Couverture de ACO_061

Article de revue

Jardins d'hiver et de papier : de quelques lectures et (ré)écritures fin-de-siècle

Pages 99 à 117

Notes

  • [1]
    Pierre Lepape, « La pensée de plate-bande », Traverses, N° 5-6, p. 32.
  • [2]
    La distinction sur le plan terminologique n’est pas évidente, comme les traités ou les articles de journaux publiés à l’époque en témoignent : si le terme « serre » s’applique plus volontiers aux constructions destinées aux jardins botaniques ou à celles des producteurs (les horticulteurs), on se réservera néanmoins ici la possibilité de ne pas distinguer les deux sens du terme, ceci dans un souci d’éviter les répétitions.
  • [3]
    Basée à la fois sur la détermination des espèces par leur mode de reproduction et dans chacune d’elles sur le classement des plantes par genre, la nomenclature de Linné a permis à la botanique de se constituer comme une branche scientifique à part entière à la fin du XVIIIe siècle.
  • [4]
    Lettre de Barillet-Deschamps à l’Ingénieur en chef, 10 décembre 1865, cité par Luisa Limido, L’art des jardins sous le Second Empire, Paris : Champ Vallon, 2002, p. 134.
  • [5]
    Le cabinet de curiosités, dit aussi d’amateur, est apparu au cours du XVIe siècle ; il abrite notamment des collections de plantes rares rassemblées par des particuliers. Au XVIIe siècle, ces riches amateurs, en se livrant à des expérimentations horticoles, en intensifiant leurs échanges de plantes ou de graines et en faisant importer des spécimens exotiques depuis les colonies, préfigurent leurs successeurs qui, dès la fin du XVIIIe siècle, font construire les premières serres afin de mieux conserver mais aussi d’exposer leurs collections.
  • [6]
    Paul-André Rémy, « Le Jardin Réservé », L’Illustration, Journal Universel, octobre 1867, in Les grands dossiers de L’Illustration – Les Expositions universelles, Paris : Le Livre de Paris, 1987, pp. 62-63.
  • [7]
    Stefan Koppelkamm, Glasshouses and Wintergardens of the Nineteenth Century, Londres : Granada, 1981, p. 40.
  • [8]
    Olivier Vleeschouwer, Serres et jardins d’hiver, Paris : Flammarion, 2000, p. 50.
  • [9]
    Voir Alain Roger, Nus et paysages. Essai sur la fonction de l’art, Paris : Aubier Montaigne, 1978. On peut rapporter au premier niveau de schématisation ou d’artialisation, décrit par Alain Roger, les propos du directeur du Jardin des Plantes sur la composition d’un jardin, ainsi que l’action du jardinier-paysagiste composant plates-bandes et massifs. Il s’agit là, en effet, d’un processus artistique : le jardinier agit sur les plantes, les dispose, taille, élimine, de sorte que le jardin, « œuvre d’art, paraît plus naturel que nature » (p. 127).
  • [10]
    Citons des éléments tels que la charpente métallique de la serre, l’infrastructure permettant la culture des espèces végétales et/ou animales.
  • [11]
    « L’Arcadie » des serres publiques de la seconde moitié du XIXe siècle est sous-tendue, voire explicitement cautionnée, par les théories et les découvertes contemporaines des anthropologues : en rendant compte des expéditions de scientifiques ou d’explorateurs dans des contrées lointaines, les jardins d’hiver adhèrent à la thèse évolutionniste selon laquelle les peuplades exotiques constitueraient l’origine de l’espèce humaine – les ancêtres de la civilisation moderne occidentale – et, par conséquent, leur environnement, un paysage des temps reculés.
  • [12]
    Voir notre étude, Maryline Cettou, Jardins d’hiver et de papier. Regards croisés sur le jardin d’hiver dans le Paris et la littérature fin-de-siècle : un espace entre science et imaginaire, Lausanne : Essais Archipel, 2005, pp. 61, 126-140.
  • [13]
    Alain Roger, op. cit., pp. 108-109, 127. Cette opération, consciente ou non, rapproche l’objet naturel regardé d’un objet artistique (re)connu, par exemple, un tableau ; ce faisant, il lui donne sens. Dans la théorie de Roger, le pays devient alors paysage.
  • [14]
    Marie-Noëlle Pradel-de Grandry, Le livre des Expositions universelles 1851-1989, Paris : Union Centrale des Arts Décoratifs, 1983, p. 291.
  • [15]
    S.n., « L’Exposition Universelle », L’Illustration, Journal universel, 8 juin 1878, in Les grands dossiers…, op. cit., p. 26.
  • [16]
    Semblable à « une grande cage de verre », à « une maison de cristal », avec sa « terrasse vitrée » (le jardin d’hiver proprement dit), ses immenses « baies formées de superbes glaces sans tain », sa tourelle luisant « comme un léger ballon vénitien » et, « sur le donjon, le casque de cristal de l’observatoire », la construction voit en effet cette parenté encore renforcée au cours du récit par l’ajout d’un « un escalier vitré », reliant directement la chambre du cadet à la serre, et le remplacement de tout un mur par une verrière (Rachilde, Les hors nature, Paris : Séguier, 1994, pp. 337-477).
  • [17]
    Ibid., p. 337.
  • [18]
    Ibid., p. 447
  • [19]
    Idem.
  • [20]
    Les vitres de la fenêtre de la chambre à coucher, « craquelées, bleuâtres, parsemées de culs de bouteilles aux bosses piquetées d’or, [interceptent] la vue de la campagne et ne [laissent] pénétrer qu’une lumière feinte » ; la seconde ouverture est condamnée par un aquarium qui s’interpose entre le hublot de la cloison de la salle à manger et la « réelle fenêtre ouverte dans le vrai mur », si bien que le monde extérieur est triplement distancié et tamisé par une glace sans tain qui remplace le verre traditionnel, par l’eau et par « la vitre (…) du sabord » (Joris Karl Huysmans, À rebours, Paris : Gallimard, 1977, pp. 95, 99).
  • [21]
    Pour les questions d’ordre terminologique, nous renvoyons à Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, pp. 72, 280.
  • [22]
    Rachilde, op. cit., p. 477.
  • [23]
    Idem et ibid., p. 447.
  • [24]
    Ibid., p. 477.
  • [25]
    Idem.
  • [26]
    Du grec mimêsis, signifiant imitation, ce terme désigne dans le champ littéraire la représentation du réel selon les codes de la vraisemblance.
  • [27]
    Gérard Peylet, Les évasions manquées ou les illusions de l’artifice dans la littérature fin-de-siècle, Genève/ Paris : Slatkine, 1986, p. 149, souligné par nous.
  • [28]
    Isabelle Krzywkowski, Le jardin des songes : étude sur la symbolique du jardin dans la littérature et l’iconographie fin-de-siècle, [microforme], Lille : Atelier national de reproduction des thèses, 1996, p. 560.
  • [29]
    Irène Tschinka, « À rebours : les bords de l’écriture », Revue des sciences humaines, N° 170-171, 1978, p. 48.
  • [30]
    Pierre Cogny, « La destruction du couple Nature-Société dans l’À rebours de J.-K. Huysmans », Romantisme, N° 30, 1980, p. 62.
  • [31]
    Marc Fumaroli, Préface et notes de À rebours, Paris : Gallimard, 1977, p. 418.
  • [32]
    Michel Delon, Préface du Jardin des supplices, Paris : Gallimard, 1991, p. 20.
  • [33]
    Christian Limousin, « Monet au Jardin des supplices », Cahiers Octave Mirbeau, N° 8, 2001, pp. 256-258.
  • [34]
    Octave Mirbeau, Le jardin des supplices, Paris : Gallimard, 1991, pp. 184-185, 194-198, 201-202.
  • [35]
    Joris-Karl Huysmans, op. cit., pp. 141-150, 185-199.
  • [36]
    Émile Zola, Œuvres complètes, Paris : Cercle du livre précieux, 1970, t. XIV, p. 1309.
  • [37]
    Philippe Bonnefis, L’innommable – Essai sur l’œuvre de Zola, Paris : SEDES, 1984, pp. 15-16.
  • [38]
    Émile Zola, Du roman : de la description, in Le roman expérimental, Paris : Garnier-Flammarion, 1971, pp. 232-233, 234.
  • [39]
    Jacques-Philippe Saint-Gérand, « La serre dans La Curée de Zola », L’information littéraire, N° 39, 1987, p. 30.
  • [40]
    Émile Zola, La faute de l’abbé Mouret, Paris : Gallimard, 1991, pp. 191-200, 210-213, 239-245.
  • [41]
    Émile Zola, La curée, Paris : Gallimard, 1981, pp. 217-220.
  • [42]
    Pierre Jourde, L’alcool du silence. Sur la décadence, Paris : Champion, 1994, p. 163.
  • [43]
    Joris-Karl Huysmans, op. cit., pp. 187-192.
  • [44]
    Voir notre ouvrage, op. cit., pp. 39-56.
  • [45]
    Françoise Gaillard, « À rebours : une écriture de la crise », Revue des sciences humaines, N° 170-171, 1978, p. 112.
  • [46]
    Isabelle Krzywkowski, « Les serres symboliques des naturalistes », Le jardin, entre science et représentation, Paris : CTHS, 1999, pp. 304-305.
  • [47]
    La littérature fin-de-siècle exprime une vision dégénérative de la nature, traduisant ainsi une posture de crise principalement induite par le retentissement européen des théories évolutionnistes, desquelles on ne retient souvent que l’idée de déclin (faisant suite à l’acmé), notamment celle des races européennes. L’entropie, ce mouvement involutif qui retourne à l’indifférencié primitif, devient ainsi constitutive de l’ensemble de la « Weltanschauung » fin-de-siècle.
  • [48]
    Jacques-Philippe Saint-Gérand., art. cit., p. 28.
  • [49]
    Isabelle Krzywkowski, Le jardin des songes…, op. cit., pp. 565-566.
  • [50]
    Extrait de Octave Mirbeau, op. cit., p. 25.
« L’art des jardins est nominaliste et son rapport premier avec la nature, sa première prise de possession, le premier acte de l’initiation passe invariablement par le vocabulaire. Le jardinier ne plante pas d’abord des graines (...) : il plante des noms. » [1]

