Couverture de AATC_125

Article de revue

S'occuper de la peur de l'échec : travail avec les concepts de scénario dans la salle de classe

Pages 38 à 49

Notes et références

  • [*]
    Traduit et reproduit avec l’autorisation de l’auteur et de l’I.T.A.A. Paru dans le T.A.J., 34, 3, 2004, pp. 209-215 : « Dealing with fear of failure: working with script concepts in the classroom ». © I.T.A.A. (tous doits réservés).
  • [1]
    ERSKINE, G.R., La honte et l’attitude’sans reproche’ : perspectives transactionnelles et interventions cliniques, A.A.T., 76, 1995, pp. 163-182.
  • [2]
    traduit de l’allemand vers l’anglais par Miriam Toth
  • [3]
    ERSKINE, G.R., et ZALCMAN, M.J., Le circuit du sentiment parasite : un modèle d’analyse, A.A.T., 12, 1979, pp. 148-156. C.A.T., 1, pp. 185-193.
  • [4]
    ERSKINE, G.R., art. cité (n. 1).
  • [5]
    ERSKINE,G.R., et ZALCMAN, M.J., art. cité (n.3).
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    Ibid.

Pourquoi travailler avec les concepts de scénario dans un champ de l’éducation ?

1Quand les enfants entrent à l’école, le scénario est, pour la plus grande part, déjà développé. L’école devient un endroit où les enfants peuvent confirmer leurs croyances à propos d’eux-mêmes, des autres et de ce qu’est la vie. C’est aussi un endroit où il est possible de compléter, de remodeler et d’améliorer leurs scénarios. Les enfants peuvent intégrer de nouvelles permissions, assouplir les limites de leurs scénarios, et également les renforcer.

2De nouvelles expériences sont rencontrées, de nouveaux comportements peuvent être testés et de nouvelles réactions de la part des autres peuvent être expérimentées. Le monde devient un lieu plus vaste avec beaucoup plus d’opportunités.

3Il existe de multiples définitions du scénario. Erskine a écrit : « Le scénario est un plan de vie… élaboré sous pression, à tout âge du développement, qui inhibe la spontanéité et limite la flexibilité dans la résolution de problèmes et la relation aux gens » [1]. Cette définition insiste sur le fait que la construction du scénario est un processus tout au long de la vie et implique qu’il peut limiter des fonctions importantes nécessaires à l’école. Par conséquent, dans les situations scolaires :

4- Tout comportement, pensée et sentiment qui limite la capacité de l’élève à apprendre, y compris ceux influencés par le scénario, doit être pris en charge par l’enseignant et il doit y être remédié dans la mesure du possible.

5- Tous les processus intrapsychiques en lien avec le scénario utilisent de l’énergie nécessaire à l’apprentissage

6- Tous les sentiments liés au scénario prennent de l’énergie qui serait mieux employée pour l’apprentissage

7- Tous les souvenirs syntoniques au scénario distraient l’attention du processus d’apprentissage

8- L’absence de bonnes relations au sein du groupe de pairs rend l’apprentissage stressant. En l’absence d’un environnement apportant du soutien, il est beaucoup plus difficile d’apprendre.

9Tous ces facteurs peuvent être envisagés dans l’histoire suivante.

figure im1

L’histoire de la leçon de lecture

10Katrin n’a jamais lu aussi mal qu’aujourd’hui, bien qu’elle se soit beaucoup exercée à la maison. Mais quand elle a été interrogée par Mademoiselle Forst, c’est comme si tout s’était envolé. Elle fixa son livre, silencieuse. Dans le coin où Peter et Thorsten étaient assis, ils avaient déjà commencé à rire bêtement. Ils se moquent de moi, pensa Katrin, et la chaleur monta de son cou vers sa tête. Il faut que je lise maintenant !

11Tout était faux. Pas le premier mot, mais cela commença avec le second, et le troisième. « Est-ce que tu as oublié que tes devoirs étaient de t’exercer à lire cette page ? » demanda Mademoiselle Forst non sans bienveillance. Katrin secoua la tête. Elle essaya de nouveau, en faisant de gros efforts, mais sans résultat.

12« C’est mieux si tu continues, Camilla » dit Mademoiselle Forst, « et toi, Katrin, exerce-toi à lire la page à la maison, sinon tu vas rater celle-ci ». Katrin s’était suffisamment exercée et à la maison elle pouvait tout lire. Cela marchait toujours mieux quand elle était seule.

