Couverture de ABPO_1282

Article de revue

Saint Martin et Tours à l’époque carolingienne

Pages 7 à 22

Notes

  • [1]
    Sur la notion de réforme carolingienne, cf. Depreux, Philippe, « Ambitions et limites des réformes culturelles à l’époque carolingienne », Revue historique, 623/3 (2002), p. 721-753.
  • [2]
    Noizet, Hélène, La fabrique de la ville : espace et société à Tours, ixe-xiiie siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007.
  • [3]
    Sur la figure de saint Martin et ses différentes réappropriations, cf. Judic, Bruno, Beck, Robert, Bousquet-Labouérie, Christine, Lorans, Élisabeth (dir.), Un nouveau Martin. Essor et renouveaux de la figure de saint Martin ive-xxie siècle, Tours, Presses universitaires François Rabelais, coll. « Perspectives historiques », 2019. Il est par ailleurs à noter qu’un important programme de recherche franco-allemand, coordonné par Élisabeth Lorans et Philippe Dupreux, est consacré aux établissements martiniens de Tours : « Cœnobia Turonensia. Les communautés martiniennes de Tours, leurs pratiques et leurs réseaux de l’Antiquité tardive au xiiie siècle » (coenotur, 2019-2022). Ce programme est consacré, entre autres, aux relations institutionnelles entre Saint-Martin et Marmoutier.
  • [4]
    Cf. Pietri, Luce, « Grégoire de Tours et la géographie du sacré », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois. Supplément à la Revue archéologique du centre de la France 13 (1997), p. 111-114. On notera à ce sujet que les sanctuaires secondaires de Marmoutier et Candes apparaissent comme des répliques réduites du grand sanctuaire martinien. Dans ces deux lieux périphériques, qui conservent le lit de saint Martin, la disposition avec chancels et voiles imite celle du tombeau de Tours. Cf. Lesoing, Bertrand, « La transmission de la mémoire : Candes et saint Martin entre le ive et le xiie siècle », dans Judic, Bruno, Beck, Robert, Bousquet-Labouérie, Christine, Lorans, Élisabeth (dir.), Un nouveau Martin…, op. cit., p. 109-120.
  • [5]
    Cf. Lauwers, Michel, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005, p. 55-61.
  • [6]
    Iogna-Prat, Dominique, La Maison-Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge, Paris, Ed. du Seuil, 2006, p. 208.
  • [7]
    Farmer, Sharon, Communities of Saint Martin : Legend and Ritual in Medieval Tours, Ithaca, Cornell University Press, 1991.
  • [8]
    Galinié, Henri, Lorans Élisabeth, Zadora-Rio Élisabeth, « Tours et la Touraine au temps d’Alcuin : état des questions », dans Depreux, Philippe, Judic, Bruno (dir.), Alcuin de York à Tours. Écriture, pouvoir et réseaux dans l’Europe du haut Moyen Âge, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 111/3 (2004), p. 37-52.
  • [9]
    Ce n’est qu’à partir de 650-660, avec l’action réformatrice de la reine Bathilde et sous l’influence grandissante du monachisme colombanien, que la composante proprement monastique de Saint-Martin s’est nettement affirmée. Cf. Noizet, Hélène, « Les basiliques martyriales au vie et au début du viie siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 87 (2001), p. 329-335. C’est vers la même époque qu’apparaît le thème de la chape de saint Martin, conservée dans la « chapelle » royale.
  • [10]
    Un acte de l’évêque Chrodebert, confirmé entre 672 et 674 par le pape Adéoadat, accorde à l’abbé de Saint-Martin la liberté d’administration du temporel et défend à l’évêque d’intervenir dans les questions de discipline intérieure.
  • [11]
    Sur l’abbaye de Cormery, cf. Chupin, Annick, « Alcuin et Cormery », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 111/3 (2004), p. 103-112 ; Pouyet, Thomas, Cormery et son territoire : origines et transformations d’un établissement monastique dans la longue durée (viiie-xviiie siècles), Tours, Université de Tours, 2019.
  • [12]
    La source principale sur l’abbatiat d’Alcuin à Saint-Martin est la Vita beati Alcuni. Cf. Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini (ixe s.). Les inflexions d’un discours de sainteté, Turnhout, Brepols, Collection des Études Augustiniennes : Série Moyen Âge et Temps Modernes, 54, 2017. Cette Vita est un monument de piété filiale. Elle est née dans le cercle monastique des disciples les plus chers d’Alcuin. À cette source principale, il faut ajouter l’abondante correspondance entretenue par Alcuin. Sur les trois cents lettres conservées, plus de deux cents sont écrites de Saint-Martin. Cf. Epistolae Karolini Aevi Tomus II, mgh, éd. Ernest Dümmler. Une nouvelle édition de cette correspondance est actuellement en cours dans la collection « Sources chrétiennes ». Cette édition, dont seul le premier volume est paru, publie les lettres conformément à leur transmission propre, par collections médiévales. Cf. Alcuin, Lettres. Tome i, Paris, Le Cerf, coll. « Sources chrétiennes », 2018. Sur Alcuin, cf. Chelini, Jean, « Alcuin, Charlemagne et Saint-Martin de Tours », Revue d’histoire de l’Église de France, 47 (1961), p. 19-50 ; Depreux, Philippe, Judic, Bruno (dir.), Alcuin de York à Tours…, op. cit.
  • [13]
    Les lettres 245, 246 et 249 sont d’Alcuin, tandis que la lettre 247 est la réponse de Charlemagne à Alcuin. Nous suivons la numérotation des mgh. Cf. Epistolae Karolini Aevi Tomus II, op. cit., p. 393-404.
  • [14]
    Ibid., p. 400-401 : « Aliquando, enim monachos, aliquando canonicos, aliquando neutrum vos esse dicebatis […]. Vos autem, qui contemptores nostrae iussionis extitistis, sive canonici, sive monachi vocamini, ad placitum nostrum, iuxta praesens missus noster vobis indixerit, nobis vos adsistere scitote. Et, quamvis ad missa hic factae seditionis vos excuset epistola, venite et condigna satisfactione inustum crimen eluite. »
  • [15]
    Cf. Semmler, Josef, « Le monachisme occidental du viiie au xe siècle : formation et réformation », Revue bénédictine, 103 (1993), p. 68-89, spécialement p. 74-75.
  • [16]
    Noizet, Hélène, « Alcuin contre Théodulphe : un conflit producteur de normes », dans Depreux, Philippe, Judic, Bruno (dir.), Alcuin de York à Tours…, op. cit., p. 113-129.
  • [17]
    Concilia Aevi Karolini (742-842), MGH, éd. Albertus Werminghoff, 1908, p. 286-293 : canon 23 : « Canonici clerici civitatum qui in episcopiis conversantur » ; canon 24 : « Simili modo et abbates monasteriorum in quibus canonica vita antiquitus fuit vel nunc videtur esse, sollicite suis praevideant canonicis. » On pourra noter que seuls les conciles de Tours et de Mayence abordent clairement la question de l’organisation des chapitres cathédraux.
  • [18]
    Cette question de l’abbatiat commun entre les deux institutions est actuellement traitée par le programme coenotur.
  • [19]
    Pour une présentation du culte de saint Martin à l’époque carolingienne, cf. Ewig, Eugen, « Le culte de saint Martin à l’époque franque », Revue d’histoire de l’Église de France 47 (1961), p. 1-18 ; Judic, Bruno, « Le pèlerinage à Saint-Martin de Tours du viie au xe siècle », dans Chelini, Jean (dir.), Les pèlerinages dans le monde à travers le temps et l’espace, Paris, Picard, 2008, p. 55-72.
  • [20]
    Mullins, Juliet, « La place de saint Martin dans le monachisme anglo-saxon », dans Les abbayes martiniennes. Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 119/3 (2012), p. 55-70. Sur l’influence de Sulpice Sévère sur les écrits d’Alcuin, cf. Veyrard-Cosme, Christiane, L’œuvre hagiographique en prose d’Alcuin : Vitae Willibrordi, Vedasti, Richarii, Florence, Sismel éditions, 2003, p. 384-389.
  • [21]
    Cf. Labarre, Sylvie, « La postérité littéraire de Sulpice Sévère dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge », Vita Latina 172 (2005), p. 83-94. Les œuvres proprement martiniennes d’Alcuin, en particulier sa Vie de saint Martin et le sermon De transiti sancti Martini portent incontestablement la marque de Sulpice Sévère.
  • [22]
    Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini (ixe s.)…, op. cit., p. 288.
  • [23]
    Ibid., p. 288-295.
  • [24]
    Ibid., § 15, p. 281-285. On pourrait aussi citer les appels d’Alcuin adressés à ses nombreux correspondants à venir en pèlerinage à Saint-Martin ad patrocinia Sancti Martini venire (lettre 184), orationis gratia sancti Martini reliquias visitare (lettre 223), utrum ad sanctum Martinum protectorem nostrum et intercessorem vestrum vestra bonitas in revertendo [de Rome] venire cogitet (lettre 230), ut venias ad limina Sancti Martini (lettre 242). Cf. Epistolae Karolini Aevi Tomus II…, op. cit., p. 309, 366, 375, 388.
  • [25]