1Décliné sous la forme d’une flânerie dans quelques jardins d’hiver français de la seconde moitié du XIXe siècle, cet article aimerait montrer comment ces derniers, s’ils donnent lieu avant tout à des pratiques sociales et à une iconographie, engagent également une écriture. Prise dans son acception large, celle-ci qualifie non seulement les pages des romanciers fin-de-siècle et celles des journalistes et autres spécialistes en la matière, mais parcourt jusqu’à l’espace même des serres édifiées dans la capitale française et lors de ses Expositions Universelles.

2Oscillant entre science et imaginaire, le jardin d’hiver transcende les catégories et se retrouve en effet dans des domaines ou disciplines tant artistiques que scientifiques. Or, chacune d’elles développe une pratique langagière qui, bien que particulière, ne laisse pas de présenter des affinités ou des résonances avec d’autres lectures ou écritures du jardin d’hiver. Car il s’agit bien de cela : à la fin du XIXe siècle, en Occident, la serre [2] offre à la fois d’écrire et de lire le monde. Par sa dimension esthétique et symbolique, elle permet à l’écrivain comme à l’architecte paysager de s’approprier l’environnement naturel et social à travers un imaginaire, un style, une narrativité. Par sa dimension épistémique, elle se veut modèle d’intelligibilité qui, à partir de la fiction ou de la réalité, entend déchiffrer le monde et les manières de savoir et, conjointement, dit quelque chose de ceux qui adoptent son langage.

3C’est avec l’Exposition Universelle de 1862 à Londres, qui signe l’introduction en Europe de la culture japonaise, que se répand la mode du jardin d’hiver : celle-ci accompagne l’engouement des Occidentaux pour l’Orient, et davantage encore pour l’Extrême-Orient. Corollaire de cette mode, les serres constituent en fait une réponse moderne et concrète à l’intégration en milieu urbain de ce goût pour l’exotisme. Dès lors, à partir des années 1860-1870, les grands complexes publics et les édifices privés se multiplient dans les capitales européennes. À Paris, par exemple, se répandent aussi bien des modèles clé en main peu onéreux ou plus prestigieux que des modèles faits sur mesure ; salons-serres, balcons-serres, bow-windows permettent à chacun de reconduire à domicile ce qui l’a fasciné dans les nombreux jardins d’hiver qui voient alors le jour dans la capitale – à l’instar du Jardin d’Hiver des Champs-Élysées (1847), du Palais d’Hiver du Jardin d’Acclimatation (ouverture du Jardin en 1861, inauguration du Palais en 1893), des nouvelles serres du Jardin des Plantes (inaugurées en 1880 ; construites par Rohault de Fleury en 1834-1836), du Fleuriste de la Muette (créé en 1855 par Barillet-Deschamps, fournisseur officiel des parcs et jardins sous le Second Empire), sans compter les serres réalisées dans le cadre des Expositions Universelles de 1867, 1878, 1889 et 1900. Or, parmi ces différents jardins d’hiver, on peut distinguer schématiquement deux catégories : les jardins qui relèvent d’un paradigme nominaliste, affichant une visée scientifique et vulgarisatrice ; et ceux qui se réclament d’un paradigme fictionnel et sont tournés vers la mise en scène. Pour autant, et bien qu’ils soient sensiblement opposés, ces deux paradigmes présagent de pratiques langagières qui parfois coexistent ou se superposent, comme nous le verrons.

Jardiner le monde : lectures savantes…

4Le jardin d’hiver apparaît tout d’abord en Europe en tant que dispositif architectural mais aussi scientifique qui permet de déchiffrer le monde – en l’occurrence la nature exotique. Dans l’orbite des Expositions Universelles, les serres deviennent en effet le creuset de la recherche, ceci notamment dans les domaines des sciences naturelles (la botanique, la zoologie, la minéralogie, la biologie, etc.). Parmi ces diverses avancées, il convient de mentionner en premier lieu les connaissances acquises en botanique suite aux travaux de Linné (1707-1778) et son élaboration d’une nomenclature rationnelle et pratique [3]. En outre, répondant à l’ambition vulgarisatrice qui traverse tout le siècle, les serres ont pour objectif de présenter des « objets » (végétaux, minéraux ou animaux) encore largement inconnus du grand public européen. Les serres parisiennes servent alors de relais entre ce public et les spécialistes (participant aux expéditions scientifiques et à l’expansion coloniale) qui approvisionnent les jardins d’hiver en spécimens horticoles inconnus.