13Elle tourna la tête prudemment. Est-ce que les autres riaient encore d’elle ? Est-ce qu’ils la fixaient ? Mais tout était normal. Certains regardaient leur livre, d’autres regardaient dans la classe. Personne ne s’occupait d’elle.

14Marita Lindquist[2]

Reconnaître les comportements, pensées et sentiments influencés par le scénario

15Cette histoire intitulée « Leçon de lecture » et tirée d’un manuel scolaire allemand, décrit le vécu de nombreux élèves. Dans cette histoire, l’enseignante est bienveillante et fait de son mieux pour soutenir l’élève, mais ses interventions ne sont pas aidantes.

16J’ai décidé d’utiliser l’histoire de Katrin dans une situation scolaire réelle pour découvrir comment les élèves vivent l’échec et comment un enseignant pourrait mieux réagir afin de changer la situation.

17J’ai utilisé une histoire au lieu de demander à un élève réel parce que l’histoire donne beaucoup d’informations sans exposer un enfant réel. Avant de commencer, j’ai préparé un ensemble de questions représentées dans le tableau 1.

Déroulement de la leçon

18Dans la salle de classe, cet exercice a impliqué les étapes suivantes :

19- L’enseignant a lu l’histoire à la classe.

20- Les élèves ont partagé leurs réactions spontanées.

21- Une copie de l’histoire a été distribuée aux élèves.

22- Les élèves ont lu l’histoire seuls ou en groupes.

23- Les élèves ont reçu une feuille avec les questions du tableau 1.

24- Les élèves ont noté leurs réponses.

25- L’enseignant a ramassé les feuilles.

26Comme je ne travaille plus comme enseignante dans une école, la leçon a été menée par une de mes anciennes stagiaires, qui est maintenant analyste transactionnelle dans le champ Education, dans sa classe en Allemagne. J’ai conçu la leçon et l’évaluation.

Tab 1

Questions et ce que je veux savoir à propos de Katrin

Tab 1
Questions Ce que je veux savoir : -1. Katrin est très anxieuse quand elle est interrogée. Pourquoi ? -1. Ce dont elle a peur. -2. Que pense-t-elle ? -2. Ce qu’elle imagine. -3. Katrin fait beaucoup d’efforts. Pourquoi cela ne marche-t-il pas bien ? -3. L’explication qu’elle a. -4. Comment Katrin se sent-elle a la fin de l’histoire ? -4. Les sentiments qu’elle ressent. -5. Plus personne ne rit, plus personne ne se préoccupent qu’est-ce qu’elle pense de cela ? -5. L’interprétation qu’elle fait. -6. Qu’est-ce que Katrin souhaite ? -6. Si elle a accès a ses besoins. -7. Ecris dans la bulle quelque chose que Katrin pourrait se dire et qui l’aiderait. -7. Si des pensées de soutien sont disponible.

Questions et ce que je veux savoir à propos de Katrin

Réponses des élèves

27L’exercice a permis de collecter les réponses de 22 élèves qui terminaient juste le CE1. J’étais intéressée par plusieurs questions :

28-1. Comment les enfants répondaient-ils aux questions ? -2. Les réponses étaient-elles en lien avec l’histoire ou étaient-elles inventées ? 3. Les élèves redéfinissaient-ils la question et répondaient-ils à une question autre que celle que j’avais posée ?

29Les paragraphes qui suivent résument les réponses des élèves.

30-1. Katrin est très nerveuse quand elle est interrogée. Pourquoi ? Les réponses montrent que Katrin est très nerveuse parce qu’elle doit lire et qu’elle est au centre de l’attention. Le fait de lire à haute voix devant les autres rend certains des enfants anxieux. Une des élèves a écrit « Parce que je suis toujours nerveuse en classe ». La réponse la concernait elle et non Katrin. D’autres ont répondu : « Parce qu’elle ne peut lire que quand elle est seule ». Il semble que la crainte des enfants est d’être exposée (mis à nu).

