Notes
-
[1]
Rogers, C. R., (2005), Le Développement de la personne, Paris, Dunod-InterEditions, p. 36.
-
[2]
Ce code, établi en 1685 par la couronne de France, contient 60 articles qui réduisent l’existence de l’esclave à celle d’un objet ou d’une brute. L’esclave noir n’existe juridiquement que s’il désobéit et le corps social veille à sanctionner cruellement cette existence-là. Voir Sala-Malins L. (1987), Le Code Noir, Paris, PUF.
-
[3]
Poto mitan : mot créole que l’on peut traduire en Français par pilier.
-
[4]
Rogers, C. R., (2005), Le Développement de la personne, Paris, Dunod-InterEditions, pp. 36 et suivantes.
-
[5]
Lago C., Thompson J., (2002), Counselling and Race. In Palmer S., Multicultural Counselling, London, Sage, p. 7.
-
[6]
ib. pp. 11-15
1J’aimerais développer ici quelques lignes de réflexion sur ce sujet qui me tient à cœur. Il s’agit avant tout de ma réflexion, et non d’une généralisation, encore moins d’un postulat. Il s’agit de l’expérience d’une thérapeute centrée sur la personne, guyanaise, exerçant en Martinique.
2Dans Le Développement de la personne, Rogers s’interroge sur « les questions qu’il se pose lorsqu’il s’engage dans […] une relation d’aide » [1]. Aujourd’hui, je comprends mieux la portée de ces questions préalables et je voudrais m’arrêter sur certaines d’entre elles.
3Ce qui me pousse à m’interroger à mon tour, c’est que je me rends compte que mon histoire, mon vécu, peuvent interférer dans mes réflexions avant que je n’entre en relation avec mes clients. Il y a en moi quelque chose d’inscrit qui, quoi que je fasse, transparaît au moment d’établir la relation, même s’il ne transparaît pas dans le déroulement de la relation.
4Il me semble utile de rappeler les faits suivants qui pourraient expliquer en quoi la situation du thérapeute antillo-guyanais centré sur la personne est pour moi différente de celle d’un autre thérapeute ; en quoi, selon moi, la relation thérapeutique pourrait être différente selon le type de client que l’on reçoit.
L’esclavage
5L’esclavage a été un fait majeur et massif dans notre histoire, pendant plus de deux siècles. En ont résulté le colonialisme et le racisme. Il y eut une corrélation constante, étroite entre ces deux éléments.
6L’esclavage a été un élément structurel de la société antillo-guyanaise (la Guyane a par la suite été marquée par le bagne). N’oublions pas l’existence du Code Noir, qui à l’époque était la seule référence sociale. [2]
7La société dans laquelle l’esclavage s’est développé se basait sur des références culturelles occidentales européennes, blanches et de religion chrétienne.
150 ans après l’esclavage, que nous reste-t-il ?
8L’esclavage a marqué structurellement notre personnalité, créé des réflexes, orienté notre vécu culturel et développé en nous certains modes de pensée et d’action.
9Quelle est, aujourd’hui, notre conception de la société ? L’esclavage distinguait d’un côté le maître blanc, de l’autre l’esclave noir. (Même s’il existait des entorses : le maître blanc pouvait aller rejoindre l’esclave noire).
10Les conséquences en sont les suivantes :
- Aujourd’hui, nous nous référons facilement à une société organisée sur la base de l’utilitarisme, du mépris, de l’exclusion réciproque.
Les rapports entre les gens sont des rapports de violence et de brutalité, dans les paroles et dans les gestes.
Nous éprouvons une certaine difficulté à murmurer, être tendres, nous faire petits, suppliants, voire à nous aimer et donc à aimer l’autre. - La séparation entre blancs et noirs a généré :
- d’un côté une mentalité de revendication, protestation, revanche au nom d’une liberté opprimée et bafouée tout au long de l’histoire, cette histoire injuste, marquée par l’excès du mépris, du non-respect, de la honte ;
- de l’autre côté un sentiment fait de déception, de nostalgie, d’amertume pour un passé. C’est ce sentiment qui peut éventuellement générer une attitude de fraternité.
- Sous l’esclavage, le « modèle » social et culturel engendrait une dévalorisation de l’individu par lui-même, et favorisait une survalorisation sans fondement : « je suis noir », ou « je suis plus faible », ou alors « je suis plus fort ».
Actuellement, le modèle est le blanc et l’occidental. - La situation de l’esclavage a engendré l’irresponsabilité, parce que « je ne suis rien dans cette société ».
