Couverture de ABPO_1281

Article de revue

Une recette de « beau vert » à base de vert-de-gris pour peindre les cartes marines (milieu du XVIe siècle)

Pages 7 à 27

Notes

  • [1]
    Mollat, Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, Paris, Librairie Plon, 1952, p. 256. Dolby, David, « “Le langaige de Guynee”. A Sixteenth Century vocabulary from the pepper coast », African Langage Studies, 1964, p. 174-191. Dolby, David et Hair, P. E. H., « “Le langaige du Bresil”: a Tupi Vocabulary of 1540’s », Transactions of Philological Society, 1966, p. 42-66.
  • [2]
    Paris, Bibliothèque nationale de France (désormais BnF), Anglais 51. Cet atlas de 22 feuillets papier (32,5 x 20 cm) rassemble des dessins coloriés (relevés de secteurs côtiers et profils de côte) des Antilles et de la terre ferme, accompagnés d’instructions nautiques, réalisés pendant l’expédition de Francis Drake en Amérique centrale (1595-1596), au cours de laquelle celui-ci mourut en janvier 1596.
  • [3]
    Dainville, François de, Le langage des géographes. Termes, signes, couleurs des cartes anciennes 1500-1800, Paris, A. et J. Picard, 1964. Pelletier, Monique (dir.), Couleurs de la Terre. Des mappemondes médiévales aux images satellitaires, Paris, Éditions de la BnF, 1998. Lecoq, Danielle, « De la couleur avant toute chose… », Bulletin de la Société française de cartographie, no 159, 1999, p. 7-25. Hofmann, Catherine, « Comment on fabrique un portulan et comment on s’en sert ? (xiiie-xviiiie siècles) », La Géographie. Terre des hommes. Les cartes marines à la BnF (Bibliothèque nationale de France), no 1547, 2012, p. 11-19.
  • [4]
    Bochaca, Michel et Moal, Laurence (dir.), Le Grand Routier de Pierre Garcie dit Ferrande. Instructions pour naviguer sur les mers du Ponant à la fin du Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, p. 37-42.
  • [5]
    Pour la définition de « masticot » et « Inde/Unde », voir ci-dessous : Ingrédients et élaboration de la recette au milieu du xvie siècle.
  • [6]
    Pastoureau, Michel, Jésus chez le teinturier : couleurs et teintures dans l’Occident médiéval, Paris, Le Léopard d’Or, 1997. Id., Vert, histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2013.
  • [7]
    BnF, Cartes et plans, GE B-1118 (RES).
  • [8]
    Ibid., GE DD-687 (RES). Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 179. Astengo, Corradino, « The Renaissance Chart Tradition in the Mediterranean », dans Woodward, David (éd.), The History of Cartography, Chicago, The University of Chicago Press, 2007, vol. 3, Cartography in The European Renaissance, 1re partie, chap. 7, p. 174-262 (188). L’auteur indique que « les analyses montrent que le vert était produit en utilisant le vert-de-gris », sans toutefois fournir de références bibliographiques précises ni citer des exemples de cartes.
  • [9]
    BnF, Cartes et plans, GE B-696 (RES).
  • [10]
    Ibid., GE B-1131 (RES).
  • [11]
    Ibid., GE D-7900 (RES).
  • [12]
    Absence de soulignement de la côte chez Virga (1409, Ibid., GE D-7900 [RES]) ; Viladeste (1413, Ibid., GE AA-566 [RES]) et Ziroldi (1422, Ibid. C-5088 [RES]).
  • [13]
    Piero Roselli, qui ne souligne pas la côte en 1462 (Ibid., GE C-5090 [RES]), utilise du brun en 1466 (Ibid., GE C-5096 [RES]). Il applique un trait vert à la Sicile et à Chypre sur la première et seulement à la Sicile sur la seconde.
  • [14]
    Ibid, GE DD-2778 (RES), 1466, rehaussement en brun du trait des côtes continentales et en vert de celui des côtes de certaines îles (Irlande, Ouessant, partie des Sorlingues et des îles de Flandre et de Zélande), coloriage en vert de Fuertaventura (Canaries).
  • [15]
    Carte marine officielle établie par les cartographes de la Casa de contratación de las Indias (Séville) et ceux de la Casa de Índia (Lisbonne), dont les pilotes de la carrera de Indias devaient obligatoirement utiliser une copie officielle à bord des navires sur lesquels ils embarquaient. Cette carte était régulièrement mise à jour à partir des rapports et des journaux de bord des pilotes, dont on peut penser que certains incluaient des relevés de côtes.
  • [16]
    Madrid, Museo Naval.
  • [17]
    Du nom d’Alberto Cantino, représentant du duc de Ferrare qui le fit sortir du Portugal. Aujourd’hui conservé à la Biblioteca Estense de Modène.
  • [18]
    BnF, Cartes et plans, GE SH ARCH-1. Nicolo de Caneiro ou de Caveiro, cartographe génois établi au Portugal.
  • [19]
    Ibid., GE D-26179 (RES). L’atlas porte le nom de son ancien possesseur.
  • [20]
    Londres, British Library, Royal 20 E IX. John Rotz illustre les pratiques cartographiques en usage des deux côtés de la Manche et les échanges qui ont pu se produire. Né à Dieppe, d’ascendance écossaise par son père, il navigua sur les navires de l’armateur dieppois Jean Ango dans les années 1530. Passé au service d’Henri VIII en 1542, avec la charge d’hydrographe, il rédigea le Boke of Idrography et un Traicté de difference de compas aymanté. De retour en France au début des années 1550, on perd sa trace en 1560. L’atlas que John Rotz dédia à Henri VIII en 1542, sous le titre Boke of Idrography, compte onze cartes en double page, richement décorées. Sur celle de l’Atlantique nord (fo 21 vo-22) les contours des terres sont rehaussés par un liseré vert. Le même vert sert pour les arbres représentés au Labrador et au nord de l’Afrique, et pour les plantes ornant les marges.
  • [21]
    On note une certaine résistance de la part des cartographes italiens. En 1516, Petrus Russus, de Gênes, limite l’emploi du vert aux demi-rins de vents, aux assises des représentations symboliques des villes, à certaines montagnes (Atlas) et aux contours de la Sicile, de Chypre et de l’Angleterre (Ibid., GE B-1425 [RES]). En 1524, Girolamo Verrazano emploie du brun, secondairement du bleu, pour marquer les côtes sur son planisphère [Ibid., GE C-5100 (RES)]. En 1543, Battista Agnese, Gênois travaillant à Venise, souligne principalement les côtes en bleu dans son atlas. Il utilise avec parcimonie plusieurs types de vert, dont un pour les demi-rins de vents et le coloriage de certaines îles et d’éléments décoratifs, et un autre pour le pourtour d’autres îles. La représentation symbolique de la forêt amazonienne combine les différents verts en jouant sur les dégradés (Ibid., GE FF-14410 [RES]). Les principes de base du dessin et du coloriage des arbres théorisées au début du xixe siècle par Dupain de Montesson (La Science de l’arpentage augmentée du spectacle de la campagne, Paris, Goeury, an XI [1813]) sont déjà posés. Voir Antoine, Annie, Le paysage de l’historien. Archéologie des bocages de l’Ouest de la France à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires des Rennes, 2002, chap. 4.
  • [22]
    Pastoureau, Michel, « Une couleur en mutation : le vert à la fin du Moyen Âge », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 151e année, no 2, 2007, p. 705-731 (726-729).
  • [23]
    Conscient que le royaume manquait de cartographes expérimentés, François Ier chercha à s’attacher les services du Portugais João Pacheco, en 1539.
  • [24]
    Vagnon, Emmanuelle, « Décrire et illustrer les ports de la Méditerranée et de l’Atlantique (début du xvie siècle) », dans Pour une histoire de l’espace au Moyen Âge : textes et cartes, cehtl, no 7, 2014, p. 59-91.
  • [25]
    BnF, Français 676. La Cosmographie avec l’espère et régime du soleil du nord par Jean Fonteneau dit Alfonse de Saintonge, capitaine-pilote de François Ier, éd. Musset, Georges, Paris, E. Leroux, 1904.
  • [26]
    San Marino, Huntington Library, HM 46, planisphère hors texte et cartes des courants de marées sur les côtes européennes (fos 5 à 7).
  • [27]
    BnF, Français 25374, une carte hors texte représentant la façade atlantique de l’Europe et deux cartes dans le texte indiquant l’orientation des courants de marées du golfe de Gascogne (fo 25 vo) ainsi que dans la Manche et la mer du Nord (fo 26).
  • [28]
    En général, les cartographes commençaient les cartes marines en disposant un semis régulier de roses des vents, à partir desquelles ils traçaient les rins de vents. Ces lignes se recoupaient entre elles formant une trame qui aidait ensuite pour tracer les côtes. Appliqué aux cartes marines, le mot « régler » employé dans la recette pourrait évoquer ce travail préparatoire.
  • [29]
    Le bleu caractérise les huit vents principaux (N, NE, E, SE, S, SO, O, NO) et le rouge les seize quarts de vents (N ¼ NE, NE ¼ N, NE ¼ E, E ¼ NE, E ¼ SE, SE ¼ E, SE ¼ S, S ¼ SE, S ¼ SO, SO ¼ S, SO ¼ O, O ¼ SO, O ¼ NO, NO ¼ O, NO ¼ N, N ¼ NO).
  • [30]
    France, Fanella G., Wilson, Meghan A. et Ghez, Anita, « Spectral Imaging of Portolan Charts », International Cartographic Association, 1, 2017, 7 p. [URL : https://doi.org/10.5194/ica-proc-1-38-2017 ; consulté le 03-11-2020]. C’est le cas des îles Ioniennes de Corfou et d’Ithaque sur l’extrait de la carte marine utilisé pour la figure 1 (p. 3). La nature du vert foncé utilisé en aplat n’est pas précisée dans l’étude.
  • [31]
    Mollat, Michel, Le commerce maritime normand…, op. cit., p. 327.
  • [32]
    Vermeylen, Filip, « The Colour of the Money : Dealing in Pigments in Sixteenth-Century Antwerp », dans Cannon, Joanna, Kirby, Jo et Nash, Susie (éd.), Trade in Artist’s Materials : Markets and Commerce in Europe to 1700, Londres, Archetype Publications, 2010, p. 356-365. L’auteur indique que du vert-de-gris était importé de Montpellier (p. 360-361).
  • [33]
    Mollat, Michel, Le commerce maritime normand…, op. cit., p. 256, 265 et 353.
  • [34]
    Anthiaume, Albert, Cartes marines, construction navale, voyages de découverte chez les Normands, 1500-1650, Paris, Ernest Dumont, 1916, 2 vol. Toulouse, Sarah, L’art de naviguer : hydrographie et cartographie marine en Normandie, 1500-1650, thèse inédite de l’École des Chartes, Paris, 1994, 5 vol.
  • [35]
    BnF, SHD, D.1.Z14. Cosmographie universelle de Guillaume Le Testu selon les navigateurs tant anciens que modernes, éd. Lestringant, Frank, Paris, Arthaud, 2012.
  • [36]
    BnF, Cartes et plans, GE D-7895 (RES). Sur la technique de coloriage à la plume et au pinceau au xviiie siècle, voir : Antoine, Annie, Le paysage de l’historien…, op. cit., chap. 4, en particulier les développements appuyés sur le traité de Buchotte (Les Règles de dessins et de lavis, Paris, Ch.-A. Jombert, 1743).
  • [37]
    BnF, Français 150. Au bas du folio 7, Jacques Devaulx explique à l’aide d’un dessin comment, à partir d’une rose des vents centrale « l’on doibt tirer et tracer les rumdz, demis rumdz et cartz de rumdz des ventz en lignes droictes pour servir de guide et demonstrance comme les terres gissent l’un de l’aultre sur les cartes marignes ». Les lignes tracées à partir des rins de vents principaux sont en noir, celles des demi-rins en vert et celles des quarts de vents en rouge.
  • [38]
    BnF, Français 19112, fo 90. Un article de Catherine Hofmann (« Comment on fabrique un portulan et comment on s’en sert ? [xiiie-xviiiie siècles] », La Géographie. Terre des hommes. Les cartes marines à la BnF (Bibliothèque nationale de France), no 1547, 2012, p. 11-19 [12-13]), nous a mis sur la piste de cette référence, qui n’était cependant ni complète du point de vue de la transcription ni totalement référencée (folio non cité).
  • [39]
    Traité de la peinture de Léonard de Vinci, éd. par Gault de Saint-Germain, P. M., Paris, Chez Perlet, 1803, p. 138, chap. « La couleur verte qui se fait de rouille de cuivre ».
  • [40]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper resinate », dans Ashok, Roy (éd.), Artist’s Pigments. A Handbook of their History and Characteristics, Washington, National Gallery of Art-Londres, Archetype Publications, 1993, vol. 2, chap. 6, Verdigris and Copper Resinate, p. 131-158 (131-148). Eastaugh, Nicholas et al., The Pigment Compendium. A dictionary of historical pigments, Burlington, Elsevier, 2004, « Verdigris », p. 385-386.
