Couverture de ADH_125

Article de revue

Autorité des pères et liberté des enfants dans les États italiens réformateurs du XVIIIe siècle

Pages 25 à 42

Notes

  • [1]
    Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 2 vol., Paris, Flammarion, 1981 (éd. or. 1835 et 1840), II, ch. VIII, 242. Cf. (Cavina, 2007, 242-250). Sur les liens entre les systèmes familiaux et les pratiques de transmission du patrimoine, voir (Béaur (dir.), 2011).
  • [2]
    Les frères étaient rarement mentionnés. Parmi les exceptions, signalons les statuts de Parme (1347) qui, en l’absence du père, exigent le consentement de la mère ou des frères (Statuta communis Parmae anni MCCCXLII, Parmae, ex officina P. Fiaccadorii, 1860, 258). Dans les pratiques judiciaires, en revanche, les frères suppléaient parfois la mère. Sur les pouvoirs exercés par les mères de famille parisiennes de la première moitié du xviiie siècle, voir (Doyon, 2005).
  • [3]
    Je renvoie, à titre d’exemple, au cas de Bologne, la deuxième ville des États du Pape (Statuta civilia et criminalia civitatis Bononiae (1454), 2 vol., Bononiae, ex typ. C. Pisarri, 1735-37, I, 61, 489-490).
  • [4]
    Le statut se trouve dans Criminalium iurium civitatis Genuensis libri duo (1556-57), Genuae, apud C. Bellonum, 1573, lib. II, cap. VII, 35-36 ; la mesure qui l’abroge est dans les Leges novae Reipublicae Genuensis, Mediolani, apud A. de Antoniis, 1576, Erectio Rotae Criminalis, cap. XXIII, f. 45v.
  • [5]
    Codice di leggi, e costituzioni per gli Stati di Sua Altezza Serenissima, Modena, Società Tipografica, 1771, t. I, lib. II, tit. XIII : « Dei matrimonii, loro effetti civili, e delle cause matrimoniali ». Cf. (Ungari, 1974, 45).
  • [6]
    Sur le débat que la Pragmatica suscite dans l’Amérique espagnole, voir notamment (Rípodas Ardanaz, 1977) et (Saether, 2003).
  • [7]
    Je remercie Nuno G. Monteir de m’avoir aimablement fourni ces informations.
  • [8]
    Joaquin Amorós, Discurso…, Madrid, por Blas Román, 1777, « Prologo », nn.
  • [9]
    Giulio Claro, Volumen, alias Liber quintus, Venetiis, apud H. Polum, 1583 (1ère éd. 1568), § « Stuprum », c. 43v ; Antonio Gomez, Ad Leges Tauri commentarium, Lugduni, sumptibus A. Servant, 1733 (1ère éd. 1555), « Lex 80 », nn. 7-8, 476.
  • [10]
    Le jugement de Claude-Joseph de Ferrière (1680 ?-1748 ?), avocat du Parlement de Paris, sur les normes favorisant le mariage entre un séducteur et sa victime est lapidaire : « La pureté de notre religion ne permet pas que le sacrement de mariage soit la récompense du vice et de la prostitution ». Cf. Claude-Joseph de Ferrière, Nouvelle introduction à la pratique ou Dictionnaire des termes de pratique, de droit, d’ordonnances, et des coutumes, 2 vol., Paris, chez M. Brunet, 1734 (1ère éd. 1718), I, 859.
  • [11]
    J. Amoròs, Discurso…, op. cit., 255.
  • [12]
    Paul Laymann, Theologia moralis, Venetiis, ex typ. Remondiniana, 1760 (1ère éd. 1625), lib. V, tract. X, pars I, cap. I, n. 11, p. 124 ; Gian Domenico Rinaldi, Observationes criminales, civiles, et mixtae, 2 vol., Romae, sumptibus N. Chellini, 1688-1690, II, cap. XXIII, §§ IV-VI, n. 151, 401.
  • [13]
    Sur les États de l’Église, voir Cristoforo Cosci, De sponsalibus filiorum familias vota decisiva, Romae, sumptibus Remondiniensis, 1763, « Additio IV », p. 265-267 (loi du 13 sep-tembre 1736) ; sur le Duché de Modène, voir Provvisioni, gride, ordini, e decreti da osservarsi negli Stati di S.A., Modena, per gli eredi di B. Soliani, 1755, p. 46-51 ; sur le Grand-duché de Toscane, voir Legislazione toscana raccolta e illustrata da Lorenzo Cantini, 31 vol., Firenze, stamp. Albizziniana, 1800-1808, XXVII, 53-54 (loi du 24 janvier 1754).
  • [14]
    Je me limite à citer Tomás Sanchez, De sancto matrimonii sacramento disputationum tomi tres, 2 vol., Lugduni, sumptibus Ph.B.L. Arnaud et C. Rigaud, 1654 (1ère éd., 1602), I, lib. I, disp. 14.
  • [15]
    Je renvoie aussi à l’ouvrage du protonotaire apostolique Cristoforo Cosci, De sponsalibus filiorum familias vota decisiva, déjà cité. L’auteur était un spécialiste des procès matrimoniaux car il avait exercé la magistrature dans différents tribunaux diocésains des États de l’Église.
  • [16]
    Voir aussi sur Venise (Plebani, 2012, 98-99 ; 117-120).
  • [17]
    Archivio Arcivescovile, Florence, Cause civili matrimoniali, 57, n° 12, année 1724. Ces cas étaient présentés au tribunal diocésain sous la forme de requêtes afin d’empêcher les publications du mariage qu’on voulait contester.
  • [18]
    Les décrets de la Congrégation sont reportés dans (Schulte & Richter (dir), 1853, 223).
  • [19]
    L’âge de la majorité n’était pas précisé. De toute évidence, les ecclésiastiques se référaient aux lois civiles des différents États.
  • [20]
    Codice di leggi, e costituzioni per gli Stati di Sua Altezza Serenissima, 2 vol., Modena, Società tipografica, 1771, I, lib. II, tit. XIII, Dei matrimonii, loro effetti civili, e delle cause matrimoniali, 284-285 ; Bandi e ordini da osservarsi nel Granducato di Toscana, 66 vol., Firenze, G. Cambiagi, 1747-1859, XII, n. LXXVI, loi du 30 octobre 1784.
  • [21]
    La Prammatica du 11 décembre 1780 est éditée dans (Di Bella, 1982, 71-73). L’Espagne adopte des mesures semblables quelques années plus tard. En 1788, on impose aux tribunaux ecclésiastiques de n’accepter les plaintes pour promesse non tenue que lorsque cette dernière a été confirmée par le consentement paternel ; à partir de 1803, celui-ci doit obligatoirement être certifié par une écriture publique (Dubert, 2009, 109-110).

1« La division des patrimoines qu’amène la démocratie contribue peut-être plus que tout le reste à changer les rapports du père et des enfants. [...] Je pense qu’à mesure que les mœurs et les lois sont plus démocratiques, les rapports du père et du fils deviennent plus intimes et plus doux ; la règle et l’autorité s’y rencontrent moins ; la confiance et l’affection y sont souvent plus grandes, et il semble que le lien naturel se resserre, tandis que le lien social se détend [1]. »

2Dans son ouvrage De la démocratie en Amérique (1835-1840), Alexis de Tocqueville observait que l’éradication du pouvoir que les pères avaient eu sous l’Ancien Régime de distribuer inégalement leur patrimoine avait d’importantes conséquences sur les relations familiales, là où elle avait été obtenue. Privé de son pouvoir despotique, le père pouvait enfin voir son rôle se transformer et laisser libre cours à un amour pur et désintéressé. L’analyse des règles juridiques et des pratiques judiciaires entre le xve et le xviiie siècle relativise cette notion de « pouvoir despotique du père », aboli à la Révolution. En réalité, tout au long de l’époque moderne, l’extension/limitation de l’autorité paternelle figure au centre d’un débat opposant les autorités civiles et religieuses qui instrumentalisent cette question pour délimiter leurs pouvoirs respectifs. Dans cet article, nous analyserons comment la régulation juridique des mariages cristallise ces enjeux et modifie les normes de parentalité, plus spécifiquement de paternité. Cette régulation oscille en effet entre la préférence accordée au pouvoir des pères et celle donnée à la liberté de convoler des enfants, ou encore entre la prohibition des mésalliances et la protection de l’honneur des filles.