31-2. Que pense-t-elle ? Les réponses à cette question montrent la pression qui pèse sur les enfants : « Je dois y arriver », « Je dois faire des efforts », « Je me demande si je peux bien faire » ou même pire « Je suis sûre que je vais très mal lire ». Il y avait ensuite les fantasmes effrayants de certains des enfants : un tiers des élèves se sont imaginé : « Ils vont se moquer de moi », un avait peur : « Je vais faire mauvaise impression aux autres », un autre craignait : « Plus personne ne se souciera de moi ». Toutes ces réponses ne concernant pas Katrin, mais eux-mêmes. En général, les élèves passaient de "Katrin" à "Je" quand ils répondaient aux questions.

32Les réponses des élèves montrent exactement quelle est la peur : la peur d’échouer est souvent la peur d’être jugé et de ne plus être aimé. Le fait de considérer « ce que d’autres pensent de moi » et de croire que « les autres vont se moquer de moi quand je fais une faute » de même que « je dois bien faire » ou « les autres ne se soucient pas de moi » sont tous des variations de la pensée liée au scénario. Il est évident que ce qui semble être une problématique de performance est également une problématique de la relation.

33-3. Katrin fait de gros efforts. Pourquoi cela ne marche-t-il pas bien ? Sept élèves pensaient que c’était parce qu’elle ne pouvait lire que seule. Les autres ne savaient pas ou n’ont pas donné de réponse logique. Les enfants n’avaient pas d’explication. C’est à l’enseignant de trouver pourquoi.

34-4. Comment Katrin se sent-elle à la fin de l’histoire ? L’histoire ne dit rien quant à ce que Katrin ressent à la fin de l’histoire. Les enfants ont projeté ce qu’ils pourraient ressentir dans cette situation. Huit élèves ont écrit que Katrin se sent très triste, toute seule et solitaire. Trois ont écrit qu’elle ne se sent pas bien, un qu’elle se sent stupide, un qu’elle se sent humiliée et un qu’elle se sent abandonnée. Quatre enfants n’ont pas donné de réponse concernant les sentiments. Une n’était pas spécifique : « Katrin se sent bizarre » et un enfant a répondu avec une sensation physique : « Katrin a un sentiment anxieux dans l’estomac ». Quand la réaction de l’enfant est inappropriée par rapport au stimulus, elle est probablement influencée par le scénario. Les sentiments de scénario sont stimulés par le vécu d’échec et d’absence de soutien. Cela détourne pas mal d’énergie de l’apprentissage. L’enseignant doit éviter d’exposer les élèves à de tels vécus et il doit travailler à modifier la situation, comme je vais le décrire plus loin.

35-5. Plus personne ne rit, plus personne ne se préoccupe d’elle. Qu’est-ce que Katrin pense de cela ? Les réponses des élèves donnent un aperçu de comment Katrin utilise le vécu du fait que personne ne rit plus, que personne ne se préoccupe d’elle. L’explication que les enfants avaient était « Plus personne ne l’aime » ou « Les enfants ne l’aiment pas ». Et la raison pour cela était « Ils rient de moi parce que je ne peux pas faire les choses comme il faut ». Dans la dernière réponse, la question est redéfinie : l’élève a répondu comme si les autres riaient encore. Un autre enfant s’est même demandé pourquoi ils ne riaient plus : « Pourquoi est-ce qu’ils ne se moquent plus de moi alors que j’ai fait des fautes en lisant ? » Cela montre à quel point les enfants croient que, pour être OK et être aimé, il faut qu’ils soient performants.

36Deux enfants ont réussi à rester en position OK en questionnant le comportement des autres : « Pourquoi est-ce qu’ils se sont moqués de moi ? Je ne le comprends pas » et « Personne ne m’aide à bien lire l’histoire ». Une autre enfant pouvait rester OK si elle était seule : « Les autres enfants devraient me laisser tranquille ». Un des enfants a pensé « Je suis solitaire et seul ».

37A la lecture de ces réponses, on se demande comment les élèves peuvent apprendre quoi que ce soit avec ce type de pensées et de sentiments dommageables se produisant à l’intérieur d’eux.

38-6. Qu’est-ce que Katrin souhaite ? Avec cette question, je voulais découvrir si l’enfant savait ce qu’il ou elle voulait et ce dont il ou elle avait besoin. Deux élèves ont souhaité un changement dans la situation. « Qu’elle n’ait pas du tout à lire le texte » et « Qu’un miracle arrive maintenant ». Il est poignant d’entendre que cet enfant croyait qu’un miracle était nécessaire pour changer la situation. Un autre enfant aurait toléré la situation si seulement il ou elle avait eu un soutien, « Je souhaiterais avoir un ami » et un autre a juste écrit « Des amis ». Deux ont cessé d’être en contact avec les autres : « Elle veut rentrer à la maison » et « Être seule ». Quinze des vingt-deux enfants avaient pour souhait de mieux savoir lire, un voulait même la meilleure note en lecture. Les réponses montrent que la plupart des élèves souhaitent pouvoir faire ce qui leur est demandé.