  • [41]
    Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Diderot, Denis et Le Rond d’Alembert, Jean (dir.), Paris, 1751, t. 17, art. « Verd ». « Verd d’iris, (Arts.) espèce d’extrait qu’on tire de l’iris à fleurs bleues, iris vulgaris violacea hortensis & sylvestris, & qui sert à peindre en miniature ; cette couleur tendre peut se faire de la manière suivante. Cueillez de grand matin avant le lever du soleil des plus belles fleurs d’iris, séparez-en la partie extérieure qui est verte & satinée, & ne vous servez que de cette partie. Pilez-la dans un mortier de verre, versez ensuite par-dessus quelques cuillerées d’eau dans laquelle vous aurez fait fondre un peu d’alun & de gomme ; broyez bien le tout ensemble, jusqu’à ce que votre eau ait la couleur & la consistance nécessaire ; ensuite passez ce jus dans un linge fort, mettez-le dans des coquilles, & laissez-le sécher à l’ombre ».
  • [42]
    Ibid., t. 17, art. « Verd ». « Verd de vessie, (Arts.) pâte dure qu’on prépare avec le fruit de nerprun. Pour faire cette pâte, on écrase les baies du nerprun quand elles sont noires & bien mûres ; on les presse, & l’on en tire le suc qui est visqueux & noir ; on le met ensuite évaporer à petit feu sans l’avoir fait dépurer, & l’on y ajoute un peu d’alun de roche dissout dans de l’eau, pour rendre la matière plus haute en couleur & plus belle ; on continue un petit feu sous cette liqueur, jusqu’à ce qu’elle ait pris une consistance de miel ; on la met alors dans des vessies de cochon ou de bœuf qu’on suspend à la cheminée, ou dans un autre lieu chaud, & on l’y laisse durcir pour la garder ; les Teinturiers & les Peintres s’en servent. On doit choisir le verd de vessie dur, compact, pesant, de couleur verte, brune ou noire, luisant extérieurement ; mais qui étant écrasé ou pulvérisé, devienne tout à fait verd, & d’un goût douçâtre ».
  • [43]
    Le vert-de-gris se différencie en cela de la malachite, un carbonate de cuivre qui se rencontre à l’état naturel et dont on tire un pigment minéral connu sous l’appellation de vert de montagne (Pigment Compendium…, op. cit., p. 248-249).
  • [44]
    Pour un aperçu sur la production de vert-de-gris en Europe du Moyen Âge au xviiie siècle, voir : Van Eikema Hommes, Margriet, Changing Pictures. Discoloration in 15th-17th-Century Oil Paintings, Londres, Archetype Publications, 2004, chap. 3, Verdigris Glazes in Historical Oil Paintings: Recipes and Techniques.
  • [45]
    Cholvy, Gérard (dir.), Histoire de Montpellier, Toulouse, Privat, 1989, p. 130-131.
  • [46]
    Il existe une autre famille : le vert-de-gris neutre, dit aussi cristallisé ou distillé.
  • [47]
    Panier, Joseph, Peinture et fabrication des couleurs, Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1856, p. 102.
  • [48]
    Encyclopédie…, op. cit., t. 17, art. « Teinturier ».
  • [49]
    L’art d’enluminure. Traité du xive siècle, traduit du latin avec des notes tirées d’autres ouvrages anciens, éd. Dimier, Louis, Paris, Louis Rouart et fils, 1927, p. 108, « L’Inde (indigo) se broie avec de l’eau claire, et vous la gommez lorsqu’elle est prête. Il faut la broyer jusqu’à ce qu’elle ne se fasse plus entendre sous la molette ».
  • [50]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper… », art. cité, p. 132-133 et 135-136.
  • [51]
    L’utilisation du « vin aigre » ne semble pas ici destinée au raffinage du vert-de-gris préalablement à son emploi, en le faisant dissoudre dans un acide avant de le laisser se recristalliser par évaporation. Pigment Compendium..., op. cit., p. 385.
  • [52]
    Les autres liants possibles étaient l’huile de lin, employée en peinture, et le blanc d’œuf pour la peinture et la miniature.
  • [53]
    Clarke, Mark, The Art of All Colours: Mediaeval Recipe Books for Painters and Illuminators, Londres, Archetype Publications, 2001.
  • [54]
    The Book of the Art of Cennino Cennini. A Contemporary Practical Treatise on Quattrocento Painting, éd. Herringham, Christiana J., Londres, George Allen & Unwin Ltd, 2e éd., 1922, p. 40-41.
  • [55]
    Boutet, Claude, École de la miniature ou l’art d’apprendre à peindre sans maître, Paris, Bachelier, 1817, p. 246, « L’adjectif gai parfois accolé au vert qualifie une couleur vive, brillante, légère ».
  • [56]
    Kirby, Jo, « The price of the quality: factors influencing the cost of pigments during the Renaissance », dans Neher, Gabriele et Shepherd, Rupert (dir.), Revaluing Renaissance Art, Londres, Routledge, 2017, p. 19-42 (38).
  • [57]
    Pastoureau, Michel, Jésus chez le teinturier…, op. cit., p. 59. Voir aussi du même auteur : Bleu, histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2006, chap. « Le tabou des mélanges et le mordançage » ; Vert, histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2013.
  • [58]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper… », art. cité, p. 133. Sur les quatre types d’acétates de cuivre seuls sont verts ceux dont la formule chimique est Cu(CH3COO)2.[Cu(OH)2]3.2H2O. Les trois autres types sont bleus.
  • [59]
    Ibid., p. 134-136. Des photos donnent une idée de la couleur bleue du vert-de-gris basique à l’état brut ainsi que du changement de teinte du vert-de-gris basique employé tel quel et du vert-de-gris neutre (transformé en acétates de cuivre au contact d’un acide acétique), respectivement mélangés avec de l’huile de lin, du blanc d’œuf ou de la gomme arabique. Le ton bleu-vert obtenu le premier jour tourne au vert un mois plus tard, avec des nuances marquées selon le type de vert-de-gris et l’agglutinant employé. Une version ancienne de cette étude est accessible en ligne : Kühn, Hermann, « Verdigris and copper resinate », Studies in Conservation, vol. 15 (1), 1970, p. 12-36 (photos p. 14 et 15) [URL : https://www.jstor.org/stable/1505549].
  • [60]
    Pastoureau, Michel, « Une couleur en mutation : le vert… », art. cité, p. 709.
  • [61]
    Spring, Marika, « New insights into materials of fifteenth and sixteenth century Netherlandish paintings in the National Gallery, London », Heritage Science, no 40 (5), 2017, p. 1-20 (15 et 17).
  • [62]
    Traité de la peinture de Léonard…, op. cit., p. 138-139.
  • [63]
    Ibid., p. 141-142.
  • [64]
    Ibid., p. 142.
  • [65]
    Le safran est régulièrement mentionné pour la préparation du jaune. L’art d’enluminure…, op. cit., p. 32, « Le jaune est une terre jaune ou orpin, ou autrement de l’or fin, ou du safran » ; p. 44, « Le jaune artificiel se fait en plusieurs sortes. […] Un troisième moyen est de teindre la céruse en jaune au moyen de safran. Si dans cette opération la couleur devient trop pâle, il ne faudra que charger en safran, si elle est trop forte, en céruse ».
  • [66]
    Barkeshli, Mandana, « pH Stability of Saffron Used in Verdigris as an Inhibitor in Persian Miniature Painting », Restaurator, no 23 (3), 2002, p. 154-164.
  • [67]
    The Book of the Art of Cennino Cennini…, op. cit., p. 44.
  • [68]
    Traité de la peinture de Léonard…, op. cit., p. 138-139.
  • [69]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper », art. cité, p. 135-136.
  • [70]
    Banik, Gerhard, « Discoloration of Green Copper Pigments in Manuscripts and Works of Graphic Art », Restaurator, no 10 (2), 1989, p. 61-73. Id., « Green copper Pigments and their alteration in manuscripts or works of graphic art », dans Pigments et colorants de l’Antiquité et du Moyen Âge : Teinture, peinture, enluminure, études historiques et physico-chimiques, Paris, Éditions du cnrs, 2002, p. 75-86. Carlson, Lage, « An Interim Treatment for Paper Degraded by Verdigris », Book and Paper Annual, no 16, 1997, p. 1-8. Ricciardi, Paola et al., « “It’s not easy been green”: a spectroscopic study of green pigments used in illuminated manuscripts », Analytical Methods, no 5, 2013, p. 3819-3824. Brostoff, Lynn B. et Ryan, Cynthia Connelly, « Tracing the Alteration of Verdigris Pigment through Combined Raman Spectroscopy and X-ray Diffraction, Part I », Restaurator, no 41 (1), 2020, p. 3-20.
  • [71]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper », art. cité, p. 133.
  • [72]
    Carlson, Lage, « An Interim Treatment for Paper… », art. cité, p. 1-8. Exemple de restauration de l’exemplaire de l’édition de 1570 du Theatrum Orbis Terrarum d’Abraham Cornelius conservé à la Librairie du Congrès (Washington). Sur les 53 cartes coloriées manuellement, les teintes vertes obtenues à partir de vert-de-gris ont réagi diversement avec le temps. Pour enrayer le processus, les feuillets dégradés ont été plongés dans une solution d’eau et de carbonate de magnésium afin d’élever leur pH de 6 à 8.5.
  • [73]
    France, Fanella G., Wilson, Meghan A. et Ghez, Anita, « Spectral Imaging of Portolan Charts », International Cartographic Association, 1, 2017, 7 p. [URL : https://doi.org/10.5194/ica-proc-1-38-2017 ; consulté le 03-11-2020].
  • [74]
    Ibid., p. 5. L’imagerie spectrale montre que les rins de vents en rouge (à base de cinabre) se superposent aux informations portées en brun (trait de côte, toponymes), indice qu’ils ont été tracés après eux, alors qu’on considère habituellement que les cartographes commençaient par placer les roses des vents puis la trame des rins les reliant avant de dessiner le reste de la carte.
  • [75]
    La colorimétrie permet, à partir d’un échantillonnage à une date donnée, de mesurer l’altération des couleurs d’une œuvre d’art avec le temps. La technique n’est pas applicable rétroactivement.
  • [76]
    Iron Gall Inks: On Manufacture Characterisation, Degradation and Stabilisation, Kolar, Jana et Strilic, Matija (éd.), Ljubljana, National and University Library of Slovenia, 2006.
  • [77]
    BnF, Anglais 51.
  • [78]
    Londres, British Library, c13233-13, papier, 35 x 47 cm.
  • [79]
    L’emploi du vert est très réduit sur les exemplaires manuscrits datant du dernier quart du xve siècle (BnF, Latin 4802 et Latin 4805). Il se développe dans les éditions imprimées qui ont fait l’objet d’un coloriage. Dans celle réalisée à Strasbourg en 1513 par Johan Schott, le vert sert à représenter les montagnes sur les 25 planches placées en fin de volume (BnF, Cartes et plans, GE DD-1009 [RES]). La teinte métallique et le fait que cette couleur ait traversé au dos des feuillets donnent à penser qu’il s’agit d’un vert à base de vert-de-gris. Dans l’édition parue en 1584 à Cologne, des secteurs sont signalés par des aplats en vert pour les distinguer d’autres en jaune. Les forêts sont également représentées en vert avec surimposition d’arbres dans un ton plus foncé (Ibid., GE DD-1019-1021 [RES]).
  • [80]
  • [81]
    Travaux sur la « révolution de l’écrit » en Occident à partir de la fin du xie siècle dans le prolongement de l’ouvrage de Michael T. Clanchy (From Memory to Written Record. England 1066-1307, Londres, Edward Arnold, 1979), qui a inspiré les études sur la literacy anglo-saxonne, la Schriftlichkeit allemande et la « scripturalité » française.
  • [82]
    Antoine, Annie, Le paysage de l’historien…, op. cit. Bousquet-Bressoulier, Catherine, L’Œil du cartographe, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1995. Chapuis, Olivier, À la mer comme au ciel. Bontemps-Beauprès et la naissance de l’hydrographie moderne (1700-1850), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999. Suire, Yannis, La côte et les marais du Bas-Poitou vers 1700. Cartes et mémoire de Claude Masse ingénieur du roi, La Roche-sur-Yon, Éditions du Centre vendéen de recherche et d’histoire, 2011. Id., L’estuaire de la Gironde, Bordeaux et le Bordelais vers 1700. Cartes et mémoire de Claude Masse ingénieur du roi, La Crèche, La Geste, 2017. Id., Le Médoc, Arcachon, les Landes et le Pays basque vers 1700. Cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi, La Crèche, La Geste, 2017.

1Le manuscrit Français 24269, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France, rassemble à l’intérieur d’une couverture moderne différents textes copiés vers le milieu du xvie siècle par plusieurs scribes anonymes. La plupart de ces écrits ont trait à la navigation astronomique : « Comment l’on doit graduer l’arbalestre maryne » (fo 1 vo-2 vo), « Regyme pour congnoisttre la latitude de la region et aussi la haulteur de la ligne equinotialle sur notre orizon » (fo 3 ro-4 ro), « Ensuit le regyme et gouvernement du polle artique qui est droicte du nort » (fo 14 ro-14 vo), « Regime et gouvernenement [sic] du polle antartique qui est la droicte estouelle du sur » (fo 16 ro), « Ensuit les noms des terres et les haulteurs a combien ilz demeurent de l’equinotial tant nort que sul » (fo 17 ro-22 vo). Des méthodes pour calculer l’année bissextile (fo 4 vo), les fêtes liturgiques mobiles (fo 25 vo-26 ro) et l’heure de nuit à partir de la position des gardes de la Grande Ourse (fo 15 ro-16 ro) ainsi que des tables quadriennales de la déclinaison du soleil (fo 5 ro-12 vo) s’y trouvent mêlées.

2Les informations portées sur les feuillets 51 ro à 54 vo, par une main distincte des autres, sont de nature différente. Il s’agit tout d’abord de deux glossaires, l’un du « langaige de Guynee » (fo 51 ro-52 ro) et l’autre du « langaige du Bresil » (fo 53 ro-54 ro), qui proposent une liste de mots dans chacune de ces deux langues avec leur traduction en français. Le caractère exceptionnel de ces vade-mecum destinés à faciliter les échanges commerciaux avec les populations locales n’a pas manqué d’attirer l’attention des historiens et des linguistes [1]. Il a vraisemblablement contribué à reléguer au second plan le court texte occupant la moitié supérieure du folio 54 vo, un « mémoire de faire du beau vert tant pour régler que peindre terres ou autres choses ».

3La présence de cette recette dans un recueil nautique peut sembler anecdotique de prime abord. À y regarder de plus près, la liste des ingrédients et la manière de les préparer conduisent à s’intéresser à des aspects peu étudiés de la cartographie marine du xvie siècle et, rétroactivement, de celle des xive et xve siècles. De quelle période date le soulignement du tracé des côtes, notamment à l’aide du vert, ainsi que l’emploi de cette couleur en aplat pour représenter la terre ferme ? Quels sont les autres usages du vert sur les cartes marines ? Les textes théoriques exposant les méthodes de navigation astronomique qui composent le manuscrit Français 24269 paraissent avoir été rassemblés par ou pour un marin pour une utilisation pratique en mer. La présence parmi eux d’une recette de « beau vert […] pour peindre [les] terres » suggère une possible activité de cartographie des rivages lointains abordés. Le rôle des marins dans l’élaboration des nouvelles connaissances géographiques, connu par ailleurs, trouve ici une illustration indirecte. On peut tenir pour vraisemblable la disparition de tels relevés cartographiques, même sommaires, avec les papiers personnels des marins dont la conservation reste un fait exceptionnel [2].

4L’examen visuel des cartes tel que les historiens le pratiquent ne permet pas d’aller au-delà d’une simple recension des couleurs et de la mise en évidence d’usages plus ou moins codifiés dans leur emploi [3]. Un autre type d’approche est envisageable en se tournant vers les méthodes de la restauration des œuvres d’art qui abordent les couleurs à travers les propriétés physiques et chimiques des pigments. La plupart des études disponibles intéressent la peinture de chevalet, la peinture murale et la miniature. Mais l’utilisation d’un vert à base de vert-de-gris pour coloriser des cartes manuscrites ou imprimées de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne est néanmoins documentée par quelques travaux, car ce pigment minéral corrosif altère, parfois, avec le temps le support papier ou parchemin sur lequel il a été appliqué. Sur la base des protocoles d’analyse établis, quels enseignements les historiens pourraient-ils tirer d’une collaboration avec des professionnels de la conservation et de la restauration pour approfondir l’étude des cartes marines ?

Une recette de vert du milieu du xvie siècle à l’usage de la cartographie marine

5La brièveté du texte, 14 lignes pour la recette proprement dite, s’accompagne d’une présentation par phrases courtes. Chacune scande un aspect précis de la recette sur le modèle de la rédaction des instructions nautiques des routiers ou portulans auquel les marins sont habitués [4]. Le but est de faciliter sa réalisation en individualisant les ingrédients et les étapes de la préparation. Il peut aussi s’agir d’un moyen mnémotechnique pour la mémoriser plus aisément.

6

Memoire de faire de beau vert tant pour reigler que paindre terres
ou autres choses.
Et premyerement.
Faut avoir du vert de gris plus que des autres coulleurs,
du masticot plus que de l’Inde,
et de l’Unde [sic] bien peu,
le tout broyé ensemble dessus le marbre avec du vin aigre et quelque
peu de goume arabique.
Et si vous les voullez faire plus gay, mectés y
quelque peu de saffren ou du vin aigre.
Et si vous voullés le fere couller plus aisement
n’y mectés point tant de goume arabicque.
L’Unde [sic] couste a Rouen ii sous l’once.
Le fin masticot couste vi sous l’once mais est du tres beau [5].

L’emploi du vert sur les cartes marines de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne

7L’objet de la recette ou « mémoire » est exposé dans le titre : « faire du beau vert tant pour régler que peindre terres ou autres choses. » La couleur est prévue pour une application sur du papier ou du parchemin à des fins d’ornementation. Cela rattache son utilisation à l’art de la miniature et conduit à laisser de côté l’usage qui en était fait pour teindre les étoffes mais aussi l’emploi dans la peinture à l’huile [6]. Le « beau vert » peut servir aux réglures des pages, c’est-à-dire aux traits des marges et des lignes qui matérialisent l’espace destiné à recevoir le texte et les illustrations, en lieu et place des tracés habituels à la mine de plomb ou à l’encre noire ou brune. On peut penser qu’il s’agit dans ce cas d’une teinte foncée. L’identification de cette pratique dans les manuscrits nautiques conservés reste à faire. Nous ne l’avons pas repérée chez les auteurs auxquels il a été fait appel dans la présente étude : Jean Alfonse, Guillaume Brouscon, Guillaume Le Testu, Jacques Devaulx.

8L’expression « peindre terres » dans un manuscrit dont la matière est exclusivement nautique fait référence à l’emploi du vert pour enluminer les cartes. Celui-ci peut prendre deux formes : le soulignement du trait de côte par un liseré de couleur du côté de la terre et l’application de la teinte en aplat sur une surface afin de montrer l’étendue des terres ou pour représenter certains détails (végétation, relief…). Tous types de documents confondus, indépendamment de l’échelle, de la présentation (feuilles isolées ou regroupées dans un atlas) et de l’usage envisagé (emploi à la mer ou conservation dans une bibliothèque), les cartes marines consultables sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France permettent d’observer l’évolution des techniques picturales depuis le début du xive siècle dans les limites de la lisibilité des clichés sur un écran d’ordinateur. Absente de la carte pisane (vers 1300) [7], la couleur verte apparaît chez Petrus Vesconte en 1313 et en 1320 pour figurer les demi-rins de vents et certaines îles [8]. Elle sert à faire ressortir quelques détails spécifiques du relief : des montagnes chez Angelino Dulcert (1339) [9] et Guillelmus Soler (1380) [10], la lagune de Venise chez Albertinus de Virga (1409) [11]. En 1447, Gabriel de Vallseca utilise plus largement le vert pour colorier certaines îles grecques et dalmates ainsi que l’assise des représentations symboliques de Grenade (montagne), de Gênes et de Venise (terrains plats). Il rehausse par un trait vert le contour de la Corse et de la Sicile et utilise le brun pour les côtes continentales, ce qui n’était pas le cas de ses prédécesseurs [12]. Ces usages se consolident dans la seconde moitié du xve siècle chez Piero Roselli [13] et Grazioso Benincasa [14]. L’emploi systématique du vert pour figurer le liseré côtier et peindre l’intérieur des terres s’impose avec les cartographes qui travaillent à l’élaboration d’un padrón real en Espagne et d’un padrão real au Portugal [15]. Les planisphères de Juan de la Cosa (vers 1500) [16], de Cantino (1502) [17], de Nicolo de Caveiro (1506) [18] et l’atlas Miller, œuvre du cartographe portugais Lopo Homen (1519) [19], en sont l’illustration. La circulation des hommes (marins et cartographes) et des documents nautiques contribua à diffuser les nouveaux usages en France et en Angleterre à partir des années 1540 [20]. L’intensification de l’emploi du vert dans la cartographie témoigne d’un changement d’époque [21]. Le scribe anonyme qui a noté la recette de « beau vert » dans le manuscrit aujourd’hui connu sous la cote Français 24269 a capté à sa manière l’évolution des techniques cartographiques de son temps. Longtemps mal aimé, le vert est progressivement réhabilité en Occident à partir du xive siècle [22]. Au-delà des questions de goût et de mode, les raisons du développement de son usage en cartographie restent à expliquer.

9Pour autant que l’on puisse en juger à partir des rares documents conservés, l’élaboration de cartes marines en France n’est attestée qu’au début du xvie siècle [23]. Le vert y est présent d’emblée. Le manuscrit Français 2794 intitulé « Description des costes de la mer Mediterranee et oceane, des ports et isles principales avec figures » couvre la Méditerranée et ses abords atlantiques depuis le cap Saint-Vincent jusqu’au détroit de Gibraltar. Le fait qu’il provienne de la bibliothèque de François d’Angoulême (futur François Ier) permet de situer sa rédaction entre 1504 et 1515 [24]. Contrastant avec le bleu soutenu et assez uniforme de la mer, différentes tonalités de vert font ressortir les détails du relief et la végétation sur les 202 cartes de belle facture illustrant un texte qui semble inspiré par les écrits nautiques italiens de la fin du xve siècle (fig. 1).

Figure 1 – Carte de la côte ibérique du cap de Gata à Carthagène (BnF, Français 2794, fo 4 vo)

Figure 0

Figure 1 – Carte de la côte ibérique du cap de Gata à Carthagène (BnF, Français 2794, fo 4 vo)

10L’influence étrangère se fait aussi sentir du côté de l’Atlantique à travers Jean Alfonse dit de Saintonge qui, malgré son patronyme francisé et son surnom, est un marin d’origine portugaise passé au service de la France. Pilote de Roberval en 1542-1543, il explora la côte du Labrador à la recherche d’un passage vers le Pacifique. Outre la fréquentation des eaux de Terre-Neuve et de l’embouchure du Saint-Laurent, il navigua jusqu’en Guinée. En 1545, Raulin Le Tillois dit Sécalart dédia à François Ier un manuscrit retrouvé parmi les papiers de Jean Alfonse, tout juste disparu en mer, en profitant de l’occasion pour ajouter son nom sur l’œuvre [25]. Soixante-sept cartes coloriées, placées en haut de page à de rares exceptions près, illustrent le texte. Leur réalisation apparaît grossière (tracé, coloriage) au regard de la délicatesse des figures du manuscrit de 1504-1515 traitant de la Méditerranée. Le trait de côte à l’encre brune est rehaussé par une épaisse ligne de la même couleur. Des manques à certains endroits et des débordements dans d’autres suggèrent les difficultés d’une application au pinceau, voire la maladresse de l’auteur, pour suivre les contours découpés de la côte (fig. 2). Du vert puis un brun très clair ont été appliqués en lavis à l’intérieur des terres, avec des irrégularités de teintes et des chevauchements entre les différentes couleurs qui donnent un aspect peu soigné aux cartes. Le vert est aussi appliqué à des figures grotesques de personnages et aux motifs végétaux qui ornent certaines lettrines du texte.

Figure 2 – Partie de la péninsule Ibérique et du nord-ouest de l’Afrique par Jean Alfonse dit de Saintonge (BnF, Français 676, fo 38)

Figure 1

Figure 2 – Partie de la péninsule Ibérique et du nord-ouest de l’Afrique par Jean Alfonse dit de Saintonge (BnF, Français 676, fo 38)

11Les petits recueils nautiques confectionnés au Conquet par Guillaume Brouscon, parfois qualifiés par commodité d’almanachs, attestent l’emploi courant dans les années 1540 d’un liseré vert pour souligner les côtes. C’est le cas des cartes de l’exemplaire de 1543, aujourd’hui à la Huntington Library (San Marino, États-Unis d’Amériques) [26], et de celles de l’exemplaire de 1548 conservé à la Bibliothèque nationale de France (fig. 3 et 4) [27]. L’intérieur des terres est partiellement colorié en vert sur les cartes des marées. Par exemple, sur celle concernant les îles Britanniques, l’Écosse et le nord de l’Irlande sont coloriés dans une tonalité plus claire, appliquée par traits juxtaposés (fig. 4). Le nord de l’Angleterre, la Picardie et la Flandre ont fait l’objet d’un traitement différent par touches séparées qui, dans le nord de l’Irlande, se détachent sur le fond vert précédemment décrit. On trouve aussi chez Guillaume Brouscon l’illustration de quelques-uns des emplois possibles du vert sous-entendus par la formule « ou autres choses » qui clôt le titre de la recette. Un code de couleurs régit la représentation des aires de vents [28]. L’emploi du vert pour les huit demi-rins (NNE, ENE, ESE, SSE, SSO, OSO, ONO, NNO) semble un héritage italien [29]. Dans l’exemplaire de 1548, les demi-rins de la rose des vents principale située au bas de la carte hors texte représentant les côtes européennes sont en vert ainsi que les lignes rayonnant à partir d’eux et à partir des demi-rins des roses secondaires. Un degré sur trois est colorié en vert sur l’échelle graphique des latitudes qui accompagne cette carte. Les autres sont en rouge ou en blanc (couleur du papier). Un ton de vert différent a été appliqué à chaque moitié des secteurs angulaires des demi-rins de la rose en pleine page du folio 27 vo, tandis que sur les roses des folios 14 vo et 15 le vert est combiné avec une autre couleur. Un aplat de vert clair souligne l’assise des villes figurées de façon symbolique par des tours et des maisons, à l’exemple de Bordeaux, Libourne, Nantes, Rouen et Anvers sur la carte hors texte (fig. 3). Des cases vides au bas des tables quadriennales de déclinaison du soleil pour les mois qui ont moins de 31 jours (fo 17-24 vo), les motifs végétaux ornant une roue graduée pour calculer les marées (fo 25), des cases du calendrier liturgique (fo 26 vo-27) enfin, des bannières et des pavillons arborés par les quatre navires représentés aux folios 28 à 29 vo ainsi que les canons débordant de leurs sabords déclinent une gamme variée de verts.

Figure 3 – Carte des côtes atlantiques de l’Europe par Guillaume Brouscon (BnF, Français 25374, hors texte, extrait)

Figure 2

Figure 3 – Carte des côtes atlantiques de l’Europe par Guillaume Brouscon (BnF, Français 25374, hors texte, extrait)

Figure 4 – Carte des marées autour de l’Angleterre par Guillaume Brouscon (BnF, Français 25374, fo 26, extrait)

Figure 3

Figure 4 – Carte des marées autour de l’Angleterre par Guillaume Brouscon (BnF, Français 25374, fo 26, extrait)

12Le ton métallique de certains verts fait suspecter l’emploi de vert-de-gris sur les documents susmentionnés. Mais seul un examen par imagerie spectrale permettrait de le démontrer avec certitude et révélerait sans doute la combinaison avec d’autres pigments et teintures. La présence du vert-de-gris a été établie par ce moyen dans les lignes des demi-rins de vents et les contours de certaines îles, peintes ensuite en vert foncé, sur une carte de la Méditerranée réalisée entre 1320 et 1350 par un cartographe génois anonyme et aujourd’hui conservée à la Bibliothèque du Congrès (Washington) [30].

Une recette recueillie dans un contexte d’expansion maritime normande

13Les différents et nombreux emplois du vert sur les cartes et les recueils d’instructions nautiques produits en France dans la première moitié du xvie siècle font écho au contexte historique dans lequel le manuscrit qui nous a transmis la recette a été élaboré : celui d’une expansion maritime dans laquelle les Normands occupent une place importante. Le manuscrit Français 24269 n’est pas daté à proprement parler. Les rares mentions de millésime relevées au fil des pages permettent de situer sa confection vers le milieu du xvie siècle : « 1540 » (2 mentions, fo 24 ro), un « almanach pour trente ans » allant de 1548 à 1577 (fo 25 ro), « l’an mil cinq cens quarante cinq » (fo 36 ro), « 1550 » (fo 37 ro). Sur le verso du 55e et dernier folio, surchargé d’inscriptions brouillonnes, en partie effacées et difficiles à lire, qui entourent le dessin à l’encre d’un navire, on peut cependant distinguer sur la première ligne du haut : « Le 2e jour d’octobre 1544 […] » et, au milieu de la page, « 1545 » (2 mentions). Ces informations tendent à confirmer l’hypothèse de datation de l’ensemble du manuscrit.

14Deux indices plaident en faveur d’une élaboration dans un cadre normand et, plus précisément, rouennais. Le premier figure à la suite de la recette elle-même : « l’Inde coûte à Rouen 2 sous l’once » (fo 54 vo). Son auteur est parfaitement informé du prix et il sait qu’on peut trouver du bois d’Inde à Rouen, place commerciale où toutes sortes d’épices et de drogues se négocient au xvie siècle, dont les ingrédients nécessaires à la préparation du « beau vert ». Michel Mollat a relevé des mentions d’approvisionnement en vert-de-gris depuis Paris en 1453 et 1456 [31]. Rouen était aussi en relation avec Anvers, important centre de redistribution de pigments à l’échelle de l’Europe au xvie siècle [32], ainsi qu’avec Montpellier, via Lyon, Paris et Anvers.

15Le second indice évocateur de la ville de Rouen est la mention « demeurant à Rouen » dans le quart supérieur gauche du verso du folio 55 et celle de « Jehan Cordyer » dans le quart supérieur droit de ce même folio. Michel Mollat a voulu voir dans cet important marchand rouennais, actif dans le commerce maritime atlantique, le propriétaire du manuscrit [33]. Les lignes où son nom apparaît sont difficiles à déchiffrer (encre pâlie, chevauchement de deux inscriptions), mais on lit sans équivoque possible : « notre bon amy sire Jehan / Cordyer. » Celui-ci semble être mentionné comme témoin d’une reconnaissance de dette. La formulation à la troisième personne du singulier s’accommode mal avec l’hypothèse selon laquelle le manuscrit lui appartiendrait.

16Enfin, par son contenu nautique, le manuscrit Français 24269 s’inscrit dans le contexte de l’expansion maritime normande au xvie siècle où les Dieppois et les Rouennais occupent une place importante [34]. Les campagnes de pêche à Terre-Neuve comme les entreprises commerciales dans le golfe de Guinée et au Brésil nécessitent pour la traversée de l’Atlantique des connaissances plus poussées en matière de navigation que celles mises en œuvre le long des côtes du Ponant. Le nouvel art de naviguer en haute mer développé par les Portugais et les Castillans implique de savoir calculer la latitude à partir du relevé de la hauteur du soleil à midi à l’aide d’un cadran ou d’une « arbalète marine », de connaître la latitude de points de référence sur les côtes africaines et américaines comme celles des îles et des archipels rencontrés dans l’Atlantique (Madère, Açores, Canaries, îles du Cap Vert, Terre-Neuve). Ce sont précisément les enseignements des textes rassemblés dans le manuscrit Français 24269. Dans la seconde moitié du xvie siècle, des portions de rivages ultra-marins sont encore à explorer de manière précise, à petite échelle. La capacité du maître du navire ou du pilote à lever des cartes prend toute sa valeur, surtout dans un pays comme la France où la monarchie ne centralise pas la collecte des informations sur le modèle de la confection du padrón real castillan et du padrão real portugais. Sans doute des dessins à la plume suffiraient-ils mais la cartographie marine en plein développement possède déjà ses usages propres. Souligner le trait de côte avec un « beau vert », voire appliquer la teinte à tout ou partie de la carte, renforce la lisibilité au-delà de l’esthétique visuelle.

17L’expression « école cartographique » parfois accolée à Dieppe et au Havre en tant que centres de production de documents nautiques peut paraître surfaite mais, à n’en pas douter, des savoirs et des pratiques s’y sont transmis au fil des générations. Dans les décennies qui suivent la mise par écrit de la recette de « beau vert » on relève un emploi régulier et important de cette couleur. En 1555, le pilote havrais Guillaume Le Testu dédie à l’amiral de Coligny le riche manuscrit de La Cosmographie universelle selon les navigateurs, qui témoigne d’une maîtrise aboutie des couleurs avec une gamme variée de verts pour peindre les terres et faire ressortir les montagnes et la végétation par des tons plus soutenus (fig. 5) [35]. Sur le planisphère réalisé en 1566, le Dieppois Nicolas Desliens utilise le vert tant pour souligner les contours des terres par un fin liseré que pour suggérer le relief au moyen d’applications en lavis [36]. En 1583, Jacques Devaux ou Devaulx, « pilote originaire du Havre », dédie à Anne de Joyeuse, amiral de France et gouverneur de Normandie, un luxueux traité intitulé Les Premiere Euvres et un planisphère dans lesquels il condensait les savoirs nautiques, cartographique et géographiques alors acquis en France [37]. Comme dans l’atlas de Guillaume Le Testu, l’emploi copieux du vert fait ressortir la terre ferme et la végétation qu’elle porte (fig. 6 et 7). Enfin, dans le Traicté de la geodrographie ou art de naviguer achevé de rédiger en 1608, Guillaume Le Vasseur, né à Dieppe en 1564 et mort à Rouen en 1628, consacre plusieurs pages aux « chartes marines ». Il indique la manière d’effectuer des relevés cartographiques depuis la mer en poussant la précision jusqu’à décrire les finitions à leur apporter. Parmi les couleurs employées, le vert est réservé à l’identification de la terre ferme :

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ayant ainsy achevé de faire toutes les terres et isles faudra border les terres deliquatement de quelque verd gay et agreable et peindre les isles de diverses couleurs et d’or et d’argent, puis descrire les lieux principaulx de rouge et les autres de noir ; en apres descrire les roses des vents les plus petites et plus delicates que l’on pourra comme les plus belles et moings incommoder aux lieux ou ils ne puissent empêcher les routes ; le reste de l’ornement demeure a la discretion de celuy qui faict la charte [38].

Figure 5 – Planisphère de Guillaume Le Testu (BnF, Français 2794, fo 5 vo)

Figure 4

Figure 5 – Planisphère de Guillaume Le Testu (BnF, Français 2794, fo 5 vo)

Figure 6 – Relevé astronomique depuis la terre ferme d’après Jacques Devaulx (BnF, Français 150, fo 21)

Figure 5

Figure 6 – Relevé astronomique depuis la terre ferme d’après Jacques Devaulx (BnF, Français 150, fo 21)

Figure 7 – « Desmontrance des terres d’une moityé dudict globe » d’après Jacques Devaulx (BnF, Français 150, fº 26)

Figure 6

Figure 7 – « Desmontrance des terres d’une moityé dudict globe » d’après Jacques Devaulx (BnF, Français 150, fº 26)

Une couleur à l’épreuve du temps : pratiques du passé et regards du présent

Ingrédients et élaboration de la recette au milieu du xvie siècle

19Le principal ingrédient pour élaborer un « beau vert » est le vert-de-gris. Léonard de Vinci le qualifie de « rouille de cuivre [39] ». Il s’agit d’un pigment minéral appartenant à la famille des acétates de cuivre dont la couleur de base va du bleu au vert, en passant par le bleu-vert et le vert-bleu [40]. Connu depuis l’Antiquité sous le nom latin d’ærugo, ce produit corrosif était utilisé en médecine, par exemple appliqué en poudre pour « manger les chairs ». Il servait aussi pour colorer les céramiques. Au Moyen Âge et à l’époque moderne, les teinturiers et les peintres en faisaient un important usage pour obtenir différentes nuances, allant du vert foncé jusqu’au vert clair en fonction de l’association avec d’autres ingrédients. Les peintres et les enlumineurs disposaient de préparations à base de pigments végétaux pour obtenir du vert, tels le vert d’iris [41] et le vert de vessie [42], mais il semble que le vert-de-gris ait eu leur préférence.

20Le vert-de-gris résulte d’un processus d’élaboration artificiel [43]. La composition chimique du produit obtenu varie dans le détail selon la recette employée [44]. Depuis le xive siècle, Montpellier s’était imposé comme un important centre de production du verdet, dénomination du vert-de-gris en langue d’oc. Thomas Platter, de passage à Montpellier à la fin du xvie siècle, a laissé dans son journal de voyage une description, courte mais précise, de son élaboration par une main-d’œuvre féminine dans un cadre domestique :

21

On place dans des terrines des couches alternatives de grappes de raisins secs et de feuilles de cuivre, et l’on verse par dessus du vin qui commence seulement à tourner. Au bout de quinze jours, les feuilles de cuivre se couvrent de vert-de-gris, qu’on enlève avec un vieux couteau. […] Quand on a une certaine quantité de ce vert-de-gris en poudre, on le pétrit pour en faire une pâte, à laquelle on donne la forme d’un gros pain carré que l’on vend. Il suffit de vingt-quatre terrines pour qu’une ménagère gagne de quoi payer sa toilette et celle de ses filles, ce qui est un beau profit pour peu de peine [45].

22À la lumière des connaissances chimiques contemporaines, on peut qualifier ce type de vert-de-gris de basique [46]. Contenant un ou plusieurs types d’acétates de cuivre, sa couleur tire principalement sur le bleu. Pour élaborer un « beau vert », le vert-de-gris doit être mélangé avec de petites quantités de « masticot » et d’« Inde ». Le « masticot », terme de l’ancien français, ou massicot en français moderne, est un oxyde de plomb de couleur jaune qui contribuait à égailler le vert, c’est-à-dire à lui donner une teinte claire et lumineuse. Joseph Panier explique dans son ouvrage sur la peinture et la fabrication des couleurs que :

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lorsqu’on fait fondre le plomb, il se forme à sa surface une poudre grise qui est un véritable oxyde de ce métal. Si après avoir enlevé cette poudre grise, on l’expose à un feu violent, elle devient jaune, c’est ce qu’on appelle le massicot. On peut distinguer trois sortes de massicot, le blanc, le jaune et le doré. Ce sont trois espèces d’oxyde de plomb qui ont éprouvé des degrés de feu différents [47].

24Le mot « Inde », dont deux des trois occurrences dans la recette sont orthographiées « Unde », désigne le bois d’Inde, aussi appelé bois de Campêche. En teinture, on tirait des copeaux de ce bois une couleur violette qui entrait dans la préparation de certains noirs. Mélangés avec du vert-de-gris et de la graine d’Avignon (variété de nerprun fournissant une coloration jaune d’or), le bois d’Inde donnait au bain une belle couleur verte [48]. C’est aussi, d’après la recette étudiée, l’effet produit en association avec du vert-de-gris et du massicot, à condition toutefois de ne l’employer qu’en faible quantité et, au vu de l’étape suivante de la préparation, réduit en une poudre très fine, ainsi que le préconisent certains traités d’enluminure [49].

25Le mélange des trois ingrédients de base est en effet obtenu par broyage avec une molette « dessus le marbre, avec du vin aigre et quelque peu de gomme arabique ». Faiblement soluble dans l’eau froide, le vert-de-gris tourne au brun dans l’eau chaude. Dissout au moyen d’un acide acétique, il prend alors une couleur verte et se transforme en acétate de cuivre neutre, moins propice au changement de couleur avec le temps que le vert-de-gris basique [50]. La recette de « beau vert » consigne des savoirs pratiques empiriques. L’emploi du vin aigre comme acide provoquait une réaction chimique qui transformait la couleur bleue initiale du vert-de-gris en un vert foncé [51]. La gomme arabique servait quant à elle à agglutiner les trois variétés de pigments [52]. Rien n’est dit du produit final obtenu, mais l’emploi de la gomme arabique laisse penser qu’il s’agissait d’une pâte, peut-être conservée sèche dans une coquille selon l’usage des peintres. Il suffisait ensuite de l’humidifier avec un pinceau trempé dans de l’eau pour recueillir la couleur verte avant de l’appliquer sur la carte. Une préparation prête à l’emploi simplifiait son utilisation en mer à bord d’un navire.

26La façon d’accommoder le vert-de-gris pour obtenir du vert variait selon les livres de recettes de couleurs [53]. Au début du xve siècle, Cennino Cennini recommande de mélanger un tiers de safran avec deux tiers de vert-de-gris pour obtenir « la plus belle couleur vert herbe [54] ». La recette proposée dans le manuscrit Français 24269 n’indique pas les quantités d’ingrédients à employer ou les proportions à respecter entre eux. Le dosage est à l’appréciation de celui qui le réalise : « du vert-de-gris plus que des autres couleurs, du massicot plus que de l’Inde », ajout de « quelque peu de safran ou de vin aigre » pour égailler la teinte [55] et, pour épaissir le mélange, « mettez point tant de gomme arabique ». Le résultat dépend aussi de la qualité des ingrédients employés [56]. Au moment où la recette fut copiée, dans les années 1540, le massicot coûtait à Rouen 6 sous l’once, soit le triple de l’Inde, mais il s’agissait d’un « fin massicot » et du « très beau ». Même en y mettant le prix, le ton final obtenu n’était pas garanti à l’avance. On peut penser que l’expérience acquise par des préparations répétées guidait les choix de dosage en fonction de l’intensité de la couleur souhaitée et de l’importance des surfaces à peindre. L’enjeu esthétique pour un marin poussant la perfection jusqu’à souligner en vert le trait de côte sur un relevé fait en mer au cours d’une navigation n’était pas le même que pour un cartographe travaillant à terre, dans le confort de son cabinet, et désireux de produire un beau manuscrit enluminé, destiné à lui attirer les grâces d’un haut personnage.

Les pigments de vert-de-gris comme marqueurs d’une technique picturale

27Michel Pastoureau a régulièrement souligné dans ses travaux que :

28

avant le xve siècle, aucun recueil de recettes pour fabriquer des couleurs, que ce soit dans le domaine de la teinture ou dans celui de la peinture, ne nous explique que pour fabriquer du vert il faille mélanger du bleu et du jaune. Les tons verts s’obtiennent autrement, soit à partir de pigments ou de colorants naturellement verts (terres vertes, malachite, vert-de-gris, baie de nerprun, feuilles d’ortie, jus de poireau), soit en faisant subir à des colorants bleus ou noirs un certain nombre de traitements qui ne sont pas de l’ordre du mélange [57].

29Il faut cependant nuancer ce propos en ce qui concerne le vert-de-gris basique. Les acétates de cuivre ne sont pas « naturellement » verts. La majorité sont bleus [58]. La coloration verte d’une préparation à base de vert-de-gris résulte de leur dissolution dans un acide acétique, du vinaigre dans le cas de la recette proposée. Pour modifier la teinte initiale [59], il est nécessaire d’ajouter d’autres ingrédients. Le bois d’Inde a pour effet de foncer la préparation. Les pigments du massicot, insolubles, l’opacifient et en même temps l’éclaircissent plus ou moins selon qu’ils tirent sur un jaune clair ou sur un jaune foncé et en fonction de la quantité incorporée. Une teinture soluble comme le safran éclaircit le vert à base de vert-de-gris sans modifier sa translucidité et, selon l’intensité de la charge, donne un ton plus ou moins jaune.

30Michel Pastoureau signale l’amorce d’un changement dans l’art de la miniature au début du xve siècle. Les analyses réalisées par spectométrie révèlent des cas d’application d’une couche jaune sur une bleue pour obtenir du vert [60]. Les études récentes menées par Marika Spring sur les tableaux flamands des xve et xvie siècles conservés à la National Gallery de Londres ont montré une autre pratique à partir de la fin du xve siècle : l’emploi de pigments minéraux de cuivre conjointement avec du vert à base de vert-de-gris. Ce dernier, plus translucide, était appliqué en glaçage sur une couche verte plus opaque contenant du sulfate de cuivre [61]. La technique s’est généralisée au xvie siècle en peinture. Nous n’avons pas trouvé mention de travaux signalant une évolution similaire pour la miniature. La recette qui nous occupe témoigne d’un attachement à une pratique dominante qui perpétue une tradition ancienne.

31Léonard de Vinci a consacré un chapitre à « la couleur verte qui se fait de rouille de cuivre et qu’on appelle vert-de-gris » dans son Traité de la peinture[62]. Pour « augmenter la beauté du vert-de-gris », il suggère de le mélanger avec d’autres produits : « si avec du vert-de-gris on mêle de l’aloès caballin, ce vert-de-gris sera beaucoup plus beau qu’il n’était auparavant ; et il serait mieux encore avec le safran [63]. » Léonard de Vinci propose d’utiliser de l’aloès caballin « dissout dans de l’eau-de-vie chaude, parce qu’elle a plus de force pour dissoudre que quand elle est froide, […] alors la couleur deviendra très belle [64] ». Il s’agit de l’une des trois variétés d’aloès, avec l’aloès succotrin et l’aloès hépathique. L’utilisation du suc noir tiré de la plante pour soigner les chevaux a valu à celle-ci le qualificatif de caballin. Mélangé avec du vert-de-gris, son effet devait se rapprocher de celui du bois d’Inde, dont l’utilisation est préconisée dans la recette étudiée. On relève aussi dans celle-ci l’incorporation de safran proposée par Léonard de Vinci [65]. Nous avons déjà indiqué que cette teinture éclaircissait le vert et le faisait tirer sur le jaune, sans modifier la translucidité. Une étude récente a montré que le safran avait eu pour effet de réduire la corrosion causée par les pigments de vert-de-gris sur des miniatures peintes persanes et indiennes du xvie siècle [66].

32Le vert obtenu à partir du vert-de-gris était adapté aux techniques d’application à l’eau employées par la miniature et, par extension, pour coloriser les cartes. Cennino Cennini note dans le chapitre « De la nature d’un vert appelé vert-de-gris (verderame) » que celui-ci « est bon sur le parchemin, sur le papier ou sur le vélin, délayé avec du blanc d’œuf », autre agglutinant possible à la place de la gomme arabique mentionnée dans la recette [67]. Les pigments restaient instables, sans toutefois présenter les inconvénients de leur emploi dans la peinture à l’huile signalés par Cennini : « il fait un vert pour l’herbe des plus parfaits et des plus beaux pour les yeux, mais il n’est pas durable. » Léonard de Vinci s’en est fait lui aussi l’écho dans son Traité de la peinture :

33

La couleur verte qui se fait de rouille de cuivre, quoiqu’elle soit broyée à l’huile, ne laisse pas de s’en aller en fumée et de perdre sa beauté, si incontinent après avoir été employée, on ne lui donne pas une couche de vernis ; et non seulement elle s’évapore et se dissipe en fumée, mais si on la frotte avec une éponge mouillée d’eau simple, elle quittera le fond du tableau, et s’enlèvera comme serait une couleur de détrempe, surtout par un temps humide ; cela vient de ce que ce vert-de-gris est une espèce de sel, lequel se résout facilement lorsque le temps est humide et pluvieux, et particulièrement lorsqu’il est mouillé et lavé avec une éponge [68].

34Le vert obtenu à partir du vert-de-gris a tendance à s’obscurcir sous l’effet de la lumière et à virer au marron avec le temps. Le phénomène est aujourd’hui mieux connu grâce à des analyses chimiques et physiques [69]. L’acidité du vert-de-gris peut aussi altérer la cellulose du papier sur lequel il est appliqué [70]. Cette dégradation varie en fonction de l’exposition des documents à l’air et à la lumière. Les essais réalisés par Hermann Kühn sur des échantillons l’ont toutefois conduit à relativiser les propos très négatifs portés sur le vert-de-gris [71]. Des solutions techniques ont été proposées afin de bloquer le processus de dégradation du papier [72]. Bien que connues grâce aux publications réalisées dans le domaine de la conservation et de la restauration, ces méthodes d’analyse ont rarement été mises en œuvre à l’appui de l’examen visuel des cartes par les historiens. Or, l’imagerie spectrale permet d’identifier les pigments employés sur un document et de distinguer entre elles des couleurs qui paraissent similaires ou proches à première vue [73]. La méthode offre l’avantage de ne pas être invasive car elle ne nécessite pas le prélèvement d’échantillons. Les résultats obtenus peuvent être croisés avec ceux de l’analyse de la fluorescence des rayons X, technique très répandue pour l’identification des pigments, elle aussi non invasive contrairement à l’étude de leur diffraction qui se fait à partir d’échantillons. L’imagerie spectrale peut aussi aider à révéler des inscriptions effacées ou difficilement déchiffrables à l’œil nu. Enfin, l’examen de la manière dont les pigments des différentes couleurs se superposent les uns par rapport aux autres renseigne sur les étapes de la construction de la carte étudiée [74].

35La démarche mériterait d’être appliquée aux cartes et aux documents nautiques français des années 1540-1580 qui ont fourni l’environnement de la présente étude. Ils offrent un panel varié de verts tout autant que d’états de conservation. Les almanachs de Guillaume Brouscon, les traités de Guillaume Le Testu et de Pierre Devaulx comme le planisphère de Pierre Desceliers ont conservé des verts bien identifiables, même si on ne peut pas écarter des changements de teinte avec le temps [75]. Les soins importants apportés au moment de la réalisation de ces documents et leur excellent état de conservation ont indiscutablement favorisé cette relative permanence. Il n’en va pas de même du manuscrit de la Cosmographie de Jean Alfonse. En dépit de l’attention portée à la calligraphie et à l’ornementation du texte, l’œuvre est de facture plus grossière pour ce qui est du coloriage des cartes. Le trait de côte, dessiné avec la même encre que celle ayant servi à écrire le texte, est rehaussé par un large liseré brun foncé appliqué au pinceau, qui fait place à l’intérieur des terres à un vert puis à un brun clair. Ces couleurs appliquées en lavis ont détrempé les feuillets au point de traverser de part en part et de former des marques au dos des cartes. À partir du folio 166, elles sont de surcroît altérées par l’humidité qui a pénétré par le haut du registre, au point d’avoir pratiquement disparu de la carte du folio 186 représentant la « terre de la Francese », c’est-à-dire la côte du Canada. Enfin, l’encre, tant la noire (métallo-gallique) que la rouge (à base de minium), a causé un autre type d’altération du papier d’un bout à l’autre du manuscrit. Appliquée en traits épais pour calligraphier de grandes lettres, notamment les lettrines surchargées d’entrelacs et de motifs (visages humains et végétaux), elle a pénétré profondément jusqu’à former des marques sur la page opposée [76]. On note aussi un brunissement du papier au verso de certains feuillets, caractéristique que la présence du sulfate de fer qui entre dans la composition des encres métallo-galliques.

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37La curiosité suscitée par la découverte fortuite d’une recette de vert au milieu de textes nautiques nous a conduits à nous intéresser à l’utilisation de cette couleur dans la cartographie marine. L’examen d’un échantillon de cartes réalisées entre le xive et le xvie siècle a montré que l’usage du vert, limité jusqu’à la fin du xve siècle, s’était développé au cours de la première moitié du xvie siècle pour faire ressortir le trait de côte ou pour colorier tout ou partie de l’étendue des terres. Copiée dans les années 1540, la recette consignée dans le manuscrit Français 24269 participe de ce contexte général. Nous ignorons cependant si celui qui l’a écrite ou une personne qui l’aurait lue l’a effectivement préparée et utilisée ou bien si elle est restée lettre morte.

38Les raisons de l’évolution picturale qui bénéficie au vert restent à expliquer. Cette couleur demeure très employée par les cartographes dans le seconde moitié du xvie siècle. Sur l’atlas des Antilles et de la terre ferme réalisé en 1595-1596, pendant l’expédition de Francis Drake en Amérique centrale, les profils de côtes sont coloriés dans des nuances de bleu tandis que les relevés des secteurs côtiers sont rehaussés par un trait vert foncé, lui-même bordé d’un vert plus clair [77]. À la fin du xvie siècle, Robert Adams († 1595) a représenté l’île de Portland vue à vol d’oiseau depuis le sud. Les espaces en vert de la terre ferme contrastent avec les bancs de sable figurés en jaune et les secteurs de falaise et de galets en brun [78]. Des feuilles (papier ou parchemin) des documents nautiques le vert gagne les livres de cosmographie pour rehausser les cartes imprimées, à l’exemple de celles figurant dans la Géographie de Ptolémée [79]. Enfin, signe que le vert est devenu la couleur de la terre par excellence, il s’étale largement en différents tons sur les murs de la salle des cartes géographiques des musées du Vatican. Longue de 120 mètres et large de 6 mètres, la galerie s’orne d’imposantes peintures murales, dont 40 grandes cartes représentant les différentes régions de la péninsule italienne. Les côtes et les îles avec les portraits des principaux ports, le tout accompagné de scènes navales, y tiennent une place importante. Réalisée en 1580-1581 à la demande du pape Grégoire XIII, l’œuvre a été dirigée par Ignazio Danti, dominicain versé en cosmographie, et peinte par Girolamo Muziano, Cesare Nebbia, les frères Britt et Giovanni Antonio de Varèse, spécialiste des restitutions cartographiques. Une gamme variée de verts domine à côté du bleu intense de la Méditerranée. La restauration effectuée en 2016 a montré, en dehors de l’emploi de la malachite pour les ébauches, l’utilisation quasi exclusive de terre verte (pigment minéral) appliquée « al fresco », mélangée avec de l’ocre jaune ou avec du jaune de plomb ou d’étain [80].

39L’étude des couleurs ne peut pas se limiter à leur seule appréciation visuelle. Les méthodes d’analyse chimique et physique développées pour l’examen des œuvres picturales sont indispensables pour identifier avec certitude les pigments (minéraux ou végétaux), la manière dont ils ont été employés (seuls ou en combinaison avec d’autres, avec quel agglutinant, en une application unique ou par couches superposées…) et les dégradations qui ont pu les affecter ou qu’ils ont causées au support papier ou parchemin. Les résultats obtenus sont de nature à montrer les écarts entre une recette écrite, qui recueille une tradition et la fige en même temps, et la réalité des préparations observables sur les cartes. Quelles sont alors les variantes au sein d’une même famille de recettes ? Quelles évolutions se dessinent en fonction du temps et de l’espace ? Note-t-on des tours de main propres à un artiste ou à une « école » susceptibles de constituer une signature picturale ?

40De même que les historiens se sont intéressés aux aspects matériels des documents écrits pour les renseignements qu’ils peuvent fournir sur les aspects politiques, économiques, sociaux et culturels de leur production et de leur utilisation [81], l’approche mériterait d’être tentée pour les cartes marines des xive, xve et xvie siècles, avec une attention particulière aux couleurs, tant du point de vue de leur élaboration que des usages qui en sont faits en termes de représentations réalistes ou symboliques. Les apports auraient toute leur place en amont des réflexions développées sur la cartographie marine, militaire ou cadastrale des xviie, xviiie et xixe siècles [82].


Mise en ligne 13/04/2021

https://doi.org/10.4000/abpo.6671

Notes

  • [1]
    Mollat, Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, Paris, Librairie Plon, 1952, p. 256. Dolby, David, « “Le langaige de Guynee”. A Sixteenth Century vocabulary from the pepper coast », African Langage Studies, 1964, p. 174-191. Dolby, David et Hair, P. E. H., « “Le langaige du Bresil”: a Tupi Vocabulary of 1540’s », Transactions of Philological Society, 1966, p. 42-66.
  • [2]
    Paris, Bibliothèque nationale de France (désormais BnF), Anglais 51. Cet atlas de 22 feuillets papier (32,5 x 20 cm) rassemble des dessins coloriés (relevés de secteurs côtiers et profils de côte) des Antilles et de la terre ferme, accompagnés d’instructions nautiques, réalisés pendant l’expédition de Francis Drake en Amérique centrale (1595-1596), au cours de laquelle celui-ci mourut en janvier 1596.
  • [3]
    Dainville, François de, Le langage des géographes. Termes, signes, couleurs des cartes anciennes 1500-1800, Paris, A. et J. Picard, 1964. Pelletier, Monique (dir.), Couleurs de la Terre. Des mappemondes médiévales aux images satellitaires, Paris, Éditions de la BnF, 1998. Lecoq, Danielle, « De la couleur avant toute chose… », Bulletin de la Société française de cartographie, no 159, 1999, p. 7-25. Hofmann, Catherine, « Comment on fabrique un portulan et comment on s’en sert ? (xiiie-xviiiie siècles) », La Géographie. Terre des hommes. Les cartes marines à la BnF (Bibliothèque nationale de France), no 1547, 2012, p. 11-19.
  • [4]
    Bochaca, Michel et Moal, Laurence (dir.), Le Grand Routier de Pierre Garcie dit Ferrande. Instructions pour naviguer sur les mers du Ponant à la fin du Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, p. 37-42.
  • [5]
    Pour la définition de « masticot » et « Inde/Unde », voir ci-dessous : Ingrédients et élaboration de la recette au milieu du xvie siècle.
  • [6]
    Pastoureau, Michel, Jésus chez le teinturier : couleurs et teintures dans l’Occident médiéval, Paris, Le Léopard d’Or, 1997. Id., Vert, histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2013.
  • [7]
    BnF, Cartes et plans, GE B-1118 (RES).
  • [8]
    Ibid., GE DD-687 (RES). Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 179. Astengo, Corradino, « The Renaissance Chart Tradition in the Mediterranean », dans Woodward, David (éd.), The History of Cartography, Chicago, The University of Chicago Press, 2007, vol. 3, Cartography in The European Renaissance, 1re partie, chap. 7, p. 174-262 (188). L’auteur indique que « les analyses montrent que le vert était produit en utilisant le vert-de-gris », sans toutefois fournir de références bibliographiques précises ni citer des exemples de cartes.
  • [9]
    BnF, Cartes et plans, GE B-696 (RES).
  • [10]
    Ibid., GE B-1131 (RES).
  • [11]
    Ibid., GE D-7900 (RES).
  • [12]
    Absence de soulignement de la côte chez Virga (1409, Ibid., GE D-7900 [RES]) ; Viladeste (1413, Ibid., GE AA-566 [RES]) et Ziroldi (1422, Ibid. C-5088 [RES]).
  • [13]
    Piero Roselli, qui ne souligne pas la côte en 1462 (Ibid., GE C-5090 [RES]), utilise du brun en 1466 (Ibid., GE C-5096 [RES]). Il applique un trait vert à la Sicile et à Chypre sur la première et seulement à la Sicile sur la seconde.
  • [14]
    Ibid, GE DD-2778 (RES), 1466, rehaussement en brun du trait des côtes continentales et en vert de celui des côtes de certaines îles (Irlande, Ouessant, partie des Sorlingues et des îles de Flandre et de Zélande), coloriage en vert de Fuertaventura (Canaries).
  • [15]
    Carte marine officielle établie par les cartographes de la Casa de contratación de las Indias (Séville) et ceux de la Casa de Índia (Lisbonne), dont les pilotes de la carrera de Indias devaient obligatoirement utiliser une copie officielle à bord des navires sur lesquels ils embarquaient. Cette carte était régulièrement mise à jour à partir des rapports et des journaux de bord des pilotes, dont on peut penser que certains incluaient des relevés de côtes.
  • [16]
    Madrid, Museo Naval.
  • [17]
    Du nom d’Alberto Cantino, représentant du duc de Ferrare qui le fit sortir du Portugal. Aujourd’hui conservé à la Biblioteca Estense de Modène.
  • [18]
    BnF, Cartes et plans, GE SH ARCH-1. Nicolo de Caneiro ou de Caveiro, cartographe génois établi au Portugal.
  • [19]
    Ibid., GE D-26179 (RES). L’atlas porte le nom de son ancien possesseur.
  • [20]
    Londres, British Library, Royal 20 E IX. John Rotz illustre les pratiques cartographiques en usage des deux côtés de la Manche et les échanges qui ont pu se produire. Né à Dieppe, d’ascendance écossaise par son père, il navigua sur les navires de l’armateur dieppois Jean Ango dans les années 1530. Passé au service d’Henri VIII en 1542, avec la charge d’hydrographe, il rédigea le Boke of Idrography et un Traicté de difference de compas aymanté. De retour en France au début des années 1550, on perd sa trace en 1560. L’atlas que John Rotz dédia à Henri VIII en 1542, sous le titre Boke of Idrography, compte onze cartes en double page, richement décorées. Sur celle de l’Atlantique nord (fo 21 vo-22) les contours des terres sont rehaussés par un liseré vert. Le même vert sert pour les arbres représentés au Labrador et au nord de l’Afrique, et pour les plantes ornant les marges.
  • [21]
    On note une certaine résistance de la part des cartographes italiens. En 1516, Petrus Russus, de Gênes, limite l’emploi du vert aux demi-rins de vents, aux assises des représentations symboliques des villes, à certaines montagnes (Atlas) et aux contours de la Sicile, de Chypre et de l’Angleterre (Ibid., GE B-1425 [RES]). En 1524, Girolamo Verrazano emploie du brun, secondairement du bleu, pour marquer les côtes sur son planisphère [Ibid., GE C-5100 (RES)]. En 1543, Battista Agnese, Gênois travaillant à Venise, souligne principalement les côtes en bleu dans son atlas. Il utilise avec parcimonie plusieurs types de vert, dont un pour les demi-rins de vents et le coloriage de certaines îles et d’éléments décoratifs, et un autre pour le pourtour d’autres îles. La représentation symbolique de la forêt amazonienne combine les différents verts en jouant sur les dégradés (Ibid., GE FF-14410 [RES]). Les principes de base du dessin et du coloriage des arbres théorisées au début du xixe siècle par Dupain de Montesson (La Science de l’arpentage augmentée du spectacle de la campagne, Paris, Goeury, an XI [1813]) sont déjà posés. Voir Antoine, Annie, Le paysage de l’historien. Archéologie des bocages de l’Ouest de la France à l’époque moderne, Rennes, Presses universitaires des Rennes, 2002, chap. 4.
  • [22]
    Pastoureau, Michel, « Une couleur en mutation : le vert à la fin du Moyen Âge », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 151e année, no 2, 2007, p. 705-731 (726-729).
  • [23]
    Conscient que le royaume manquait de cartographes expérimentés, François Ier chercha à s’attacher les services du Portugais João Pacheco, en 1539.
  • [24]
    Vagnon, Emmanuelle, « Décrire et illustrer les ports de la Méditerranée et de l’Atlantique (début du xvie siècle) », dans Pour une histoire de l’espace au Moyen Âge : textes et cartes, cehtl, no 7, 2014, p. 59-91.
  • [25]
    BnF, Français 676. La Cosmographie avec l’espère et régime du soleil du nord par Jean Fonteneau dit Alfonse de Saintonge, capitaine-pilote de François Ier, éd. Musset, Georges, Paris, E. Leroux, 1904.
  • [26]
    San Marino, Huntington Library, HM 46, planisphère hors texte et cartes des courants de marées sur les côtes européennes (fos 5 à 7).
  • [27]
    BnF, Français 25374, une carte hors texte représentant la façade atlantique de l’Europe et deux cartes dans le texte indiquant l’orientation des courants de marées du golfe de Gascogne (fo 25 vo) ainsi que dans la Manche et la mer du Nord (fo 26).
  • [28]
    En général, les cartographes commençaient les cartes marines en disposant un semis régulier de roses des vents, à partir desquelles ils traçaient les rins de vents. Ces lignes se recoupaient entre elles formant une trame qui aidait ensuite pour tracer les côtes. Appliqué aux cartes marines, le mot « régler » employé dans la recette pourrait évoquer ce travail préparatoire.
  • [29]
    Le bleu caractérise les huit vents principaux (N, NE, E, SE, S, SO, O, NO) et le rouge les seize quarts de vents (N ¼ NE, NE ¼ N, NE ¼ E, E ¼ NE, E ¼ SE, SE ¼ E, SE ¼ S, S ¼ SE, S ¼ SO, SO ¼ S, SO ¼ O, O ¼ SO, O ¼ NO, NO ¼ O, NO ¼ N, N ¼ NO).
  • [30]
    France, Fanella G., Wilson, Meghan A. et Ghez, Anita, « Spectral Imaging of Portolan Charts », International Cartographic Association, 1, 2017, 7 p. [URL : https://doi.org/10.5194/ica-proc-1-38-2017 ; consulté le 03-11-2020]. C’est le cas des îles Ioniennes de Corfou et d’Ithaque sur l’extrait de la carte marine utilisé pour la figure 1 (p. 3). La nature du vert foncé utilisé en aplat n’est pas précisée dans l’étude.
  • [31]
    Mollat, Michel, Le commerce maritime normand…, op. cit., p. 327.
  • [32]
    Vermeylen, Filip, « The Colour of the Money : Dealing in Pigments in Sixteenth-Century Antwerp », dans Cannon, Joanna, Kirby, Jo et Nash, Susie (éd.), Trade in Artist’s Materials : Markets and Commerce in Europe to 1700, Londres, Archetype Publications, 2010, p. 356-365. L’auteur indique que du vert-de-gris était importé de Montpellier (p. 360-361).
  • [33]
    Mollat, Michel, Le commerce maritime normand…, op. cit., p. 256, 265 et 353.
  • [34]
    Anthiaume, Albert, Cartes marines, construction navale, voyages de découverte chez les Normands, 1500-1650, Paris, Ernest Dumont, 1916, 2 vol. Toulouse, Sarah, L’art de naviguer : hydrographie et cartographie marine en Normandie, 1500-1650, thèse inédite de l’École des Chartes, Paris, 1994, 5 vol.
  • [35]
    BnF, SHD, D.1.Z14. Cosmographie universelle de Guillaume Le Testu selon les navigateurs tant anciens que modernes, éd. Lestringant, Frank, Paris, Arthaud, 2012.
  • [36]
    BnF, Cartes et plans, GE D-7895 (RES). Sur la technique de coloriage à la plume et au pinceau au xviiie siècle, voir : Antoine, Annie, Le paysage de l’historien…, op. cit., chap. 4, en particulier les développements appuyés sur le traité de Buchotte (Les Règles de dessins et de lavis, Paris, Ch.-A. Jombert, 1743).
  • [37]
    BnF, Français 150. Au bas du folio 7, Jacques Devaulx explique à l’aide d’un dessin comment, à partir d’une rose des vents centrale « l’on doibt tirer et tracer les rumdz, demis rumdz et cartz de rumdz des ventz en lignes droictes pour servir de guide et demonstrance comme les terres gissent l’un de l’aultre sur les cartes marignes ». Les lignes tracées à partir des rins de vents principaux sont en noir, celles des demi-rins en vert et celles des quarts de vents en rouge.
  • [38]
    BnF, Français 19112, fo 90. Un article de Catherine Hofmann (« Comment on fabrique un portulan et comment on s’en sert ? [xiiie-xviiiie siècles] », La Géographie. Terre des hommes. Les cartes marines à la BnF (Bibliothèque nationale de France), no 1547, 2012, p. 11-19 [12-13]), nous a mis sur la piste de cette référence, qui n’était cependant ni complète du point de vue de la transcription ni totalement référencée (folio non cité).
  • [39]
    Traité de la peinture de Léonard de Vinci, éd. par Gault de Saint-Germain, P. M., Paris, Chez Perlet, 1803, p. 138, chap. « La couleur verte qui se fait de rouille de cuivre ».
  • [40]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper resinate », dans Ashok, Roy (éd.), Artist’s Pigments. A Handbook of their History and Characteristics, Washington, National Gallery of Art-Londres, Archetype Publications, 1993, vol. 2, chap. 6, Verdigris and Copper Resinate, p. 131-158 (131-148). Eastaugh, Nicholas et al., The Pigment Compendium. A dictionary of historical pigments, Burlington, Elsevier, 2004, « Verdigris », p. 385-386.
  • [41]
    Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Diderot, Denis et Le Rond d’Alembert, Jean (dir.), Paris, 1751, t. 17, art. « Verd ». « Verd d’iris, (Arts.) espèce d’extrait qu’on tire de l’iris à fleurs bleues, iris vulgaris violacea hortensis & sylvestris, & qui sert à peindre en miniature ; cette couleur tendre peut se faire de la manière suivante. Cueillez de grand matin avant le lever du soleil des plus belles fleurs d’iris, séparez-en la partie extérieure qui est verte & satinée, & ne vous servez que de cette partie. Pilez-la dans un mortier de verre, versez ensuite par-dessus quelques cuillerées d’eau dans laquelle vous aurez fait fondre un peu d’alun & de gomme ; broyez bien le tout ensemble, jusqu’à ce que votre eau ait la couleur & la consistance nécessaire ; ensuite passez ce jus dans un linge fort, mettez-le dans des coquilles, & laissez-le sécher à l’ombre ».
  • [42]
    Ibid., t. 17, art. « Verd ». « Verd de vessie, (Arts.) pâte dure qu’on prépare avec le fruit de nerprun. Pour faire cette pâte, on écrase les baies du nerprun quand elles sont noires & bien mûres ; on les presse, & l’on en tire le suc qui est visqueux & noir ; on le met ensuite évaporer à petit feu sans l’avoir fait dépurer, & l’on y ajoute un peu d’alun de roche dissout dans de l’eau, pour rendre la matière plus haute en couleur & plus belle ; on continue un petit feu sous cette liqueur, jusqu’à ce qu’elle ait pris une consistance de miel ; on la met alors dans des vessies de cochon ou de bœuf qu’on suspend à la cheminée, ou dans un autre lieu chaud, & on l’y laisse durcir pour la garder ; les Teinturiers & les Peintres s’en servent. On doit choisir le verd de vessie dur, compact, pesant, de couleur verte, brune ou noire, luisant extérieurement ; mais qui étant écrasé ou pulvérisé, devienne tout à fait verd, & d’un goût douçâtre ».
  • [43]
    Le vert-de-gris se différencie en cela de la malachite, un carbonate de cuivre qui se rencontre à l’état naturel et dont on tire un pigment minéral connu sous l’appellation de vert de montagne (Pigment Compendium…, op. cit., p. 248-249).
  • [44]
    Pour un aperçu sur la production de vert-de-gris en Europe du Moyen Âge au xviiie siècle, voir : Van Eikema Hommes, Margriet, Changing Pictures. Discoloration in 15th-17th-Century Oil Paintings, Londres, Archetype Publications, 2004, chap. 3, Verdigris Glazes in Historical Oil Paintings: Recipes and Techniques.
  • [45]
    Cholvy, Gérard (dir.), Histoire de Montpellier, Toulouse, Privat, 1989, p. 130-131.
  • [46]
    Il existe une autre famille : le vert-de-gris neutre, dit aussi cristallisé ou distillé.
  • [47]
    Panier, Joseph, Peinture et fabrication des couleurs, Paris, Librairie encyclopédique de Roret, 1856, p. 102.
  • [48]
    Encyclopédie…, op. cit., t. 17, art. « Teinturier ».
  • [49]
    L’art d’enluminure. Traité du xive siècle, traduit du latin avec des notes tirées d’autres ouvrages anciens, éd. Dimier, Louis, Paris, Louis Rouart et fils, 1927, p. 108, « L’Inde (indigo) se broie avec de l’eau claire, et vous la gommez lorsqu’elle est prête. Il faut la broyer jusqu’à ce qu’elle ne se fasse plus entendre sous la molette ».
  • [50]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper… », art. cité, p. 132-133 et 135-136.
  • [51]
    L’utilisation du « vin aigre » ne semble pas ici destinée au raffinage du vert-de-gris préalablement à son emploi, en le faisant dissoudre dans un acide avant de le laisser se recristalliser par évaporation. Pigment Compendium..., op. cit., p. 385.
  • [52]
    Les autres liants possibles étaient l’huile de lin, employée en peinture, et le blanc d’œuf pour la peinture et la miniature.
  • [53]
    Clarke, Mark, The Art of All Colours: Mediaeval Recipe Books for Painters and Illuminators, Londres, Archetype Publications, 2001.
  • [54]
    The Book of the Art of Cennino Cennini. A Contemporary Practical Treatise on Quattrocento Painting, éd. Herringham, Christiana J., Londres, George Allen & Unwin Ltd, 2e éd., 1922, p. 40-41.
  • [55]
    Boutet, Claude, École de la miniature ou l’art d’apprendre à peindre sans maître, Paris, Bachelier, 1817, p. 246, « L’adjectif gai parfois accolé au vert qualifie une couleur vive, brillante, légère ».
  • [56]
    Kirby, Jo, « The price of the quality: factors influencing the cost of pigments during the Renaissance », dans Neher, Gabriele et Shepherd, Rupert (dir.), Revaluing Renaissance Art, Londres, Routledge, 2017, p. 19-42 (38).
  • [57]
    Pastoureau, Michel, Jésus chez le teinturier…, op. cit., p. 59. Voir aussi du même auteur : Bleu, histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2006, chap. « Le tabou des mélanges et le mordançage » ; Vert, histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2013.
  • [58]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper… », art. cité, p. 133. Sur les quatre types d’acétates de cuivre seuls sont verts ceux dont la formule chimique est Cu(CH3COO)2.[Cu(OH)2]3.2H2O. Les trois autres types sont bleus.
  • [59]
    Ibid., p. 134-136. Des photos donnent une idée de la couleur bleue du vert-de-gris basique à l’état brut ainsi que du changement de teinte du vert-de-gris basique employé tel quel et du vert-de-gris neutre (transformé en acétates de cuivre au contact d’un acide acétique), respectivement mélangés avec de l’huile de lin, du blanc d’œuf ou de la gomme arabique. Le ton bleu-vert obtenu le premier jour tourne au vert un mois plus tard, avec des nuances marquées selon le type de vert-de-gris et l’agglutinant employé. Une version ancienne de cette étude est accessible en ligne : Kühn, Hermann, « Verdigris and copper resinate », Studies in Conservation, vol. 15 (1), 1970, p. 12-36 (photos p. 14 et 15) [URL : https://www.jstor.org/stable/1505549].
  • [60]
    Pastoureau, Michel, « Une couleur en mutation : le vert… », art. cité, p. 709.
  • [61]
    Spring, Marika, « New insights into materials of fifteenth and sixteenth century Netherlandish paintings in the National Gallery, London », Heritage Science, no 40 (5), 2017, p. 1-20 (15 et 17).
  • [62]
    Traité de la peinture de Léonard…, op. cit., p. 138-139.
  • [63]
    Ibid., p. 141-142.
  • [64]
    Ibid., p. 142.
  • [65]
    Le safran est régulièrement mentionné pour la préparation du jaune. L’art d’enluminure…, op. cit., p. 32, « Le jaune est une terre jaune ou orpin, ou autrement de l’or fin, ou du safran » ; p. 44, « Le jaune artificiel se fait en plusieurs sortes. […] Un troisième moyen est de teindre la céruse en jaune au moyen de safran. Si dans cette opération la couleur devient trop pâle, il ne faudra que charger en safran, si elle est trop forte, en céruse ».
  • [66]
    Barkeshli, Mandana, « pH Stability of Saffron Used in Verdigris as an Inhibitor in Persian Miniature Painting », Restaurator, no 23 (3), 2002, p. 154-164.
  • [67]
    The Book of the Art of Cennino Cennini…, op. cit., p. 44.
  • [68]
    Traité de la peinture de Léonard…, op. cit., p. 138-139.
  • [69]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper », art. cité, p. 135-136.
  • [70]
    Banik, Gerhard, « Discoloration of Green Copper Pigments in Manuscripts and Works of Graphic Art », Restaurator, no 10 (2), 1989, p. 61-73. Id., « Green copper Pigments and their alteration in manuscripts or works of graphic art », dans Pigments et colorants de l’Antiquité et du Moyen Âge : Teinture, peinture, enluminure, études historiques et physico-chimiques, Paris, Éditions du cnrs, 2002, p. 75-86. Carlson, Lage, « An Interim Treatment for Paper Degraded by Verdigris », Book and Paper Annual, no 16, 1997, p. 1-8. Ricciardi, Paola et al., « “It’s not easy been green”: a spectroscopic study of green pigments used in illuminated manuscripts », Analytical Methods, no 5, 2013, p. 3819-3824. Brostoff, Lynn B. et Ryan, Cynthia Connelly, « Tracing the Alteration of Verdigris Pigment through Combined Raman Spectroscopy and X-ray Diffraction, Part I », Restaurator, no 41 (1), 2020, p. 3-20.
  • [71]
    Kühn, Hermann, « Verdigris and copper », art. cité, p. 133.
  • [72]
    Carlson, Lage, « An Interim Treatment for Paper… », art. cité, p. 1-8. Exemple de restauration de l’exemplaire de l’édition de 1570 du Theatrum Orbis Terrarum d’Abraham Cornelius conservé à la Librairie du Congrès (Washington). Sur les 53 cartes coloriées manuellement, les teintes vertes obtenues à partir de vert-de-gris ont réagi diversement avec le temps. Pour enrayer le processus, les feuillets dégradés ont été plongés dans une solution d’eau et de carbonate de magnésium afin d’élever leur pH de 6 à 8.5.
  • [73]
    France, Fanella G., Wilson, Meghan A. et Ghez, Anita, « Spectral Imaging of Portolan Charts », International Cartographic Association, 1, 2017, 7 p. [URL : https://doi.org/10.5194/ica-proc-1-38-2017 ; consulté le 03-11-2020].
  • [74]
    Ibid., p. 5. L’imagerie spectrale montre que les rins de vents en rouge (à base de cinabre) se superposent aux informations portées en brun (trait de côte, toponymes), indice qu’ils ont été tracés après eux, alors qu’on considère habituellement que les cartographes commençaient par placer les roses des vents puis la trame des rins les reliant avant de dessiner le reste de la carte.
  • [75]
    La colorimétrie permet, à partir d’un échantillonnage à une date donnée, de mesurer l’altération des couleurs d’une œuvre d’art avec le temps. La technique n’est pas applicable rétroactivement.
  • [76]
    Iron Gall Inks: On Manufacture Characterisation, Degradation and Stabilisation, Kolar, Jana et Strilic, Matija (éd.), Ljubljana, National and University Library of Slovenia, 2006.
  • [77]
    BnF, Anglais 51.
  • [78]
    Londres, British Library, c13233-13, papier, 35 x 47 cm.
  • [79]
    L’emploi du vert est très réduit sur les exemplaires manuscrits datant du dernier quart du xve siècle (BnF, Latin 4802 et Latin 4805). Il se développe dans les éditions imprimées qui ont fait l’objet d’un coloriage. Dans celle réalisée à Strasbourg en 1513 par Johan Schott, le vert sert à représenter les montagnes sur les 25 planches placées en fin de volume (BnF, Cartes et plans, GE DD-1009 [RES]). La teinte métallique et le fait que cette couleur ait traversé au dos des feuillets donnent à penser qu’il s’agit d’un vert à base de vert-de-gris. Dans l’édition parue en 1584 à Cologne, des secteurs sont signalés par des aplats en vert pour les distinguer d’autres en jaune. Les forêts sont également représentées en vert avec surimposition d’arbres dans un ton plus foncé (Ibid., GE DD-1019-1021 [RES]).
  • [80]
  • [81]
    Travaux sur la « révolution de l’écrit » en Occident à partir de la fin du xie siècle dans le prolongement de l’ouvrage de Michael T. Clanchy (From Memory to Written Record. England 1066-1307, Londres, Edward Arnold, 1979), qui a inspiré les études sur la literacy anglo-saxonne, la Schriftlichkeit allemande et la « scripturalité » française.
  • [82]
    Antoine, Annie, Le paysage de l’historien…, op. cit. Bousquet-Bressoulier, Catherine, L’Œil du cartographe, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1995. Chapuis, Olivier, À la mer comme au ciel. Bontemps-Beauprès et la naissance de l’hydrographie moderne (1700-1850), Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999. Suire, Yannis, La côte et les marais du Bas-Poitou vers 1700. Cartes et mémoire de Claude Masse ingénieur du roi, La Roche-sur-Yon, Éditions du Centre vendéen de recherche et d’histoire, 2011. Id., L’estuaire de la Gironde, Bordeaux et le Bordelais vers 1700. Cartes et mémoire de Claude Masse ingénieur du roi, La Crèche, La Geste, 2017. Id., Le Médoc, Arcachon, les Landes et le Pays basque vers 1700. Cartes, plans et mémoires de Claude Masse, ingénieur du roi, La Crèche, La Geste, 2017.
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