3Pendant des siècles, les pères s’étaient servis du pouvoir de déshériter leurs garçons et de refuser la dot à leurs filles pour imposer leur volonté, notamment au moment du choix matrimonial. Pour la France, l’Édit d’Henri II de 1556, qui punit les enfants mineurs qui se marient sans le consentement de leur père et mère (et des ascendants de l’un et de l’autre), est bien connu. Dans les États du centre et du nord de l’Italie, entre le xiiie et le xve siècle, les statuts communaux avaient déjà édicté des peines sévères à l’encontre des enfants qui se mariaient sans le consentement paternel (Dean, 1998, 98-106 ; Lombardi, 2001, 47-51). Mais, à cette époque, les statuts visaient essentiellement les filles désobéissantes. C’est qu’on exigeait d’elles une soumission totale à la volonté familiale : comme les femmes acquéraient le rang social de leur époux, les mésalliances déshonoraient l’épouse et sa famille. De plus, par le biais de la dot, d’importantes sommes d’argent soustraites au patrimoine familial passaient aux mains d’autres familles (Bellavitis, 2001 ; Chabot, 2011). Les statuts précisaient que c’était au père que revenait le pouvoir de consentir au mariage des enfants. S’il manquait, il était remplacé par ses ascendants masculins (père voire grand-père). Il faut donc considérer l’autorité paternelle au sens large, comme toute personne (de sexe masculin) qui exerce la puissance paternelle. Dans la plupart des cas, la mère ne décidait qu’en absence du mari ou de parents paternels. Mais si elle se mariait à nouveau, elle était tout à fait exclue. Cette définition du consentement paternel se retrouvera dans la législation des siècles suivants [2].

4Les hommes qui épousaient des femmes désobéissantes encourraient essentiellement des peines pécuniaires. Au xve siècle, ces peines furent durcies. Dans certains cas, c’est la peine capitale qui s’appliquait. L’époux était mis sur le même plan que le violeur ayant arraché avec violence une jeune fille de la maison paternelle. Le mariage accompli sans le consentement paternel – que les contemporains appelaient « clandestin » –, fut considéré, à l’instar du rapt, comme un délit contre l’ordre social et une atteinte à la patria potestas[3].

5Les choses changent après le concile de Trente (1545-1563). À l’issue de débats interminables et souvent enflammés, les Pères conciliaires réaffirment la compétence ecclésiastique en matière de mariage et rejettent toutes les propositions – qu’avancent surtout les représentants français –, visant à conditionner la validité du mariage au consentement paternel. À partir de là, dans les États italiens, les autorités laïques vont s’abstenir de légiférer sur les mariages clandestins. Dans la République de Gênes, en 1576, on abolit le statut De contrahentibus clandestina matrimonia, rédigé vingt ans auparavant pour condamner à la privation de dot toute fille mineure de 25 ans mariée sans le consentement paternel. Les autorités génoises justifient cette abolition par le fait que ce statut entraverait la liberté de mariage prônée par les Pères du concile [4].

6En revanche, la monarchie française mène la lutte pour réduire les compétences de l’Église et prendre le contrôle de l’institution matrimoniale. Si l’Ordonnance de Blois de 1579 ne va pas jusqu’à déclarer nul le lien contracté sans cérémonie publique et à l’insu des père et mère, la jurisprudence des parlements assimile le défaut de consentement des parents au rapt (Duguit, 1886 ; Ghestin, 1956). Or, ce crime relevant des tribunaux royaux est passible de la peine de mort, ce qui revient à déclarer la nullité que l’Ordonnance n’avait pas osé imposer (Lefebvre-Teillard, 1978 ; Gaudemet, 1987 ; Hanley, 1989 ; Demars-Sion, 1991).

7Il faut attendre le xviiie siècle pour que certains États italiens légifèrent à nouveau afin d’assujettir les mariages au contrôle paternel. Pour empêcher que les enfants ne se marient sans tenir compte des logiques familiales, on allait renforcer l’autorité des pères. Un nouvel ensemble de règles portent sur la célébration du mariage lui-même, mais également sur l’étape antérieure de la promesse de mariage ou verba de futuro.

8Les nouvelles lois suivirent trois directions : a) elles modifièrent la définition du délit de stuprum avec promesse de mariage (séduction) dans un sens restrictif pour les femmes qui en étaient victimes, afin de ne pas favoriser le mariage entre le séducteur et la fille séduite ; b) elles étendirent la compétence de la justice laïque sur l’étape précédant le mariage – sponsalia ou promesse de mariage (fiançailles) –, en vertu d’une distinction entre contrat et sacrement, dans le but d’imposer le consentement paternel comme condition de validité et l’administration de preuves avérées que les promesses avaient bien été prononcées ; c) elles imposèrent le consentement paternel au mariage des enfants mineurs.

9Il est évident que les nouvelles lois avaient pour objectif commun de rendre plus difficile le passage des sponsalia au mariage. Jusqu’à présent, les normes régissant la promesse de mariage et le stuprum ont été étudiées séparément. Or, la conception même de la promesse influence directement la réglementation du crime de stuprum avec promesse de mariage. Il importe donc de les examiner ensemble, tant au plan législatif que dans la pratique judiciaire des tribunaux laïques et ecclésiastiques.

Mariage et consentement paternel

10Les nouvelles législations voient le jour sous le règne de souverains « éclairés ». Les Habsbourg d’Autriche en Lombardie, les Savoie en Piémont et Sardaigne, les Este dans le Duché de Modène, les Habsbourg-Lorraine en Toscane, les Bourbons dans le Royaume de Naples inaugurent en effet des politiques pour limiter la juridiction de l’Église romaine et revendiquer le pouvoir d’ingérence dans les affaires ecclésiastiques (Venturi, 1976 ; 1984). Ils pouvaient s’appuyer sur une tradition juridique – le giurisdizionalismo –, qui combattait les privilèges du clergé : droit d’asile et droits de mainmorte, prisons ecclésiastiques et Inquisition, écoles religieuses et censure. Ce courant de pensée insistait sur la nature éminemment spirituelle de l’Église. C’était au pouvoir séculier que revenait le droit d’intervenir dans tous les aspects de la vie ecclésiastique et religieuse ayant des implications sociales et de soutenir une Église nationale qui serait moins subordonnée à l’Église romaine (Jemolo, 1914, ch. X).

11Ce sont surtout les nouvelles dynasties comme les Habsbourg, les Lorraine ou les Bourbons qui encouragent ce renouvellement. La Lombardie, annexée aux domaines des Habsbourg après la guerre de succession d’Espagne de 1701-1714, est entièrement soumise à l’activité réformatrice de Marie-Thérèse (1740-1780), puis à celle de son fils Joseph (1780-1790), sous le règne duquel ont lieu les interventions les plus radicales. Les Habsbourg influencent indirectement d’autres États italiens. Dans le Grand-duché de Toscane, lorsque la famille Médicis s’éteint en 1737, c’est la nouvelle dynastie des Lorraine qui s’installe avec François-Etienne (1737-1765), l’époux de Marie-Thérèse, auquel succède son fils Pierre Léopold (1765-1790). Un autre fils, l’archiduc Ferdinand, épouse Marie Béatrice d’Este en 1771. En 1734, après une courte période de domination habsbourgeoise, le Royaume de Naples est conquis par le jeune don Carlos, issu des Bourbons d’Espagne. Lorsqu’il devient roi d’Espagne en 1759 sous le nom de Charles III, une régence est mise en place jusqu’à la majorité de son fils Ferdinand IV (1767), qui l’année suivante épousera Marie Caroline de Habsbourg, une fille de Marie-Thérèse.