39Le fait de vouloir mieux lire peut, pour certains des élèves, être un comportement driver. Quand il semble qu’il n’y ait pas de choix et qu’un enfant doit « Faire des efforts », « Être parfait » et/ou « Faire plaisir aux autres » pour y arriver, pour être aimé ou pour exister, alors il ou elle obéit à des messages de drivers.

40-7. Écris dans la bulle quelque chose que Katrin pourrait se dire et qui l’aiderait. Les réponses des enfants montrent qu’il y a peu de pensées apportant un soutien disponible. « Je le lirais mieux à ma mère », « Il faut que je lise maintenant comme à la maison » et « J’essaie encore » étaient les réponses les plus positives. « Il faut que j’y arrive » et « Il faut que je fasse un gros effort maintenant » n’aidaient pas. « Katrin pense que je ne peux pas y arriver » et « Pourquoi est-ce que je n’y arrive pas ? » étaient des pensées dommageables et affaiblissantes. Six des élèves n’avaient pas de réponse du tout.

41Toutes les réponses des élèves montrent qu’une situation stressante à l’école peut activer le scénario de l’enfant. Quand des situations telles que celle racontée dans l’histoire de Katrin se poursuivent jour après jour, encore et encore, un scénario peut se former ou un scénario existant peut être confirmé avec les croyances « Je n’y arrive pas », « Il y a quelque chose qui ne va pas avec moi », « Je suis un(e) raté(e)», « Je ne suis pas important(e) », « Je suis seul(e) », « Personne ne m’aide/personne ne peut m’aider », et « La vie est dure », et les drivers « Fais des efforts » et « Sois parfait ». Quand les enseignants n’interviennent pas, ils renforcent ces croyances et ces drivers.

42Les messages que les enseignants doivent donner sont « Tu es OK », « Tu es important », « Tu n’es pas seul », « La vie est bonne », « Tu es suffisamment bon(ne) » et « Tu peux le faire ».

Comment influencer le scénario dans le champs de l’éducation

43Pour prévenir une fixation de schémas de pensées, de sentiments et d’actions négatifs, il est important :

44-1. De ne pas donner ou confirmer d’injonctions.

45-2. De ne pas donner ou confirmer de drivers.

46-3. De reconnaître précocement un développement négatif.

47-4. D’arrêter les comportements, pensées et sentiments dommageables

48-5. De donner des messages sains.

49-6. De permettre de s’exercer à de nouveaux comportements, pensées et sentiments.

50-7. De proposer à l’élève un vécu différent dans sa relation avec l’enseignant.

51-8. De mettre en place les possibilités d’avoir des vécus positifs dans les relations avec les autres.

52-9. De préserver les vécus positifs afin qu’ils ne soient pas méconnus ou ignorés.

53-10. De découvrir quel est le besoin de l’enfant et de le valider, même s’il n’est pas possible de le satisfaire.

Les limites du travail sur le scénario dans le champ de l’éducation

54Ce n’est pas le travail de l’enseignant de découvrir quelles situations familiales pourraient provoquer un certain comportement chez un élève. En fait, cela serait une violation de la vie privée des parents (sauf s’il y a des indications d’abus) et ne serait pas respectueux de la loyauté de l’enfant à l’égard de ses parents. En tant qu’éducateurs, nous n’avons pas besoin de savoir d’où viennent les décisions de scénario, et nous ne retournons pas non plus aux scènes passées. Nous restons dans l’ici et maintenant et nous proposons ce qui manque.

Le travail avec le système de scénario afin de corriger le comportement plus efficacement

55« Le système de racket est défini comme un système auto-renforçant et déformant de pensées, sentiments et actions entretenus par les personnes enfermées dans leur scénario. Le système racket a trois composantes reliées entre elles et interdépendantes : les croyances et sentiments de scénario, les manifestations des rackets, et les souvenirs renforçants » [3]. Selon Erskine [4] j’utilise le terme « système de scénario » plutôt que le terme originel de « système racket ». Le diagramme du système de scénario (appelé à l’origine système racket) [5] montre que les manifestations consistent en trois éléments : les comportements observables, le vécu interne relaté, et les fantasmes. Les vécus internes relatés sont « toutes les réponses somatiques aux croyances/sentiments de scénario » et les fantasmes sont les moments où « l’individu imagine un comportement, le sien ou celui d’autrui, qui vient apporter un soutien aux croyances de scénario ».