Les rapports hommes/femmes
11L’impossibilité de contracter une union conjugale, effective et juridique durant la période esclavagiste, a pour conséquence le fait qu’à l’heure actuelle « personne n’est à personne ».
12Ce qui signifie que :
- l’homme domine ;
- la femme est le « poto mitan [3] » de la société ;
- la femme est tentée de se considérer comme seule responsable de la fonction de reproduction (avec chantage à la clé) ;
- les rapports amoureux sont génitalisés, d’où absence de sensualité, d’érotisme : « on baise », c’est tout ;
- la stabilité et la fidélité du couple sont difficilement concevables.
Les rapports religieux
13Dieu prend les allures du maître : notre Dieu à nous est étranger à nous, il est blanc.
- Dieu tout puissant, seul compte l’amour de Dieu. Comment dans ce cas parler d’amour de soi ?
- Dieu garant de tout ;
- Dieu bienveillant et vengeur ;
- Dieu blanc qui écrase le démon (Satan) noir ;
- pour toute demande, il faut être dans les grâces de Dieu.
Les questions de Carl Rogers et leur compréhension dans le contexte martiniquais
14Revenons maintenant à certaines des questions que se posait Carl Rogers [4] et essayons de voir comment, avec notre histoire, nous pouvons nous y adapter ; comment en fait nous fonctionnons, ici en Martinique.
15Question 3 : « Suis-je capable d’éprouver des attitudes positives envers l’autre : chaleur, compassion, affection, intérêt, respect ? »
16Cette question peut poser problème. Pouvons-nous éprouver des attitudes positives envers celui que nous avons toujours considéré comme l’oppresseur, comme le colonisateur ?
17Oui, cela est possible, si nous avons fait un certain travail sur nous, et si nous avons appris à pardonner.
18Si nous recevons quelqu’un de notre race, qui a souffert ce que notre peuple a souffert, nous ne nous posons pas cette question, car nous avons le même cadre de référence, le même vécu de groupe ; mais si nous recevons un autre client… que se passe-t-il ? L’importance du travail sur le pardon et sur la congruence devient évidente.
19Question 4 : « Puis-je avoir une personnalité assez forte pour être indépendant de l’autre ? Suis-je capable de respecter bravement mes propres sentiments, mes propres besoins aussi bien que ceux de l’autre ? Puis-je posséder et, à la rigueur, exprimer mes propres sentiments comme une chose qui m’appartient en propre et qui est indépendante des sentiments de l’autre ? »
20Ce point ne pose pas de problème, nous pouvons posséder et exprimer nos sentiments propres et indépendants des sentiments de l’autre. À condition, bien sûr, que nous arrivions « à mettre le doigt sur nos sentiments », car il y a un certain nombre de barrières à franchir, l’éducation, l’inconscient collectif, etc.
21Question 5 : « Ma sécurité interne est-elle assez forte pour permettre à l’autre d’être indépendant ? Suis-je capable de lui permettre d’être ce qu’il est, sincère ou hypocrite, infantile ou adulte, désespéré ou plein de suffisance ? »
22Suis-je capable de permettre à l’autre d’être ce qu’il est ?
23Que ressent un client blanc devant un thérapeute noir ? Le client voit-il le psychothérapeute ou l’individu ?
24Et nous, voyons-nous le client en souffrance ou le blanc ? Tout thérapeute dirait « je ne suis pas raciste », et nous accueillons « tous » – officiellement – tous les clients qui se présentent ; toutefois, ici nous nous situons dans l’Approche Centrée sur la Personne, une approche qui voit la personne dans sa globalité, qui la ressent. La personne ne peut avancer que si elle a confiance en nous.
25Je pense que cela aussi peut faire l’objet d’un travail sur soi. Un thérapeute qui a travaillé sa propre histoire, qui est au clair avec ses origines, peut accueillir un client blanc et lui permettre d’être une personne blanche face à un thérapeute noir.
26Question 6 : « Puis-je me permettre d’entrer complètement dans l’univers des sentiments d’autrui et de ses conceptions personnelles, et de les voir sous le même angle que lui ? Puis-je pénétrer dans son univers intérieur assez complètement pour perdre tout désir de l’évaluer, de le juger ? »
27En fait, voilà la question.
28Pouvons-nous nous permettre d’entrer complètement dans l’univers des sentiments de l’autre, pouvons-nous le voir sous le même angle que lui ?
29Je dis non. Je ne peux voir, je ne peux raisonner comme l’oppresseur. Certes je peux entendre, je peux écouter, mais je ne peux accepter. Il m’est donc difficile d’être en empathie.