12Dans un premier temps, les souverains réformateurs agissent prudemment et évitent d’entrer en conflit avec l’Église romaine. Ils interviennent d’abord sur le stuprum, car il s’agissait d’un délit de for mixte, sur lequel les justices laïque et ecclésiastique étaient compétentes, sauf en cas de violence où l’action judiciaire relevait uniquement du for laïque. Au cours du xviie siècle, dans la République de Venise et le Grand-duché de Toscane, les pouvoirs séculiers avaient déjà réussi à s’attribuer la juridiction exclusive sur le stuprum, même s’il avait été précédé d’une promesse de mariage (Lombardi, 2001 ; Hacke, 2004).

13Il était d’autant plus délicat de se prononcer sur la validité ou la nullité du lien conjugal que le concile de Trente avait réaffirmé avec force que ces décisions relevaient de la compétence ecclésiastique. Comment les autorités laïques parviennent-elles à imposer le consentement paternel au mariage ? Commençons par examiner ces lois, même si elles sont chronologiquement ultérieures aux premières interventions sur le délit de stuprum. Aucun prince n’ose s’attaquer à la validité du lien, à l’exception de Joseph II de Habsbourg, le souverain catholique le plus déterminé à lutter contre les privilèges de l’Église (Beales, 2009). La constitution matrimoniale qu’il publie, en 1783, dans les possessions autrichiennes – l’année suivante elle s’appliquera aussi à la Lombardie –, établissait que, non seulement la promesse, mais également le mariage, en tant que contrat, relevaient de la juridiction laïque, qui devait se prononcer sur la validité ou la nullité du lien. Le consentement paternel au mariage des enfants mineurs en fut le corollaire. La célébration continuait cependant à être du ressort du curé chargé de la tenue des registres paroissiaux (Tosi, 1990 ; Vismara Chiappa, 1993).

14Les autres lois s’avèrent moins novatrices. Entre 1770 et 1780, dans le Duché de Modène tenu par la maison d’Este, dans le Royaume de Naples des Bourbons, dans les États de Savoie, on interdit aux enfants – non plus uniquement les filles mais aussi les garçons –, de se marier sans l’autorisation de leurs pères ou des ascendants paternels. La définition de la majorité légale au mariage variait entre 25 et 30 ans. Ce n’est que dans les États de Savoie que la majorité des filles avait été réduite à 20 ans (Ungari, 1974, 42-45 ; Guerci, 1988, 187-91). Il s’agissait d’un âge élevé, similaire à celui qu’on retrouve dans l’édit du roi de France Henri II qui, en 1556, reprenant la coutume de Paris, établissait la majorité à 25 ans pour les filles et 30 ans pour les garçons. L’édit français avait probablement servi de modèle. Toutefois les lois italiennes gardaient une conception fortement patrilinéaire de la parentèle, tandis que l’édit français avait inclus la mère à côté du père. Les peines s’exerçaient essentiellement sur le plan patrimonial : exhérédation et privation de dot, comme dans les statuts communaux du bas Moyen Âge. Dans le Duché de Modène, d’autres mesures furent prévues. Si les fils ou les filles rebelles appartenaient à la noblesse, le prince se réservait le droit d’évaluer au cas par cas les mesures les plus opportunes ; si, en revanche, les intéressés provenaient de milieux populaires, non seulement les enfants, mais également leurs familles, risquaient d’être punis [5]. De fait, lorsque des gens de milieux modestes parvenaient à contracter des mariages avantageux, on présumait la famille complice. Dans ces cas, la rébellion ne visait pas l’autorité paternelle mais bien les hiérarchies sociales et l’ordre public.

15L’obsession des mésalliances ressort clairement des textes législatifs, des traités juridiques et autres opuscules abordant la question du consentement paternel au mariage. Le langage décrivant la rébellion des fils contre les stratégies familiales insiste sur la nécessité de sauvegarder la « quiétude » et la « dignité » des familles, freiner les « passions juvéniles » et empêcher « la violence d’une passion déréglée ». Le renforcement de l’autorité paternelle passe par l’éducation des jeunes à la vertu, à l’obéissance, à la modération. Contre l’amour-passion, la culture de la haute société choisit encore l’idéal de l’amour-amitié : un amour bien réglé, fondé sur la solidarité et l’estime réciproque, loin des excès des passions ; en conséquence, un amour soumis au jugement pondéré des parents (Pulcini, 1998 ; Mari, 1988, 183-208).

16Vers la fin du xviiie siècle, juristes et souverains réformateurs semblent avoir pour objectif prioritaire la sauvegarde de la paix des familles contre le feu des passions juvéniles, à une époque où le théâtre et le roman proposent avec insistance une « sentimentalisation du mariage » et la recherche du bonheur dans la vie conjugale (Burguière, 1989 ; 2011). Le langage des sentiments s’affirme impétueux dans les pièces jouées en plusieurs villes européennes. Il donne voix aux fils et filles qui à Venise, par exemple, s’opposent à la volonté des pères et cherchent l’appui des pouvoirs civils ou ecclésiastiques afin d’achever leurs projets matrimoniaux (Plebani, 2012).

17Il est intéressant de remarquer que, dans les mêmes années, d’autres États catholiques édictent des lois similaires : c’est le cas du Portugal du marquis de Pombal, premier ministre entre 1756 et 1777, et de l’Espagne de Charles III de Bourbon, puis de l’Amérique espagnole [6]. Dans ces deux pays, les nouvelles lois furent accompagnées par la publication d’ouvrages de propagande. Au Portugal, le livre du juriste Bartolomeu Coelho Neves Rebelo paraît en 1773. Intitulé Discurso sobre a inutilidade dos esponsaes dos filhos celebrados sem consemtimento dos Pais, il prépare le terrain à la loi promulguée deux ans plus tard [7]. En Espagne, l’ouvrage de Joaquín Amorós (probablement juriste lui aussi) paraît un an après la publication de la Pragmatica de 1776, sous le titre Discurso en que se manifiesta la necesidad y utilidad del consentimiento paterno para el matrimonio de los hijos y otros deudos : conforme a lo dispuesto en la Real Pragmatica de 23 de marzo de 1776 (Rípodas Ardanaz, 1977, 266-267, 281 ; Casey, 1985 ; Lombardi, 2008, 151-152). De toute évidence, il fallait expliquer de façon circonstanciée pourquoi le consentement paternel était si important, probablement afin de prévenir les critiques des milieux ecclésiastiques. Amorós insistait sur la nécessité de ne pas permettre à la jeunesse de s’abandonner au « vent de la liberté » et aux « ouragans de la passion » [8].

18De fait, la lecture des textes législatifs portugais et espagnol (y compris d’une Pragmatica espagnole ultérieure à celle de 1776 qui s’adresse directement au clergé) révèle que l’attitude de l’Église était jugée excessivement indulgente vis-à-vis des jeunes gens qui voulaient se marier contre la volonté de leurs familles. Dans le préambule de la loi portugaise, on dénonçait les « mariages forcés » contractés à la suite d’une promesse secrète ; du fait du caractère contraignant des promesses de mariage, des unions indignes étaient censées se nouer, car des individus infâmes et aux mœurs dissolues en profitaient pour suborner de riches héritières. Pour rendre plus efficace l’interdiction de se marier sans l’approbation parentale, la loi portugaise introduisit le crime de rapto por seducção – traduction littérale du « rapt par séduction » –, qui pouvait entraîner des poursuites d’office, outre celles que les parties pouvaient entamer. Deux siècles après la France, le Portugal adoptait le modèle introduit par l’Ordonnance de Blois en 1579.

Promesses et séductions : honneur des femmes ou dignité des familles ?

19Ce sont les mêmes attendus que contiennent les interventions législatives concernant les sponsalia et le stuprum précédé d’une promesse de mariage. La promesse avait en droit canonique valeur d’engagement. Il fallait s’en acquitter si toutefois il n’existait pas d’empêchements canoniques au mariage, si elle avait été faite librement, et par des personnes âgées de plus de sept ans. Juridiquement, le caractère contraignant de la promesse n’entrait pas en contradiction avec le principe du libre consentement, car seule une promesse donnée librement était contraignante et devait être accomplie. Contrairement au lien conjugal, la promesse de mariage pouvait certes être dénouée, mais seulement sur décision d’un tribunal ecclésiastique.

