Couverture de AATC_134

Article de revue

Hérédité des talents ?

Pages 49 à 51

Notes et références

  • [1]
    BOLLAS, C., Les forces de la destinée, Calman Levy, 1996.
  • [2]
    MOISO, C., Besoins d’hier, besoins d’aujourd’hui, Éditions d’A.T., 2009.
  • [3]
    Paolo Galimberti est un journaliste italien et actuellement président de la RAI.

1Connaissez-vous James Thierrée ? Avez-vous déjà admiré ce funambule en apesanteur, cet acrobate volant, cet hurluberlu de génie, ce poète du mouvement qui avance la tête dans les étoiles et les pieds sur un nuage... Savez-vous que cet artiste inspiré par les anges ne vient pas du ciel mais de parents, qui eux-mêmes ne venaient pas de nulle part !!!!

2Je m’explique : James Thierrée est un "fils de" comme on dit aujourd’hui, et cela de multiples façons.

3Sa mère, Victoria Chaplin, a créé avec son père, Jean-Baptiste Thierrée, le Cirque Invisible, spectacle où le merveilleux, l’audacieux et le comique se rencontrent. Pour ces spectacles, Victoria a créé des costumes époustouflants, délicieux, abracadabrantesques. Et Jean-Baptiste a inventé les situations, les gags, les effets comiques. Le résultat était, est détonant… Mais ce n’est pas tout, James est le petit-fils du grand Chaplin, celui qui a fait rire et pleurer le monde entier, avec son personnage de vagabond muet.

4En admirant le jeune James suspendu dans ses cordes, et alors que mes yeux se mouillaient devant tant de talent, je n’ai pu m’empêcher de me demander si dans la double hélice d’ADN de la famille Chaplin, il y avait un gène particulier, un gène que nous n’avions pas, nous autres les gens ordinaires, un gène de la créativité, du talent et de l’inventivité.

5En d’autres termes, est-ce que le talent, talent d’écrire, de peindre, de faire de la musique, ou encore le génie des mathématiques, se reçoit à la naissance, et alors nous sommes tous inégaux dès le départ ? Ou est-ce que chacun, s’il est plongé dans la bonne famille, peut déployer ses ailes et aller rechercher les compétences créatives qui ne s’épanouiraient pas ailleurs ?

6Vaste sujet. Depuis le temps que psychologues et généticiens s’interpellent sur ces idées, je n’ai pas la prétention de donner une réponse, mais plutôt de poser des questions. Est-ce que Mozart aurait été Mozart sans son père ? Ou encore est-ce Monsieur Agassi Père qui a "fabriqué" son champion de fils ou le jeune André aurait-il de toute façon été un grand sportif ?

7En d’autres termes, dans notre scénario, qu’en est-il de la part des messages, modèles et références parentales et qu’en est-il de ce que Bollas [1] appelle notre potentiel, notre destinée, cette part de nous déterminée par nos gènes, par la façon dont nous métabolisons les hormones ou encore par la manière dont les neurotransmetteurs acheminent l’information dans notre cerveau. Faut-il être né dans une famille d’artiste pour être un artiste ? Certainement pas, mais comment savoir que l’on a en soi des compétences, des aptitudes, disons-le des dons, si personne ne nous aide à en prendre conscience ? L’homme des cavernes qui peignait sur les murs de Lascaux était-il le fils d’un artiste, ou a-t-il pris un morceau de charbon pour dessiner comme cela, ex nihilo ?

8Albert Camus a dédié son discours de réception du prix Nobel à son instituteur, Louis Germain, sans doute parce qu’il savait bien que, sans cet homme, il ne serait pas devenu ce qu’il était.

9Peut-être qu’il ne suffit pas d’être doué pour avoir du talent. Peut-être que le désir de créer, inhérent à l’homme, demande aussi des médiateurs, des passeurs, des parents, des maîtres, des éducateurs qui permettent à ce qui est en jachère de devenir une belle récolte. Mais même si nous rencontrons un passeur qui nous aide à faire éclore nos talents, il faut bien reconnaître que tout le monde n’a pas le "gène Chaplin". Nous nous devons alors de rester humble devant notre capacité, comme thérapeute, éducateur, parent, à permettre à chacun d’être un artiste de talent. Nous pouvons juste aider chacun à trouver sa compétence, à épanouir au mieux ce qu’il a reçu à la naissance, mais pas plus. Comme le souligne Carlo Moiso [2], citant Paolo Galimberti [3], dans sa conférence Besoins d’hier, besoins d’aujourd’hui : « Rappelle-toi que tu peux être le meilleur de toi, mais pas meilleur que toi ». Et vous, qu’en pensez-vous ? Quelles sont vos idées et vos expériences en cette matière ? Branchez votre gène de l’écriture et envoyez-nous vos réflexions sur le sujet !

Notes et références

  • [1]
    BOLLAS, C., Les forces de la destinée, Calman Levy, 1996.
  • [2]
    MOISO, C., Besoins d’hier, besoins d’aujourd’hui, Éditions d’A.T., 2009.
  • [3]
    Paolo Galimberti est un journaliste italien et actuellement président de la RAI.
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