ACCRA 2020/2 N° 8

Couverture de ACCRA_008

Article de revue

La prise en compte des enjeux environnementaux dans la comptabilité agricole : utopie ou nécessité ?

Pages 9 à 36

Introduction

1Traditionnellement, la comptabilité est conçue comme un système d’information financière mesurant le capital investi et sa capacité à créer de la valeur financièrement mesurable. La performance de l’entreprise est alors mesurée par sa capacité à générer du résultat, c’est-à-dire à augmenter la valeur du capital initial. Ainsi, une entreprise qui produit en polluant, en épuisant des ressources naturelles ou en détruisant des écosystèmes (dans les secteurs du textile ou de l’énergie par exemple) est une entreprise considérée comme performante si la valeur financière du capital augmente. Le recul de la forêt amazonienne, la disparition de nombreuses espèces, la fonte des glaces sont des conséquences bien réelles de l’activité humaine, mais invisibles dans les états financiers des entreprises. Elles sont ignorées par les investisseurs (qui s’intéressent au résultat) comme par les consommateurs (qui s’intéressent aux prix des produits). À l’extrême, les entreprises ont même parfois intérêt à dégrader l’environnement car procéder de cette façon peut s’avérer plus rentable.

2La responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises est cependant aujourd’hui largement débattue et un important courant de réflexion s’intéresse au rôle que peut jouer la comptabilité. Pourtant, il est un secteur qui est encore largement ignoré alors même qu’il est un des premiers concernés par les enjeux environnementaux : le secteur agricole. En effet, les agriculteurs ne sont soumis à aucune obligation liée à la RSE. La nature est à la base de toute production agricole, mais paradoxalement, elle n’apparaît pas dans la comptabilité de l’exploitation. Qu’elle pollue beaucoup ou très peu, qu’elle détruise la biodiversité ou la préserve, qu’elle utilise des pesticides ou non, le résultat et le bilan restent inchangés.

3L’objectif de l’article est d’identifier, dans une démarche exploratoire, la manière dont les agriculteurs perçoivent la comptabilité sociale et environnementale (CSE) afin de mesurer la faisabilité de la mise en œuvre d’une telle comptabilité. Pour cela, l’article s’appuie sur une expérimentation menée volontairement par de jeunes agriculteurs ayant mis en œuvre une comptabilité en triple capital. L’expérimentation sera décrite, l’incidence du nouveau modèle de comptabilité sur la mesure de la performance sera étudiée, et une analyse d’entretiens permettra d’identifier l’intérêt, mais aussi les limites de la mise en œuvre d’une comptabilité verte tels qu’ils sont perçus par les agriculteurs.

4En effet, s’il apparaît que la comptabilité permet de révéler l’existence de données que ne mesure pas la comptabilité traditionnelle, de quantifier les bénéfices d’une agriculture respectueuse de la nature et de jouer un rôle de communication auprès des consommateurs comme des pouvoirs publics, l’évaluation des effets sur l’environnement s’avère très subjective et la comptabilité verte ne fournit pas d’information utile à la gestion au quotidien d’une exploitation agricole. Elle demeure donc perçue comme source de contraintes contre-productives.

5Dans une première partie, l’article décrit les enjeux environnementaux qui se posent à la comptabilité agricole. Une deuxième partie décrit les différents modèles de CSE existants. Après avoir présenté les problèmes que pose leur application dans le secteur agricole dans une troisième partie, une quatrième partie présente le terrain de l’étude expérimentale et une cinquième partie ses résultats. Ces résultats seront discutés dans une sixième et dernière partie.

Les enjeux de la comptabilité environnementale

6La comptabilité environnementale (parfois appelée également « comptabilité verte ») voit son origine dans le concept de développement durable, traditionnellement défini par le rapport Brundtland (1987) comme un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable repose sur 3 piliers : économique, social et environnemental. Cette approche a conduit à définir la notion de RSE qui est la capacité des entreprises à assumer les conséquences non seulement financières, mais aussi sociales et environnementales de leurs décisions. De nouvelles sources d’information sont alors apparues nécessaires pour mesurer leur impact sociétal à long terme.

7Une première voie a été d’imposer aux entreprises cotées de communiquer de nouvelles informations. En France, les principales lois en vigueur concernant la RSE sont (1) la loi relative aux nouvelles régulations économiques de 2001, qui instaure l’obligation de présentation, dans le rapport de gestion, d’informations sur la manière dont les sociétés cotées prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité, et (2) la loi de 2014 portant engagement national pour l’environnement dite Grenelle II, obligeant les entreprises dépassant certains seuils à fournir des données sur leurs actions environnementales, sociales et sociétales.

8Il existe par ailleurs des cadres internationaux traitant du développement durable. C’est le cas de la norme ISO 26000 – Responsabilité sociale, qui donne des lignes directrices sans être contraignante, donc ne permettant pas certification, à la différence des autres normes ISO. C’est aussi le cas des recommandations pour l’adoption d’une conduite responsable dans le contexte international formulées par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), qui portent notamment dans le domaine de l’environnement, des droits de l’homme et des intérêts des consommateurs. Ainsi, soumises à des obligations légales ou conscientes de l’intérêt d’adopter une démarche responsable, un nombre croissant d’entreprises informent des conséquences de leur activité sur l’environnement et la société (Notat et Senard, 2018).

9La seconde voie s’est développée autour de l’idée que les informations fournies dans les rapports de gestion s’apparentent trop souvent à un exercice de communication institutionnelle insuffisant (Berthelot et al., 2003 ; Christophe, 2016 ; Maurice, 2019). Il apparaît alors nécessaire d’aller plus loin afin de mesurer au sein même des tableaux comptables de synthèse l’impact social et environnemental des décisions prises par les entreprises. C’est l’enjeu de la CSE.

10Les normalisateurs comptables se sont timidement intéressés à la question. Ainsi, les IFRS (International Financial Reporting Standards) semblent avoir pris conscience des enjeux environnementaux, mais de manière très prudente. Par exemple, la constatation d’une provision pour remise en état et dépollution d’un site implique l’existence d’une obligation légale spécifique visant le site pollué. En son absence, seul un passif éventuel sera mentionné dans les annexes, qui ne modifiera ni le bilan, ni le résultat. Par ailleurs, pour les auteurs du rapport Notat-Senard (2018), la juste valeur prônée par les IFRS favorise la valorisation du patrimoine de l’entreprise en valeur de marché, la présentant ainsi comme si elle était à vendre, ce qui l’inscrit dans un horizon temporel de court terme peu conciliable avec la notion même de développement durable.

11L’absence de règles contraignantes a donc conduit les acteurs issus du monde professionnel comme du monde académique, à proposer des approches variées de CSE. Il apparaît donc utile de dresser une typologie des différents modèles existants.

Les différents modèles de CSE

12Il est possible de distinguer deux catégories d’initiatives pour prendre en compte le développement durable dans la comptabilité (Altukhova et al., 2017) : celles proposant de nouveaux indicateurs de durabilité pour compléter et dépasser la comptabilité conventionnelle sans la modifier, et celles qui élargissent le spectre de l’enregistrement comptable pour intégrer les aspects environnementaux dans les états financiers.