    Ainsi, les deux termes clés de septa et d’atrium qui servaient le plus souvent à désigner la zone couverte par le droit d’asile à l’époque médiévale ne sont pratiquement pas utilisés par Alcuin. En revanche, la lettre 245 mentionne l’espace sacré de l’autel : intra cancellos altaris, ante faciem altaris, et la lettre 246 celui de l’autel et du tombeau : ante sepuchrum santi Confessoris Christi, intra cancellos altaris, ante faciem altaris, inter altare et sepulchrum sanctissimi confessoris Christi. Cf. Noizet, Hélène, « Alcuin contre Théodulphe : un conflit producteur de normes », loc. cit.
  • [26]
    Canon 25: « Monasteria monachorum, in quibus olim regula beati Benedicti patris conservabatur, sed nunc forte qualicumque neglegentia subrepente remissius ac dissolutius custoditur vel certes penitus abolita neglegitur, bonum videtur ut ad pristinum revertantur statum. », MGH, p. 290.
  • [27]
    Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini (ixe s.)…, op. cit., p. 209.
  • [28]
    Cf. ibid., p. 83s.
  • [29]
    Alcuin, lettre 184 : « Noviter congregationem quandam feci, quasi octavo miliario a monasterio sancti Martini, monachicae vitae et regularis eligionis ; primo ex fratribus de Gothia, ubi Benedictus abba regularem constituit vitam. » Cet événement est également rapporté par la Vita de Benoît d’Aniane, rédigée par son disciple Ardon, qui mentionne Cormery parmi les douze monastères où l’abbé envoya des moines réformés. Cf. Vita Benedicti abbatis Anianensis, mgh, p. 219.
  • [30]
    Cf. Noizet, Hélène, La fabrique de la ville…, op. cit., p. 81-84.
  • [31]
    Longtemps critiqué dans l’historiographie, le bilan de l’abbatiat laïc tend aujourd’hui à être évalué de manière plus positive. Cf. Felten, Franz Josef, Äbte und Laienäbte im Frankreich. Studie zum Verhältnis von Staat und Kirche im früheren Mittelalter, Stuttgart, 1980 ; Helvétius, Anne-Marie, « L’abbatiat laïque comme relais du pouvoir royal aux frontières du royaume : le cas du nord de la Neustrie au ixe siècle », dans Le Jan, Régine, La royauté et les élites dans l’Europe carolingienne (début ixe siècle aux environs de 920), Villeneuve d’Ascq, Centre de recherche sur l’histoire de l’Europe du Nord-Ouest, 1998, p. 285-299.
  • [32]
    Charles le Chauve, charte 61, Recueil des actes de Charles le Chauve, éd. Tessier, vol. 1, p. 174-177.
  • [33]
    L’auteur de la notice consacrée aux manuscrits de Charles le Chauve dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie parle ainsi des « vers détestables qui composent les dédicaces de notre Bible ». Cf. Leclercq, Henri, « Charles le Chauve (manuscrits de) », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, Letouzey, 1912, fasc. XXVI, col. 833.
  • [34]
    Nous reprenons ici les analyses et conclusions de Paul Edward Dutton et Herbert L. Kessler, dont les travaux ont permis de mettre en lumière l’importance des poèmes insérés dans la Bible. Selon eux, la Bible a été composée juste avant l’accès de Vivien à l’abbatiat de Saint-Martin. Cf. en particulier, Dutton, Paul Edward et Kessler, Herbert L., The Poetry and Paintings of the First Bible of Charles the Bald, Ann Arbor. The University of Michigan Press, 1997.
  • [35]
    Audradus, Excerpta Libri Revelationum, PL 115, col. 25-26 : « Et ob hoc quod mihi in hunc modum servieritis, do tibi, Carole, ut Hispanias, duce beato Martino principe, liberes ab infidelibus. »
  • [36]
    Ibid., col. 26 : « Ibique morietur perfidus et nefandus Vivianus, qui non extimuit conculcare nobilitatem Ecclesiarum mearum, abbatem se glorians monasterii beati Martini et caetorum. »
  • [37]
    Cf. Gasnault, Pierre, « Le tombeau de saint Martin et les invasions normandes dans l’histoire et dans la légende », Revue de l’histoire de l’Église de France 47 (1961), p. 50-66 ; Noizet, Hélène, « Les chanoines de Saint-Martin de Tours et les Vikings », dans Les fondations scandinaves en occident et les débuts du duché de Normandie, Caen, Publications du crahm, 2005, p. 53-66.
  • [38]
    Cette période encore très mal connue est au programme du projet coenotur. Parmi les rares publications sur le sujet, on peut signaler l’article déjà daté : Oury, Guy Marie, « À Marmoutier-lès-Tours, de la règle martinienne à la règle bénédictine », Mémoires de la Société archéologique de Touraine, 62 (1997), p. 41-58.
  • [39]
    Cf. à propos de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon : Mazel, Florian, « Entre mémoire carolingienne et réforme grégorienne. Stratégies discursives, identité monastique et enjeux de pouvoir à Redon aux xie et xiie siècles », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 122/1 (2015), p. 9-38.
  • [40]
    Cf. Cartron-Kawe, Isabelle, Les pérégrinations de Saint-Philibert. Genèse d’un réseau monastique dans la société carolingienne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 367.
  • [41]
    Gasnault, Pierre, « La narratione in reversione beati Martini a Burgundia du pseudo-Eudes de Cluny », Studia Anselmiana, 46 (1961), p. 159-174.
  • [42]
    Lorans, Élisabeth, Creissen, Thomas (dir.), Marmoutier. Un grand monastère ligérien (Antiquité – xixsiècle), Orléans, Direction régionale des affaires culturelles, 2014, p. 13.
  • [43]
    Cf. Lorans, Élisabeth, Marot, Émeline, « Du tombeau au bourg monastique », dans Join-Lambert, Sophie, Martin de Tours, le rayonnement de la cité. Catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours, du 8 octobre 2016 au 8 janvier 2017, Milan, Silvana Editoriale, 2016, p. 197-203.
  • [44]
    Cf. Galinié, Henri, « La notion de territoire à Tours aux ixe et xe siècles », Recherches sur Tours 1 (1981), p. 73-84.
  • [45]
    Cf. Noizet, Hélène, La fabrique de la ville…, op. cit.
  • [46]
    Sur la vie et la spiritualité martinienne d’Odon de Cluny, cf. Rosenwein, Barbara, « St Odo’s St Martin : the uses of a model », Journal of Medieval History, 4 (1978), p. 317-331 ; Judic, Bruno, « Le patronage martinien au xe siècle », dans Les abbayes martiniennes…, op. cit, p. 89-105 ; Rosé, Isabelle, Construire une société seigneuriale : itinéraire et ecclésiologie de l’abbé Odon de Cluny, Turnhout, Brepols, 2008.
  • [47]
    PL 133, col. 729-749. Sur l’attribution de ce sermon à Odon de Cluny, qui ne fait plus de doute aujourd’hui, voir Farmer, Sharon, Communities of Saint Martin…, op.  cit., p. 313-315 ; Noizet, Hélène, La fabrique de la ville…, op. cit., p. 112-113.
  • [48]
    « Sanctus quoque Martinus cuidam pauperculo per visum apparuit, et quasi conquerens dixit quod in sua domo sit injuriatus et concite sit inde migraturus, atque ad Tutelensem vicum perventurus », col. 748.
  • [49]
    Le sermon est contemporain d’un autre écrit dénonçant le comportement répréhensible des chanoines : la bulle que Léon VII adresse en janvier 938 à Hughes le Grand, alors abbé laïc de l’établissement. L’avertissement du pape y est présenté comme une réaction à la construction par les chanoines du castellum. Ici encore, la situation de Saint-Martin est analysée selon un prisme monastique. C’est ce qui fait dire à Isabelle Rosé que les deux documents, le sermon De combustione et la bulle pontificale de 938, ont probablement le même auteur : Odon.
  • [50]
    Cf. Rosé, Isabelle, Construire une société seigneuriale…, op. cit., p. 350. C’est par le biais d’Odon que la spiritualité martinienne irriguera celle de Cluny. Sur ce point, cf. Atsma, Harmut et Vezin, Jean, « Cluny et Tours au xe siècle. Aspects diplomatiques, paléographiques et hagiographiques », dans Constable, Gilles, Melville, Gert, Oberste, Jörg (dir.), Die Cluniazenser in ihrem politisch-sozialen Umfeld, Münster, 1998, p. 121-132 ; Judic, Bruno, « Le patronage martinien au xe  », loc. cit. ; Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini…, op. cit., p. 184-185.
  • [51]
    Cf. Raoul Glaber, Histoires, traduites et présentées par Mathieu Arnoux, Turnhout, Brepols, 1996. Sur Hervé de Tours, cf. Boussard, Jacques, « Le trésorier de Saint-Martin de Tours », Revue d’histoire de l’Église de France, 144 (1961), p. 67-88 ; Oury, Guy, « L’idéal monastique dans la vie canoniale. Le bienheureux Hervé de Tours (†1022) », Revue Mabillon, 207 (1962), p. 1-31.
  • [52]
    Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 168-169. La vision est également relatée dans un autre texte, le Dialogue de l’archidiacre Hugues de Tours publié par : Mabillon, Veterum Analectorum, t. 2, Paris, 1676, p. 349-376. Si les détails changent, le sens général entre les deux récits, celui de Glaber et celui de Hughes de Tours, reste identique.
  • [53]
    Sur ce point, cf. Bredero, Adriaan, « Cluny et le monachisme carolingien : continuité et discontinuité », dans Lourdaux, Willem, Verhelst, Daniel (dir.), Benedictine Culture 750-1050, Leuven, Leuven University Press, coll. « Mediaevalia Lovaniensia » Series I, Studia XI, 1983, p. 50-75.
  • [54]
    Rosé, Isabelle, Construire une société seigneuriale…, op. cit., p. 373.

1Les réformes ecclésiales menées de manière très volontariste par le pouvoir carolingien ont eu d’importantes répercussions, non seulement sur le plan religieux, mais aussi sur le plan social, économique et urbanistique. Même si la rareté des sources rend souvent difficile une évaluation précise de la portée de ces réformes, il ne fait guère de doute qu’elles ont bien souvent enclenché des processus de longue portée [1]. À Tours par exemple, le choix de la règle canoniale à la basilique de Saint-Martin au début du ixe siècle a eu un effet déterminant dans le processus de la fabrique urbaine, favorisant une densification du parcellaire urbain, ce que n’aurait pas permis le choix de la règle bénédictine [2]. Ces réformes, portées par une logique universaliste, ont dû se fondre dans un cadre à la fois géographique, mental et religieux très marqué par les pôles de sacralité que représentaient les tombeaux des saints. C’est dire si la mobilisation de la figure des saints, de leur virtus, a été un élément déterminant dans la mise en œuvre de ces réformes. C’est ce que nous voudrions montrer ici à partir de l’exemple de la ville de Tours et de ses établissements liés à la figure de saint Martin [3].

2Pour bien saisir l’enjeu de la question, il n’est pas inutile de porter un double regard, en amont et en aval de la période étudiée. En amont, les ve et vie siècles représentent une période d’intense construction d’identités. Alors que Sulpice Sévère, le principal biographe de Martin, avait surtout vu dans son héros le modèle de toute vie ascétique et était resté fort éloigné des questions proprement tourangelles, les évêques Perpet, au ve siècle, et plus encore Grégoire, à la fin du vie siècle, scellent le lien entre la mémoire de Martin, son successeur l’évêque de Tours et la ville elle-même. Grégoire, que ce soit dans Les dix livres d’histoire, plus connus sous le nom de l’Histoire des Francs, ou dans les livres Des miracles de saint Martin, porte à son aboutissement et son paroxysme ce processus de constitution d’une ville sainte, fondée sur la figure de Martin, dont la virtus est encore agissante grâce à la présence du tombeau. L’unité symbolique et topographique de la ville de Tours se présente alors comme un fait indiscutable. Elle repose sur une sorte de géographie du sacré dont le cœur est le tombeau du saint [4]. Tours représente en ce sens un exemple abouti de spatialisation du sacré, typique du haut Moyen Âge [5]. Comme le note Dominique Iogna-Prat, « Grégoire ancre son Histoire nationale des Francs dans un lieu fondateur (Tours), lui-même centré sur un pôle sacré (Saint-Martin) où s’origine une généalogie épiscopale [6] ».

3En aval de la période considérée, à l’extrême fin du xie siècle, la situation paraît tout autre. À l’ouest et à l’est de la cité épiscopale, deux grands établissements revendiquent pour eux-mêmes l’héritage martinien. À force d’exemptions, ils ont limité au maximum les prérogatives épiscopales. Il s’agit, à l’ouest, du chapitre de la collégiale de Saint-Martin, noyau d’une ville nouvelle ceinte de remparts, Châteauneuf, et à l’est, sur la rive droite de la Loire, du monastère bénédictin de Marmoutier qui perpétue, par le mode de vie des moines, l’esprit de Martin. Pour les chanoines de Saint-Martin comme pour les moines de Marmoutier, la captation de l’héritage martinien apparaît clairement comme un enjeu de pouvoir, un moyen de contrer l’autorité de l’évêque [7]. L’unité topographique et symbolique de la ville a volé en éclats.

4Entre ce terminus a quo et ce terminus ad quem, l’époque carolingienne représente incontestablement une période charnière, où la mobilisation de la mémoire martienne a représenté un enjeu de premier plan.

Réformes et figure martinienne

5Au début de l’époque carolingienne, la ville de Tours demeure une seule et même ville [8] : la basilique Saint-Martin, qualifiée de casa ou de monasterium, dans le suburbium civitatis fait partie intégrante de la ville. Certes, l’équilibre des forces en présence n’est plus tout à fait celui qui prévalait au temps de Grégoire. La basilique Saint-Martin – à l’origine une basilique de type martyrial, même si elle abritait le tombeau d’un des premiers saints non martyrs – a progressivement vu sa composante plus proprement monastique s’affirmer [9]. Cette inflexion est allée de pair avec un léger retrait de l’autorité épiscopale [10]. Au début de l’époque carolingienne, on estime que la population de Saint-Martin est composée d’environ 200 moines, soit, en ajoutant les clercs, les serviteurs directs, et tous ceux qui étaient nécessaires aux activités liées au scriptorium ou au pèlerinage martinien, au moins un millier d’habitants.

6C’est dans ce contexte qu’est amorcé, à la charnière des viiie et ixe siècles, un ample mouvement de réformes. L’imbrication entre d’importantes réorganisations ecclésiales, l’édiction de nouvelles normes par la tenue d’un concile régional et la présence de grandes figures de l’Empire fait du cas tourangeau un exemple emblématique en bien des points.

7Dès 791, Ithier, abbé de Saint-Martin, lègue dans son testament une grande part de ses biens à Saint-Paul, une cella située à Cormery, au sud de Tours, dans la vallée de l’Indre. Il souhaite y établir un monastère, placé dans le giron de Saint-Martin [11]. Quelques années plus tard, en 796, l’abbatiat de Saint-Martin est confié à un clerc de premier plan, Alcuin [12]. Sous son abbatiat, éclate un conflit, bien connu et documenté, avec Théodulfe, évêque d’Orléans [13]. La fuite d’un clerc de la ville d’Orléans, venu chercher refuge à Tours, provoque une querelle à première vue assez chicanière mettant aux prises deux des plus grands esprits de l’époque, Alcuin et Théodulfe. Assez anecdotique en apparence, le conflit soulève plusieurs questions sur l’immunité et le droit d’asile, la définition d’une communauté religieuse, la nature de l’exercice du pouvoir, la redéfinition de l’espace sacré. La querelle est d’ailleurs jugée suffisamment grave pour susciter un arbitrage de Charlemagne, qui désavoue Alcuin. Dans la lettre qu’il fait écrire, l’empereur s’en prend de manière assez virulente aux religieux de Saint-Martin. Un des principaux griefs réside dans le fait qu’ils se disent parfois chanoines, parfois moines, parfois ni l’un ni l’autre. Ils n’ont pas adopté de règle précise et il est difficile de les situer au sein de l’Église [14]. Cette situation n’a, au demeurant, rien d’exceptionnel à l’époque [15]. Suite à cette sévère réprimande, Saint-Martin opte pour le statut canonial. L’incident de Tours sert donc de catalyseur à une mise en ordre ecclésiale. Il est, pour reprendre l’expression d’Hélène Noizet, un « conflit producteur de normes » [16]. S’achève ainsi la coexistence, au sein de l’ensemble basilical, de plusieurs groupes aux modes de vie différents (clercs, moines, ascètes…).

8Deux actes privés attestent la mise en place de la règle canoniale dans la deuxième décennie du ixe siècle, précisément au moment où se tient à Tours un important concile. En effet, en 813, soit neuf ans après la mort d’Alcuin et un an avant celle de Charlemagne, cinq conciles régionaux rassemblent tous les évêques et abbés du royaume franc, à Mayence, Reims, Arles, Chalon-sur-Saône et Tours. Ces conciles préparent directement les assemblées d’Aix-la-Chapelle de 816-819. La Neustrie et l’Aquitaine se retrouvent donc à Tours au printemps 813. Ici comme ailleurs, le but du concile est clair : réformer l’Église, veiller à la rectitude de la foi et assurer la réforme des mœurs. Le concile de Tours est surtout resté fameux pour son canon 17 prescrivant de transcrire ou même de traduire les homélies destinées aux fidèles en lingua romana rustica, langue distincte du latin, considérée comme l’ancêtre du français. Mais le propos du concile est beaucoup plus large. Plusieurs canons rappellent aux évêques et aux prêtres leurs obligations. Surtout, le concile distingue très clairement trois types de communautés religieuses : les chanoines liés à l’évêque (canon 23), ceux placés sous l’autorité d’un abbé (canon 24) et les moines à qui l’on enjoint d’adopter ou de reprendre la règle de saint Benoît (canon 25) [17]. On notera que les mêmes obligations s’imposent aux chanoines placés sous l’autorité de l’évêque et à ceux placés sous l’autorité d’un abbé.

9Une première mise en ordre semble donc s’opérer. À partir de 862, le terme de canonici est utilisé pour désigner tous les membres de la communauté sanmartinienne. Les religieux de Saint-Martin qui souhaitent garder le mode de vie monastique migrent probablement à Cormery. Ce qui se passe de l’autre côté de la Loire, à Marmoutier, nous est moins connu. L’histoire du site, commencée avec saint Martin, se poursuit de façon assez mystérieuse ensuite, réapparaît au grand jour au ixe siècle pour disparaître aussitôt, jusqu’à la restauration clunisienne de saint Maïeul à la fin du xe siècle. Tandis que Saint-Martin se sécularise et adopte les usages canoniaux dès avant l’année 800, Marmoutier garde les usages monastiques, mais les abbés des deux institutions sont souvent communs [18].

10Comment ces réformes mobilisent-elles la figure de saint Martin ? Alcuin, de par sa formation et son parcours, se trouve précisément à la jonction de deux traditions martiniennes assez différentes [19]. Né à York vers 735, il a très certainement connu la figure de saint Martin avant son arrivée sur le continent. En effet, la Vita de Sulpice Sévère a très tôt été connue en Angleterre ; elle s’y est imposée comme le modèle et le point de référence de toute hagiographie. À l’heure où Bède termine la rédaction de son Histoire ecclésiastique du peuple anglais en 731, le culte de Martin, dont il parle volontiers dans son œuvre, est déjà largement implanté [20]. Alcuin est donc l’héritier d’une mémoire essentiellement littéraire, « dématérialisée » si l’on peut dire, qui voit avant tout en Martin le modèle de la vie ascétique [21]. À Tours, de 796 à sa mort en 804, le clerc anglo-saxon devient le gardien du saint tombeau. Plusieurs indices semblent montrer qu’Alcuin s’est parfaitement acquitté de cette tâche de custotos sepulchri sancti Martini, pour reprendre l’expression utilisée par l’auteur de la Vita Alcuini[22]. D’après la Vita, c’est prosterné, les bras en croix devant le tombeau de saint Martin, qu’il écarte le feu de la basilique [23]. Lorsqu’il reçoit Charlemagne et ses fils, la première visite est pour le sepulchrum sancti Martini. C’est là que le biographe situe la question de Charles à Alcuin, lui demandant lequel de ses fils il aurait pour successeur [24]. La correspondance relative au conflit avec Theodulfe met en lumière la perception qu’a Alcuin de l’espace sacré. Pour rendre compte du tumulte provoqué par les hommes de l’évêque d’Orléans venus chercher le clerc fuyard, Alcuin n’a pas recours aux catégories juridiques du droit d’asile, pourtant bien établies à son époque, mais à celles d’une géographie du sacré, marquée par les pôles de sacralité que sont, à l’intérieur de l’église, l’autel et le tombeau [25].

La stabilité de l’équilibre des pouvoirs

11Le volontarisme affiché des réformes carolingiennes ne doit pas occulter le fait que ces réformes se moulent dans un cadre idéologique, un système de représentations très traditionnel, plus attentif aux pôles de sacralité qu’à la dimension unitaire et unifiante du projet impérial. Au risque du schématisme, on peut en effet avancer que deux lignes entrent en jeu dans cette réforme. La première ligne, la plus visible, est celle affichée de structurer la société, et donc l’Église, en ordines distincts. Portée par le pouvoir, imposée par le haut, cet aspect de la réforme relève d’une logique d’universalité. Une autre ligne, moins visible mais s’inscrivant sur un arc de temps plus long, est aussi à l’œuvre à l’époque carolingienne. Il s’agit de la structuration de l’espace autour de pôles de sacralité. La prégnance de cet aspect à Tours – la ville sainte de Tours, la ville de saint Martin – a comme neutralisé le potentiel réformateur des décisions prises au début du ixe siècle, d’où l’impression d’une stabilité des équilibres et représentations.

12La distinction promue et affichée entre l’ordre canonial et l’ordre monastique est loin d’apparaître comme une évidence dans les faits. Le concile de Tours en dresse déjà le constat. Le canon 25 déplore que des monastères vivant un temps sous la règle de saint Benoît l’ont ensuite abandonnée [26] et que certains abbés de monastères vivent plus comme des chanoines que comme des moines (magis canonice quam monachice). Les oscillations du texte de la Vita beati Alcuini – texte écrit une vingtaine d’années après la mort d’Alcuin – sont également très instructives sur le caractère très mouvant des séparations et distinctions. Le prologue présente explicitement Benoît d’Aniane comme le modèle des moines, Alcuin celui des chanoines. Il s’agit d’« imiter dignement et en tout point, pour les moines Benoît, pour les chanoines Alcuin [27] ». La suite du texte n’est cependant pas si claire sur la distinction entre les deux ordines. À maintes reprises, le biographe semble vouloir revêtir Alcuin de vertus très monastiques, à tel point que pour saisir au mieux les enjeux de nombreuses anecdotes à propos de la direction spirituelle de l’abbé Alcuin, il est nécessaire de prendre la règle de saint Benoît comme grille de lecture [28].

13Autre signe d’une certaine fluidité, le monastère de Cormery reste dépendant du chapitre canonial de Saint-Martin. Sous l’abbatiat d’Alcuin, la dimension proprement monastique, et plus particulièrement bénédictine, de Cormery s’affirme assez nettement. Dans une lettre adressée en 799 à Arnon, archevêque de Salzbourg, le conseiller de Charlemagne raconte « avoir créé une communauté de vie monastique et de religion régulière à huit milles environ du monastère de Saint-Martin, d’abord avec des frères venus de Gothie où l’abbé Benoît a établi la vie régulière [29] ». Mais les actes de la première moitié du ixe siècle témoignent de la relation étroite de dépendance avec Saint-Martin, les deux établissements étant placés sous l’autorité du même abbé jusque dans les années 830. Au demeurant, le caractère exclusivement monastique de Cormery et exclusivement canonial de Saint-Martin n’a pas à être absolutisé. La fidélité à la règle bénédictine à Cormery dans les décennies suivant la mort d’Alcuin reste soumise à caution. Quant au chapitre de Saint-Martin, habituellement désigné par les termes de monasterium ou coenobium, il reste très marqué par son héritage monastique tout au long des ixe et xe siècles. Alors que certains clercs ont une vision très patrimoniale de leur charge et de leurs revenus – le népotisme semble alors monnaie courante – d’autres défendent un idéal plus monastique [30].

14Par ailleurs, les relations entre les différentes entités, l’archevêque, Saint-Martin et Marmoutier, restent marquées du sceau de la cordialité. Ainsi, nous voyons les archevêques intervenir à cinq reprises en faveur du chapitre, notamment en ce qui concerne leurs possessions ; les privilèges accordés au chapitre ne suppriment pas tout droit de regard de l’archevêque qui se réserve les jura pontificalia, c’est-à-dire la collation des ordres sacrés, tels que la bénédiction du saint-chrême et de l’autel et l’ordination des prêtres et clercs.

À l’épreuve des bouleversements politiques

15Même d’importants bouleversements politiques ne semblent pas remettre en cause de manière durable l’équilibre des pouvoirs en présence. Deux phénomènes, à l’ampleur et aux conséquences très différentes, peuvent ici être mentionnés.

16Le premier est la place grandissante prise par l’abbé laïc de Saint-Martin, au moins jusqu’au milieu du xe siècle [31]. Dès le début de l’époque carolingienne, Saint-Martin, du fait de son prestige mais aussi de sa position stratégique sur la Loire, à la limite de la Neustrie et de l’Aquitaine, est confié à des hommes très proches du pouvoir, Ithier, Alcuin, puis Fridugise. Une nouvelle étape est franchie lorsque les souverains carolingiens prennent l’habitude de confier les grandes abbayes à des comtes afin de contrôler les frontières. Saint-Martin échoit ainsi au comte de Tours : Adalard, Vivien, et enfin le lignage des Robertiens qui conserve l’abbatiat pratiquement sans interruption jusqu’à l’élection au trône d’Hugues Capet en 987. Entre les acteurs en présence, le rapport de force change, mais, dans ses grandes lignes, l’unité de la ville demeure. L’archevêque est plus en retrait. Face à lui, se dressent désormais l’autorité du comte et celle des chanoines qui profitent de leur proximité avec le pouvoir pour limiter les prérogatives épiscopales. Ainsi, en janvier 845, Charles le Chauve, en séjour à Tours, signe trois chartes en faveur de Saint-Martin. L’une d’elles limite singulièrement les prérogatives de l’archevêque sur le chapitre [32]. Le comte, qui cumule souvent les fonctions d’abbé laïc de Saint-Martin et de Marmoutier, apparaît de plus en plus comme le garant de l’unité symbolique de la ville.

17Dans un tel contexte, la figure de saint Martin constitue une arme entre les mains des chanoines pour soutenir, solliciter les faveurs ou, au contraire, rejeter la tutelle politique. L’œuvre d’Audrade (Audradus Modicus) en fournit un bon exemple. Chanoine de Saint-Martin avant de devenir chorévêque de Sens, Audrade est probablement l’auteur des poèmes de la Bible dite de Charles le Chauve (Bibliothèque nationale de France, ms. Lat. 1), Bible offerte par les chanoines de Saint-Martin au petit-fils de Charlemagne. Ces vers auraient été composés en 845, moment où les chanoines de Saint-Martin et Charles le Chauve poursuivent d’âpres négociations au sujet de la nomination du nouvel abbé, Vivien, et des immunités accordées au chapitre. Souvent critiquées pour leur piètre qualité littéraire, ces pièces versifiées ont moins retenu l’attention des commentateurs que les splendides enluminures du codex [33]. Les unes et les autres sont pourtant étroitement liées. Face à la fameuse enluminure de la remise de la Bible à Charles le Chauve (fol. 423, à la fin du volume), un poème donne le sens de la scène représentée (fol. 422vo). Il y est précisé que la Bible est offerte au roi « de la part du bienheureux Martin et des frères » (de parte beati Martini ac fratrum), les frères pouvant aussi bien désigner les chanoines de Saint-Martin que les moines de Marmoutier. La suite du poème invoque à nouveau saint Martin et ses successeurs sur le siège épiscopal de Tours, Brice et Perpet, les principaux artisans du culte martinien. Les chanoines, par leur prière, deviennent ainsi l’image vivante et les garants de l’intercession du saint en faveur du roi [34]. Quelques années après, le ton change. Audrade compose un ouvrage très politique, dont il ne nous est parvenu que des bribes, le Liber Revelationum. Le ton est grave, dramatique même par certains aspects. Dans une vision, le Christ confie les victoires militaires futures de Charles le Chauve à saint Martin [35]. Suit une violente tirade contre Vivien (perfidus et nefandus Vivianus), qui se targue de son titre d’abbé de Saint-Martin pour bafouer les droits de l’Église [36]. Son corps sera dévoré par les bêtes sauvages. Le roi ayant manqué à sa promesse de ne pas nommer un abbé laïc à Saint-Martin, les Normands arrivent par la Loire, porteurs du châtiment divin.

18Les incursions normandes justement apparaissent comme le deuxième phénomène majeur de la fin de l’époque carolingienne. Elles provoquent un choc psychologique profond, choc dont une littérature, souvent tardive, s’est fait l’écho. Mais elles ne remettent pas fondamentalement en cause la solidarité et l’unité de la ville de Tours et de ses environs, placés sous le patronage martinien [37]. Entre le milieu du ixe siècle et le début du xe siècle, trois déplacements du corps du saint sont connus. À l’automne 853, les « hommes du nord » font une première descente à Tours ; ils incendient la ville, y compris la basilique de Saint-Martin, mais les chanoines avaient mis les reliques de saint Martin dans leur dépendance de Saint-Paul de Cormery. On sait qu’en 877 le corps est en Bourgogne. D’après les annales de Saint-Bertin, la dernière incursion scandinave en val de Loire date de 903 : cette fois-ci, les chanoines trouvent refuge à l’intérieur de la cité de Tours, à l’abri des remparts gallo-romains, réparés à la fin du règne de Charles le Chauve. Les reliques restent plusieurs années dans la cité, jusque vers 915-918. En dehors de ces raids, la vie religieuse à Tours suit son cours. Marmoutier et Saint-Martin demeurent étroitement liés : au milieu du ixe siècle, les moines de la rive droite retournent à une forme de vie canoniale. Pendant près d’un siècle et demi, jusqu’à la restauration clunisienne (982), Marmoutier survit à l’ombre de Saint-Martin de Tours [38]. Cette relative stabilité a longtemps été occultée par des chroniques, assez tardives, rédigées dans les milieux monastiques et cléricaux, relatant les massacres perpétrés par les Normands. Ces récits, conjugués à d’importantes lacunes documentaires dans les décennies suivantes, ont souvent conduit à surinterpréter les bouleversements induits par les invasions normandes [39]. En val de Loire, les exils des communautés suite aux raids normands ont en général été de courte durée [40]. Le cas est assez net pour Marmoutier. Le massacre des moines en 853, relaté dans le Tractatus de reversione beati Martini a Burgundia du pseudo-Heberne, un document du xiie siècle, et non du ixe siècle comme on l’a longtemps cru, n’a probablement pas interrompu de manière durable la vie religieuse sur le site [41]. Les recherches archéologiques menées depuis 2004 par le Laboratoire Archéologie et Territoires (Unité mixte de recherche Citeres) ont conclu qu’aucune trace d’abandon n’était observable aux ixe et xe siècles [42].

L’émergence d’un nouvel esprit

19Ni le volontarisme affiché des réformes mises en œuvre par le pouvoir carolingien, ni le choc psychologique des incursions normandes ne semblent donc, dans un premier temps du moins, ébranler les fondements idéologiques de la cité sainte de Tours. Tout se passe comme si la persistance de représentations spatio-symboliques avait eu raison du vaste projet de division/unification de la société autour des trois ordines, clercs, moines, laïcs. On aurait tort néanmoins de conclure à l’échec complet des réformes carolingiennes. Plusieurs coins allaient en effet être enfoncés dans le vieil ordonnancement symbolique, révélant tout le potentiel réformateur des choix politiques et ecclésiaux du ixe siècle.

20Alors qu’au ixe siècle, la civitas et son suburbium forment encore une seule entité politique, ecclésiale et symbolique, recouvrant l’ensemble de la ville, un nouveau pôle fait brusquement irruption au début du xe siècle : le castellum de Saint-Martin achevé en 918 [43]. Cet événement, conséquence directe des incursions normandes, aura d’importantes répercussions : il constitue la première étape du dédoublement de la cité, désormais clairement éclatée entre deux pôles, l’un autour de la basilique Saint-Martin, l’autre autour de la cathédrale, le premier exerçant une force d’attraction croissante. Cette différenciation géographique s’accompagne d’une distanciation dans les rapports avec l’archevêque. Celui-ci désormais évite soigneusement de mentionner dans ses actes le suburbium du castellum sancti Martini[44]. À partir de 940, le monastère de Saint-Julien devient très clairement la préoccupation première des archevêques, qui concentrent leurs faveurs sur cette nouvelle institution bénédictine relevant pleinement de leur autorité [45].

21Cet éclatement géographique s’accompagne d’une première recomposition dans l’ordre des représentations symboliques. La toponymie fournit un premier indice d’une tentative de captation de l’héritage martinien par les diverses entités en présence. Ainsi, le nom du pôle urbain entourant la basilique n’est pas uniforme : alors que dans leurs chartes, les chanoines de Saint-Martin utilisent l’expression castellum sancti Martini, ou suburbium castelli sancti Martini, à partir de la fin du xe siècle, émerge dans la documentation diplomatique en provenance de Marmoutier l’expression de castellum novum, Châteauneuf, manière implicite de saper la légitimité de ce castrum trop novum pour revendiquer l’héritage martinien.

22Mais c’est surtout la figure d’Odon de Cluny qui reste le meilleur témoin du changement des perspectives à l’œuvre dès la première moitié du xe siècle [46]. Sa vie nous est connue par la Vita rédigée par un de ses disciples, Jean de Salerne. Né en 879 dans une famille seigneuriale de Touraine, Odon est consacré à saint Martin dès sa naissance. Après avoir servi dans sa jeunesse Foulque le Roux qui allait devenir comte d’Anjou, puis Guillaume le Pieux, duc d’Aquitaine, il devient chanoine à Saint-Martin de Tours. Il y fait plus ample connaissance avec Théotolon, lui aussi chanoine et futur archevêque de la ville. Odon se convertit ensuite à la vie proprement monastique vers 906, au moment où les chanoines construisent le castrum de Saint-Martin. Il quitte Tours pour devenir moine, d’abord à Baume, dans le Jura, puis à Cluny, dont il devient le second abbé, de 927 à sa mort en 942. C’est en tant qu’abbé de Cluny qu’il participe à la réforme de nombreux monastères. Deux pôles le retiennent particulièrement : Rome, avec Saint-Paul-hors-les-murs, et les bords de Loire, avec Fleury et Saint-Julien de Tours, où il meurt.

23Odon a laissé une œuvre martinienne importante, composée de sermons, hymnes, antiennes. Deux textes méritent qu’on s’y attarde un peu plus, le sermon sur l’incendie de Saint-Martin survenu en 903 et la Vie de Grégoire de Tours.

24Le sermon de Combustione sur l’incendie de Saint-Martin a probablement été rédigé à une époque assez tardive, à la demande de Théotolon, archevêque de Tours, vers 940-942, soit près de quarante ans après les événements relatés [47]. Le texte est touffu, bardé de références scripturaires. Même s’il est impossible d’en donner une interprétation uniforme, quelques lignes majeures s’en dégagent. Odon oscille entre l’admiration pour saint Martin – dont la virtus ne saurait être mise en défaut – et le rejet du mode de vie des chanoines. Ces derniers ont négligé leurs devoirs cultuels et moraux. Le réquisitoire, mené par un ardent promoteur du mode de vie monastique, est virulent. À la fin du sermon, Odon relate une apparition de saint Martin à Tulle : Martin y déclare qu’il veut désormais prendre soin du monastère de Tulle puisqu’à Tours on ne fait aucun effort pour sa tranquillité [48]. Le message est clair : la virtus de saint Martin n’est pas exclusivement liée à un lieu, en l’occurrence son tombeau, elle peut aussi se déployer là où il est honoré. L’insistance d’Odon sur l’universalité du culte martinien va en ce sens. La vision du moine de Cluny n’est pas sans rappeler la vision biblique d’Ézéchiel, témoin du départ de la gloire de Yahvé, quittant le temple de Jérusalem désormais souillé [49].

25La Vie de Grégoire de Tours se présente comme une compilation de la plupart des éléments autobiographiques contenus dans les œuvres de Grégoire et de quelques renseignements sur le personnage glanés chez Venance Fortunat. Le trait le plus surprenant de cette Vita est l’omniprésence de la figure de saint Martin tout au long du récit. L’hagiographe semble avoir voulu exalter la personne de saint Martin – présenté seulement dans son rôle d’évêque – à travers les actes d’un de ses disciples. Le texte peut être interprété comme un instrument de légitimation de l’archevêque Théotolon, alors fragilisé par sa rivalité avec la basilique Saint-Martin. L’affirmation appuyée du devoir épiscopal de surveillance de la chasteté des clercs dans le chapitre 13 renvoie à la dénonciation de la luxure des chanoines de Tours, tandis que l’ajout complet du chapitre 24, relatant la rencontre et l’amitié entre Grégoire de Tours et Grégoire le Grand peut s’expliquer par la volonté d’établir un précédent entre Rome et le siège métropolitain de Tours. Dans cette perspective, l’insistance d’Odon sur le lien de maître à disciple entre Martin et Grégoire valorise la fonction épiscopale tourangelle et concentre sur elle la légitimité martinienne. La revendication de cette filiation revient à retirer au chapitre de Saint-Martin le prestige qu’il tirait de sa proximité avec les reliques de Martin pour le transmettre aux archevêques.

26Ainsi, le corpus martinien d’Odon apparaît bien comme un moyen de capter la légitimité martinienne qu’Odon estimait dévoyée par la luxure des chanoines, au profit d’un pôle épiscopal et monastique, caractérisé par sa prière, sa pureté sexuelle et son lien direct avec Rome [50].

27À une époque un peu plus tardive, la vie d’un autre chanoine de Saint-Martin rappelle le parcours d’Odon. Il s’agit du bienheureux Hervé de Tours, trésorier de Saint-Martin au début du xie siècle. Sa vie nous est connue par plusieurs sources, en particulier une assez longue notice rédigée par Raoul Glaber, ce chroniqueur qui a longtemps traîné derrière lui une réputation de moine gyrovague et mythomane, mais à qui des travaux récents ont rendu justice [51]. Hervé est un parfait témoin de cette « tentation monastique » qui se fait jour dans la vie canoniale et de la captation par les moines de l’héritage martinien. Chanoine de Saint-Martin, il est formé à l’abbaye de Fleury, où il fait la connaissance du célèbre Abbon, avec qui il reste lié. Malgré son désir, il ne peut embrasser l’état monastique à Fleury et, au terme de sa formation, rejoint le chapitre de Saint-Martin, où il assume la charge de trésorier. « Bien qu’il portât l’habit blanc, comme les chanoines, il vivait et pensait en tout comme un moine » écrit Raoul Glaber, lui-même moine et peut-être enclin à dévaloriser la vie canoniale. Devenu trésorier du chapitre, Hervé se voit chargé de la reconstruction de la basilique, ravagée – une fois de plus – par un incendie à la toute fin du xe siècle. Le chantier est important, à la hauteur des ravages causés et le résultat concluant, à en juger par l’éloge de Glaber. Quelques jours avant la dédicace, Hervé demande à saint Martin de se manifester par un miracle afin de manifester sa dilection pour son église ; il se voit alors gratifié d’une vision de l’évêque qui s’adresse directement à lui : « Pour le présent, les miracles autrefois accomplis devront suffire, car voici que s’approche le temps de la moisson pour les graines semées auparavant […]. Sache aussi que j’interviens auprès du Seigneur surtout pour ceux qui dans cette église se consacrent sans trêve à son service. Certains d’entre eux, occupés plus qu’il ne convient aux affaires de ce monde, se sont même voués au service des armes, jusqu’à mourir tués au combat. Pour eux, sache-le, j’ai obtenu avec difficulté de la clémence du Christ qu’arrachés aux mains des serviteurs des ténèbres ils puissent être conduits au lieu de la béatitude et de la lumière [52]. » Le sens général de la vision reste très proche de celui de la vision d’Odon : la protection accordée par saint Martin est plus liée au respect d’un certain mode de vie qu’à l’attachement à un lieu précis.

28

29Il semblerait donc qu’à Tours les réformes initiées au début du ixe siècle n’aient produit leurs pleins effets qu’un siècle plus tard. Nous touchons ici une question de première importance : celle de la continuité, ou non, entre le monachisme carolingien et les réformes du début du xe siècle [53]. À bien des égards, le xe siècle apparaît comme une période charnière, dont l’appréciation reste discutée, selon qu’on voit en elle le crépuscule d’un long temps carolingien ou l’aurore de l’âge féodal. Il convient d’admettre que le monde dans lequel vit Odon n’est plus tout à fait celui d’Alcuin, de Charlemagne et Benoît d’Aniane. Sa pensée est dominée par une vision monastique de l’histoire du salut et elle fait rarement référence à la division de la société en ordines[54]. On aurait tort pour autant de projeter sur la première moitié du xe siècle la situation qui s’imposera à une époque plus tardive. Odon n’est en aucun cas le fer de lance d’un ordre clunisien solidement structuré ; l’expression même de réforme clunisienne est d’ailleurs totalement anachronique pour désigner les réformes qu’il entreprend. On peut donc dire que les réformes du début du ixe siècle, si elles n’ont pas immédiatement eu de répercussions sur l’équilibre des forces et les représentations symboliques qui les soutiennent, contenaient néanmoins un potentiel réformateur que des événements extérieurs allaient pleinement révéler. Il ne s’agit ici nullement d’une révolution ou d’un bouleversement mais de l’émergence de nouvelles légitimités dans la prise en compte de l’héritage martinien. D’une logique très unitive, centrée sur la garde du tombeau, seul dépositaire de la virtus martienne, on passe progressivement à une virtus plus éclatée. Parce qu’ils reproduisent dans leur propre vie l’idéal martinien, les évêques, en premier lieu l’archevêque de Tours, et les moines deviennent, dans leur propre personne, également dépositaires de cette virtus. Sans tomber dans une vision trop téléologique, on voit là les prémisses d’une nouvelle société prendre corps.


Date de mise en ligne : 12/07/2021

https://doi.org/10.4000/abpo.6805

Notes

  • [1]
    Sur la notion de réforme carolingienne, cf. Depreux, Philippe, « Ambitions et limites des réformes culturelles à l’époque carolingienne », Revue historique, 623/3 (2002), p. 721-753.
  • [2]
    Noizet, Hélène, La fabrique de la ville : espace et société à Tours, ixe-xiiie siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007.
  • [3]
    Sur la figure de saint Martin et ses différentes réappropriations, cf. Judic, Bruno, Beck, Robert, Bousquet-Labouérie, Christine, Lorans, Élisabeth (dir.), Un nouveau Martin. Essor et renouveaux de la figure de saint Martin ive-xxie siècle, Tours, Presses universitaires François Rabelais, coll. « Perspectives historiques », 2019. Il est par ailleurs à noter qu’un important programme de recherche franco-allemand, coordonné par Élisabeth Lorans et Philippe Dupreux, est consacré aux établissements martiniens de Tours : « Cœnobia Turonensia. Les communautés martiniennes de Tours, leurs pratiques et leurs réseaux de l’Antiquité tardive au xiiie siècle » (coenotur, 2019-2022). Ce programme est consacré, entre autres, aux relations institutionnelles entre Saint-Martin et Marmoutier.
  • [4]
    Cf. Pietri, Luce, « Grégoire de Tours et la géographie du sacré », dans Grégoire de Tours et l’espace gaulois. Supplément à la Revue archéologique du centre de la France 13 (1997), p. 111-114. On notera à ce sujet que les sanctuaires secondaires de Marmoutier et Candes apparaissent comme des répliques réduites du grand sanctuaire martinien. Dans ces deux lieux périphériques, qui conservent le lit de saint Martin, la disposition avec chancels et voiles imite celle du tombeau de Tours. Cf. Lesoing, Bertrand, « La transmission de la mémoire : Candes et saint Martin entre le ive et le xiie siècle », dans Judic, Bruno, Beck, Robert, Bousquet-Labouérie, Christine, Lorans, Élisabeth (dir.), Un nouveau Martin…, op. cit., p. 109-120.
  • [5]
    Cf. Lauwers, Michel, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005, p. 55-61.
  • [6]
    Iogna-Prat, Dominique, La Maison-Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge, Paris, Ed. du Seuil, 2006, p. 208.
  • [7]
    Farmer, Sharon, Communities of Saint Martin : Legend and Ritual in Medieval Tours, Ithaca, Cornell University Press, 1991.
  • [8]
    Galinié, Henri, Lorans Élisabeth, Zadora-Rio Élisabeth, « Tours et la Touraine au temps d’Alcuin : état des questions », dans Depreux, Philippe, Judic, Bruno (dir.), Alcuin de York à Tours. Écriture, pouvoir et réseaux dans l’Europe du haut Moyen Âge, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 111/3 (2004), p. 37-52.
  • [9]
    Ce n’est qu’à partir de 650-660, avec l’action réformatrice de la reine Bathilde et sous l’influence grandissante du monachisme colombanien, que la composante proprement monastique de Saint-Martin s’est nettement affirmée. Cf. Noizet, Hélène, « Les basiliques martyriales au vie et au début du viie siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 87 (2001), p. 329-335. C’est vers la même époque qu’apparaît le thème de la chape de saint Martin, conservée dans la « chapelle » royale.
  • [10]
    Un acte de l’évêque Chrodebert, confirmé entre 672 et 674 par le pape Adéoadat, accorde à l’abbé de Saint-Martin la liberté d’administration du temporel et défend à l’évêque d’intervenir dans les questions de discipline intérieure.
  • [11]
    Sur l’abbaye de Cormery, cf. Chupin, Annick, « Alcuin et Cormery », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 111/3 (2004), p. 103-112 ; Pouyet, Thomas, Cormery et son territoire : origines et transformations d’un établissement monastique dans la longue durée (viiie-xviiie siècles), Tours, Université de Tours, 2019.
  • [12]
    La source principale sur l’abbatiat d’Alcuin à Saint-Martin est la Vita beati Alcuni. Cf. Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini (ixe s.). Les inflexions d’un discours de sainteté, Turnhout, Brepols, Collection des Études Augustiniennes : Série Moyen Âge et Temps Modernes, 54, 2017. Cette Vita est un monument de piété filiale. Elle est née dans le cercle monastique des disciples les plus chers d’Alcuin. À cette source principale, il faut ajouter l’abondante correspondance entretenue par Alcuin. Sur les trois cents lettres conservées, plus de deux cents sont écrites de Saint-Martin. Cf. Epistolae Karolini Aevi Tomus II, mgh, éd. Ernest Dümmler. Une nouvelle édition de cette correspondance est actuellement en cours dans la collection « Sources chrétiennes ». Cette édition, dont seul le premier volume est paru, publie les lettres conformément à leur transmission propre, par collections médiévales. Cf. Alcuin, Lettres. Tome i, Paris, Le Cerf, coll. « Sources chrétiennes », 2018. Sur Alcuin, cf. Chelini, Jean, « Alcuin, Charlemagne et Saint-Martin de Tours », Revue d’histoire de l’Église de France, 47 (1961), p. 19-50 ; Depreux, Philippe, Judic, Bruno (dir.), Alcuin de York à Tours…, op. cit.
  • [13]
    Les lettres 245, 246 et 249 sont d’Alcuin, tandis que la lettre 247 est la réponse de Charlemagne à Alcuin. Nous suivons la numérotation des mgh. Cf. Epistolae Karolini Aevi Tomus II, op. cit., p. 393-404.
  • [14]
    Ibid., p. 400-401 : « Aliquando, enim monachos, aliquando canonicos, aliquando neutrum vos esse dicebatis […]. Vos autem, qui contemptores nostrae iussionis extitistis, sive canonici, sive monachi vocamini, ad placitum nostrum, iuxta praesens missus noster vobis indixerit, nobis vos adsistere scitote. Et, quamvis ad missa hic factae seditionis vos excuset epistola, venite et condigna satisfactione inustum crimen eluite. »
  • [15]
    Cf. Semmler, Josef, « Le monachisme occidental du viiie au xe siècle : formation et réformation », Revue bénédictine, 103 (1993), p. 68-89, spécialement p. 74-75.
  • [16]
    Noizet, Hélène, « Alcuin contre Théodulphe : un conflit producteur de normes », dans Depreux, Philippe, Judic, Bruno (dir.), Alcuin de York à Tours…, op. cit., p. 113-129.
  • [17]
    Concilia Aevi Karolini (742-842), MGH, éd. Albertus Werminghoff, 1908, p. 286-293 : canon 23 : « Canonici clerici civitatum qui in episcopiis conversantur » ; canon 24 : « Simili modo et abbates monasteriorum in quibus canonica vita antiquitus fuit vel nunc videtur esse, sollicite suis praevideant canonicis. » On pourra noter que seuls les conciles de Tours et de Mayence abordent clairement la question de l’organisation des chapitres cathédraux.
  • [18]
    Cette question de l’abbatiat commun entre les deux institutions est actuellement traitée par le programme coenotur.
  • [19]
    Pour une présentation du culte de saint Martin à l’époque carolingienne, cf. Ewig, Eugen, « Le culte de saint Martin à l’époque franque », Revue d’histoire de l’Église de France 47 (1961), p. 1-18 ; Judic, Bruno, « Le pèlerinage à Saint-Martin de Tours du viie au xe siècle », dans Chelini, Jean (dir.), Les pèlerinages dans le monde à travers le temps et l’espace, Paris, Picard, 2008, p. 55-72.
  • [20]
    Mullins, Juliet, « La place de saint Martin dans le monachisme anglo-saxon », dans Les abbayes martiniennes. Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 119/3 (2012), p. 55-70. Sur l’influence de Sulpice Sévère sur les écrits d’Alcuin, cf. Veyrard-Cosme, Christiane, L’œuvre hagiographique en prose d’Alcuin : Vitae Willibrordi, Vedasti, Richarii, Florence, Sismel éditions, 2003, p. 384-389.
  • [21]
    Cf. Labarre, Sylvie, « La postérité littéraire de Sulpice Sévère dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge », Vita Latina 172 (2005), p. 83-94. Les œuvres proprement martiniennes d’Alcuin, en particulier sa Vie de saint Martin et le sermon De transiti sancti Martini portent incontestablement la marque de Sulpice Sévère.
  • [22]
    Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini (ixe s.)…, op. cit., p. 288.
  • [23]
    Ibid., p. 288-295.
  • [24]
    Ibid., § 15, p. 281-285. On pourrait aussi citer les appels d’Alcuin adressés à ses nombreux correspondants à venir en pèlerinage à Saint-Martin ad patrocinia Sancti Martini venire (lettre 184), orationis gratia sancti Martini reliquias visitare (lettre 223), utrum ad sanctum Martinum protectorem nostrum et intercessorem vestrum vestra bonitas in revertendo [de Rome] venire cogitet (lettre 230), ut venias ad limina Sancti Martini (lettre 242). Cf. Epistolae Karolini Aevi Tomus II…, op. cit., p. 309, 366, 375, 388.
  • [25]
    Ainsi, les deux termes clés de septa et d’atrium qui servaient le plus souvent à désigner la zone couverte par le droit d’asile à l’époque médiévale ne sont pratiquement pas utilisés par Alcuin. En revanche, la lettre 245 mentionne l’espace sacré de l’autel : intra cancellos altaris, ante faciem altaris, et la lettre 246 celui de l’autel et du tombeau : ante sepuchrum santi Confessoris Christi, intra cancellos altaris, ante faciem altaris, inter altare et sepulchrum sanctissimi confessoris Christi. Cf. Noizet, Hélène, « Alcuin contre Théodulphe : un conflit producteur de normes », loc. cit.
  • [26]
    Canon 25: « Monasteria monachorum, in quibus olim regula beati Benedicti patris conservabatur, sed nunc forte qualicumque neglegentia subrepente remissius ac dissolutius custoditur vel certes penitus abolita neglegitur, bonum videtur ut ad pristinum revertantur statum. », MGH, p. 290.
  • [27]
    Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini (ixe s.)…, op. cit., p. 209.
  • [28]
    Cf. ibid., p. 83s.
  • [29]
    Alcuin, lettre 184 : « Noviter congregationem quandam feci, quasi octavo miliario a monasterio sancti Martini, monachicae vitae et regularis eligionis ; primo ex fratribus de Gothia, ubi Benedictus abba regularem constituit vitam. » Cet événement est également rapporté par la Vita de Benoît d’Aniane, rédigée par son disciple Ardon, qui mentionne Cormery parmi les douze monastères où l’abbé envoya des moines réformés. Cf. Vita Benedicti abbatis Anianensis, mgh, p. 219.
  • [30]
    Cf. Noizet, Hélène, La fabrique de la ville…, op. cit., p. 81-84.
  • [31]
    Longtemps critiqué dans l’historiographie, le bilan de l’abbatiat laïc tend aujourd’hui à être évalué de manière plus positive. Cf. Felten, Franz Josef, Äbte und Laienäbte im Frankreich. Studie zum Verhältnis von Staat und Kirche im früheren Mittelalter, Stuttgart, 1980 ; Helvétius, Anne-Marie, « L’abbatiat laïque comme relais du pouvoir royal aux frontières du royaume : le cas du nord de la Neustrie au ixe siècle », dans Le Jan, Régine, La royauté et les élites dans l’Europe carolingienne (début ixe siècle aux environs de 920), Villeneuve d’Ascq, Centre de recherche sur l’histoire de l’Europe du Nord-Ouest, 1998, p. 285-299.
  • [32]
    Charles le Chauve, charte 61, Recueil des actes de Charles le Chauve, éd. Tessier, vol. 1, p. 174-177.
  • [33]
    L’auteur de la notice consacrée aux manuscrits de Charles le Chauve dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie parle ainsi des « vers détestables qui composent les dédicaces de notre Bible ». Cf. Leclercq, Henri, « Charles le Chauve (manuscrits de) », dans Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, Letouzey, 1912, fasc. XXVI, col. 833.
  • [34]
    Nous reprenons ici les analyses et conclusions de Paul Edward Dutton et Herbert L. Kessler, dont les travaux ont permis de mettre en lumière l’importance des poèmes insérés dans la Bible. Selon eux, la Bible a été composée juste avant l’accès de Vivien à l’abbatiat de Saint-Martin. Cf. en particulier, Dutton, Paul Edward et Kessler, Herbert L., The Poetry and Paintings of the First Bible of Charles the Bald, Ann Arbor. The University of Michigan Press, 1997.
  • [35]
    Audradus, Excerpta Libri Revelationum, PL 115, col. 25-26 : « Et ob hoc quod mihi in hunc modum servieritis, do tibi, Carole, ut Hispanias, duce beato Martino principe, liberes ab infidelibus. »
  • [36]
    Ibid., col. 26 : « Ibique morietur perfidus et nefandus Vivianus, qui non extimuit conculcare nobilitatem Ecclesiarum mearum, abbatem se glorians monasterii beati Martini et caetorum. »
  • [37]
    Cf. Gasnault, Pierre, « Le tombeau de saint Martin et les invasions normandes dans l’histoire et dans la légende », Revue de l’histoire de l’Église de France 47 (1961), p. 50-66 ; Noizet, Hélène, « Les chanoines de Saint-Martin de Tours et les Vikings », dans Les fondations scandinaves en occident et les débuts du duché de Normandie, Caen, Publications du crahm, 2005, p. 53-66.
  • [38]
    Cette période encore très mal connue est au programme du projet coenotur. Parmi les rares publications sur le sujet, on peut signaler l’article déjà daté : Oury, Guy Marie, « À Marmoutier-lès-Tours, de la règle martinienne à la règle bénédictine », Mémoires de la Société archéologique de Touraine, 62 (1997), p. 41-58.
  • [39]
    Cf. à propos de l’abbaye Saint-Sauveur de Redon : Mazel, Florian, « Entre mémoire carolingienne et réforme grégorienne. Stratégies discursives, identité monastique et enjeux de pouvoir à Redon aux xie et xiie siècles », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 122/1 (2015), p. 9-38.
  • [40]
    Cf. Cartron-Kawe, Isabelle, Les pérégrinations de Saint-Philibert. Genèse d’un réseau monastique dans la société carolingienne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 367.
  • [41]
    Gasnault, Pierre, « La narratione in reversione beati Martini a Burgundia du pseudo-Eudes de Cluny », Studia Anselmiana, 46 (1961), p. 159-174.
  • [42]
    Lorans, Élisabeth, Creissen, Thomas (dir.), Marmoutier. Un grand monastère ligérien (Antiquité – xixsiècle), Orléans, Direction régionale des affaires culturelles, 2014, p. 13.
  • [43]
    Cf. Lorans, Élisabeth, Marot, Émeline, « Du tombeau au bourg monastique », dans Join-Lambert, Sophie, Martin de Tours, le rayonnement de la cité. Catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours, du 8 octobre 2016 au 8 janvier 2017, Milan, Silvana Editoriale, 2016, p. 197-203.
  • [44]
    Cf. Galinié, Henri, « La notion de territoire à Tours aux ixe et xe siècles », Recherches sur Tours 1 (1981), p. 73-84.
  • [45]
    Cf. Noizet, Hélène, La fabrique de la ville…, op. cit.
  • [46]
    Sur la vie et la spiritualité martinienne d’Odon de Cluny, cf. Rosenwein, Barbara, « St Odo’s St Martin : the uses of a model », Journal of Medieval History, 4 (1978), p. 317-331 ; Judic, Bruno, « Le patronage martinien au xe siècle », dans Les abbayes martiniennes…, op. cit, p. 89-105 ; Rosé, Isabelle, Construire une société seigneuriale : itinéraire et ecclésiologie de l’abbé Odon de Cluny, Turnhout, Brepols, 2008.
  • [47]
    PL 133, col. 729-749. Sur l’attribution de ce sermon à Odon de Cluny, qui ne fait plus de doute aujourd’hui, voir Farmer, Sharon, Communities of Saint Martin…, op.  cit., p. 313-315 ; Noizet, Hélène, La fabrique de la ville…, op. cit., p. 112-113.
  • [48]
    « Sanctus quoque Martinus cuidam pauperculo per visum apparuit, et quasi conquerens dixit quod in sua domo sit injuriatus et concite sit inde migraturus, atque ad Tutelensem vicum perventurus », col. 748.
  • [49]
    Le sermon est contemporain d’un autre écrit dénonçant le comportement répréhensible des chanoines : la bulle que Léon VII adresse en janvier 938 à Hughes le Grand, alors abbé laïc de l’établissement. L’avertissement du pape y est présenté comme une réaction à la construction par les chanoines du castellum. Ici encore, la situation de Saint-Martin est analysée selon un prisme monastique. C’est ce qui fait dire à Isabelle Rosé que les deux documents, le sermon De combustione et la bulle pontificale de 938, ont probablement le même auteur : Odon.
  • [50]
    Cf. Rosé, Isabelle, Construire une société seigneuriale…, op. cit., p. 350. C’est par le biais d’Odon que la spiritualité martinienne irriguera celle de Cluny. Sur ce point, cf. Atsma, Harmut et Vezin, Jean, « Cluny et Tours au xe siècle. Aspects diplomatiques, paléographiques et hagiographiques », dans Constable, Gilles, Melville, Gert, Oberste, Jörg (dir.), Die Cluniazenser in ihrem politisch-sozialen Umfeld, Münster, 1998, p. 121-132 ; Judic, Bruno, « Le patronage martinien au xe  », loc. cit. ; Veyrard-Cosme, Christiane, La Vita beati Alcuini…, op. cit., p. 184-185.
  • [51]
    Cf. Raoul Glaber, Histoires, traduites et présentées par Mathieu Arnoux, Turnhout, Brepols, 1996. Sur Hervé de Tours, cf. Boussard, Jacques, « Le trésorier de Saint-Martin de Tours », Revue d’histoire de l’Église de France, 144 (1961), p. 67-88 ; Oury, Guy, « L’idéal monastique dans la vie canoniale. Le bienheureux Hervé de Tours (†1022) », Revue Mabillon, 207 (1962), p. 1-31.
  • [52]
    Raoul Glaber, Histoires, op. cit., p. 168-169. La vision est également relatée dans un autre texte, le Dialogue de l’archidiacre Hugues de Tours publié par : Mabillon, Veterum Analectorum, t. 2, Paris, 1676, p. 349-376. Si les détails changent, le sens général entre les deux récits, celui de Glaber et celui de Hughes de Tours, reste identique.
  • [53]
    Sur ce point, cf. Bredero, Adriaan, « Cluny et le monachisme carolingien : continuité et discontinuité », dans Lourdaux, Willem, Verhelst, Daniel (dir.), Benedictine Culture 750-1050, Leuven, Leuven University Press, coll. « Mediaevalia Lovaniensia » Series I, Studia XI, 1983, p. 50-75.
  • [54]
    Rosé, Isabelle, Construire une société seigneuriale…, op. cit., p. 373.

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