30Pourrions-nous un jour entrer en relation avec quelqu’un de raciste, quelqu’un ayant une mentalité de colon ? Oui, dans les faits nous le pourrions, mais pourrions-nous entrer en relation avec lui dans l’Approche Centrée sur la Personne, en ayant sur lui un regard bienveillant et sans jugement ?
31Personnellement, c’est un point que je dois sans cesse travailler car il m’est encore difficile d’accueillir des personnes qui viennent à moi « en cassant du nègre » comme ils disent.
32Question 7 : « Suis-je capable d’accepter toutes les facettes que me présente cette personne ? Puis-je la prendre comme elle est ? Puis-je lui communiquer cette attitude ? »
33Non, je ne pourrais pas, s’il s’agit d’un blanc avec une mentalité de colon. Au plus profond de moi, cette facette me ramène à l’histoire de mon peuple, à mon histoire, à des injustices perpétrées par le colonialisme. Non, j’aurais du mal à l’accepter, et je me réfugierais facilement derrière le fameux choix du thérapeute. Mais encore une fois, seul le travail sur soi au quotidien permet au thérapeute que je suis de cheminer avec son histoire, son passé. Ce thérapeute-là peut accepter toutes les facettes que lui présente l’autre et lui communiquer la compréhension qu’il en a.
34Je pense que la non-acceptation peut générer de la colère tant chez nous que chez l’autre.
35Question 10 : « Suis-je capable de voir cet autre individu comme une personne qui est en devenir ou vais-je être ligoté par son passé et par le mien ? »
36Vais-je être ligotée par mon passé ou celui de l’autre ?
37Un être opprimé peut-il s’entendre avec son oppresseur, ne serait-ce que l’espace d’un entretien, le temps d’une formation ?
38Peut-on demander à un noir qui vient de subir une injustice de la part du pouvoir colonial blanc de voir l’oppresseur comme un être en devenir ? Je pense que c’est chose difficile, mais qu’il est néanmoins possible d’y parvenir.
Quelle est ma position ? Comment je me situe en tant que thérapeute noire centrée sur la personne ?
39Aux questions de Rogers, je réponds :
- Si je n’ai que des clients noirs, il n’y a pas de problème, nous avons la même histoire, la même culture, nos peuples ont connu les mêmes souffrances, le climat de confiance se met facilement en place.
- Si j’ai des clients blancs, il faut qu’ils ne soient ni pro-esclavagistes, ni racistes, ni colonialistes, en un mot il faut qu’ils m’acceptent moi, thérapeute noir, en tant que personne. Encore une fois, la notion de choix est importante ; pouvons-nous accepter ou refuser d’aider un client ? Pour Rogers, cette question du choix du thérapeute et du choix du client est importante.
40Parmi les conditions nécessaires au processus thérapeutique, Rogers précise qu’il faut :
- que la deuxième personne soit congruente dans sa relation avec la première, c’est-à-dire qu’elle soit elle-même présente dans la relation, qu’elle ne soit pas défensive à l’égard de ses propres sentiments envers le client ;
- que le thérapeute éprouve une compréhension empathique pour son client.
41En acceptant des personnes qui n’ont pas la même histoire ni la même culture que nous, mais qui nous acceptent en tant que tels et que nous acceptons en tant que telles, nous sommes congruents.
42Par contre, en recevant « les autres », ceux que nous n’acceptons pas avec leur histoire, leurs références internes, nous ne sommes pas congruents.
43Lorsque je me réfère au schéma proposé par Colin Lago et Joyce Thompson (2002) [5], plusieurs scénarios se présentent à moi :
Scénario 1 | Scénario 2 | Scénario 3 |
---|---|---|
Thérapeute noir Client blanc, européen ou autre et intégré aux coutumes du pays | Thérapeute noir Client blanc, européen ou autre et non intégré dans le pays, vivant plus ou moins en cercle fermé | Thérapeute noir Client noir, créole |
Scénario 1
Thérapeute noir. Client blanc, européen ou autre et intégré aux coutumes du pays
44Quant à moi, thérapeute noire, j’ai reçu une éducation en partie créole, en partie occidentale, et j’ai fait l’essentiel de mes études en Occident. J’ai été formée à l’Approche Centrée sur la Personne par des formateurs blancs, et donc ma vision première de l’ACP est une vision occidentale. Donc je devrais être à même de venir en aide aussi bien à des clients noirs comme moi qu’à des clients blancs dont je partage la culture.
45Ainsi le client blanc intégré aux coutumes du pays ne pose pas de problème au thérapeute noir que je suis.