20La doctrine du consentement mutuel, que l’Église avait élaborée au xiie siècle, avait donc mis l’accent sur la liberté de l’engagement des époux, tant au moment de la promesse que lors du mariage (Esmein, 1891 ; Le Bras, 1927 ; Gaudemet, 1987). En réalité, les familles exerçaient des pressions particulièrement fortes au moment où elles envisageaient une alliance et établissaient les accords patrimoniaux qui allaient aboutir au mariage. Les fiançailles d’enfants très jeunes étaient un phénomène répandu au Moyen Âge et au début de l’époque moderne. Mais les enfants pouvaient à l’inverse arguer du caractère contraignant de la promesse pour contracter un mariage auquel les familles s’opposaient. Même une promesse secrète, échangée à l’insu des familles, pouvait se transformer en une union légitime. La promesse, telle que le droit canonique l’avait définie, représentait une sérieuse menace pour le principe de la patria potestas. Il fallait donc la circonscrire pour protéger l’autorité paternelle.

21C’est précisément le caractère contraignant de la promesse que les souverains des Lumières remettaient désormais en cause. La notion de contrainte était fondée sur le principe du favor matrimonii qui, pendant des siècles, avait guidé la pratique judiciaire des tribunaux ecclésiastiques dans les conflits conjugaux. Dans la répression du délit de stuprum, les juges laïques avaient aussi eu plutôt tendance à favoriser le mariage (lorsque les partenaires appartenaient à la même classe sociale) plutôt qu’à punir le coupable. En Italie et en Espagne, à partir du milieu du xvie siècle, la culture juridique et la pratique judiciaire des tribunaux laïques avaient, de fait, adopté la peine prévue par le droit canonique : le séducteur devait épouser la femme séduite ou bien la doter afin de faciliter son union avec un autre. La peine était parfois assortie de sanctions pécuniaires ou corporelles si le séducteur n’optait pas pour le mariage [9].

22Précisons d’emblée que, par stuprum, on n’entendait pas la violence sexuelle mais la séduction d’une vierge honnête ou d’une veuve chaste, même si elles étaient consentantes. La violence n’était qu’une circonstance aggravante, alors que l’honnêteté de la victime était une condition nécessaire si elle voulait intenter un procès. Comme une femme n’était considérée honnête qu’à la condition d’avoir cédé aux avances de son séducteur sous promesse de mariage, presque toutes les plaignantes déclaraient avoir reçu cette promesse. Dans ce cas, le droit canonique ne donnait pas au séducteur le choix entre le mariage et le paiement d’une dot : il l’obligeait à tenir son engagement. Encore que, pour sauvegarder le principe de la liberté du consentement, dans la pratique judiciaire, les juges offraient souvent la possibilité de doter la femme.

23Vers la fin du xviie et surtout au cours du xviiie siècle, une attitude plus prudente tend à prévaloir chez les juges. Il s’agit pour eux d’éviter d’exercer une quelconque forme de pression en faveur de la solution matrimoniale. À l’instar de la France qui, dès le xviie siècle, avait introduit les « dommages et intérêts » (Lefebvre-Teillard, 1978 ; Demars-Sion, 1991 ; Farr, 1995), la promesse, même suivie d’un rapport sexuel et d’une grossesse, n’obligeait plus celui qui s’était dédit à conclure le mariage mais le condamnait à dédommager le partenaire qui avait été abandonné [10]. Le but n’était pas de faciliter les couples qui auraient éventuellement changé d’idée, mais bien de rendre plus difficile le passage de la promesse à la célébration du mariage, afin de donner aux pères de famille un plus grand contrôle sur le mariage de leurs enfants. Joaquín Amorós, dans son ouvrage de propagande sur la loi espagnole sur le consentement paternel, critiquait violemment le recours, dans les tribunaux diocésains, à l’incarcération des partenaires masculins qui ne maintenaient pas leurs promesses. À ses yeux, il s’agissait d’un abus car il contraignait les hommes au mariage, même dans les cas où les promesses étaient fausses [11].

24La promesse tendait ainsi à perdre sa caractéristique de « voie d’accès » au sacrement du mariage (ce qui justifiait jusque-là que les tribunaux ecclésiastiques en aient la compétence), et se trouvait mise sur le même plan que n’importe quel contrat de nature civile. Les souverains des Lumières allaient traduire dans des lois cette nouvelle conception de la promesse qui la rendait moins contraignante. Même en cas de rapports sexuels, elle ne pourrait plus être utilisée pour justifier qu’une fille ayant cédé obtienne par voie de conséquence le mariage.

25Avant ces changements, le statut de « promise » donnait de fait aux femmes des privilèges juridiques qui leur permettaient de passer facilement de la condition, fragile et dangereuse, de célibataire à celle, plus solide et protégée, de femme mariée. Il est, à mon sens, important de prêter attention au fait que la promesse définissait une condition féminine spécifique. Il me semble en effet intéressant de remarquer que, grâce à la promesse, les femmes séduites conservaient leur réputation : il leur suffisait de prouver, témoignages de voisins et de parents à l’appui, qu’elles ne s’étaient données qu’à un seul homme et qu’il leur avait promis le mariage.

26Il n’était même pas nécessaire d’apporter la preuve que la promesse avait été bel et bien faite. Il suffisait que le couple ait manifesté publiquement des comportements familiers et intimes typiques des promis – manger et boire ensemble, plaisanter et rire, échanger des cadeaux –, pour que la communauté les reconnaisse comme tels. Dans les tribunaux ecclésiastiques qui jugeaient la validité d’une promesse ou d’un mariage, les magistrats prêtaient plus d’attention aux gestes qu’aux paroles échangées, car peu de fidèles connaissaient la différence entre les verba de futuro (« je te prendrai pour époux/se ») et les verba de praesenti (« je te prends pour époux/se »). De plus, juristes et théologiens étaient communément d’avis qu’une femme « honnête » ne se laissait séduire que si son partenaire lui avait promis de l’épouser. On présumait qu’au moment même où la femme faisait don de son corps, elle stipulait un contrat tacite : Do tibi corpus meum ea lege, ut postea mecum matrimonium contrahas (« Je te donne mon corps à la condition qu’ensuite tu m’épouseras ») [12]. Il était impensable qu’une jeune fille de bonnes mœurs renonçât à sa virginité sans être assurée de l’issue matrimoniale. La promesse jouait donc un rôle décisif dans la construction de la réputation féminine. Lorsque la grossesse révélait des comportements sexuels qui, autrement, seraient restés cachés, l’honneur de la femme n’était sauf qu’à la condition que la communauté l’ait reconnue comme une « promise ».

27C’est dans le Royaume de Naples que ces privilèges juridiques qui avaient longtemps protégé l’honneur féminin subirent l’attaque la plus frontale. La loi du 12 février 1779 admit exclusivement les plaintes pour viol commis avec une réelle violence physique. Dans tous les autres cas, la femme séduite n’avait plus le droit de réclamer le mariage ou la dot, pas même si elle pouvait faire la preuve irréfutable de la promesse reçue (Alessi, 1989). Les législateurs avaient précisément pour objectif de décourager les noces réparatrices qui auraient protégé l’honneur féminin. La définition du stuprum était en train de changer : on insistait sur la violence qui constituait désormais le corps du délit et non plus seulement une circonstance aggravante.

28Dans d’autres États italiens – les États de l’Église, le Duché de Modène, le Grand-duché de Toscane –, on n’alla pas jusqu’à éliminer le délit de stuprum avec promesse de mariage. Entre les années 1730 et 1750, les législateurs se bornèrent à circonscrire le droit de déposer une plainte aux seuls cas où la promesse pouvait vraiment être attestée grâce à des preuves testimoniales et scripturaires irréfutables [13]. Le but n’en restait pas moins le même : il s’agissait de décourager les femmes de s’adresser à la justice. Elles avaient de fait beaucoup de mal à présenter des preuves de la promesse reçue. La première loi qui réforme le stuprum est promulguée dans la Rome des Papes, en 1736. Il s’agit d’une loi très sévère infligeant de graves peines corporelles non seulement aux coupables, mais également à leurs victimes et aux parents des victimes. Cependant, nous ne savons pas si elle fut appliquée, les archives du xviiie siècle du tribunal criminel du Cardinal vicaire, compétent en matière de délit contre la morale, ayant été perdues. Il est en revanche certain qu’au xixe siècle on ne trouve plus trace des peines prévues par cette loi dans cette documentation (Pelaja, 1994).