5Nommer et classer. L’entreprise de recherche et de vulgarisation mise en œuvre dans les serres européennes repose essentiellement sur ces deux actions concomitantes. Le paradigme nominaliste joue alors en plein dans ces édifices : au Jardin des Plantes ou au Jardin d’Hiver des Champs-Élysées, par exemple, la moyenne et la petite bourgeoisie vient en nombre pour contempler les espèces végétales nouvellement acclimatées et pour consulter les recueils mis à disposition contenant les noms et les illustrations (sous forme d’estampes) des plantes tant indigènes qu’« étrangères », comme on les nommait alors. Le même principe de transmission du savoir est à l’origine de l’édification du Palais d’Hiver du Jardin d’Acclimatation et en explique les choix architecturaux : si l’on examine le plan de cet édifice en verre, on observe que le dispositif du jardin d’hiver procède à une lecture du monde qui le déploie, le déplie, en l’organisant par catégories et de façon systématique (cf. image 1). Les galeries, qui comportent des vitrines renfermant herbiers et collections d’animaux, distribuent régulièrement des espaces clairement expliqués et délimités (serres chaudes, tempérées et froides ; palmarium ; aquarium, volières et salle des perroquets). Par là même, une telle disposition fournit – ou impose – aux visiteurs un parcours dans l’édifice (passer d’une salle à l’autre, d’un aspect du monde à l’autre) qui est en même temps un parcours de lecture, comme un livre d’images et de textes que l’on feuilletterait.

Image 1
Image 1

6Le parallèle avec le livre est encore renforcé si l’on se rappelle que la plupart des concepteurs de jardins et de serres, dès le Second Empire, ont pour exigence de présenter la flore exotique sous forme de massifs et d’ensembles regroupant les végétaux originaires d’une même contrée munis d’« étiquettes indiquant le nom des espèces ou variétés de la plante » [4]. En dépit de la subsistance d’un certain élitisme, il n’en demeure pas moins que, dans cette seconde moitié du XIXe siècle où l’art des jardins dans son ensemble participe activement à ce projet pédagogique, les jardins d’hiver publics s’adressent à une large frange de la population comprenant tout à la fois les classes aisées et la moyenne et petite bourgeoisie. À l’image des jardins alphandiens, les jardins d’hiver publics sont d’abord conçus à l’intention de la classe moyenne, car ils lui permettent d’exprimer sa réussite en imitant le modèle social élitaire (de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie), fondé presque exclusivement sur la valorisation du savoir. La serre officie ainsi à la fois métaphoriquement et littéralement comme un ouvrage de vulgarisation à l’intention des citadins. À certains égards, on peut même dire que le jardin d’hiver, dans l’espace parisien des années 1850-1900, se substitue à ce type de littérature : dans la bourgeoisie, il était de bon ton d’emmener ses enfants découvrir, sous serre, les plantes rares. C’est qu’ici le délassement et le plaisir des sens s’associent à la positivité scientifique qui les légitime : le bourgeois ne perd pas son temps avec les fleurs, il s’instruit.

7Aussi est-ce en raison de cette capacité qu’a la serre d’organiser sa compréhension de la nature de façon systématique et rationnelle que les jardins d’hiver et les Expositions Universelles auront partie liée au XIXe siècle : héritière de l’orangerie et du cabinet de curiosités des XVIe et XVIIe siècles [5], la serre procède à une lecture de l’univers qui opère par espèces et zones géographiques. Or, qu’est-ce qu’une Exposition Universelle sinon un inventaire du monde qui classe les productions (naturelles et artificielles) des pays invités par domaine et par aire géopolitique ? Le jardin d’hiver ne pouvait dès lors qu’appartenir à l’espace-type des Expositions Universelles parce qu’il permet de matérialiser une telle lecture du monde – la déambulation du visiteur équivalant à un déplacement simultané à travers les pays et les savoirs. Le Palais de l’Exposition de 1867 fournit, de ce point de vue, l’exemple le plus probant d’un tel dispositif : conjuguant parfaitement une organisation par domaines (galeries concentriques) et par pays (galeries radiales), cette serre aux dimensions gigantesques permet d’allier, d’une certaine manière, lectures synchronique et diachronique de l’univers (cf. image 2).

Image 2
Image 2

… et lectures sauvages

8Néanmoins, si les serres publiques deviennent rapidement des « salons à la mode », c’est précisément parce qu’au projet didactique s’ajoute la volonté de satisfaire à la commodité et au plaisir des visiteurs. Un article dithyrambique, paru dans L’Illustration en automne 1867 lors de l’Exposition, met en exergue les fonctions à la fois scientifiques et récréatives dans l’inventaire du monde effectué par « cette collection de serres de toute grandeur et de toute température où, chaque climat, chaque pays, chaque famille de végétaux sont venus et viennent encore tour à tour amonceler des merveilles à enivrer le passant et à épuiser le nomenclateur » [6]. Allier instruction et divertissement – principe qui sous-tend toute Exposition Universelle – nécessite toutefois de donner à voir plus encore qu’à lire (quand bien même ces deux modalités sont intimement liées, comme nous le montrerons). Poussée à l’extrême dans sa logique de schématisation et de divertissement, ce type de lecture procède en fait plus souvent d’une relecture, tant les paysages reconstitués à l’échelle ou grandeur nature interprètent souvent très librement la réalité. De telles mises en scènes appartiennent à ce que l’on a choisi de nommer « paradigme romanesque », car elles adoptent le mode de la fiction et privilégient l’imaginaire, voire la confusion, comme nous le montrerons.

9Dès les années 1860, suite à l’importation des espèces subtropicales, la conception du jardin d’hiver comme lieu exclusif de la recherche botanique évolue effectivement vers une approche plus souple et esthétisante, dans laquelle les plantes président toujours plus concrètement à l’aménagement du jardin : on les dispose de manière à évoquer directement les forêts dont elles sont issues. En 1852 déjà, le directeur du Jardin des Plantes énumère par exemple les différents aménagements requis pour parvenir à recréer l’illusion d’une nature sauvage : parmi ceux-ci, on retiendra la tendance à regrouper les végétaux de façon à imiter le riche désordre des forêts tropicales, l’importance d’une faune (poissons, oiseaux) en accord avec les espèces végétales présentées et, enfin, la nécessité de dissimuler à l’aide des plantes les diverses installations (chauffage, structures en fer, etc.) [7]. Il s’agit en fait de créer « le mieux possible l’illusion de la jungle (…) pour satisfaire la soif de l’amateur en quête de dépaysement » [8] (cf. image 3).

Image 3
Image 3

10Afin de mieux comprendre ce qui se joue dans ce type de mises en scène, on peut recourir au concept d’« artialisation » théorisé par Alain Roger. Pour ce dernier, tout homme, tout acte créateur, en intervenant sur la nature, transforme celle-ci, non pas selon un modèle naturel mais artistique : la nature est reproduite, mais de façon schématique. Cette intervention de l’homme sur son environnement – telle que l’envisage par exemple le directeur du Jardin des Plantes – Alain Roger la nomme « artialisation in situ » (ou adhérente) [9]. Cependant – et c’est là un élément capital dans les pratiques langagières du jardin d’hiver fin-de-siècle – pour que l’illusion (l’artialisation) opère, pour que le visiteur ait l’impression d’évoluer en pleine jungle, tout le travail sous-jacent à cette artialisation [10] doit se faire oublier. Une similitude frappante entre l’intervention du jardinier-paysagiste et l’acte d’écriture apparaît alors. Le travail de l’un comme de l’autre offre effectivement un aspect ambivalent : remarquable, cette écriture ne doit pas être remarquée. Aussi, les biotopes reconstitués dans les serres publiques créent pour le visiteur des paysages du monde dont la valeur et le « réalisme » sont fonction de leur facticité : plus l’artifice est maîtrisé, plus l’effet de nature est garanti – tel est le paradoxe sur lequel reposent les jardins d’hiver. Le travail du jardinier est salué, mais on le veut aussi discret que possible. D’une certaine manière, on rejoint là le pacte fictionnel entre le romancier et son lecteur : dans une serre, le visiteur, à l’instar du lecteur, fait semblant d’adhérer le temps de sa promenade à la mimèsis ; pour mieux céder au dépaysement, il occulte les ciseaux du jardinier, comme on fait taire en soi la voix du narrateur.

11Or, dans ce type de « discours paysager » et précisément parce qu’il y a artialisation, l’imagination peut s’immiscer – partant l’approximation, sous couvert de divertissement ou d’esthétisme. Au cours des trois dernières décennies du siècle, dans les jardins des Expositions Universelles et tout particulièrement dans les serres privées, on observe ainsi une prévalence du spectaculaire et de l’illusion au détriment de la rigueur scientifique. Cet exotisme de pacotille, dénoncé par de nombreux spécialistes, horticulteurs ou ethnologues, fait se télescoper de manière improbable origines géographiques et spécimens horticoles, voire spécimens humains (par exemple lors de l’Exposition Universelle de 1889) – comme en témoignent à l’envi les clichés pris, à Paris, dans les jardins de La Rochefoucauld-Doudeauville et de l’industriel Menier (cf. images 4 et 5). Dans ce paradigme fictionnel, la serre renoue avec un type d’écriture paysagère bien particulier : le jardin anglo-chinois du XVIIIe siècle, autre ancêtre du jardin d’hiver. La nomenclature est alors dépassée par le spectaculaire et le mythe d’une Arcadie préindustrielle fantasmatique, mise en scène dans le jardin d’hiver. L’exotisme volontiers fantaisiste des jardins anglo-chinois est en effet revisité par le XIXe siècle, qui croit trouver ses propres racines dans les paysages et les populations des antipodes [11] : dans les jardins des Expositions Universelles mais aussi temporairement au Jardin d’Acclimatation, par exemple, en parallèle à la flore et à la faune des contrées exotiques, on expose des indigènes que l’on fait venir des colonies, ceci sans se soucier souvent de rigueur ou d’exactitude scientifique. Critiquées par les spécialistes (botanistes, ethnologues), ces réécritures traduisent une vision du monde fantasmée et adaptée aux mentalités, aux attentes européennes. Dans ces jardins d’hiver, le visiteur se retrouve en quelque sorte confronté à un avatar modernisé – car sous-tendu par les découvertes ethnologiques et les théories évolutionnistes contemporaines – de l’exotisme propre aux relations de voyage et autres récits utopiques des XVIIe et XVIIIe siècles [12].

Image 4
Image 4
Image 5
Image 5

12Si nous reprenons la perspective d’Alain Roger et que nous l’appliquons à présent à la posture du visiteur, il nous faut convoquer le concept d’« artialisation in visu » (ou libre), à savoir la schématisation mentale effectuée par celui qui regarde cet environnement et rapproche alors l’objet naturel d’une œuvre d’art [13]. Le regard est alors au centre de cette opération, regard qui aura précédemment été éduqué, configuré par l’art : le paysage devient intelligible, parce qu’il est lu et que cette lecture procède elle-même d’autres lectures. L’appréhension du jardin s’apparente en effet à une relecture, comme le montrent les témoignages des promeneurs des jardins du Trocadéro à l’Exposition Universelle de 1878 : les scènes ou spectacles qui se déroulent sous leurs yeux sont instantanément rapportés aux images d’Épinal (récits, vignettes, estampes) qui circulent à l’époque sur les contrées exotiques et leurs habitants. Sur les pentes du Trocadéro, le dispositif incluant la construction d’un pavillon typique pour chaque nation, principe inauguré en 1867, est ainsi amélioré : le visiteur, passant « du calme modeste de la ferme japonaise, enclose d’une haie de bambous, aux fastes du Palais persan » [14] ou aux intérieurs colorés de l’Afrique du Nord, voyage ainsi d’une culture à l’autre, mais également d’une atmosphère et d’un environnement à l’autre, la plupart de ces pavillons comportant un jardin. Le pavillon japonais suscite l’étonnement des Parisiens et des étrangers de passage : selon un article paru le 8 juin 1878 dans L’Illustration, le jardin japonais présente en effet une collection de « monstres », de « géants rabougris » [15] – autrement dit de bonsaïs ! Bien que l’homme soit le plus souvent à l’origine de telles aberrations horticoles, le visiteur occidental ne peut donc s’empêcher de les assimiler à une nature exotique différant complètement de son environnement (aussi bien du point de vue physique que conceptuel) mais aussi de renouveler les stéréotypes circulant sur ces régions et leurs populations.

13Dans l’espace parisien de la seconde moitié du XIXe siècle, le jardin d’hiver – livre grandeur nature dans lequel le visiteur pénètre en poussant la porte – hésite ainsi entre vulgarisation et divertissement. Ces deux attitudes permettent de s’approprier la nature, de la rendre intelligible, mais l’une opte pour la voie scientifique et rationnelle, tandis que l’autre, en reconduisant des stéréotypes et un imaginaire, génère une fiction. De l’une à l’autre, on observe combien les modalités langagières se modifient : de la lecture (le jardin comme ouvrage de vulgarisation), on passe à l’écriture (le jardin comme reconstitution d’un milieu) et de celle-ci à la réécriture (le jardin arcadien fantasmé). Or, comme on l’a montré, le basculement d’un paradigme à l’autre opère précisément parce que l’art des jardins, dans sa conception comme dans sa jouissance, repose tout entier sur un processus d’artialisation.

Réifier la nature : artialisation et jouissance

14Établir un parallèle avec la littérature contemporaine s’avère fructueux dès lors qu’il s’agit d’envisager les modalités de ce phénomène d’artialisation ainsi que ses prolongements. De nombreux romans contemporains traitant le motif du jardin d’hiver reposent en effet sur un processus similaire ; et bien que celui-ci soit sous-tendu par des intentions et une esthétique tout à fait divergentes, adopter un tel point de vue enrichit la compréhension générale du rapport au monde véhiculé par la serre. En premier lieu, il convient de rappeler que la littérature fin-de-siècle tisse un lien à la nature fondamentalement pervers : abhorrée, la nature est perçue comme dégradée et dégradante, à l’inverse de l’artifice (tout ce qui ressortit au travail, à la production humaine). Les liens entretenus par ce couple antinomique se complexifient néanmoins singulièrement lorsqu’on envisage ce rapport par le truchement du jardin d’hiver, comme le laisse par exemple très bien apparaître le roman Les hors nature de Rachilde paru en 1897.

15Narrant comme en une débâcle la retraite en Franche-Comté de deux frères qui fuient Paris (et plus généralement le monde), l’histoire accorde une place toute particulière à la maison de ces derniers : Rocheuse, transformée en une gigantesque serre [16], y est décrite comme un instrument qui médiatise le rapport à la nature. Afin de supporter la campagne environnante mais aussi les plantes de leur jardin d’hiver, les frères Paul et Reutler de Fertzen recourent en effet à quelques subterfuges, qui relèvent autant d’un travail de l’imaginaire que de la technologie. En l’occurrence, les rosiers rares de la serre n’ont de valeur, pour le cadet, qu’une fois métamorphosés en autant d’émeraudes sous la lumière qui tombe à travers la verrière et change selon les heures et les saisons [17]. Reconduisant le phénomène d’artialisation in visu que l’on a vu à l’œuvre chez les visiteurs des jardins d’hiver parisiens, la verrière joue ainsi un rôle de filtre, modifiant d’une certaine manière le regard des deux frères sur le monde végétal. De même, il semble inconcevable pour les frères de Fertzen d’apprécier la triste nature environnante sans l’aménager d’une quelconque manière depuis leur château. Aussi doit-on envisager l’aspiration du cadet à l’entrée de « la campagne (…) par la muraille trouée, [à] l’irruption de la grande nature dans une pièce un peu funèbre » [18] comme relevant de l’antiphrase et de l’ironie : prenant l’exact contre-pied de cette boutade, l’extension de la serre proposée par Paul, sous forme d’une « baie jaune d’ambre » [19], servira au contraire de repoussoir à la réalité. On se rappelle, à cet égard, l’exemple célèbre des fenêtres de la thébaïde de Des Esseintes dans À rebours[20] : chez Huysmans comme chez Rachilde, le verre ouvragé, en permettant son artialisation, signifie d’emblée une forte médiatisation du monde extérieur.

16Ce regard porté sur la nature par les auteurs fin-de-siècle induit en réalité une incertitude tant sur le plan de la diégèse que du récit [21] : le paysage fait l’objet d’une mise en scène complexe au sein de laquelle instrument et sujet de la métamorphose tendent à se confondre. Dans Les hors nature, il est ainsi difficile d’évaluer le statut de la tige de glycine formant « des grappes en cabochons d’améthystes » ou du « vol de cigognes, [aux] ailes planantes, poussant leurs cris muets de bêtes trop lointaines » [22] : le lecteur hésite à les considérer comme des éléments appartenant en propre à la nature, sachant qu’au dehors règne le « désert de l’automne » et que, par ailleurs, Paul avait désiré une baie « remplie de cigognes et de grues volantes » [23]. Malgré ces aberrations météorologiques et architecturales, le doute subsiste, pour le lecteur comme pour les protagonistes, car le haut degré de réalité de ce qui ne pourrait être que des ornements gravés ou dessinés sur la verrière leur permet en fait de rivaliser avec le paysage et, par là même, d’en faire partie, de prendre consistance en quelque sorte. À l’inverse, ce caractère incertain et hybride de la baie confère parallèlement à la réalité un aspect artificiel, la transformant, grâce à sa couleur ambrée, en « une campagne comme perpétuellement baignée de soleil » et, grâce à la glycine et aux oiseaux, en un « éternel printemps » [24]. La nature devient alors un artefact, un « tableau » [25] que l’on peine à distinguer de celui composé par le jardin d’hiver.

17Une telle posture renvoie en fait à un processus récurrent dans l’esthétique décadente : la réification de la nature. Ceci témoigne d’un goût prononcé pour une perversion esthétique et ontologique qui brouille les codes de lecture du monde établis sur la distinction entre le vrai et le faux – brouillage qui joue toujours en faveur de l’œuvre d’art, mais d’une œuvre qui refuse la mimèsis[26]. Le simulacre s’avère en effet plus intéressant, supérieur à l’original, parce qu’il s’affiche précisément comme artefact : si l’artifice n’était pas visible, si Des Esseintes ou Paul-Éric de Fertzen se trouvaient face à une copie exacte, ils n’éprouveraient aucune jouissance – leur « plaisir résidant dans l’écart entre le réel imité et la réalisation artificielle » [27], seul signe tangible et garant d’une intervention humaine effective. On ne peut alors que constater combien, dans ces romans, on se situe en porte-à-faux avec ce qui se joue dans les jardins d’hiver parisiens contemporains : le pacte fictionnel traditionnel est, d’une certaine manière, remis en question par le geste de ces jardiniers-démiurges.

18Aussi, et contrairement aux serres édifiées dans le Paris contemporain, qui ont la prétention de dupliquer la nature, les jardins d’hiver des romans fin-de-siècle n’entendent pas reproduire ou même réécrire celle-ci. Tout au contraire : il y a une violence qui sourd dans le rapport au monde qui y est représenté – violence manifestée également dans l’écriture elle-même, dans « le dire » (et non pas seulement dans ce qui est dit). Les descriptions de Rachilde, en reposant sur la confusion isotopique (vrai/faux, nature/artifice) et en interdisant par conséquent à ses lecteurs de décider de la nature exacte des plantes du jardin d’hiver de Paul et du paysage avoisinant, en sont un exemple probant. On touche là à l’une des principales caractéristiques de l’écriture fin-de-siècle : aux codes de la mimèsis, la littérature fin-de-siècle substitue un travail très poussé sur la langue, sur le matériau même du roman.

19De ce point de vue, la figure du jardinier-démiurge vaut comme la mise en abîme de l’auteur fin-de-siècle : à l’instar de l’œil ou de la main du jardinier, la plume du romancier « artialise » le monde. D’une part, Rachilde et Huysmans privilégient la comparaison à la description : ainsi qu’on l’a montré avec l’exemple des Hors nature, les serres qu’ils élaborent sont alors à envisager comme « un gigantesque trope » [28], dont la principale caractéristique réside dans une perception volontairement modifiée – puisque médiatisée – de la réalité. D’autre part, comme le jardinier qui ordonne ses plantes et jouit de leur beauté ou de leur singularité pour elles-mêmes, le romancier joue avec les mots : la langue qui se déploie dans les jardins d’hiver fin-de-siècle souligne « la magie du nom » [29], dont l’aspect à la fois suggestif et transgressif, comme on va le voir, loin de dire le réel, le transfigure.

Litanies arborescentes

20De fait, dans les jardins des romanciers fin-de-siècle, tout commence avec le nom. D’À rebours, par exemple, il ne nous est pas parvenu de plans, mais uniquement des listes de noms sans autre lien que leur étrangeté ou leur synonymie [30] ; parmi celles-ci, il faut mentionner la fameuse liste des plantes exotiques du chapitre VIII – énumération qui, selon Marc Fumaroli, pourrait être extraite de catalogues de maisons spécialisées, plusieurs des espèces citées par Des Esseintes figurant, illustration à l’appui, dans L’Album de clichés électrotypes Vilmorin-Andrieux paru en 1885 et dont Huysmans a pu se procurer facilement une édition antérieure [31]. Quant à Mirbeau, féru de jardins, il avoue une forte propension à « [rêver] sur les catalogues des marchands » et à mémoriser « tous les termes techniques » [32]. Il a également écrit plusieurs articles sur l’art paysager, dont l’un, paru dans la revue L’art dans les deux mondes en mars 1891 [33], s’apparente à une série de poèmes en prose sur le jardin de Monet à Giverny : on y décèle une véritable jouissance à manipuler les mots rares aux sonorités étranges du lexique botanique – jouissance que l’on retrouvera intacte dans les litanies horticoles qui tiennent lieu de descriptions pour son roman Le Jardin des Supplices[34]. Les écrivains, avant même de considérer des critères esthétiques ou scientifiques, semblent ainsi choisir les plantes en fonction de leurs noms : le potentiel suggestif de ceux-ci nourrit l’imaginaire décadent de ces fictions botaniques où l’érotisme le dispute à la monstruosité.

21À cet égard, l’écriture fragmentaire de Huysmans nous apparaît comme emblématique, reconduisant – tout en les dépassant – les pratiques du cabinet de curiosités dont le jardin d’hiver se réclame. Étrange et raffinée, la langue de Huysmans relève effectivement du selectae et reproduit en quelque sorte les collections de végétaux précieux et inconnus que les Parisiens viennent admirer dans les serres du Jardin des Plantes ou dans celles des Expositions Universelles. Tout comme l’on veille à mettre en évidence les végétaux les plus remarquables, de même le roman expose des vocables plus recherchés et étranges les uns que les autres : en témoigne le soin apporté au choix et à la mise en valeur du lexique à la fois poétique et technique des pages consacrées à Gustave Moreau ou aux fleurs exotiques [35]. En outre, à l’image de ces musées de verre qui présentent côte à côte des spécimens de provenances très différentes – créant ainsi un parcours varié, une sorte de voyage, pour les visiteurs – Huysmans fait montre d’un éclectisme littéraire et stylistique qui voit l’auteur juxtaposer tant les sujets (littérature, peinture, parfumerie, horticulture, etc.) que les pastiches et les emprunts leur correspondant. Éclectisme qui ressortit à l’esthétique de l’amalgame et à la compilation, À rebours égrène alors ses chapitres et ses mots comme un voyage à travers des lieux et des époques totalement différents, paraphrasant et détournant en cela la valence hétérotopique et hétérochronique du jardin d’hiver que l’on a décrite auparavant. Aussi peut-on voir en Des Esseintes un double de Huysmans, l’esthétique fragmentaire (disjecta membra) régissant le chapitre VIII n’étant que la marque d’un travail, plus général et sous-jacent, accompli par l’auteur sur la langue – travail que la collection horticole explicite, rend visible en somme. Mis en abyme à travers cet étrange jardinier, le processus de réécriture caractéristique de la littérature fin-de-siècle procède ainsi de façon identique à l’horticulteur qui, à partir de plantes, constitue de nouvelles variétés, décompose le vivant pour mieux le reformuler selon ses propres critères esthétiques.

22Or, un tel intérêt porté à la valeur même du mot travaille déjà de l’intérieur l’œuvre de Zola, et ceci alors même que ses écrits théoriques prônent l’utilisation d’un langage transparent : rêvé par l’écrivain identique au « verre à vitre », le mot se révèle en fait pourvu d’« une couleur propre [et d’]une épaisseur » [36]. Dans La Curée ou dans La Faute de l’abbé Mouret, la tentation taxinomique, affichée par Zola dans la description de ses jardins, se voit en effet rapidement débordée par la complexité des termes savants qui, absents du langage courant, acquièrent les vertus du nom propre et perdent par là même le pouvoir de représenter le monde de manière univoque et objective [37]. Pour résoudre cette difficulté, le romancier multiplie les détails et recourt, notamment, à la comparaison et à la métaphore de manière à mieux définir l’univers formé par les plantes exotiques. Cette écriture aboutit cependant à un résultat tout à fait opposé au projet initial, et cela bien malgré son auteur, obligé d’admettre que la rigueur scientifique du projet naturaliste avait cédé le pas devant la richesse symbolique de la nature et du langage [38]. Ce faisant, Zola signe définitivement l’échec de son utopie d’une langue scientifique : non seulement le terme savant ne parvient pas à retransmettre parfaitement la réalité, mais à la fiche documentaire, « sur laquelle se pressent les informations les plus ambitieusement référentielles », succède en outre l’élaboration d’« une sémiologie littéraire, [d’une] création poétique » [39]. Sont particulièrement révélateurs à cet égard certains passages décrivant le jardin ensauvagé du Paradou [40] ou la seconde description du jardin d’hiver de Saccard [41] : il y a là tout un travail de réécriture, lequel met en évidence comment, à partir de la flore exotique et de son vocabulaire spécialisé, l’auteur donne naissance à un imaginaire érotique et malsain.

23Le choix des plantes opéré par Zola, Rachilde, Huysmans ou Mirbeau repose ainsi avant tout sur les consonances et les images que font naître leurs noms : on est face à une véritable poétique de la série [42] (ainsi qu’en témoigne par exemple l’épisode du déchargement des plantes par les jardiniers chez Des Esseintes [43]). Seule l’intentionnalité divise les pratiques de ces écrivains : si la rigueur scientifique du projet naturaliste de Zola a cédé le pas devant la richesse symbolique du langage et de la nature, les auteurs de la génération suivante détournent quant à eux sciemment le vocabulaire fourni par la botanique. Loin de « re-présenter » le réel et au détriment du signifié contenu dans l’onomastique savante, la langue promue par ces romanciers génère des images propices à des lectures et des réécritures fantasmatiques et dégradées du monde. Outre l’érotisation de l’univers végétal, on relève également dans leurs œuvres de nombreuses isotopies qui animalisent la plante et, par extension, le jardin : redevable à l’esthétique du fragment (disjecta membra) et de la confusion des règnes, la figure du monstre qualifie l’esthétique fin-de-siècle en même temps qu’elle connote la forte sexualisation du jardin – Eden dévoyé qui dit la déliquescence du monde moderne [44].

24Faisant jouer, volontairement ou non, à un lexique qui d’ordinaire traduit la nature sous forme de concepts et de catégories un rôle exactement inverse, le forçant à participer au travail de dénaturation initié par le jardinier-démiurge (qu’il s’agisse de l’auteur qui met à mal la mimèsis ou de ses personnages qui maltraitent et modifient la nature), la subversion inhérente à l’entreprise langagière de ces écrivains opèrent en fait de deux façons concomitantes. D’une part, elle exhibe ce qui d’ordinaire n’est pas mis en exergue, mais compose à l’interne la langue référentielle de Linné – à savoir, le jeu des catégories, les effets de listes, la valeur proprement linguistique des mots comme leurs sonorités ou leurs potentialités métaphoriques. Les noms, déréalisés en devenant « à eux-mêmes leur propre référence » [45], procèdent alors à l’annihilation de la fonction d’un langage qui, à l’origine, entend reproduire le monde (via une terminologie et une idéologie scientifiques). D’autre part, l’insistance portée sur les listes de noms et leur psalmodie, encore renforcée par l’adjonction de descriptions métaphoriques totalement dissonantes dans ce contexte, empêche le lecteur de se représenter les objets et les lieux évoqués et l’oblige a contrario à céder à l’imaginaire fin-de-siècle, à la poésie des agencements sonores et visuels créés par ces inventaires.

25Atmosphère malsaine, sexualité perverse et outrancière, images de décomposition, inquiétante étrangeté : les suites de noms « barbares » et les comparaisons équivoques de Zola, Huysmans ou Mirbeau dépeignent des mondes qui n’ont que peu à voir avec la botanique et l’horticulture. Les mots ne traduisant pas la réalité mais instituant leurs propres réseaux sémantiques à partir de celle-ci, le récit procède donc à une distorsion du donné réel – altération révélatrice d’un projet qui tout à la fois sublime le regard scientifique et s’en nourrit. Dès lors, le jardin d’hiver prend valeur de laboratoire de la littérature [46] : la botanique et l’horticulture, en apportant une symbolique et une thématique mais aussi tout un lexique aux auteurs de la fin du XIXe siècle, alimentent et renouvellent l’imaginaire romanesque.

Chrysocale et goût de cendre dans le jardin d’hiver

26Un constat s’impose. Autant le botaniste nomme pour différencier et craint l’amalgame, la confusion – tout comme le XIXe siècle finissant redoute l’entropie conduisant à l’indifférencié primordial -, autant le romancier se plaît à jouer sur l’équivocité, la connotation et le signifiant de la langue de Linné (au détriment de l’univocité, de la dénotation et du signifié), exprimant ainsi une vision du monde foncièrement pessimiste [47].

27Le jardin d’hiver est un espace dans lequel la langue et le nom se voient théoriquement et originellement réduits à leur « fonction référentielle d’étiquetage [du] monde » [48], la botanique invitant à identifier, ranger, classer la nature. Cette langue lexicographique, qui relève du paradigme positiviste d’une société prétendant maîtriser la nature par la raison et l’agir, n’ayant toutefois plus cours pour nombre d’intellectuels et artistes de la fin du XIXe siècle, les jardins d’hiver de Zola et des auteurs décadents lui opposent alors une résistance qui, consciemment ou non, dévoile les limites d’une telle posture à dire, à représenter le monde. Parodie de traités d’horticulture, les descriptions littéraires sont ainsi prétextes à des catalogues de plusieurs pages qui obscurcissent la compréhension du lecteur : le jargon botanique et son utilisation (métaphorique et symbolique) à rebours interfèrent sur l’appréhension de ce qui est décrit et, interdisant toute correspondance entre le mot et la chose [49], agit comme un écran qui brouille la représentation du monde.

28En conclusion, il semble pertinent de relever la posture éminemment ambiguë des écrivains fin-de-siècle (Huysmans, Rachilde, Mirbeau), puisque ceux-ci recourent à une langue dont ils dénigrent par ailleurs la vision du monde qui lui est associée. Or, c’est précisément en cela que réside leur entreprise subversive et attentatoire contre une société et une tradition littéraire dont ils héritent. Comme on l’a montré, en utilisant le langage scientifique comme un code indépendant de la réalité et susceptible des associations les plus diverses, ces auteurs élaborent des univers aberrants qui attentent à la nature, à sa représentation et à son écriture. Reprenant et détournant le vocabulaire savant fourni par l’univers des serres, ils contrent la vision du monde et les valeurs qui le sous-tendent – à savoir celles d’une bourgeoisie omniprésente et triomphante, dont les jardins d’hiver constituent l’emblème de la réussite technologique, scientifique et sociale. L’objectif de la botanique visant à nommer et à classer la nature se voit perverti par des auteurs qui, à l’image du jardinier-démiurge, créent le chaos en dépeignant une nature monstrueuse, puisque le mot ne signifie pas, mais constitue autant d’évocations multiples et contradictoires. Aussi le lecteur se voit-il confronté à une langue qui n’a que l’apparence de ce qu’elle prétend être, qui n’est qu’un simulacre en somme : au cœur des pages qui semblent le plus s’en réclamer, qui paraissent directement tirées des Manuels Roret ou des dictionnaires botaniques, le nom comporte une valence subversive et destructrice aussi bien envers la nature qu’à l’encontre d’une science et d’une société qui prétendent en rendre compte. La propension affichée par la Fin-de-Siècle à une écriture relevant à la fois de la nomenclature et de la taxinomie – la langue de Linné – et se réalisant sous forme de listes n’est, dès lors, qu’un leurre.

29Ainsi, à la faveur d’une transposition littéraire dévoyée et dévoyante, sont remises en question la vision taxinomique comme la vision arcadienne du monde – à savoir, les approches ethnocentriques prédominantes qui ont cours dans les jardins d’hiver publics permanents ou construits lors des Expositions Universelles. Il y a là un sabotage raffiné de deux visions qui font de la nature, soit un laboratoire et un creuset de l’idéologie positiviste, soit une idylle aseptisée et un produit exotique de grande consommation. Les jardins de papier de la Fin-de-Siècle et leur travail sur la langue mine donc de l’intérieur, sur le plan littéraire, le principe de mimèsis et, sur le plan socio-historique ou idéologique, la vision du monde véhiculée par les serres contemporaines. Car il s’agit bien de cela au final pour ces écrivains-horticulteurs : manipuler le nom, comme on manipule une plante, le priver de son contenu référentiel pour mieux se prémunir contre une nature investie par la science et les valeurs bourgeoises.

Envoi

30En guise d’épilogue, cet extrait d’un article de Jean Lorrain, dans lequel l’écrivain se fait échotier à l’occasion de l’Exposition horticole de 1892 :

31

« Anthuriums, Népenthès, Aromeliacées, Aroïdées.
– Vous me dégoûtez avec tous ces noms grecs ; on dirait des maladies.
– Êtes-vous certaine que l’orchidée ne soit pas une maladie de fleurs ?
– Ah ça ! Êtes-vous fou ?
– Non pas… Regardez plutôt ces jaunes putrescents, ces roses de plaie, ces mauves chlorotiques et les formes tourmentées de ces pétales qui n’ont rien du soyeux des autres plantes, mais du sensuel et du charme de la chair… »[50]