Scénario 2
Thérapeute noir. Client blanc, européen ou autre et non intégré dans le pays, vivant plus ou moins en cercle fermé
46La première question qui vient à l’esprit est alors : pourquoi le client nous a-t-il choisi ? Est-ce par rapport à notre approche, est-ce par rapport à notre compétence, est-ce faute de mieux ?
47Une fois répondu à cette question, plusieurs autres se posent encore :
48Quelle perception ce client blanc a-t-il du thérapeute noir ; sa perception pourra-t-elle évoluer au cours des entretiens ? Le client blanc est-il disposé à travailler avec le thérapeute noir, va-t-il accepter d’être simplement une personne et non pas un être supérieur, va-t-il accepter le thérapeute noir comme une personne non inférieure à lui, va-t-il avoir en tête son histoire ?
49Enfin, quels effets la couleur ou la race du thérapeute peuvent-ils avoir sur un tel client ?
50Personnellement, en tant que thérapeute noire, je me permets de refuser un client qui ne m’accepte pas en tant que personne noire, car alors il m’est impossible d’être en empathie avec lui ou elle.
Scénario 3
Thérapeute noir. Client noir, créole
51Normalement, ce devrait être plus facile pour nous, si l’on ne tient pas compte des différences de couleur qui persistent depuis l’abolition de l’esclavage (le blanc, le beke, le chabin, le mulâtre…).
52Le client qui a le même passé que nous, la même culture que nous et qui vient à nous se dit :
53« Il ou elle est comme moi, donc il ou elle va me comprendre ».
54L’Approche Centrée sur la Personne est basée sur le discours et le ressenti. Le client s’exprime et le thérapeute, par son amour inconditionnel, favorise l’expression de soi de son client.
55Cependant, en raison de notre éducation, empruntée à notre culture, marquée par l’esclavage et le colonialisme, j’ai constaté les faits suivants quand un client vient me voir :
- Les aînés ont toujours raison ; si nous allons voir un psychothérapeute plus jeune que nous, il nous donnera raison car il est plus jeune que nous. De même, s’il est plus âgé, nous ferons ce qu’il dira, car nous lui devons du respect en tant qu’aîné.
- On ne parle pas de soi, ce n’est pas poli, on a trop peur d’être jugé, et que cela se sache.
- Dans une famille, tout se sait, mais personne ne sait, alors le thérapeute doit savoir, mais il ne sait pas. Nous lui parlons comme s’il savait, mais sans vérifier qu’il sait.
- On ne parle pas d’amour, ça c’est tabou et « c’est pas beau », car en fait on parle de sexualité. Or on ne livre pas son intimité.
- On ne livre pas ses sentiments, nous n’avions pas le droit d’en avoir…
- On parle de Dieu car il est notre maître, et le thérapeute a forcément le même maître.
56Les clients qui viennent nous voir sont persuadés que nous détenons la vérité, que nous détenons la réponse à leurs problèmes, et nous avons du mal à leur faire admettre que la réponse est en eux et que nous sommes simplement un être humain comme eux.
57Alors, souvent, je suis perçue comme différente, une noire avec le savoir des blancs. Par certains clients je suis idéalisée, dès la première séance, ils ont une entière confiance en moi, et je sens bien que cela n’a rien à voir avec le processus thérapeutique.
58Nous sommes simplement comme eux, donc forcément, nous pouvons comprendre. Et là, une lourde tâche attend le thérapeute : il n’est pas simplement un psychothérapeute, mais un des leurs, donc forcément quelqu’un qui comprend.
59Il nous faut, tout en étant nous-mêmes, tout en étant congruents, prouver sans cesse à nos clients que nous sommes un être humain, un des leurs certes, mais avant tout un professionnel. Parfois, je suis obligée d’accepter des compliments, certaines attitudes, certains gestes, certaines offrandes, afin de mieux me repositionner.
60L’expérience que j’ai de l’Approche Centrée sur la Personne en Martinique me permet de dire que, face à des peuples qui ont été opprimés, c’est une approche difficile ; le thérapeute doit avoir fait un très gros travail sur lui-même, avoir dépassé ses propres peurs et craintes pour pouvoir aider la personne en difficulté.
61Nous libérons l’amour qu’il y a en nous, nous sommes en complète empathie avec nos clients, l’espace d’un moment, le temps de la séance, et nous devons sans cesse leur rappeler « l’espace d’un moment ».
62Ici, l’amour est tellement banalisé et réduit à la sexualité que le sentiment d’amour que nous éprouvons pour nos clients est reçu comme un cadeau, mais ils ont du mal à gérer le moment présent. Une cliente m’a dit un jour « j’ai peur moi aussi de vous aimer, il ne faut pas que je vous aime, ce n’est pas bien ».