29Il importe toutefois de souligner qu’à Rome comme ailleurs, les arguments fondant ces nouvelles lois sont identiques. Pour en justifier la rigueur, une nouvelle image de la femme est élaborée : elle n’est plus séduite, mais séductrice ; elle n’est plus victime mais coupable d’avoir consenti à un rapport sexuel. Pour cela, elle mérite d’être punie à l’instar de son séducteur. La présomption de virginité/honnêteté de la femme se voyait sérieusement remise en cause, surtout lorsqu’elle appartenait à un milieu populaire. L’obsession des mésalliances amena les législateurs et les juristes commentateurs des nouvelles lois à aggraver la responsabilité pénale de la femme, voire de sa famille, en cas d’inégalité de condition. Les femmes du peuple furent accusées d’utiliser leur corps de façon éhontée pour séduire les jeunes gens de bonne famille. Il fallait donc les empêcher d’utiliser la justice pour obtenir un mariage contraire aux stratégies familiales et contrevenant à l’autorité paternelle (Alessi, 1989 ; Contini, 2004 ; Arrivo, 2006).

30En réalité, les femmes ne se laissaient pas si facilement éconduire des tribunaux. À Florence, vers la fin du xviiie siècle, l’augmentation du nombre des procès pour stuprum intentés devant les tribunaux séculiers, ainsi que pour promesse non maintenue devant les tribunaux diocésains, ne semble pas imputable à la croissance démographique, qui reste contenue jusqu’aux années 1780 (Del Panta, 1974, 77-82). Comme aux siècles précédents, la plupart des plaignantes ne cessent d’affirmer qu’elles ont reçu une promesse de mariage, sans pour autant présenter les preuves requises. Il suffisait qu’un témoin ait entendu l’homme avouer « Je l’aime » pour en conclure à l’existence d’une relation sérieuse et contraignante, que les juges cherchaient alors à faire solenniser (Arrivo, 2006, 101-103).

31Dans les pratiques judiciaires, le principe du favor matrimonii a ainsi du mal à disparaître. Cela s’explique sans doute parce que les partenaires appartenaient au même milieu social, le menu peuple. Il n’y avait donc aucun risque de voir se conclure ces redoutables mésalliances évoquées de façon obsessionnelle par les traités, pamphlets et autres préambules de lois. Par ailleurs, lorsqu’ils étaient convoqués devant le tribunal criminel florentin et incarcérés, nombre de partenaires masculins préféraient négocier un accord avec la plaignante avant que le juge n’émette sa sentence. Environ la moitié des 130 procès pour stuprum (sans violence), jugés dans les années 1777-1790, s’interrompent à la suite d’un accommodement entre l’accusé et la plaignante. Dans 64 % des cas, l’accord prévoit le mariage entre le séducteur et la femme qu’il a séduite et, dans 36 % des cas, une compensation pécuniaire à la femme (Arrivo, 2006, 118-121). De toute évidence, la pression que les femmes exerçaient en recourant à la justice, et surtout à l’incarcération, était efficace. Même les dédommagements pécuniaires négociés que les plaignantes parvenaient à obtenir représentaient un avantage pour celles qui avaient du mal à se constituer une dot. L’abandon du bébé dans un des hôpitaux pour enfants trouvés de la ville permettait alors d’effacer la naissance illégitime.

32En cas de grossesse, la promesse continuait donc à exercer sa fonction protectrice de l’honneur féminin – par le truchement d’accords privés ou grâce à la condescendance des juges –, en dépit des nouvelles lois visant à empêcher les femmes d’y recourir trop légèrement afin d’obtenir les noces ou la dot. Si, en revanche, la femme n’était pas enceinte, les juges ecclésiastiques – compétents en matière de promesse non tenue –, préféraient déclarer nulle la promesse, même si elle était écrite ou avait été prononcée devant témoins. Dans ces cas où les partenaires masculins avaient changé d’idée et s’opposaient fermement au mariage, les preuves irréfutables étaient jugées moins décisives que la volonté de ne pas se marier (Lombardi, 2001, 422-429).

Hommes d’Église et noces indignes

33Une question reste ouverte. Comment expliquer que, même dans les États de l’Église, la question des mariages inégaux ait été à l’origine de lois entravant le mariage entre le séducteur et la femme séduite ? Il est vrai qu’aux siècles précédents, des théologiens et des canonistes s’étaient montré sensibles aux exigences des familles [14], mais on n’avait jamais proposé de lois aussi sévères. Outre leur sévérité, ces lois effaçaient d’un coup le principe énoncé en droit canonique de la présomption de virginité (Cazzetta, 1999). Certes, ces idées circulaient déjà dans certains milieux ecclésiastiques. L’ouvrage le plus connu est la Dissertatio teologico-legalis de sponsalibus et matrimoniis quae a filiisfamilias contrahuntur parentibus insciis vel juste invitis, publiée à Naples en 1742 (Jemolo, 1914 ; Ungari, 1974, 48-49 ; Guerci, 1988, 187). Une première version manuscrite et abrégée avait déjà circulé dans le milieu des juristes romains, vers 1711. L’auteur, Francesco Maria Muscettola (1660-1746), était un théatin napolitain et un canoniste réputé, qui revêtit plusieurs charges dans la curie romaine et, plus tard, gouverna un diocèse en Calabre pendant vingt-et-un ans. Muscettola critiquait catégoriquement les anciennes lois sur la séduction (stuprum) qui favorisaient des unions « indignes » entre personnes de condition sociale différente et produisaient des effets dévastateurs sur le « décorum » – c’est-à-dire l’honneur, la dignité –, des familles nobles.

34L’auteur semble avoir eu pour objectif principal d’empêcher les noces indignes qui étaient la cause d’inimitiés et de haines qui troublaient la paix des familles et l’ordre de l’État. Dans ce cas, même l’incarcération des fils rebelles lui semblait admissible, pourvu qu’on puisse faire obstacle à ces mariages. Les anciennes dispositions du droit canonique sur le stuprum n’étaient pas les seules qu’il mît en cause : les comportements déplorables des enfants mineurs qui voulaient se marier sans le consentement paternel étaient plus condamnables encore.

35Au xviiie siècle, le débat sur le mariage se concentrait sur la défense de la puissance paternelle. Il n’est pas étonnant que l’ouvrage de Muscettola ait été connu tant par Bartolomeu Coelho Neves Rebelo que par Joaquín Amorós, qui le cite plusieurs fois dans son Discurso. De fait, Muscettola invitait les évêques à intervenir personnellement pour empêcher les mariages contractés à l’insu du père ou contre sa volonté. En premier lieu, il suggérait de ne pas accorder aux enfants mineurs la dispense de la publication des bans, moyen le plus couramment employé pour échapper à l’autorité paternelle ; cette dispense avait été prévue par le concile de Trente pour permettre aux enfants de se soustraire au veto paternel, lorsqu’il était injustifié. En second lieu, il concédait aux parents le droit de réclamer la dissolution de la promesse qu’un enfant aurait faite sans leur consentement. La décision finale reviendrait aux évêques et à leurs vicaires. La défense de la patria potestas était de fait soumise à l’autorité ecclésiastique.

36De toute évidence, certains hommes d’Église sentaient qu’il fallait répondre aux pressions sociales, ce qui s’avérait aussi un moyen de conserver le contrôle du mariage et ne pas le laisser au pouvoir des laïcs [15]. Dans les dossiers des procès d’un tribunal diocésain comme celui de Florence, on est frappé de rencontrer un bon nombre de pères, de frères ou de mères (et non pas d’ascendants des pères) qui insistent ainsi pour faire empêcher les noces imminentes d’un membre de leur famille encore mineur. Dans les pièces jointes aux dossiers, on trouve de soigneuses reconstitutions généalogiques censées prouver les quartiers de noblesse de la famille. Qui plus est, les questions préparées par les avocats pour interroger les témoins de la partie adverse sont toutes destinées à montrer la distance sociale entre les partenaires. Les familles aisées – qui apparaissent rarement dans d’autres types de procès –, ne sont pas les seules concernées. Les familles d’artisans revendiquent aussi les privilèges de leur statut face aux travailleurs salariés [16]. En plus, actrices, chantantes et danseuses font leur apparition dans la vie des jeunes gens bourgeois et nobles et troublent les sommeils de leurs pères. Même les femmes qui travaillent dans l’entourage des théâtres – comme les couturières par exemple –, sont entachées de mauvaise réputation et jugées « indignes » de se marier avec un garçon de niveau social moyen [17].

