Trois hommes et trois femmes, relativement jeunes, sont dans une barque (et personne n’est encore tombé à l’eau !). Cette image provient d’une collecte organisée auprès des habitants du quartier de La Morinière, à Rezé, au sud de Nantes. Nous sommes en 1927, sur la Sèvre nantaise, un lieu de détente et de loisir bien connu des nantais, mais certainement pas le plus prisé des élégantes qui préfèrent l’Erdre, « la plus belle rivière de France », située au Nord-Est de la ville. Pensez donc, c’est par la Sèvre qu’arrivaient jadis les Baudets du Poitou, ces ânes reproducteurs réputés pour leur robustesse et leur fertilité, avant d’être exportés par bateau. C’est par elle de plus que sont ravitaillées les nombreuses industries implantées à Pont-Rousseau depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, — ce faubourg qu’en 1793 les Vendéens ne parviendront pas à franchir.
Alors, que font ces hommes et ces femmes endimanchés sur d’élégantes embarcations ? Car ils ne sont pas seuls : outre l’auteur du cliché, une pelle (une rame) dépasse à droite, une troisième embarcation, peut-être d’un type un peu plus rustique, apparaît au premier plan à gauche, et une dernière est visible en arrière-plan. Le romantisme de la scène ne rime pas avec solitude et le numéro qui figure sur l’étrave suggère qu’il s’agit d’une base de location d’esquifs. Les classes populaires s’encanaillent, elles empruntent à la Bourgeoisie ses codes de séduction et miment son élégance, mais elles sont bien obligées de s’en tenir à leur budget……