63Dans le chapitre déjà cité précédemment, Colin Lago et Joyce Thompson [6] esquissent avec précaution, à l’intention du thérapeute, dix-sept directives pour une relation d’aide multiculturelle. Ces directives sont données à titre expérimental pour une bonne pratique du counselling dans le présent :
- Essayer de gagner une conscience et une connaissance de sa propre culture, race, origine.
- Essayer d’avoir une meilleure compréhension du rapport historique et contemporain qui existe et qui a existé entre vous et votre client.
- Développer une conscience structurelle de la société, c’est-à-dire bien comprendre les mécanismes de la société dans laquelle client et thérapeute évoluent.
- Essayer de connaître la vraie culture du client, son modèle culturel, ses origines.
- Garder à l’esprit que n’importe quelle interruption dans la communication peut être attribuable au processus dynamique existant entre le client et le thérapeute.
- Être conscient de ses suppositions, de ses préjugés, stéréotypes et des jugements immédiats.
- Se rappeler que beaucoup de concepts comme la vérité, l’honnêteté, la politesse, etc., sont culturellement liés.
- Garder à l’esprit que tous les counsellors fonctionnent sur un mode qui repose principalement sur l’attention et l’écoute active offertes au client.
- Être attentif à la manière dont nous utilisons la langue.
- Faire attention aux phénomènes paralinguistiques, comme les soupirs, l’intonation, l’expression ; tout cela peut être fonction du contexte culturel.
- Avoir une approche plus ouverte et plus acceptante.
- Contrôler ses propres attitudes pendant l’entretien, notamment par rapport aux sentiments de supériorité ou de pouvoir sur le client.
- Être sensible aux questions de racisme, reconnaître et accepter d’explorer le sujet dans le processus de l’entretien.
- Procéder prudemment et privilégier le contact minimal plutôt que le travail à long terme.
- Produire des sources possibles de référence aux counsellors de la même race ou de la même culture que le client.
- Essayer de trouver un consultant de la même race que le client.
- Malgré ses propres difficultés personnelles, le thérapeute doit envisager de faire l’expérience de travailler avec des personnes de race ou de culture différentes.
L’Approche Centrée sur la Personne en Martinique est-elle vraiment une approche multiculturelle ?
64Compte tenu de mes observations et de ma pratique en tant que formateur et thérapeute, je peux dire oui. Oui, l’Approche Centrée sur la Personne en Martinique ne peut être que multiculturelle, ce qui implique que les personnes formées à l’ACP en Martinique doivent absolument avoir la connaissance théorique de la culture du pays.
65Dans les formations, l’accent doit être mis sur :
- Une plus grande compréhension de la société multiraciale dans laquelle nous vivons, ainsi que sur une bonne connaissance historique de notre société.
- Une acceptation de notre histoire et de nos difficultés, soit un important travail de mémoire incluant des notions de réparation et de pardon.
- Un plus grand travail pratique avec des entretiens dans notre langue aussi bien qu’en français, car nous restons persuadés que l’expression et la compréhension de nos sentiments est différente en créole, notre langue.
- Un plus grand travail d’analyse de cas à partir d’entretiens déjà réalisés par des thérapeutes centrés sur la personne noirs. Je pense que l’Angleterre et les États-Unis pourraient nous fournir des exemples.
66Par ailleurs, la société française n’est-elle pas, en soi, une société multiculturelle ?
Mots-clés éditeurs : thérapie multiculturelle, développement de l'ACP, pays d'outre-mer, esclavage
Date de mise en ligne : 01/03/2007.
https://doi.org/10.3917/acp.002.0006Notes
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[1]
Rogers, C. R., (2005), Le Développement de la personne, Paris, Dunod-InterEditions, p. 36.
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[2]
Ce code, établi en 1685 par la couronne de France, contient 60 articles qui réduisent l’existence de l’esclave à celle d’un objet ou d’une brute. L’esclave noir n’existe juridiquement que s’il désobéit et le corps social veille à sanctionner cruellement cette existence-là. Voir Sala-Malins L. (1987), Le Code Noir, Paris, PUF.
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[3]
Poto mitan : mot créole que l’on peut traduire en Français par pilier.
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[4]
Rogers, C. R., (2005), Le Développement de la personne, Paris, Dunod-InterEditions, pp. 36 et suivantes.
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[5]
Lago C., Thompson J., (2002), Counselling and Race. In Palmer S., Multicultural Counselling, London, Sage, p. 7.
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[6]
ib. pp. 11-15