13Dans la première catégorie d’initiatives peut être classé l’un des travaux précurseurs en comptabilité verte, le TEEB (The Economics of Ecosystems and Biodiversity for Business and Enterprise), qui vise à attirer l’attention sur le coût de la perte de biodiversité et de la dégradation des écosystèmes en proposant une évaluation économique des services écosystémiques et des externalités (Rambaud, 2015). Il en est de même pour le Natural Capital Protocol (NCP) lancé en 2015 par la Natural Capital Coalition (NCC), qui réunit plus de 300 organisations internationales et qui propose une démarche standardisée et des outils de gestion pour chiffrer les conséquences réelles de l’activité des entreprises sur ce capital naturel et la dépendance vis-à-vis des écosystèmes. Des grandes entreprises ont mis en application cette boîte à outils, telles que le groupe Tata ou Jaguar Land Rover. Des Sustainability Balanced Scorecards, ou tableaux de bord prospectifs de durabilité ont été également proposés (Travaillé et Naro, 2013). Ils se distinguent du tableau de bord prospectif de Kaplan et Norton (1996) par l’adjonction d’un cinquième axe de performance, l’axe sociétal. L’Académie des sciences et techniques comptables et financières a également développé un « tableau de bord développement durable » destiné à mesurer la performance globale des PME (Marcenac, 2007). Enfin, le reporting intégré a été développé par l’International Integrated Reporting Council en 2013. Il s’agit d’un rapport de synthèse regroupant des données financières et extra-financières pour identifier la manière dont l’entreprise, à travers l’ensemble des capitaux qu’elle mobilise (financiers, manufacturiers, intellectuels, humains, sociétaux et environnementaux) crée de la valeur, pour elle-même et pour toutes les parties prenantes. Ce reporting intégré n’est pas contraignant et est essentiellement mis en œuvre par des multinationales (Trébucq et Magnaghi, 2017).

14Toujours dans cette première catégorie d’initiatives se trouve la mesure de l’éco-efficience (Plot et Richard, 2014). C’est un ratio entre gains économiques et dégradations environnementales égal au rapport entre la valeur économique créée et les impacts environnementaux générés. Parmi les indicateurs de durabilité, la méthode IDEA (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles) dont la dernière version a été finalisée en 2019 (Zahm et al., 2019) peut s’apparenter à une forme de comptabilité environnementale. C’est un ensemble d’indicateurs regroupés en 10 catégories, chaque indicateur donnant lieu à une note sur une échelle de durabilité (agroécologique, socio-territoriale, économique). Chaque échelle étant indépendante, elle permet de dresser un panorama étendu des efforts environnementaux des exploitations. Plutôt simple à mettre en œuvre, elle a été expérimentée par 1 500 exploitations en France depuis 2000 (Altukhova, 2015). Une autre méthode, l’analyse du cycle de vie (ACV) a été adoptée par la commission européenne (2010) et fait l’objet de normes ISO (ISO 14040 et ISO 14044). Elle vise à évaluer de manière globale et multicritère les conséquences des produits et services sur l’environnement. Elle consiste à identifier et mesurer, tout au long de la vie des produits, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines, à en évaluer les impacts potentiels, puis à interpréter les résultats obtenus en fonction des objectifs initiaux.

15La seconde catégorie d’initiatives cherche à intégrer les conséquences environnementales dans les états financiers. Elles appliquent les mêmes principes que la comptabilité conventionnelle comme la prudence, la permanence des méthodes et la continuité d’exploitation. La différence majeure est qu’elles les appliquent à d’autres capitaux que le capital financier : le capital naturel et le capital social. En effet, si la comptabilité d’entreprise se focalise traditionnellement sur la notion de capital financier, à savoir la valeur du patrimoine détenu par les propriétaires, l’idée est de considérer l’existence d’un capital naturel, d’une part, c’est-à-dire un stock qui génère un flux de services naturels et de ressources naturelles tangibles (Rambaud et Richard, 2015) et un capital humain, d’autre part, qui est l’ensemble des capacités productives que les individus acquièrent par l’accumulation de connaissances générales ou spécifiques et de savoir-faire (Becker, 1964).

16Il est possible de classer les pistes d’intégration du capital naturel dans les comptes en 4 niveaux de comptabilité environnementale (Rambaud, 2015). Le premier, le plus simple, consiste à identifier et reclasser des charges et produits à but environnemental déjà présents dans les états financiers conventionnels. La structure du compte de résultat est donc modifiée mais le résultat lui-même et le bilan restent inchangés. Dans cette logique, le Conseil National de la Comptabilité (CNC) avait proposé dans les années 1990 de créer des numéros de comptes spécifiques pour les investissements liés à l’environnement ou pour mettre en évidence la part de charges (comme les taxes) afférente à l’environnement (recommandation 2003-R02).

17Ce premier niveau paraît néanmoins largement insuffisant car ces reclassements ne remettent pas en cause la nature des charges. Or seule l’activation des charges environnementales permet de les considérer comme un moyen d’augmenter les ressources de l’entreprise et donc comme une source de création de valeur. Le niveau suivant consiste donc à identifier les actifs et passifs environnementaux absents du bilan conventionnel. Ces retraitements nécessitent cependant que ces éléments soient valorisés, ce qui n’est possible que s’ils ont une valeur de marché potentielle, ce qui limite en pratique sa faisabilité.

18Le troisième niveau propose d’aller plus loin et d’inclure dans le bilan et le compte de résultat des valeurs hors marché. Il s’agit de créer des comptes annexes au bilan et au compte de résultat qui auraient pour but d’intégrer des valeurs censées représenter de façon plus fidèle la complexité des aspects environnementaux. Un exemple est celui du National Asset Trust Account (NATA), qui traduit l’obligation qu’a l’entreprise de maintenir la qualité de son environnement. Dans le bilan NATA, une dégradation de l’environnement entraîne une diminution du compte d’actif indépendamment de toute obligation légale d’indemnisation financière.

19D’autres initiatives peuvent être classées dans ce niveau 3 de CSE. Ainsi, certaines entreprises ont développé leur propre modèle en s’inspirant par exemple du NCP, à l’image du groupe Kering qui a publié un compte de résultat environnemental dénommé « Environmental Profit and Loss Account » (EP&L). Toujours dans ce même niveau 3, la comptabilité universelle est un modèle destiné à compléter les normes comptables actuelles. Développée par Jacques de Saint Front, Michel Veillard et Pauline de Saint Front, elle repose sur le principe de la quantification et l’internalisation des externalités positives et négatives (Saint Front, 2019). Elle reprend le principe de partie double et la nomenclature du PCG en y ajoutant certains comptes comme par exemple le compte « 1641 Dette biodiversité vis-à-vis des générations futures ». Mais elle se distingue du PCG par les principes à appliquer. Ainsi, bilan d’ouverture et bilan de clôture n’ont pas à être identiques. En outre, le bilan environnemental et le bilan conventionnel ne sont pas consolidés.