37Dans les premières décennies du xviiie siècle, il est donc question de statut et de prestige social dans les débats des tribunaux d’Église. En réalité, les juges du diocèse de Florence se montrent très prudents. Ils rejettent les requêtes directes des familles, permettant ainsi aux jeunes couples de convoler ; en revanche, ils se montrent sensibles aux exigences familiales lorsque les frictions entre parents et enfants n’ont pas encore ouvertement abouti à une rupture et ils peuvent servir d’intermédiaires, en gardant le contrôle sur les conflits familiaux. Ils acceptent par exemple que les pères menacent un enfant rebelle de le priver de l’héritage et considèrent cette intimidation comme une cause légitime de dissolution de la promesse contractée par le fils ou la fille sans le consentement paternel (Lombardi, 2001, 310-313 ; 383 sq). Dans tous les cas, les magistrats ecclésiastiques sont obligés de prendre en compte ces questions de distinction sociale qui, entre la fin du xviie et les premières décennies du xviiie siècle, prennent une telle ampleur (Donati, 1988) qu’elles font même irruption dans les tribunaux diocésains.

38La position de l’évêque Muscettola n’est pas isolée. Dans les années 1720-1730, la Congrégation du Concile – la principale interprète des décrets tridentins –, répondant aux questions des évêques de Naples, Milan, Vienne et Worms, affirma que le désaccord paternel devait être considéré comme un motif valable de dissolution de la promesse [18]. On assiste donc à la multiplication de positions favorables à l’introduction de mesures de restriction à la liberté de choix des époux mineurs [19]. En son temps, le concile de Trente les avait repoussées pour bien marquer ses distances par rapport aux protestants, qui, depuis les années 1520, avaient imposé le consentement paternel et une cérémonie publique et solennelle comme conditions nécessaires à la validité aussi bien des fiançailles que du mariage (Ozment, 1983). Fait remarquable, certains hommes d’Église ont anticipé les orientations de la législation des souverains réformateurs. Ils ne s’aventurent cependant pas plus loin car, de fait, ils ne peuvent désavouer les décrets tridentins et s’aligner sur les positions protestantes, en proposant que le consentement paternel conditionne la validité des fiançailles.

Patria potestas et juridiction laïque

39Pour renforcer l’autorité paternelle, ce sont donc les pouvoirs séculiers qui interviennent directement. Ils le font en revendiquant d’abord leur compétence sur la promesse de mariage en vertu de la distinction entre contrat et sacrement. Il convient de rappeler que cette distinction n’est pas une nouveauté introduite par le courant réformateur pour contester la compétence exclusive de l’Église : le concile de Trente l’avait déjà utilisée pour justifier les innovations de l’Église en matière matrimoniale (Mostaza, 1972). Désormais, les souverains des Lumières utilisent cet argument pour imposer l’autorisation paternelle ou la présentation de preuves avérées – dépositions de témoins, écritures publiques –, ne laissant aucun doute sur l’échange effectif des paroles de futuro et le consentement des pères. Si les années 1770-1780 sont deux décennies importantes pour le mouvement réformateur italien, ce sont également des années de vives tensions entre les souverains et la hiérarchie ecclésiastique. Dans le Duché de Mantoue et dans le Grand-duché de Toscane, François III d’Este (1737-1780) et Pierre Léopold de Habsbourg (1765-1790) revendiquent la compétence laïque en matière de fiançailles, en plus de celle sur les séparations [20]. Le grand-duc de Toscane reçoit le soutien du mouvement janséniste que mène Scipione de’ Ricci, évêque de Pistoia et Prato entre 1780 et 1791, partisan d’un programme radical de renouvellement pastoral et doctrinal.

40Dans le Royaume de Naples, l’influente tradition anti-curiale ne se traduit pas par des réformes aussi novatrices. De fait, la Prammatica de 1780 ne s’occupe pas de la juridiction ecclésiastique sur la validité de la promesse. Néanmoins, elle conditionne lourdement l’activité des tribunaux diocésains en établissant les critères nécessaires pour l’admission des requêtes en accomplissement ou rupture de promesse. Désormais, ce n’est que lorsque les promesses ont été échangées en présence d’un curé et de témoins et, en cas de minorité des époux, avec le consentement écrit des pères ou des tuteurs, que l’on peut entamer un procès devant le tribunal diocésain afin d’obliger le partenaire réticent à conclure le mariage [21]. Ce faisant, les possibilités de recours à la justice ecclésiastique en vue d’obtenir que l’engagement soit respecté par le partenaire réticent, étaient drastiquement réduites.

41L’abolition du caractère contraignant de la promesse fut l’étape suivante : le partenaire abandonné ne pouvait plus exiger le respect de la promesse mais seulement intenter un procès civil auprès des tribunaux laïques pour obtenir des dommages et intérêts. C’est ce que Joseph II de Habsbourg établit, en 1783, dans les possessions autrichiennes et, l’année suivante, en Lombardie ; son frère Pierre-Léopold, grand-duc de Toscane, lui emboîte le pas, en 1790. Les commentaires de ces lois soulignent que les autorités laïques ont pris ces mesures pour éliminer le fléau des « mariages forcés » : l’expression désigne – comme le faisait d’ailleurs la Pragmatica portugaise de 1775 –, non pas les unions imposées par les parents mais bien celles que le for ecclésiastique prescrivait quand il ordonnait aux promis d’accomplir leurs promesses. Joseph II va plus loin. Comme nous l’avons vu, il est le seul à affirmer la compétence du souverain sur la validité du mariage.

Conclusion

42Par leurs législations contre le pouvoir de l’Église romaine (qui présentent cependant des variantes significatives), les souverains « éclairés » des États catholiques du Sud cherchent à attribuer aux pouvoirs séculiers des compétences ecclésiastiques sur les fiançailles et le mariage pour protéger plus efficacement l’autorité des pères de famille que des ferments de rébellion menacent de plus en plus. L’obsession des mésalliances, provenant de plusieurs milieux sociaux, les encourage à limiter la liberté matrimoniale des enfants de famille que le droit canonique avait reconnue : d’un coté en renforçant l’autorité paternelle, de l’autre coté en réduisant la protection juridique traditionnelle des femmes séduites.

43Les enfants bénéficient malgré tout de lois introduites pour limiter – sans les abolir –, ces institutions juridiques qu’étaient le fidéicommis et le majorat qui garantissaient la protection des patrimoines familiaux au détriment de la libre circulation des biens et de l’égalitarisme successoral des enfants (Tria, 1945, 97-100 ; Calonaci, 2005, 24-33). Sans pour autant que le principe de la patria potestas soit remis en question.

44Entendue au sens large, la définition de l’autorité paternelle privilégie la ligne des ascendants masculins. Cependant, les pratiques judiciaires dessinent une parenté élargie aux descendants masculins et aux affins : en cas d’absence du père, ce sont les frères et la mère (parfois les oncles) qui s’adressent au tribunal diocésain pour empêcher que les enfants ne se marient sans tenir compte des logiques familiales. La courte durée de la vie aussi bien que l’importance des alliances matrimoniales circonscrivent le pouvoir du lignage. Face à cette demande, certains milieux ecclésiastiques proposent des mesures pour consolider le pouvoir des pères ainsi que celui des évêques, en anticipant les réformes des souverains des Lumières.

45Quelques années plus tard, en France, où l’intervention monarchique en matière de mariage date du xvie siècle, la Révolution va balayer d’un seul coup la législation d’Ancien Régime. La puissance paternelle, devenue « into-lérable » et « odieuse », est remplacée par la « tutelle » exercée par le père et la mère jusqu’à la majorité légale du fils ou de la fille qui, dans les deux cas, est fixée à 21 ans. Dans les années révolutionnaires, le débat sur les pouvoirs paternels va de pair avec la réforme du système successoral dans un sens égalitaire. Les pères perdent non seulement le droit de déshériter mais encore la liberté de tester pour privilégier certains enfants au détriment d’autres. L’égalité successorale est un corollaire fondamental de l’égalité des droits proclamée en 1789 (Poumarède, 1989 ; Mulliez, 1990 ; Lefebvre-Teillard, 1996, 325 sq).

Bibliographie

Références bibliographiques

  • Alessi, Giorgia (1989), “L’onore riparato. Il riformismo del Settecento e le ‘ridicole leggi’ contro lo stupro”, 129-142, in Giovanna Fiume (dir.), Onore e storia nelle società mediterranee, Palermo, La Luna.
  • Arrivo, Georgia (2006), Seduzioni, promesse, matrimoni. Il processo per stupro nella Toscana del Settecento, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura.
  • Beales, Derek (2009), Joseph II, t. II : Against the World, Cambridge, Cambridge University Press.
  • Béaur, Gérard (dir.) (2011), « Le contrat de mariage », Annales de Démographie Historique, 1, 5-160.
  • Bellavitis, Anna (2001), Identité, mariage, mobilité sociale. Citoyennes et citoyens à Venise au xvie siècle, Rome, École Française de Rome.
  • Burguière, André (1989), « La famille et l’État. Débat et attentes de la société française à la veille de la Révolution », 147-155, in Irène Théry et Christian Biet (dir.), La Famille, la loi, l’État : de la Révolution au Code civil, Paris, Imprimerie nationale.
  • Burguière, André (2011), Le Mariage et l’amour en France. De la Renaissance à la Révolution, Paris, Seuil.
  • Calonaci, Stefano (2005), Dietro lo scudo incantato. I fedecommessi di famiglia e il trionfo della borghesia fiorentina (1400ca-1750), Firenze, Le Monnier.
  • Casey, James (1985), « Le mariage clandestin en Andalousie à l’époque moderne », 57-68, in Augustin Redondo (dir.), Amours légitimes, amours illégitimes en Espagne (xvie-xviie siècles), Paris, Publications de la Sorbonne.
  • Cavallar, Osvaldo, Kirshner, Julius (2004), “Making and Breaking Betrothal Contracts (‘Sponsalia’) in Late Trecento Florence”, I, 395-452, in Orazio Condorelli (dir.), ‘Panta rei’. Studi dedicati a Manlio Bellomo, 5 vol., Roma, Il Cigno.
  • Cavina, Marco (2007), Il padre spodestato. L’autorità paterna dall’antichità a oggi, Roma/Bari, Laterza.
  • Cazzetta, Giovanni (1999), Praesumitur seducta. Onestà e consenso femminile nella cultura giuridica moderna, Milano, Giuffrè.
  • Chabot, Isabelle (2011), La Dette des familles. Femmes, lignage et patrimoine à Florence aux xive et xve siècles, Rome, École Française de Rome.
  • Contini, Alessandra (2004), “Verso nuove forme di regolazione dei conflitti: la vicenda di Marianna Scartabelli (Firenze, 1783)”, 573-596, in Silvana Seidel Menchi et Diego Quaglioni (dir.), Trasgressioni. Seduzione, concubinato, adulterio, bigamia (XIV-XVIII secolo), Bologna, il Mulino.
  • Dean, Trevor (1998), “Fathers and Daughters: Marriage Laws and Marriage Disputes in Bologna and Italy (1200-1500)”, 85-106, in Dean Trevor & Kate J. P. Lowe (dir.), Marriage in Italy, 1300-1650, Cambridge, Cambridge University Press.
  • Del Panta, Lorenzo (1974), Una traccia di storia demografica della Toscana nei secoli XVI-XVIII, Firenze, Dipartimento Statistico-Matematico.
  • Demars-Sion, Véronique (1991), Femmes séduites et abandonnées au xviiie siècle. L’exemple du Cambrésis, Lille, ESTER.
  • Di Bella, Saverio (1982), Chiesa e società civile nel Settecento italiano, Milano, Giuffrè.
  • Donati, Claudio (1988), L’idea di nobiltà in Italia. Secoli XIV-XVIII, Roma/Bari, Laterza.
  • Doyon, Julie (2005), « À ‘l’ombre du Père’ ? L’autorité maternelle dans la première moitié du xviiie siècle », Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, 21, 162-173.
  • Dubert, Isidro (2009), « Église, monarchie, mariage et contrôle social dans la Galice rurale, xviiie et xixe siècles », Annales de Démographie Historique, 2, 101-121.
  • Duguit, Léon (1886), Étude historique sur le rapt de séduction, Paris, L. Larose et Forcel.
  • Esmein, Adhémar (1891), Le Mariage en droit canonique, 2 vol., Paris, L. Larose et Forcel.
  • Farr, James. R. (1995), Authority and Sexuality in Early Modern Burgundy (1550-1730), New York/Oxford, Oxford University Press.
  • Gaudemet, Jean (1987), Le Mariage en Occident : les mœurs et le droit, Paris, Cerf.
  • Ghestin, Jacques (1956), « L’action des parlements contre les “mésalliances” aux xviie et xviiie siècles », Revue historique du droit français et étranger, 34, 74-110.
  • Guerci, Luciano (1988), La Sposa obbediente. Donna e matrimonio nella discussione dell’Italia del Settecento, Torino, Tirrenia Stampatori.
  • Hacke, Daniela (2004), Women, Sex and Marriage in Early Modern Venice, Ashgate, Aldershot.
  • Hanley, Sarah (1989), “Engendering the State: Family Formation and State Building in Early Modern France”, French Historical Studies, 16, 4-27.
  • Jemolo, Arturo Carlo (1914), Stato e Chiesa negli scrittori politici italiani del Seicento e del Settecento, Torino, Bocca.
  • Le Bras, Gabriel (1927), « Mariage. III : La doctrine du mariage chez les théologiens et les canonistes depuis l’an mille », IX.2, col. 2123-2317, in Dictionnaire de Théologie Catholique, 15 vol., Paris, Letouzey et Ané.
  • Lefebvre-Teillard, Anne (1978), « Ad matrimonium contrahere compellitur », Revue de droit canonique, 28, 210-217.
  • Lefebvre-Teillard, Anne (1996), Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, Presses Universitaires de France.
  • Lombardi, Daniela (2001), Matrimoni di antico regime, Bologna, Il Mulino.
  • Lombardi, Daniela (2008), Storia del matrimonio. Dal Medioevo a oggi, Bologna, Il Mulino.
  • Mari, Michele (1988), Venere celeste e Venere terrestre. L’amore nella letteratura italiana del Settecento, Modena, Mucchi.
  • Mostaza, Antonio (1972), “La competencia de la Iglesia y del Estado sobre el matrimonio hasta el Concilio de Trento”, III, 289-357, in Ius populi Dei. Miscellanea in honorem Raymundi Bidagor, 3 vol., Roma, Università Gregoriana.
  • Mulliez, Jacques (1990), « La volonté d’un homme », 279-312, in Jacques Delumeau et Daniel Roche (dir), Histoire des pères et de la paternité, Paris, Larousse.
  • Ozment, S. (1983), When Fathers Ruled: Family Life in Reformation Europe, Cambridge (MA)/London, Harvard University Press.
  • Pelaja, Margherita (1994), Matrimonio e sessualità a Roma nell’Ottocento, Roma/Bari, Laterza.
  • Plebani, Tiziana (2012), Un secolo di sentimenti. Amori e conflitti generazionali nella Venezia del Settecento, Venezia, Istituto di Veneto di Scienze, Lettere ed Arti.
  • Poumarède, Jacques (1989), « La législation successorale de la Révolution entre idéologie et pratique », 167-182, in Irène Théry et Christian Biet, La famille, la loi, l’État : de la Révolution au Code civil, (dir.), Paris, Imprimerie nationale.
  • Pulcini, Elena (1998), Amour-passion et amour conjugal : Rousseau et l’origine d’un conflit moderne, Paris, Honoré Champion (éd. or. Venezia, 1990).
  • Rípodas Ardanaz, Daisy (1977), El matrimonio en Indias: realidad social y regulación jurídica, Buenos Aires, Fundación para la Educación, la Ciencia y la Cultura.
  • Saether, Steinar A. (2003), “Bourbon Absolutism and Marriage Reform in Late Colonial Spanish America”, The Americas, 59, 475-509.
  • Schulte, Friedrich von & Richter, Aemilius Ludwig (dir) (1853), Canones et decreta Concilii Tridentini […], Lipsiae, Tauchnitz.
  • Tosi, Claudio (1990), “Giuseppinismo e legislazione matrimoniale in Lombardia. La Costituzione del 1784”, Critica storica, 27, 235-301.
  • Tria, Luigi (1945), Il fedecommesso nella legislazione e nella dottrina dal secolo XVI ai nostri giorni, Milano, Giuffrè.
  • Ungari, Paolo (1974), Storia del diritto di famiglia in Italia, Bologna, Il Mulino.
  • Venturi, Franco (1976), Settecento riformatore, I: Da Muratori a Beccaria, 1730-1764, Torino, Einaudi.
  • Venturi, Franco (1984), Settecento riformatore, IV: La caduta dell’antico regime, 1776-1789, Torino, Einaudi.
  • Vismara Chiappa, Paola (1993), “Pietro Tamburini, il ‘caso Moladori’ e la questione del matrimonio nel Settecento lombardo”, 331-365, in Paolo Corsini et Daniele Montanari (dir.), Pietro Tamburini e il giansenismo lombardo, Brescia, Morcelliana.

Notes

  • [1]
    Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 2 vol., Paris, Flammarion, 1981 (éd. or. 1835 et 1840), II, ch. VIII, 242. Cf. (Cavina, 2007, 242-250). Sur les liens entre les systèmes familiaux et les pratiques de transmission du patrimoine, voir (Béaur (dir.), 2011).
  • [2]
    Les frères étaient rarement mentionnés. Parmi les exceptions, signalons les statuts de Parme (1347) qui, en l’absence du père, exigent le consentement de la mère ou des frères (Statuta communis Parmae anni MCCCXLII, Parmae, ex officina P. Fiaccadorii, 1860, 258). Dans les pratiques judiciaires, en revanche, les frères suppléaient parfois la mère. Sur les pouvoirs exercés par les mères de famille parisiennes de la première moitié du xviiie siècle, voir (Doyon, 2005).
  • [3]
    Je renvoie, à titre d’exemple, au cas de Bologne, la deuxième ville des États du Pape (Statuta civilia et criminalia civitatis Bononiae (1454), 2 vol., Bononiae, ex typ. C. Pisarri, 1735-37, I, 61, 489-490).
  • [4]
    Le statut se trouve dans Criminalium iurium civitatis Genuensis libri duo (1556-57), Genuae, apud C. Bellonum, 1573, lib. II, cap. VII, 35-36 ; la mesure qui l’abroge est dans les Leges novae Reipublicae Genuensis, Mediolani, apud A. de Antoniis, 1576, Erectio Rotae Criminalis, cap. XXIII, f. 45v.
  • [5]
    Codice di leggi, e costituzioni per gli Stati di Sua Altezza Serenissima, Modena, Società Tipografica, 1771, t. I, lib. II, tit. XIII : « Dei matrimonii, loro effetti civili, e delle cause matrimoniali ». Cf. (Ungari, 1974, 45).
  • [6]
    Sur le débat que la Pragmatica suscite dans l’Amérique espagnole, voir notamment (Rípodas Ardanaz, 1977) et (Saether, 2003).
  • [7]
    Je remercie Nuno G. Monteir de m’avoir aimablement fourni ces informations.
  • [8]
    Joaquin Amorós, Discurso…, Madrid, por Blas Román, 1777, « Prologo », nn.
  • [9]
    Giulio Claro, Volumen, alias Liber quintus, Venetiis, apud H. Polum, 1583 (1ère éd. 1568), § « Stuprum », c. 43v ; Antonio Gomez, Ad Leges Tauri commentarium, Lugduni, sumptibus A. Servant, 1733 (1ère éd. 1555), « Lex 80 », nn. 7-8, 476.
  • [10]
    Le jugement de Claude-Joseph de Ferrière (1680 ?-1748 ?), avocat du Parlement de Paris, sur les normes favorisant le mariage entre un séducteur et sa victime est lapidaire : « La pureté de notre religion ne permet pas que le sacrement de mariage soit la récompense du vice et de la prostitution ». Cf. Claude-Joseph de Ferrière, Nouvelle introduction à la pratique ou Dictionnaire des termes de pratique, de droit, d’ordonnances, et des coutumes, 2 vol., Paris, chez M. Brunet, 1734 (1ère éd. 1718), I, 859.
  • [11]
    J. Amoròs, Discurso…, op. cit., 255.
  • [12]
    Paul Laymann, Theologia moralis, Venetiis, ex typ. Remondiniana, 1760 (1ère éd. 1625), lib. V, tract. X, pars I, cap. I, n. 11, p. 124 ; Gian Domenico Rinaldi, Observationes criminales, civiles, et mixtae, 2 vol., Romae, sumptibus N. Chellini, 1688-1690, II, cap. XXIII, §§ IV-VI, n. 151, 401.
  • [13]
    Sur les États de l’Église, voir Cristoforo Cosci, De sponsalibus filiorum familias vota decisiva, Romae, sumptibus Remondiniensis, 1763, « Additio IV », p. 265-267 (loi du 13 sep-tembre 1736) ; sur le Duché de Modène, voir Provvisioni, gride, ordini, e decreti da osservarsi negli Stati di S.A., Modena, per gli eredi di B. Soliani, 1755, p. 46-51 ; sur le Grand-duché de Toscane, voir Legislazione toscana raccolta e illustrata da Lorenzo Cantini, 31 vol., Firenze, stamp. Albizziniana, 1800-1808, XXVII, 53-54 (loi du 24 janvier 1754).
  • [14]
    Je me limite à citer Tomás Sanchez, De sancto matrimonii sacramento disputationum tomi tres, 2 vol., Lugduni, sumptibus Ph.B.L. Arnaud et C. Rigaud, 1654 (1ère éd., 1602), I, lib. I, disp. 14.
  • [15]
    Je renvoie aussi à l’ouvrage du protonotaire apostolique Cristoforo Cosci, De sponsalibus filiorum familias vota decisiva, déjà cité. L’auteur était un spécialiste des procès matrimoniaux car il avait exercé la magistrature dans différents tribunaux diocésains des États de l’Église.
  • [16]
    Voir aussi sur Venise (Plebani, 2012, 98-99 ; 117-120).
  • [17]
    Archivio Arcivescovile, Florence, Cause civili matrimoniali, 57, n° 12, année 1724. Ces cas étaient présentés au tribunal diocésain sous la forme de requêtes afin d’empêcher les publications du mariage qu’on voulait contester.
  • [18]
    Les décrets de la Congrégation sont reportés dans (Schulte & Richter (dir), 1853, 223).
  • [19]
    L’âge de la majorité n’était pas précisé. De toute évidence, les ecclésiastiques se référaient aux lois civiles des différents États.
  • [20]
    Codice di leggi, e costituzioni per gli Stati di Sua Altezza Serenissima, 2 vol., Modena, Società tipografica, 1771, I, lib. II, tit. XIII, Dei matrimonii, loro effetti civili, e delle cause matrimoniali, 284-285 ; Bandi e ordini da osservarsi nel Granducato di Toscana, 66 vol., Firenze, G. Cambiagi, 1747-1859, XII, n. LXXVI, loi du 30 octobre 1784.
  • [21]
    La Prammatica du 11 décembre 1780 est éditée dans (Di Bella, 1982, 71-73). L’Espagne adopte des mesures semblables quelques années plus tard. En 1788, on impose aux tribunaux ecclésiastiques de n’accepter les plaintes pour promesse non tenue que lorsque cette dernière a été confirmée par le consentement paternel ; à partir de 1803, celui-ci doit obligatoirement être certifié par une écriture publique (Dubert, 2009, 109-110).
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.171

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions