Les recherches en sciences sociales s’intéressent de longue date aux processus qui confèrent plus ou moins de reconnaissance sociale aux pratiques culturelles et aux œuvres qui en sont les supports, comme ce fut le cas pour la bande dessinée ou le jazz. En son sens académique le plus répandu, la théorie de la légitimité culturelle est, chez Pierre Bourdieu, une théorie de la valeur : quels mécanismes et quels acteurs accordent de la valeur aux biens symboliques ? Quels sont ceux qui les en privent ? Deux types de légitimation sont à distinguer : d’un côté, une légitimation culturelle, que les œuvres acquièrent au sein de l’espace social par un jeu d’homologie avec les goûts des publics dominants ; de l’autre, une légitimation artistique, interne au champ de production, au sein duquel les œuvres, les artistes et les genres se positionnent hiérarchiquement, dans un monde professionnel restreint. La plupart des travaux sur ce thème en sociologie de la culture se sont attachés à comprendre les processus de légitimation, soit le passage d’une relative dévalorisation sociale de biens symboliques émergents vers l’acquisition d’une valeur sociale croissante, sous l’effet de l’investissement de groupes sociaux privilégiés et de l’accès au statut de pratique culturelle établie. Néanmoins, dans le cas des musiques hip-hop, le schéma d’une évolution linéaire d’une illégitimité culturelle initiale vers une légitimité culturelle univoque est particulièrement déstabilisé.
Deux autres processus, qui permettent aux genres artistiques de perdurer, constituent des étapes de la légitimation culturelle : l’institutionnalisation et la patrimonialisation…