20Enfin, un quatrième niveau de CSE intègre les bilans et comptes de résultats externes du troisième niveau directement dans des états financiers étendus. Il n’y a plus d’un côté, un résultat environnemental et de l’autre, un résultat financier, mais un unique résultat qui inclut tous les capitaux (financiers, naturels et sociaux) nécessaires à l’activité économique. Plusieurs initiatives ont été proposées dans ce quatrième niveau de comptabilité verte. Le Triple Bottom Line (TBL) imaginé par John Elkington en 1994 (Elkington, 1997) et résumé par la formule des 3P (People, Planet, Profit) est un reporting distinguant trois sources de capitaux (financier, social et environnemental) et faisant référence au concept d’éco-efficience. Le TBL mesure ainsi un résultat social et un résultat environnemental en plus du résultat financier qui ne se compensent pas mais se juxtaposent (Capron et Quairel, 2016).

21La méthode CARE (Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l’Environnement), issue des travaux de Jacques Richard et portée par le cabinet Compta-durable (Schmidt, 2018) adopte une démarche identique. Mais à la différence du TBL, la méthode CARE, qui a évolué vers un modèle générique de Triple Depreciation Line (TDL), s’attache à la conservation de chaque capital (financier, naturel et social) pour lui-même conformément à la logique comptable classique qui repose sur le maintien des capitaux apportés par les propriétaires (Danlos et Le Teno, 2016). En cela, elle s’inscrit dans une conception de soutenabilité forte. L’environnement est conçu, non pas comme un actif, une ressource disponible, mais comme un passif, un emprunt à rembourser ou un capital à maintenir en toutes circonstances. (Rambaud et Richard, 2016).

22Par ailleurs, la relation entreprise-environnement est de type intérieur-extérieur (Rambaud, 2015). Il ne s’agit pas de montrer l’impact des contraintes environnementales, réglementaires ou volontaires sur les comptes de l’entreprise mais de chercher à identifier les impacts de l’entreprise sur l’environnement.

23Enfin, la méthode s’oppose au modèle, dit de valeur, privilégié par les normes IFRS qui évalue un actif en actualisant la somme des services futurs qu’il va rendre. C’est notamment le cas de la norme IAS 41 – Agriculture, qui évalue les services futurs rendus par les actifs biologiques (Rambaud, 2015). Or Suzuki (2012) montre, en prenant l’exemple de la valorisation d’une plantation d’huile de palme durant trente années, que la somme des flux actualisés de ventes nettes futures peut s’avérer totalement déconnectée de la réalité biologique de la plantation. La norme conduit à anticiper sur les cinq premières années d’exploitation l’essentiel des gains attendus, et à comptabiliser des pertes durant les vingt dernières années. Le modèle CARE a donc développé une méthode d’évaluation fondée sur le coût de maintien et de renouvellement des capitaux environnemental et social. Lorsque l’entreprise dégrade un capital, elle porte la responsabilité de le réparer et la technique de l’amortissement est conçue comme un outil de préservation du capital.

24La diversité des modèles de CSE proposés semble donc théoriquement adaptée pour répondre aux enjeux qui se posent au secteur agricole. Mais leur multiplicité et leur caractère facultatif ne favorisent pas leur généralisation. Par ailleurs, du fait du temps et des moyens nécessaires à leur mise en œuvre, ce sont souvent de grandes entreprises qui peuvent les mettre en place. On comprend dans ce contexte que les pratiques de CSE ne se soient pas encore généralisées dans le secteur agricole. Pourtant, s’il est un secteur où chercher à quantifier la raréfaction des éléments naturels semble trouver tout son sens, c’est bien celui de l’agriculture.

Les enjeux de la CSE en milieu agricole

25En France, la majorité des exploitants agricoles ne remplissent pas les conditions de forme de société (sociétés cotées, anonymes ou en commandite par actions), et sont bien loin d’atteindre les seuils de taille (mesurée par le total du bilan et le nombre de salariés) les obligeant à communiquer les informations sociales et environnementales prévues par les lois de 2001 et 2014 (Agreste, 2014). Pourtant, les ressources naturelles et le travail humain sont à la base de toute production agricole et ce secteur ne devrait pas demeurer à l’écart des recherches sur la CSE. La mise en œuvre d’une CSE en milieu agricole est confrontée à des enjeux qu’il est possible de regrouper en cinq catégories.

26Le premier enjeu concerne la prise en compte des externalités, nombreuses dans le secteur agricole. Les externalités sont les effets de l’action d’un agent économique sur le bien-être d’autres agents, sans que ces effets ne fassent l’objet d’une transaction monétaire, et qui ne sont donc pas pris en compte par la comptabilité.

27Ces externalités peuvent être négatives. Elles peuvent être liées aux dégradations et atteintes à l’environnement par exemple, comme les algues vertes dues à l’agriculture intensive en Bretagne qui pénalisent les professionnels du tourisme. Le scénario Afterres 2050 publié par l’association Solagro (Couturier etal., 2016) chiffre les externalités négatives en France dans un intervalle allant de 14 à 55 milliards d’euros par an, tandis qu’une étude du CIRED estime que la pollution agricole en France coûterait entre 15 et 64 milliards d’euros par an. Différentes études néo-zélandaise, hollandaise ou anglaise (Benoît et Sautereau, 2016) sur le chiffrage des enjeux environnementaux montrent des écarts considérables. Malgré l’absence d’un consensus sur des chiffres précis, l’intérêt porté à ce chiffrage n’en est pas pour autant moins important. Avoir conscience que le coût global de la pollution liée à l’agriculture peut égaler la valeur économique que ce secteur produit, puisque la production agricole française annuelle représente près de 70 milliards d’euros, fait réfléchir sur l’utilisation des pesticides et autres produits phytosanitaires.

28Mais les externalités peuvent être également positives. Les agriculteurs rendent de nombreux services qui profitent gratuitement à l’ensemble de la société, tels que l’entretien du paysage ou le maintien de la biodiversité. L’élevage et la viticulture peuvent jouer un rôle significatif dans la lutte contre les incendies. Le pâturage prévient des avalanches. Le maintien d’une activité agricole participe également à l’entretien des infrastructures dans des zones peu peuplées et en garantit l’accès. Ces externalités positives méritent d’être identifiées et mesurées. Ainsi, des estimations pour la France montrent que des paysages où intervient une polyculture-élevage sont valorisés par le public. Ceci se traduit par des prix de location de l’immobilier touristique plus élevés. Il est probable que, dans certaines régions, la production de paysage soit même le domaine où l’agriculture crée le plus de valeur (Bureau et Thoyer, 2014). Une étude de 2016 du Ministère de l’environnement estime que le service rendu par les pollinisateurs est d’une valeur comprise entre 2,3 à 5,3 milliards d’euros en France (Bureau et Thoyer, 2014).

29Ainsi, les agriculteurs pourraient être incités à « produire » des externalités positives s’ils étaient rémunérés pour celles-ci. Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) sont des aides de la PAC (la Politique Agricole Commune) conditionnées au respect d’un cahier des charges environnemental sur 5 ans. Elles laissent penser que ces pratiques génèrent un surcoût que les aides viennent compenser alors qu’il pourrait sembler judicieux de les considérer comme une forme de rémunération pour des services rendus (Clavierole, 2016). La comptabilité verte peut donc être un atout pour les agriculteurs afin d’identifier et de quantifier des externalités, soit pour mesurer le coût réel à long terme des pratiques à risque, soit pour rendre visible, voire vendre de nouveaux services.