Notes

  • [1]
    Pierre Lepape, « La pensée de plate-bande », Traverses, N° 5-6, p. 32.
  • [2]
    La distinction sur le plan terminologique n’est pas évidente, comme les traités ou les articles de journaux publiés à l’époque en témoignent : si le terme « serre » s’applique plus volontiers aux constructions destinées aux jardins botaniques ou à celles des producteurs (les horticulteurs), on se réservera néanmoins ici la possibilité de ne pas distinguer les deux sens du terme, ceci dans un souci d’éviter les répétitions.
  • [3]
    Basée à la fois sur la détermination des espèces par leur mode de reproduction et dans chacune d’elles sur le classement des plantes par genre, la nomenclature de Linné a permis à la botanique de se constituer comme une branche scientifique à part entière à la fin du XVIIIe siècle.
  • [4]
    Lettre de Barillet-Deschamps à l’Ingénieur en chef, 10 décembre 1865, cité par Luisa Limido, L’art des jardins sous le Second Empire, Paris : Champ Vallon, 2002, p. 134.
  • [5]
    Le cabinet de curiosités, dit aussi d’amateur, est apparu au cours du XVIe siècle ; il abrite notamment des collections de plantes rares rassemblées par des particuliers. Au XVIIe siècle, ces riches amateurs, en se livrant à des expérimentations horticoles, en intensifiant leurs échanges de plantes ou de graines et en faisant importer des spécimens exotiques depuis les colonies, préfigurent leurs successeurs qui, dès la fin du XVIIIe siècle, font construire les premières serres afin de mieux conserver mais aussi d’exposer leurs collections.
  • [6]
    Paul-André Rémy, « Le Jardin Réservé », L’Illustration, Journal Universel, octobre 1867, in Les grands dossiers de L’Illustration – Les Expositions universelles, Paris : Le Livre de Paris, 1987, pp. 62-63.
  • [7]
    Stefan Koppelkamm, Glasshouses and Wintergardens of the Nineteenth Century, Londres : Granada, 1981, p. 40.
  • [8]
    Olivier Vleeschouwer, Serres et jardins d’hiver, Paris : Flammarion, 2000, p. 50.
  • [9]
    Voir Alain Roger, Nus et paysages. Essai sur la fonction de l’art, Paris : Aubier Montaigne, 1978. On peut rapporter au premier niveau de schématisation ou d’artialisation, décrit par Alain Roger, les propos du directeur du Jardin des Plantes sur la composition d’un jardin, ainsi que l’action du jardinier-paysagiste composant plates-bandes et massifs. Il s’agit là, en effet, d’un processus artistique : le jardinier agit sur les plantes, les dispose, taille, élimine, de sorte que le jardin, « œuvre d’art, paraît plus naturel que nature » (p. 127).
  • [10]
    Citons des éléments tels que la charpente métallique de la serre, l’infrastructure permettant la culture des espèces végétales et/ou animales.
  • [11]
    « L’Arcadie » des serres publiques de la seconde moitié du XIXe siècle est sous-tendue, voire explicitement cautionnée, par les théories et les découvertes contemporaines des anthropologues : en rendant compte des expéditions de scientifiques ou d’explorateurs dans des contrées lointaines, les jardins d’hiver adhèrent à la thèse évolutionniste selon laquelle les peuplades exotiques constitueraient l’origine de l’espèce humaine – les ancêtres de la civilisation moderne occidentale – et, par conséquent, leur environnement, un paysage des temps reculés.
  • [12]
    Voir notre étude, Maryline Cettou, Jardins d’hiver et de papier. Regards croisés sur le jardin d’hiver dans le Paris et la littérature fin-de-siècle : un espace entre science et imaginaire, Lausanne : Essais Archipel, 2005, pp. 61, 126-140.
  • [13]
    Alain Roger, op. cit., pp. 108-109, 127. Cette opération, consciente ou non, rapproche l’objet naturel regardé d’un objet artistique (re)connu, par exemple, un tableau ; ce faisant, il lui donne sens. Dans la théorie de Roger, le pays devient alors paysage.
  • [14]
    Marie-Noëlle Pradel-de Grandry, Le livre des Expositions universelles 1851-1989, Paris : Union Centrale des Arts Décoratifs, 1983, p. 291.
  • [15]
    S.n., « L’Exposition Universelle », L’Illustration, Journal universel, 8 juin 1878, in Les grands dossiers…, op. cit., p. 26.
  • [16]
    Semblable à « une grande cage de verre », à « une maison de cristal », avec sa « terrasse vitrée » (le jardin d’hiver proprement dit), ses immenses « baies formées de superbes glaces sans tain », sa tourelle luisant « comme un léger ballon vénitien » et, « sur le donjon, le casque de cristal de l’observatoire », la construction voit en effet cette parenté encore renforcée au cours du récit par l’ajout d’un « un escalier vitré », reliant directement la chambre du cadet à la serre, et le remplacement de tout un mur par une verrière (Rachilde, Les hors nature, Paris : Séguier, 1994, pp. 337-477).
  • [17]
    Ibid., p. 337.
  • [18]
    Ibid., p. 447
  • [19]
    Idem.
  • [20]
    Les vitres de la fenêtre de la chambre à coucher, « craquelées, bleuâtres, parsemées de culs de bouteilles aux bosses piquetées d’or, [interceptent] la vue de la campagne et ne [laissent] pénétrer qu’une lumière feinte » ; la seconde ouverture est condamnée par un aquarium qui s’interpose entre le hublot de la cloison de la salle à manger et la « réelle fenêtre ouverte dans le vrai mur », si bien que le monde extérieur est triplement distancié et tamisé par une glace sans tain qui remplace le verre traditionnel, par l’eau et par « la vitre (…) du sabord » (Joris Karl Huysmans, À rebours, Paris : Gallimard, 1977, pp. 95, 99).
  • [21]
    Pour les questions d’ordre terminologique, nous renvoyons à Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, pp. 72, 280.
  • [22]
    Rachilde, op. cit., p. 477.
  • [23]
    Idem et ibid., p. 447.
  • [24]
    Ibid., p. 477.
  • [25]
    Idem.
  • [26]
    Du grec mimêsis, signifiant imitation, ce terme désigne dans le champ littéraire la représentation du réel selon les codes de la vraisemblance.
  • [27]
    Gérard Peylet, Les évasions manquées ou les illusions de l’artifice dans la littérature fin-de-siècle, Genève/ Paris : Slatkine, 1986, p. 149, souligné par nous.
  • [28]
    Isabelle Krzywkowski, Le jardin des songes : étude sur la symbolique du jardin dans la littérature et l’iconographie fin-de-siècle, [microforme], Lille : Atelier national de reproduction des thèses, 1996, p. 560.
  • [29]
    Irène Tschinka, « À rebours : les bords de l’écriture », Revue des sciences humaines, N° 170-171, 1978, p. 48.
  • [30]
    Pierre Cogny, « La destruction du couple Nature-Société dans l’À rebours de J.-K. Huysmans », Romantisme, N° 30, 1980, p. 62.
  • [31]
    Marc Fumaroli, Préface et notes de À rebours, Paris : Gallimard, 1977, p. 418.
  • [32]
    Michel Delon, Préface du Jardin des supplices, Paris : Gallimard, 1991, p. 20.
  • [33]
    Christian Limousin, « Monet au Jardin des supplices », Cahiers Octave Mirbeau, N° 8, 2001, pp. 256-258.
  • [34]
    Octave Mirbeau, Le jardin des supplices, Paris : Gallimard, 1991, pp. 184-185, 194-198, 201-202.
  • [35]
    Joris-Karl Huysmans, op. cit., pp. 141-150, 185-199.
  • [36]
    Émile Zola, Œuvres complètes, Paris : Cercle du livre précieux, 1970, t. XIV, p. 1309.
  • [37]
    Philippe Bonnefis, L’innommable – Essai sur l’œuvre de Zola, Paris : SEDES, 1984, pp. 15-16.
  • [38]
    Émile Zola, Du roman : de la description, in Le roman expérimental, Paris : Garnier-Flammarion, 1971, pp. 232-233, 234.
  • [39]
    Jacques-Philippe Saint-Gérand, « La serre dans La Curée de Zola », L’information littéraire, N° 39, 1987, p. 30.
  • [40]
    Émile Zola, La faute de l’abbé Mouret, Paris : Gallimard, 1991, pp. 191-200, 210-213, 239-245.
  • [41]
    Émile Zola, La curée, Paris : Gallimard, 1981, pp. 217-220.
  • [42]
    Pierre Jourde, L’alcool du silence. Sur la décadence, Paris : Champion, 1994, p. 163.
  • [43]
    Joris-Karl Huysmans, op. cit., pp. 187-192.
  • [44]
    Voir notre ouvrage, op. cit., pp. 39-56.
  • [45]
    Françoise Gaillard, « À rebours : une écriture de la crise », Revue des sciences humaines, N° 170-171, 1978, p. 112.
  • [46]
    Isabelle Krzywkowski, « Les serres symboliques des naturalistes », Le jardin, entre science et représentation, Paris : CTHS, 1999, pp. 304-305.
  • [47]
    La littérature fin-de-siècle exprime une vision dégénérative de la nature, traduisant ainsi une posture de crise principalement induite par le retentissement européen des théories évolutionnistes, desquelles on ne retient souvent que l’idée de déclin (faisant suite à l’acmé), notamment celle des races européennes. L’entropie, ce mouvement involutif qui retourne à l’indifférencié primitif, devient ainsi constitutive de l’ensemble de la « Weltanschauung » fin-de-siècle.
  • [48]
    Jacques-Philippe Saint-Gérand., art. cit., p. 28.
  • [49]
    Isabelle Krzywkowski, Le jardin des songes…, op. cit., pp. 565-566.
  • [50]
    Extrait de Octave Mirbeau, op. cit., p. 25.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.173

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions