commune (déclaration de naissance à la mairie de la commune) et la seconde aux naissances domiciliées, c’est-à-dire aux naissances des femmes de la commune qu’elles aient accouché dans la commune ou ailleurs (Brée, 2011, 52-53).
  • [12]
    Conversion de l’indice If en nombre d’enfants par femme d’après la méthode proposée par Sardon (1995), c’est-à-dire en multipliant l’indice par 12,44, soit le nombre moyen d’enfants par femme huttérite.
  • [13]
    4,0 en données corrigées.
  • [14]
    Taux de mortalité infantile situés entre 190?‰ en 1861-1865 et 164?‰ en 1896-1900.
  • [15]
    En 1891, les individus nés dans une autre commune du département de la Seine que dans celle où ils résident au moment du recensement représentent un quart de la population. Cette ville d’origine est Paris la plupart du temps mais pas uniquement (à Puteaux, 7?% des époux sont nés dans une autre commune du département qui n’est pas Paris (Farcy, 1991, 46).
  • [16]
    Les étrangers ne représentent que 5?% de la population de Seine-Banlieue, en 1891, et gagnent des communes très proches de leur statut social d’origine (Farcy, 1991, 44)
  • [17]
    La carte de l’illégitimité (proportion de naissances illégitimes) par commune est présentée en annexe 8.
  • [18]
    Liste, définition et sources des variables utilisées : annexe 5.
  • [19]
    1893 est la première année pour laquelle le nombre de décès des enfants de 0 à 1 an est donné par commune. L’année 1894 a également été utilisée pour centrer le taux sur les enfants nés en 1894 (décès des enfants nés en 1893 entre 0 et 1 an en 1893 et en 1894, annexe 5).
  • [20]
    Il serait possible de compter les signatures au mariage dans chaque commune, mais cela demanderait une somme de travail supplémentaire considérable.
  • [21]
    Une classification ascendante hiérarchique (méthode de classification automatique des données qui, en mesurant la dissimilarité des individus les regroupe en plusieurs classes), utilisant les variables professionnelles (proportion de patrons, ouvriers, employés, de personnes travaillant dans l’agriculture, l’industrie et le commerce) montre que les communes de Seine-banlieue peuvent être regroupées en trois types : agricole, industriel/ouvrier, employé/commerçant (annexe 6).
  • [22]
    Une classification ascendante hiérarchique a également été utilisée pour créer une variable « origine » (annexe 6), tenant compte du lieu de naissance : nés dans la commune, dans une autre commune du département de la Seine, dans un autre département.
  • [23]
    Le seuil de 0,320 a été choisi, car il représente le quart supérieur des communes en termes de restriction des naissances (un quart des communes a un indice de fécondité légitime plus faible que 0,320 ; les trois autres quarts, un indice plus faible).
  • [24]
    Selon Cohen (1988), les corrélations ont des niveaux moyens lorsqu’elles sont supérieures à 0,3 et forts lorsqu’elles sont supérieures à 0,5
  • [25]
    Moyennes quinquennales (17 à 20?% avec les naissances corrigées), annexe 7.
  • [26]
    L’illégitimité (proportion de naissances illégitimes) apparait plus forte à Paris qu’en banlieue, car elle dépend fortement du comportement des couples mariés (puisque les naissances illégitimes sont rapportées à l’ensemble des naissances) plus contraceptifs à Paris.
  • [27]
    En attribuant la fécondité illégitime de la France (Ih = 0,045) à la Seine-Banlieue, l’indice If perd 0,03 à 0,4 points (soit 0,3 à 0,5 enfants par femme en extrapolant avec la méthode Sardon (1995)).
  • [28]
    Ces données sont calculées avec les naissances des registres d’état civil et ne sont pas corrigées (les naissances de Paris ne sont pas redistribuées en banlieue).
  • [29]
    On voit, sur le graphique de la figure 5, que l’indice de fécondité illégitime dépasse parfois celui de Paris, ce qui n’est pas le cas au niveau des communes. Cela s’explique par les sources mobilisées. En effet, les naissances utilisées pour le calcul par communes sont celles des registres d’état civil ; les naissances en dehors des communes de résidence ne sont donc pas comptabilisées. En revanche, les naissances de Seine-banlieue sont calculées en soustrayant aux naissances du département de la Seine celles de Paris ; or les naissances de Paris sont uniquement celles des femmes parisiennes ayant accouché à Paris, ce qui implique que toutes les naissances de Paris issues d’une mère non parisienne sont considérées comme issue d’une mère résidant en Seine-Banlieue. Les naissances dans les communes de Seine-Banlieue sont légèrement sous-estimées alors qu’elles sont légèrement surestimées pour la Seine-Banlieue.
  • [30]
    Le seuil de 0,075 a été choisi car il représente le quart supérieur des communes (un quart des communes a un indice plus élevé que 0,075 ; les trois autres quarts un indice plus faible).
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