56En tant qu’enseignants, nous nous centrons sur le comportement de l’élève. Pour traiter le comportement lié au scénario, il est important de ne pas se centrer uniquement sur le comportement observable, mais d’être aussi conscient des autres parties du système de scénario. Sans cela, l’élève peut garder en place les mécanismes tels que la méconnaissance de réponses sociales et d’expériences qui ne concordent pas avec son scénario. Cela va à l’encontre d’un réel changement de comportement. Pour inviter à un changement de comportement de façon efficace, nous devons influencer les processus internes conduisant à certaines actions. Il est donc important de rendre ces processus internes visibles et accessibles et de fournir les stimuli qui encourageront leur changement. Les réponses données par les élèves aux questions concernant l’histoire de Katrin révèlent le vécu interne des enfants. Nous avons besoin d’influencer ces processus internes afin que les élèves ne pensent plus « Pour sûr, je vais très mal lire » ou « Ils se moquent de moi parce que je ne peux pas bien faire » ou « Je n’ai plus d’amis si je ne m’en sors pas ». Nous devons influencer les vécus internes tels qu’ils sont rapportés (par exemple « Elle a un sentiment anxieux dans l’estomac ») de même que les fantasmes (par exemple « Plus personne ne m’aimera »), les croyances (« Je n’y arrive pas », « Je ne suis pas important ») et les sentiments (« Je me sens très mal », « Je me sens triste et solitaire ») de scénario.

57La théorie du système de scénario montre aussi à quel endroit le système peut être interrompu. Toute intervention qui interrompt le flux du système de scénario prévient le renforcement du scénario. Le fait de manifester un comportement nouveau aura pour résultat des réponses différentes de la part des autres élèves et cela modifiera également les souvenirs renforçants [6]. Le fait de changer les vécus internes de même que les fantasmes aura pour résultat des sentiments et des croyances différentes. Celui de changer les souvenirs renforçants empêchera les expériences positives d’être méconnues ou ignorées. D’autres croyances et sentiments de scénario entraîneront des comportements différents.

Interrompre le système de scénario au niveau des manifestations

58Le comportement observable : Les peurs de l’échec et du jugement doivent être prises au sérieux. Pour que les élèves apprennent de nouveaux comportements, la peur doit être réduite et la sécurité de l’environnement doit être augmentée. L’enseignant doit changer la situation de telle manière que les enfants puissent expérimenter de nouveaux comportements. Afin de créer un environnement d’apprentissage sécurisant, il est important pour l’enseignant :

59- D’être consistant et fiable.

60- De rester accordé, d’être pleinement présent et en contact d’une manière respectueuse, empathique, et sans jugement.

61- D’être puissant et fort afin que l’enfant se sente protégé.

62- De toujours protéger les enfants de toute humiliation de la part de leurs camarades de classe.

63- De fournir des règles de communication claires et d’indiquer les conséquences du non-respect des règles.

64- De diminuer le niveau de peur en réduisant la tâche pour un temps et aussi de la rendre plus ludique afin de réduire les drivers « Fais des efforts » et « Sois parfait ». Chacun peut décider quand il s’arrête et les autres doivent faire bien attention pour pouvoir continuer. Par exemple, l’enseignante pourrait dire, « Katrin, tu lis autant que tu veux, ensuite tu t’arrêtes et tu dis le nom de l’élève qui doit continuer » ou bien « Lis une phrase et fais une faute. Les autres élèves doivent la trouver ».

65- D’introduire la règle : « Nous nous aidons mutuellement ». Par exemple, « Alors Katrin, choisis quelqu’un qui va te soutenir aujourd’hui ».

66- D’augmenter les activités en partenariat et en groupe.

67- De construire une culture des signes de reconnaissance et d’augmenter le niveau de signes de reconnaissance dans la classe.

68- D’établir une culture de soutien entre pairs.