30Le deuxième enjeu de la comptabilité verte concerne l’image de la profession. Les agriculteurs sont souvent accusés d’être des pollueurs (Jeandey, 2018) et certaines pratiques contribuent grandement au réchauffement de la planète. Par exemple, la contribution de l’élevage dans les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique s’élèverait à près de 15 % (FAO, 2013) et certaines pratiques agricoles contribuent à l’appauvrissement des sols. Si les exploitations agricoles représentent moins de 2 % du produit intérieur brut (PIB) et moins de 3 % de l’emploi en France, elles occupent 52 % du territoire hexagonal en 2017 d’après le site du ministère de l’agriculture, autant de surfaces susceptibles d’être polluées. L’agriculture représente par ailleurs le principal poste de dépenses du budget de l’Union Européenne, avec plus de 408 milliards d’euros pour la période 2014-2020, et la PAC est régulièrement accusée de financer les exploitations pollueuses (Kroll et al., 2017).

31Une comptabilité prenant en compte l’environnement permettrait de justifier l’utilisation de l’argent public par les agriculteurs. C’est enfin un outil de communication pouvant servir à instaurer un dialogue avec les consommateurs et les pouvoirs publics et éviter d’attribuer aux seuls agriculteurs la responsabilité « du réchauffement climatique, de la malbouffe, du non-respect du bien-être animal, de l’extinction de la biodiversité, de l’appauvrissement des sols… » (Jeandey, 2018).

32Le troisième enjeu concerne la prise en compte de la temporalité. En effet, l’horizon temporel de la comptabilité ne s’accorde pas à l’horizon temporel de l’activité agricole. À l’exercice comptable annuel s’oppose le temps long de la nature, ou à l’inverse, le temps plus court de la saison. Cette observation est encore plus vraie lorsque les démarches agricoles se veulent respectueuses de l’environnement. Un agriculteur qui décide de se convertir en bio, et renonce par exemple aux pesticides, ne verra les effets de cette conversion que plusieurs années après, le temps que le sol retrouve ses propriétés en termes de nutriments. Entre-temps, sa productivité aura diminué, et son résultat comptable avec. Les efforts actuels sont enregistrés comme des charges et non comme des investissements.

33Par ailleurs, les ventes de produits et sous-produits agricoles ont souvent un caractère saisonnier, mais recettes et dépenses connaissent des saisonnalités différentes. Par exemple, dans un élevage ovin, les recettes proviennent de la vente d’agneaux de boucherie d’avril à juillet et de la laine en mai, tandis que les dépenses, essentiellement constituées des aliments pour nourrir les brebis en gestation et les agneaux avant qu’ils ne soient vendus, sont concentrées de novembre à avril. Une comptabilité verte doit s’adapter à ces enjeux de temporalité et répondre aux spécificités du secteur agricole.

34Le quatrième enjeu concerne la prise en compte des risques spécifiques à l’agriculture. La production agricole est très dépendante des risques climatiques qui affectent fortement l’offre alors que la demande est relativement inélastique au prix. Le secteur est donc propice à des variations du marché subies par les exploitants. Ainsi, la sécheresse de 2018 a fait augmenter la demande de foin alors que l’offre était moindre, ayant pour conséquence un renchérissement du prix du fourrage. Ces vulnérabilités obligent les exploitants à avoir des marges de sécurité, une capacité d’adaptation et une flexibilité importantes. Des aides et les assurances viennent en partie protéger l’agriculteur contre ces risques, mais des pratiques plus soucieuses de l’environnement, comme la diversification des cultures, permettent également de répartir ces risques. Pourtant, elles sont peu encouragées par la recherche de la seule rentabilité financière.

35À l’inverse, les risques sanitaires et écologiques à long terme générés par certaines pratiques agricoles polluantes, comme l’utilisation de certains pesticides, ne transparaissent pas dans les comptes des entreprises. Or, renoncer à quantifier l’impact en valeur monétaire d’un risque conduit à ne pas intégrer ce risque dans les charges de l’entreprise (Plot et Vidal, 2014). La conséquence très concrète de ce renoncement se matérialise dans le prix de vente du produit (la tonne de céréales issue d’une exploitation non respectueuse de l’environnement par exemple), qui peut être sous-estimé du fait qu’il n’intègre pas la totalité des coûts (actuels et futurs) liés à sa production. La conséquence concerne la société dans son ensemble. Cela a des conséquences sur les choix des consommateurs et sur ceux des États, et transfère sur les générations futures les conséquences de ces choix. Une comptabilité verte doit donc intégrer dans les coûts la totalité des risques actuels et futurs générés par les exploitations agricoles tout en valorisant les pratiques qui réduisent ces risques.

36Enfin, un cinquième et dernier enjeu concerne le poids des subventions dans la rentabilité des exploitations. En effet, le résultat de l’exploitant agricole ne repose pas uniquement sur ses ventes. Si 25 % des exploitations ont un résultat courant avant impôts négatif, elles seraient 60 % en l’absence de subventions d’après les comptes 2016 du Réseau d’Information Comptable Agricole (RICA, 2016). Concernant l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE), indicateur de référence dans le secteur agricole, il serait négatif dans 30 % des exploitations, alors qu’il ne l’est que dans 6 % des cas. Les exploitations agricoles sont donc très dépendantes des subventions et, parmi elles, la PAC occupe une place majeure.

37Entrée en vigueur en 1967, la plus ancienne des politiques communes affiche 4 objectifs principaux : augmenter la productivité, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, assurer la stabilité du marché et garantir la sécurité des approvisionnements, pour que l’Europe soit autosuffisante et exportatrice de produits agricoles. En 2015, la réforme de la PAC modifie le premier pilier en instaurant un droit à paiement de base qui se traduit par des exigences environnementales et un paiement vert, mais dont les obligations environnementales ont été largement assouplies (Bureau et Thoyer, 2014). De plus, la PAC est parfois accusée d’être à l’origine de certaines externalités négatives, par exemple en incitant les agriculteurs à arracher des haies pour agrandir leurs parcelles, à drainer les champs, à élever les mêmes races animales ou cultiver les mêmes espèces végétales. La lutte contre le réchauffement climatique a toutefois été récemment explicitement ajoutée aux objectifs de la PAC.

38Dans la comptabilité des agriculteurs, cette dépendance aux subventions conduit à un paradoxe : les exploitants publient des états financiers durablement déficitaires, alors qu’ils vivent de leur exploitation. La pertinence de l’information comptable peut donc être mise en cause. Une comptabilité verte doit donner un sens à ces subventions qui devraient être associées à la création de valeur qui justifie leur allocation.

39Pour s’adapter aux particularités de l’activité agricole, un plan comptable spécifique a été mis en place par un arrêté du 12 décembre 1986, le plan comptable général agricole (PCGA), applicable aux exploitations agricoles quelle que soit leur forme juridique. Les différences avec le plan comptable général (PCG) se retrouvent principalement dans les comptes de classe 2, où les terrains (présentés au bilan même lorsque l’exploitant n’en est pas propriétaire), les biens vivants, les végétaux et les animaux (classés en actif immobilisé ou en actif circulant à la clôture selon leur finalité) ont une place importante. Quant aux comptes de classe 3, leurs intitulés sont plus détaillés et précis (par exemple stocks Engrais et amendements ou stocks Aliments du bétail), tandis que quelques ajouts sont effectués dans les comptes de classe 6 et 7, qui incluent par exemple les fermages pour les premiers ou l’autoconsommation pour les seconds. Mais malgré ses qualités, ce PCGA ne répond aucunement aux cinq enjeux décrits précédemment.

