À première vue, la vie du peintre méditerranéen Antoine Serra, né en Sardaigne en 1908, mort à Mouriès, dans les Alpilles, en 1995, semble correspondre au stéréotype parfait de l’artiste prolétarien engagé, selon le modèle communiste – du moins jusque dans les années 1950. D’origine très modeste, il partage, dès son enfance, les dures conditions de vie des Italiens immigrés, adhère et milite au parti communiste dès les années 1920, crée le Groupe des peintres prolétariens, s’implique fortement dans l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (A.E.A.R.) et anime, à partir de 1936, la Maison de la Culture de Marseille. Il participe à la Résistance armée pendant la Seconde Guerre mondiale, et, au temps de la Guerre froide, devenu un peintre largement reconnu, il met son talent au service de la cause, et glorifie dans son œuvre les luttes ouvrières anti-impérialistes, nombreuses sur les quais phocéens.
Cet itinéraire, examiné depuis le creuset des années 1930 et replacé dans le contexte régional et national, est moins linéaire qu’il n’y paraît. Il reflète aussi ce que l’on a parfois tendance à sous-estimer : la complexité d’un homme et les tensions et contradictions de cette période.
Antoine Serra est d’origine modeste. Né à la Maddalena, sur l’archipel de même nom entre Corse et Sardaigne, dans un milieu très pauvre, il arrive à Marseille à l’âge de six ans avec sa mère et ses trois sœurs. La famille s’installe dans le quartier populaire et italien de Saint-Mauront où elle ne subsiste chichement que par le travail de tous…