69Par exemple, si Katrin peut changer son comportement, elle recevra des réactions différentes des autres et ressentira donc autre chose. Nous savons que pour affaiblir un driver, les enseignants doivent avoir conscience de l’injonction sous-jacente et agir à son encontre en donnant la permission « Tu es OK » et « Tu peux le faire » suivie de nouveaux vécus qui le prouvent.

70Un autre nouveau comportement que les élèves peuvent apprendre est « Parle-toi autrement ! Arrête les messages décourageants ! Qu’est-ce que tu peux te dire à la place ? » L’enseignant peut écrire les réponses des élèves à ces messages au tableau. Quand il n’y a pas assez de réponses, l’enseignant peut donner des exemples comme ceux montrés dans le tableau 2.

71L’enseignant peut ensuite demander aux élèves de choisir l’affirmation qu’ils préfèrent et de l’écrire dans la bulle sur une nouvelle copie de l’image de Katrin.

72Les élèves peuvent être invités à s’exercer à dire l’affirmation qu’ils préfèrent tout haut en face d’un autre élève, et l’enseignant peut demander « Comment cela résonne-t-il ? En quoi l’histoire de Katrin serait-elle différente si elle se parlait différemment ? »

73Les vécus internes relatés : dans la salle de classe, nous voulons que les élèves soient détendus plutôt qu’excités, nerveux et anxieux. Les exercices de relaxation qui incluent des aspects d’être tenu et d’être en sécurité aident les enfants à se calmer. De plus, comme nous respirons de manière peu profonde quand nous avons peur, des exercices de respiration peuvent enseigner aux enfants comment respirer profondément par le ventre et se détendre doucement.

Tab 2

Messages soutenant les drivers et les contre-messages

Tab 2
Comment te sens-tu avec ce message ? Comment te sens-tu avec ce message ? Je ne peux pas y arriver Je vais y arriver Il faut que je fasse des efforts maintenant Je lis suffisamment bien Je vais être mal vue Les autres m’aiment bien, peu importe comment je lis Ils vont se moquer de moi J’ai des amis, peu importe comment je lis

Messages soutenant les drivers et les contre-messages

74Tous les exercices de voyages imaginaires guidés offrant des vécus positifs peuvent être utilisés afin d’ancrer des sentiments positifs dans le corps. L’enseignant peut dire, « Où dans ton corps ressens-tu la chaleur ? Tu peux t’en souvenir chaque fois que tu en auras besoin ».

75Les fantasmes : En utilisant l’histoire de Katrin, les enseignants peuvent expliquer que nous ne savons pas vraiment si les élèves qui rient au début de l’histoire se moquent de Katrin ou rient d’autre chose. L’enseignant peut se demander à haute voix s’il y a un moyen de savoir et il peut mentionner que les élèves peuvent vérifier ces fantasmes en posant la question. Il est important cependant que l’enseignant s’assure que l’enfant est protégé au cas où les autres disent « Oui, nous nous moquions de toi ». Demandez aux élèves s’ils pensent que cela est aidant pour Katrin et rappelezleur la règle de ne pas faire de mal aux autres avec des mots ou avec des actes.

76Ce qu’il faut faire comprendre aux élèves est que le fantasme que d’autres se moquent d’elle fait peur à Katrin. De changer le fantasme modifie la réaction au fantasme ! L’enseignant peut demander comment Katrin se sentirait et agirait différemment si elle fantasmait que tout allait bien se passer, que, si elle faisait une erreur, ça ne serait pas très grave parce qu’elle savait qu’elle était bien aimée, qu’elle s’en tire bien ou pas.

Interrompre le système de scénario au niveau des souvenirs renforçants

77« Les souvenirs renforçants sont le rappel d’évènements choisis… Chaque souvenir a une composante émotionnelle qui est associée au vécu… Les souvenirs renforçant servent de feedback aux croyances de scénario… Les souvenirs qui nient les croyances de scénario sont souvent rejetés ou oubliés » [7].

78Les enseignants peuvent encourager les élèves à pratiquer la validation de vécus positifs et à recueillir et se rappeler des souvenirs qui ne sont pas en accord avec leurs scénarios. Par exemple, un enseignant peut demander « Qu’est-ce qui a été bon à l’école pour toi la semaine passée ? Qui a joué avec toi ? Qui t’a aidé ? Où est-ce que tu as réussi ? Comment te sens-tu à ce propos ? »

Interrompre le système de scénario au niveau des croyances et des sentiments de scénario

79Afin d’influencer les croyances et les sentiments de scénario en tant qu’enseignant, il est utile de chercher des histoires portant de bons messages. Un des livres préférés de mes élèves était Findefuchs, une histoire allemande pour enfants concernant un petit renard sauvé par une maman renard qui le conduisit dans son terrier. Un voisin renard demanda « Qu’est-ce qu’il a de si spécial pour que tu fasses l’effort de le nourrir en plus de tes quatre enfants ? » La mère renard répondit « Il n’a rien d’extraordinaire ; il est juste comme les quatre autres et je l’aime ». Le message est « Je suis content que tu sois là, j’ai de la sympathie pour toi. Tu es important. Tu appartiens. Je t’aime comme tu es ». Je demandais ensuite aux enfants de peindre le petit renard et je leur demandais « Si tu étais le petit renard, comment te sentirais-tu ? » Je leur demandais ensuite de jouer l’histoire et demandais ensuite « Comment te sens-tu en tant que petit renard ? »

80Une autre méthode utile est la visualisation guidée : pour permettre aux élèves de ressentir comment c’est d’apprendre de la bonne manière, j’ai créé un voyage imaginaire guidé dans lequel j’invite les enfants à imaginer qu’ils sont un petit oiseau qui apprend à voler. Le contenu tourne autour des points suivants :

81- Le père et la mère oiseau montrent au petit comment faire (parfois les enfants n’ont pas de bon modèle).

82- Le petit oiseau peut commencer à s’exercer quand il est prêt (l’enfant n’a pas à être le premier de la fratrie, ce qui va à l’encontre du driver « Dépêche-toi »).

83- Le petit oiseau est encouragé et félicité pour les petites avancées (certains des élèves sont confrontés à de grandes attentes).

84- Le petit oiseau vole jusqu’au buisson, atterrit sur le ventre et reçoit une cerise (récompense du « faire », pas du « faire parfaitement »).

85- Le petit oiseau est toujours nourri au sol (il est possible d’explorer le monde et de toujours être soutenu).

86Les enfants sont ensuite invités à peindre le petit oiseau et il leur est demandé « Si tu étais le petit oiseau, comment te sentirais-tu ? ». Ils sont ensuite encouragés à jouer l’histoire et il leur est de nouveau demandé « Comment te sens-tu en tant que petit oiseau ? ».

Conclusion

87Les vécus décrits dans cet article doivent être répétés de nombreuses fois avant d’avoir un impact sur le scénario des élèves. En tant qu’éducateurs, nous sommes souvent en relation avec les élèves pendant une période de temps relativement longue, ce qui nous donne une influence importante à leur égard. Il est important de ne pas se détourner de ce pouvoir, mais de l’utiliser de manière responsable. Si nous le faisons, avec le temps, les élèves auront de nombreux vécus positifs qui les aideront à se parler à eux-mêmes de manière encourageante et à agir différemment. Le fait de se sentir bien à propos d’eux-mêmes et d’autres peut créer ou confirmer des croyances comme :

88À propos de soi : Je suis OK. Je suis important. J’appartiens. Je suis digne d’être aimé.

89Des autres : Ils sont aussi OK. Ils m’aiment. Ils m’aident.

90De la vie : Elle est bonne. C’est amusant de lire.

Notes et références

  • [*]
    Traduit et reproduit avec l’autorisation de l’auteur et de l’I.T.A.A. Paru dans le T.A.J., 34, 3, 2004, pp. 209-215 : « Dealing with fear of failure: working with script concepts in the classroom ». © I.T.A.A. (tous doits réservés).
  • [1]
    ERSKINE, G.R., La honte et l’attitude’sans reproche’ : perspectives transactionnelles et interventions cliniques, A.A.T., 76, 1995, pp. 163-182.
  • [2]
    traduit de l’allemand vers l’anglais par Miriam Toth
  • [3]
    ERSKINE, G.R., et ZALCMAN, M.J., Le circuit du sentiment parasite : un modèle d’analyse, A.A.T., 12, 1979, pp. 148-156. C.A.T., 1, pp. 185-193.
  • [4]
    ERSKINE, G.R., art. cité (n. 1).
  • [5]
    ERSKINE,G.R., et ZALCMAN, M.J., art. cité (n.3).
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    Ibid.
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