40Partant du postulat que chiffrer les conséquences d’une action les rend visibles, la comptabilité environnementale peut être un moyen pour mettre en valeur la volonté de protéger l’environnement dans les pratiques agricoles. Si la volonté politique vise à orienter l’agriculture vers de nouvelles pratiques, la comptabilité agricole est appelée à évoluer également. C’est pourquoi il semble intéressant à la réflexion du chercheur comme du normalisateur de s’intéresser aux expérimentations menées par des exploitants curieux, encadrés par des cabinets comptables entreprenants, ayant mis en œuvre volontairement des modèles de CSE dans leur exploitation.

La description de l’expérience

41Considérant que la comptabilité agricole doit évoluer et constatant que de nombreux modèles de CSE ont déjà été proposés, l’étude exploratoire décrite dans cet article s’intéresse à la perception des agriculteurs ayant déjà mis en œuvre une CSE de manière volontaire. Elle cherche à identifier les freins qui peuvent entraver la mise en œuvre généralisée de la CSE dans le monde agricole. Les modèles de CSE sont-ils réalistes ? Apportent-ils des informations utiles aux agriculteurs ? Doivent-ils inspirer les travaux futurs des normalisateurs comptables ?

42L’étude s’appuie sur une expérimentation, menée par un jeune couple d’agriculteurs, Stéphane et Nathalie, qui a mis en œuvre le modèle CARE. L’étude a été complétée par deux entretiens semi-directifs menés auprès d’une agricultrice n’ayant pas mis en œuvre une CSE et son expert-comptable, ainsi que par un rapide questionnaire administré auprès de 17 agriculteurs. Cette collecte de données complémentaires ne prétend pas permettre de généraliser les résultats, mais permet de s’assurer que les opinions recueillies auprès du couple d’agriculteur au cœur de l’étude ne sont pas en contradiction avec la perception des agriculteurs en général. Elle permet aussi de mesurer la curiosité des agriculteurs qui, dans leur immense majorité, n’ont jamais entendu parler de CSE.

43L’expérimentation qui sert de terrain à l’étude est présentée en deux temps. Dans un premier temps, le contexte de l’expérimentation est décrit, puis les attentes des exploitants sont analysées dans un deuxième temps. Les résultats de l’expérimentation sont discutés dans une autre partie.

44Le contexte de l’expérimentation est celui d’une reprise d’exploitation en 2015, la ferme de L. La ferme familiale est située dans l’Allier, en Auvergne. L’exploitation compte cinquante et un hectares, dont vingt sont consacrés à la production bovine (en conversion bio), trente à la grande culture et un à la culture maraîchère (en bio depuis 2 ans). Les principaux canaux de distribution sont la vente sur place, les magasins bios et un restaurant gastronomique. Le mode de fonctionnement repose en grande partie sur le travail bénévole (stagiaires, compagnons, volontaires comme les woofers) pour mettre en route rapidement les activités agricoles tout en respectant l’environnement. Mais comme le dit Stéphane, « notre objectif à court terme est de combiner création d’emplois et formation afin de concilier l’impact social sur notre territoire et la dilution du travail physique lié à notre rigueur environnementale ». Nathalie et Stéphane ont la volonté de pratiquer une agriculture durable, « en équilibre avec la biodiversité, l’eau, l’air, le paysage ». L’agriculture bio présente certaines caractéristiques (Benoît et Sautereau, 2016) :

45

  • un rendement inférieur de 20 % en moyenne par rapport à l’agriculture conventionnelle, mais « avec une forte variabilité selon les cultures et les contextes (régions, moyens de production, objectifs, antériorité de la conversion) » ;
  • un compte de résultat comprenant généralement moins de charges, notamment parce que les pesticides ont un coût élevé ;
  • des prix de vente plus élevés, le marché du bio, en voie de démocratisation, restant encore un marché de niche ;
  • une agriculture requérant davantage de main-d’œuvre (elle est extensive), donc créant plus d’emplois.

46Mais le chemin est long pour y parvenir, notamment lorsque les terres ont auparavant été cultivées en agriculture conventionnelle et avec des pesticides. Ainsi, 2016, année de reprise et de transition vers l’agriculture biologique, a été compliquée pour Nathalie et Stéphane, avec une mauvaise année pour les céréales s’accompagnant de nombreuses dépenses d’investissement. L’équilibre est encore à parfaire et les deux exploitants ne ménagent pas leurs efforts. Ils ont notamment pour projet de planter 3 500 arbres sur leur domaine. Les efforts pour sauvegarder l’environnement et la biodiversité requièrent du temps et ont des effets concrets qui ne sont pas valorisés dans leur comptabilité. Aussi, lorsqu’ils ont entendu parler d’une expérimentation de comptabilité prenant en compte le capital naturel et le capital humain, ils ont souhaité en faire partie.

47Stéphane et Nathalie expriment un certain nombre d’attentes qui les ont conduits à participer volontairement à cette expérimentation. S’ils n’ont pas une connaissance approfondie de la comptabilité, ils saisissent cependant eux-mêmes les factures. Ce qui les préoccupe, c’est avant tout la trésorerie qu’ils doivent gérer en faisant avec les retards de versement des aides de la PAC. La pluriactivité permet de lisser les sources d’entrées de trésorerie et le maraîchage en particulier permet des entrées régulières. Ils ne se versent toujours pas de rémunération mais 2018 sera la première année où le chiffre d’affaires couvrira les charges courantes, y compris la nourriture des personnes qui travaillent bénévolement sur la ferme. La comptabilité traditionnelle répond donc à un certain nombre de leurs besoins en termes d’information financière.

48Mais de nombreuses activités ne sont pas traduites en comptabilité comme les haies qu’ils replantent, la diversité des espèces qu’ils cultivent, le système herbagé qu’ils adoptent, autant d’éléments qui rendent des services environnementaux (maintien de la biodiversité, entretien et variété du paysage, qualité de l’air) et génèrent des coûts sans contrepartie. Stéphane exprime donc la volonté de mettre en œuvre une « comptabilité intelligente » qui puisse mesurer ses efforts environnementaux et sociaux.

La mise en œuvre de la CSE en milieu agricole

49La méthodologie et le contexte de l’étude ayant été présentés, les états financiers expérimentaux de la ferme de L. sont décrits. Cette partie débouche sur une discussion qui porte sur la réception qu’en a fait le couple d’agriculteurs volontaires.

50L’expérimentation de la CSE en triple capital a été pilotée par Compta durable, cabinet d’expertise comptable parisien spécialisé dans la convergence entre expertise comptable et développement durable, Auxilia, cabinet de conseil en transition socio-écologique, et Fermes d’Avenir, association de promotion et d’accompagnement au développement de l’agroécologie et de la permaculture. Le choix du modèle CARE a été mis en œuvre. Pour les agriculteurs, la conception de soutenabilité forte des capitaux qui implique la préservation de chaque capital (financier, naturel et social) semble prendre tout son sens. Par exemple, si les abeilles disparaissent, aucun capital humain ni financier ne pourrait venir les remplacer.

51Par ailleurs, le modèle considère l’environnement comme un passif, un emprunt à rembourser ou un capital à maintenir en toutes circonstances. Les agriculteurs endossent alors le rôle de porte-paroles de l’environnement et défendent la règle du maintien du capital naturel comme les actionnaires défendent la règle du maintien du capital financier puisqu’il est dans leur intérêt que le capital naturel soit préservé et résilient. Un passif est ainsi comptabilisé, correspondant à l’obligation pour l’entreprise de maintenir ce capital. En contrepartie, un actif est comptabilité reconnaissant que l’usage de ce capital génère de la valeur.

52Le coût correspondant à la dégradation du capital est celui de mesures techniques, de modifications de produits, de réductions de production, qui sont enregistrés dans une ligne « dotations aux amortissements naturels » ou « sociaux ». Par exemple, puisqu’il apparaît impossible de chiffrer le coût de la disparition des abeilles, le montant de la dégradation du capital environnemental lié à leur disparition sera évalué par le montant des produits plus respectueux de l’environnement utilisés pour éviter leur disparition. Le surcoût que représente l’utilisation de fertilisants moins nocifs sera donc activé et amorti.

53Les schémas de construction du bilan et du compte de résultat expérimentaux présentent certaines ressemblances avec ceux de la comptabilité conventionnelle. Mais les modifications sont nombreuses. Tout d’abord, chaque capital figure au passif du bilan et en contrepartie, l’utilisation qui en est faite figure à l’actif sur le modèle de l’utilisation du capital financier pour l’acquisition d’une machine (immobilisation). CARE distingue également les immobilisations, dont l’usage est répété, des actifs courants, dont l’usage est ponctuel. Tous ces éléments d’actifs sont évalués au prorata de leur coût de maintien, selon les types d’usage. Par exemple, le capital naturel correspond pour partie au sol, et son amortissement est le puisage de nutriments dans le sol. Les trois capitaux, financier social et environnemental, figurent donc dans le même bilan et le résultat reflète le surplus obtenu après le maintien des 3 capitaux. Pour être rentable, l’entreprise doit d’abord être en mesure de maintenir les 3 capitaux. La performance n’est plus seulement financière, et prend en compte l’intérêt d’un plus grand nombre de parties prenantes.

54Au compte de résultat, les dotations aux amortissements correspondent à la dégradation systématique des capitaux du fait de leur usage répété. Les produits d’exploitation s’enrichissent des « contributions volontaires » correspondant à la valorisation du travail bénévole et des « nouvelles ressources pour l’activité de la ferme liées au cycle de production ». La contrepartie de ces contributions volontaires et les dotations aux amortissements des capitaux naturel et humain sont classées en charges d’exploitation. Le résultat courant avant impôt est également augmenté de la valeur des services rendus. Les états financiers obtenus à l’issue de l’expérimentation de la comptabilité en triple capital à la ferme de L. sont présentés dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1. Compte de résultat de la ferme L

Compte de résultat conventionnel
Produits d’exploitation68 360
Chiffre d’affaires36 996
Indemnités et subventions28 869
Autres produits d’exploitation2 495
Charges d’exploitation74 622
Approvisionnements et autres achats externes36 414
Sous-traitance, locations et prestations externes20 967
Impôts et taxes ; Charges sociales10 038
Dotations aux amortissements7 203
Résultat d’exploitation- 6 262
Résultat financier- 1 800
Résultat exceptionnel114
Résultat net- 7 948

Tableau 1. Compte de résultat de la ferme L

Compte de résultat - Comptabilité en triple capital
Produits d’exploitation
Chiffre d’affaires36 996
Indemnités et subventions28 869
Autres produits d’exploitation2 495
Produits - Contributions volontaires62 580
Charges d’exploitation
Approvisionnements et autres achats externes36 414
Sous-traitance, locations et prestations externes20 967
Impôts et taxes ; Charges sociales10 038
Dotations aux amortissements7 203
Charges - Contributions volontaires (travail bénévole)62 580
Résultat d’exploitation- 6 262
Autres produits
Renouvellement des capitaux naturels 14 765
Renouvellement des capitaux humains4 368
Services environnementaux et sociaux non payés5 544
Autres charges
Dotations aux amortissements – naturels14 765
Dotations aux amortissements – humains4 368
Bénéfices non payés5 544
Résultat financier- 1 800
Résultat exceptionnel114
Résultat net- 2 404

Tableau 2. Bilan de la ferme L

Bilan conventionnel
ActifPassif
Immobilisations17 122Capitaux propres21 933
Actif circulant45 610Résultat- 7 948
Trésorerie- 268Dettes50 618
Autres actifs2 139 
Total actif64 603Total Passif64 603

Tableau 2. Bilan de la ferme L

Bilan - Comptabilité en triple capital
ActifPassif
Capital financier
Immobilisations17 122Capitaux propres21 933
Actif circulant45 610Provisions pour risques0
Trésorerie- 268Dettes50 618
Autres actifs2 139 
Capital naturel
Actif sol et biodiversité0Capital sol9 615
Actif eau et atmosphère0Capital biodiversité4 750
Actifs à nouveaux disponibles14 765Capital eau400
Créances (services envir. non payés)848Capital atmosphère0
Capital humain
Actif patrimoine, social, sociétal0Capital patrimonial2 150
Actifs à nouveaux disponibles4 368Capital social1 760
Créances (services sociaux non payés)4 696Capital sociétal458
 Résultat- 2 404
Total actif89 280Total Passif89 280

55Dans le compte de résultat, la ligne « Renouvellement des capitaux » représente près de 20 000 €, soit près de 50 % du chiffre d’affaires hors subventions. Elle correspond aux dépenses annuelles de préservation des capitaux naturels et sociaux, comme par exemple le temps de travail ou les investissements environnementaux. La ligne « Services environnementaux et sociaux non payés » correspond à la prise en compte de la création de valeur non financière. Ces services sont inscrits au compte de résultat en contrepartie d’une créance au bilan (capital naturel et capital social) et sont évalués selon les cas, grâce à des estimations annuelles basées sur les prix de marché, sur les coûts évités, les coûts de restauration, ou sur des valeurs de référence. Ces estimations font parfois l’objet d’une forte incertitude. C’est le cas par exemple pour les services non payés concernant la santé, la pollinisation ou le maintien du climat par stockage du CO² dans les sols. Les services non rémunérés liés à l’emploi, la qualité de l’eau ou encore le contrôle des ravageurs sont eux estimés avec une « incertitude limitée ».

56Tous ces services sont en outre évalués pour un type de ferme spécifique, une exploitation maraîchère biologique, et tous sont loin d’être pris en compte. Les effets sur le tourisme ou sur la protection contre les catastrophes naturelles par exemple n’ont pas été pris en compte. Cela ne signifie pas que ce ne soit pas possible. Par exemple, la valeur du service « prévention des incendies » correspondant à certaines pratiques de défrichage pourrait être évaluée par comparaison avec le coût des dommages indemnisés par les assurances.

57En définitive, et en dépit du fait que le résultat net soit toujours négatif, il s’améliore du montant des services rendus non payés. La création de valeur comptabilisée augmente ainsi de 5 544 €. Les produits d’exploitation sont deux fois plus élevés et la ferme dispose de 1,4 fois plus de ressources avec les capitaux humains et naturels. Elle crée ainsi plus de richesses que ce que laissait entrevoir la comptabilité traditionnelle et des capitaux inconnus de la comptabilité traditionnelle sont révélés et valorisés. Et si la ferme de L. est encore déficitaire, c’est essentiellement du fait des difficultés liées à la reprise de l’exploitation. Car comme le dit Stéphane, « l’année de l’expérimentation [2016] a été une année compliquée. Mauvaise année pour les céréales encore en conventionnel, et beaucoup de charges ».

58On pourrait donc penser que la mise en œuvre de la CSE dans la ferme de L. ait été jugée positivement. Cependant, les entretiens menés avec les agriculteurs conduisent à relativiser son intérêt. C’est ce que la discussion des résultats développe.

Discussion des résultats

59Tout d’abord, de l’avis même de Stéphane, la première qualité qu’il faut reconnaître à la CSE en triple capital est qu’elle « permet de mesurer, et donc de révéler l’existence d’un certain nombre de données que ne mesure pas la comptabilité traditionnelle ». Elle joue ainsi un véritable rôle d’incitation à la préservation des ressources environnementales en permettant de créer une prise de conscience chez les agriculteurs comme chez les consommateurs et les collectivités. D’ailleurs, si Stéphane s’est prêté à l’expérimentation, c’est « pour montrer l’exemple, réveiller les personnes autour de nous ».

60Par ailleurs, la CSE permet de révéler et quantifier les bénéfices d’une agriculture respectueuse de la nature. La valorisation des services environnementaux permet d’apporter une preuve du bien-fondé d’une agriculture qui se veut soutenable, en révélant la valeur des services rendus par les agriculteurs non payés par les consommateurs. La comptabilité verte permet alors de démontrer l’intérêt économique de l’agriculture bio. En effet, une idée communément répandue est que l’agriculture bio n’est pas rentable. Or, c’est d’autant moins vrai que l’on tient compte des conséquences à long terme sur l’environnement de ce type de pratiques. Les exploitations bios sont moins dépendantes de l’extérieur et moins vulnérables face aux variations de prix ou aux risques climatiques. En valorisant leur impact sur le capital naturel, leur résultat se trouve amélioré par rapport aux exploitations ne visant qu’à maximiser le résultat financier.

61Cette valorisation monétaire des services rendus permet ainsi de convaincre plus facilement qu’avec de simples mots. La comptabilité verte peut alors être considérée, comme le dit Stéphane, comme une « arme pour discuter avec les élus, les collectivités, et jusqu’au Ministère ». Au-delà de sa simple fonction d’information interne à l’exploitation, la comptabilité verte a un rôle clé de communication afin de « changer les choses sans être moralisateur ».

62Cependant, l’expérience menée dans la ferme de L. conduit aussi à identifier un certain nombre de limites. La première tient à la difficulté et à la subjectivité de l’évaluation des effets de l’activité agricole sur son environnement. En pratique, l’élaboration de la CSE repose sur de nombreuses approximations, d’autant plus que les comptes sont établis avec un décalage par rapport à la réalisation de ces tâches. « On ne peut qu’estimer le temps passé pour replanter les haies par exemple » précise ainsi Stéphane.

63Par ailleurs, l’intérêt de mesurer en valeur monétaire les effets environnementaux est de permettre des comparaisons dans le temps et entre exploitations. Elle implique donc une mise en œuvre permanente et généralisée. Lors de la présentation de cette première expérimentation, le cabinet Compta durable affichait l’ambition de l’étendre à une centaine de fermes agroécologiques. Cependant, le projet a été mis à l’arrêt après une année. Le coût de la collecte des données nécessaires à l’évaluation de l’impact environnemental des exploitations semble avoir été sous-estimé. Il ne suffit pas, comme dans le cadre de la comptabilité traditionnelle, de conserver et saisir des factures, mais d’évaluer de manière permanente les nouveaux actifs.

64Une autre limite révélée par l’expérience est son manque d’intérêt pratique. Nathalie et Stéphane estiment ainsi qu’« en soi, [la comptabilité en triple capital] n’est pas intéressante pour le fonctionnement de la ferme […] au quotidien, ni plus ni moins que la comptabilité traditionnelle d’ailleurs ». Car au quotidien, « ce qui nous intéresse le plus, c’est la trésorerie », une trésorerie qui n’est à l’heure actuelle aucunement affectée par la comptabilité verte. Ce qui serait différent par exemple si les résultats de la comptabilité environnementale servaient de base pour l’attribution des aides de la PAC, si la rémunération des services environnementaux rendus aux collectivités étaient matérialisés par des paiements effectifs, ou si le calcul de l’impôt sur le résultat dépendait du résultat issu de la CSE.

65Enfin, si la CSE suscite une indéniable curiosité de la part des agriculteurs interrogés (en dehors de la ferme de L.), elle s’accompagne également d’un grand scepticisme. Les agriculteurs estiment que la comptabilité verte ne les inciterait pas à faire davantage d’efforts « car on en fait déjà ». « L’idée [de préserver l’environnement] devrait venir naturellement sans penser argent », le respect de l’environnement « c’est une conviction indépendante de la comptabilité ». Autrement dit, les agriculteurs soucieux d’environnement n’ont pas besoin d’être incités par la comptabilité, alors que ceux qui ne le sont pas la refusent. L’expérimentation révèle donc que les conditions ne semblent pas encore réunies afin de permettre à une comptabilité verte de se généraliser à court terme auprès de tous les agriculteurs. Pire, si la comptabilité verte devait être imposée, elle serait perçue par de nombreux exploitants comme une source supplémentaire de contraintes administratives, donc contre-productive.

Conclusion

66L’expérience menée dans la ferme de L. et décrite dans cet article est riche d’enseignement à plusieurs titres. L’objectif n’était pas d’argumenter de manière partisane en faveur d’un modèle comptable ou d’un autre, mais d’identifier à travers une expérience originale, basée sur le volontariat, l’intérêt et aussi les limites qu’il peut y avoir à développer de nouvelles approches comptables pour tenter de tenir compte des effets des entreprises agricoles sur leur milieu naturel.

67Il apparaît que la comptabilité verte suscite beaucoup de curiosité car elle semble permettre la mise en valeur de pratiques vertueuses. Elle est également perçue comme un outil de communication. Mais les agriculteurs expriment des réserves sur le véritable intérêt qu’ils peuvent retirer de sa mise en œuvre. Jugée peu utile pour leurs besoins de gestion, elle serait considérée comme une contrainte administrative supplémentaire si elle devait être obligatoire. Les difficultés pratiques de mise en œuvre ne plaident pas en faveur d’une généralisation.

68La réflexion menée sur la base d’une expérimentation conduit à penser qu’aujourd’hui, le véritable enjeu de la comptabilité verte est moins de convaincre de son intérêt et de son utilité, voire de sa nécessité, que de trouver les moyens concrets de sa mise en œuvre. Par ailleurs, l’expérimentation révèle que si la CSE mise en œuvre de manière volontaire est un moyen de communication intéressant, autrement dit, si elle est un moyen pour faire évoluer les mentalités, elle ne peut suffire à faire évoluer les pratiques agricoles de tout un pays. Pour être efficace, la comptabilité verte doit accompagner des réformes juridiques et fiscales. L’expérimentation démontre que la comptabilité n’est pas un outil dévolu à une unique vision financière du monde, mais qu’elle peut évoluer afin de fournir les informations nécessaires à un changement de la politique environnementale ou sociale. L’expérimentation de la ferme de L. rappelle que la comptabilité n’est pas « verte » ou « rouge », mais qu’elle demeure toujours un outil d’information qui s’adapte et qui accompagne les décisions de politique économique en permettant leur mise en œuvre.

Bibliographie

Bibliographie

  • Agreste. (2014). Le statut juridique des exploitations agricoles : évolutions 1970-2010. Les Dossiers n° 20. Service de la statistique et de la prospective, Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt.
  • Altukhova, Y. (2015). L’état de la comptabilité verte des entreprises : le cas du secteur agricole. Dans L’état des entreprises, Paris: La Découverte, 63-72.
  • Altukhova-Nys, Y., Bascourret, J., Ory, J., Petitjean, J. (2017). Mesurer la compétitivité des exploitations agricoles en transition vers l’agro-écologie : un état des lieux des problématiques comptables. La Revue des Sciences de Gestion 285-286(3) : 41-50.
  • Becker, G. (1964). Human Capital: A Theoretical and Empirical Analysis, with Special Reference to Education. University of Illinois at Urbana-Champaign’s Academy for Entrepreneurial.
  • Benoît, M., Sautereau, N. (2016). Quantification et chiffrage des externalités de l’agriculture biologique. Rapport d’étude de l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique.
  • Berthelot, S., Cormier, D., Magnan, M. (2003). Les provisions environnementales et la gestion stratégique des résultats : une étude canadienne. Comptabilité-Contrôle-Audit 9(2) : 109-135.
  • Brundtland, G. H. (1987). Our Common Future. Rapport à la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations unies dit rapport Brundtland. Titre français : « Notre avenir à tous ». <https://www.diplomatie.gouv.fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/5/ rapport_brundtland.pdf>.
  • Bureau, J-C., Thoyer, S. (2014). La politique agricole commune. Paris: La Découverte.
  • Capron, M., Quairel-Lanoizelée, F. (2016). L’instrumentation de la RSE, La responsabilité sociale d’entreprise. Paris: La Découverte, 91-112.
  • Christophe, B. (2016). L’éco blanchiment comptable dans les rapports développement durable : une extension de la comptabilité créative. Presses universitaires du Septentrion, 157-165.
  • Clavierole, C. (2016). La transition agroécologique : défis et enjeux. Avis du Conseil économique, social et environnemental.
  • Commission européenne. (2010). International Reference Life Cycle Data System (ILCD) Handbook - General guide for Life Cycle Assessment. EUR 24378 EN. Luxembourg (Luxembourg): Publications Office of the European Union.
  • Couturier, C., Charru, M., Doublet, S., Pointereau, P. (2016). Le scénario Afterres2050. Association Solagro. <www.solagro.org>.
  • Danlos, S., Le Teno, H., (2016). Pour une agriculture innovante à impacts positifs. Plaidoyer Fermes d’Avenir. <https://drive.google.com/file/d/0B-K-TMOrCw6nYzVsaXZpeGlWbk0/view>
  • Elkington, J. (1997). Cannibals with Forks: The Triple Bottom Line of 21st Century Business. Capstone/John Wiley, hardcover.
  • FAO. (2013). Tackling climate change through livestock. Rapport de la Food and Agriculture Organization of the United Nations.
  • Jeandey, A. (2018). Une société qui se retourne contre ses agriculteurs n’a aucun avenir. Site Wikiagri. <https://wikiagri.fr/articles/une-societe-qui-se-retourne-contre-ses-agriculteurs-na-aucun-avenir/19399>.
  • Kaplan, R., Norton, D. (1996). The balanced scorecard: translating strategy into action. Boston: Harvard Business School Press.
  • Kroll, J., Trouvé, A., Kirsch, A. (2017). Aides directes et environnement : la politique agricole commune en question
  • Marcenac, P. (2007). Les PME et le développement durable : comment mesurer la performance en matière de développement durable. Académie des Sciences et Techniques Comptables et Financières. Les cahiers de l’Académie 5.
  • Maurice, J. (2019). Quand les choix comptables liés à l’environnement ne sont pas qu’opportunistes : cas des provisions comptables environnementales. Finance Contrôle Stratégie 22 (1).
  • Notat, N., Senard, J.-D. (2018). L’entreprise, objet d’intérêt collectif. Rapport aux Ministres de la Transition écologique et solidaire, de la Justice, de l’Économie et des Finances, et du Travail, dit rapport Notat Senard.
  • Plot, E., Richard, J. (2014). Comptabilité et gestion environnementale, La gestion environnementale. Paris: La Découverte, 21-44.
  • Plot, E., Vidal, O. (2014). De la difficulté de rendre des comptes : le cas du risque nucléaire. Gérer et comprendre 118(4) : 52-66.
  • Rambaud, A. (2015). La valeur de l’existence en comptabilité : Pourquoi et comment l’entreprise peut (p)rendre en compte des entités environnementales pour « elles-mêmes ». Doctorat en sciences de gestion, Paris: Université Paris-Dauphine.
  • Rambaud, A., Richard, J. (2015). The “Triple Depreciation Line” instead of the “Triple Bottom Line”: Towards a genuine integrated reporting, Critical Perspectives on Accounting 33 : 92-116.
  • Rambaud, A., Richard, J. (2016). La prise en compte d’éléments environnementaux dans la mesure de la performance. 6es états généraux de la recherche comptable.
  • RICA (2016). Les résultats économiques des exploitations agricoles en 2016. Données du Réseau d’Information Comptable Agricole, Commission des Comptes de l’Agriculture de la Nation, Service de la statistique et de la prospective, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 14 décembre.
  • Saint Front, (2019). La Comptabilité Universelle. Site Internet du cabinet de Saint Front. <https:// www.cabinetdesaintfront.fr/>.
  • Schmidt, S. (2018). Quand les comptes d’une entreprise incluent le capital naturel et humain. Site compta-online. <https://www.compta-online.com/quand-les-comptes-une-entreprise-incluent-le-capital-naturel-et-humain-ao3533>.
  • Suzuki, T. (2012). IFRS (IAS 41), Plantation and Sustainable Development. Cas réf. 113-046-1, University of Oxford.
  • Travaillé, D., Naro, G. (2013). Les Sustainability Balanced Scorecards en question : du Balanced Scorecard au Paradoxical Scorecard. Congrès de l’Association Francophone de Comptabilité, Montréal.
  • Trébucq, S., Magnaghi, E. (2017). Le passage d’un rapport RSE à un reporting intégré : étude de cas de l’entreprise Adam, une PMR spécialisée dans le packaging des vins et spiritueux. Recherche et Cas en Sciences de Gestion 17 : 25-41.
  • Zahm, F., Alonso Ugaglia, A., Boureau, H., Del’homme, B., Barbier, J.M., Gasselin, P., Gafsi, M., Girard, S., Guichard, L., Loyce, C., Manneville, V., Menet, A., Redlingshofer, B. (2019). Évaluer la durabilité des exploitations agricoles. La méthode IDEA v4, un cadre conceptuel mobilisant dimensions et propriétés de la durabilité. Cahiers Agricultures 28(5).

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.81

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions